Tube digestif supérieur , quelle stratégie adopter

FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
SOMMAIRE
Modérateurs
C. MARIETTE (Lille)
C. BRIGAND (Strasbourg)
Quelle stratégie adopter devant :
une tumeur sous-muqueuse de l'œsophage ?
N. BRIEZ (Lille)
un ulcère duodénal hémorragique récidivant malgré un traitement
médical bien conduit ?
O. BREHANT (Amiens)
une hernie diaphragmatique asymptomatique ?
N. CARRERE (Toulouse)
FCC 9 - Tube digestif supérieur : quelle stratégie adopter ?
QUELLE STRATEGIE ADOPTER DEVANT UNE TUMEUR SOUS-MUQUEUSE DE
L’OESOPHAGE?
N. BRIEZ
Service de chirurgie digestive et générale,
Pr TRIBOULET, CHRU Lille
Généralités
Les tumeurs sous-muqueuses de l’œsophage sont des tumeurs rares, représentant moins de 1% de l’ensemble
de la pathologie tumorale œsophagienne. On regroupe sous ce terme différents types histologiques
correspondant à des tumeurs bénignes, malignes ou à potentiel malin, toutes développées aux dépens des
couches sous-muqueuses de l’œsophage (muscularis mucosae, sous-muqueuse conjonctivoélastique,
musculeuse ou adventice).
Les tumeurs non épithéliales bénignes sont donc représentées au premier plan par les léiomyomes, mais
également plus rarement les tumeurs à cellules granuleuses d’Abrikossoff, polypes fibro-vasculaires,
schwannomes, neurofibromes, rhabdomyomes, hémangiomes, lymphangiomes, tumeurs glomiques, lipomes,
chondromes. L’histoire naturelle de ces tumeurs bénignes est connue et leur prise en charge est relativement
consensuelle (1).
Les GIST œsophagiennes, rares, sont considérées comme des tumeurs bénignes à potentiel malin, appartenant
à la famille des sarcomes. La rareté de ces tumeurs, les difficultés diagnostiques pré-opératoires et les données
contradictoires disponibles dans la littérature concernant leur potentiel évolutif, rendent difficile l’élaboration
de guidelines précises, faisant toute la difficulté de leur prise en charge.
Enfin, les tumeurs non épithéliales malignes sont une pathologie extrêmement rare, représentées
principalement par le léiomyosarcome, dont la fréquence est estimée entre 0,1 et 0,5% de toutes les tumeurs
malignes de l’œsophage (2-4).
Les tumeurs sous-muqueuses de l’œsophage, comparativement aux tumeurs malignes muqueuses, sont
asymptomatiques dans 80% des cas (5,6), découvertes sur des examens paracliniques réalisés pour d’autres
motifs (7). Avec l’évolution, l’obstruction de la lumière œsophagienne peut être à l’origine d’une dysphagie,
notamment lorsque le diamètre tumoral dépasse 5cm (8).
Problématique
L’enjeu pour ces tumeurs est de ne pas méconnaitre une tumeur maligne ou à potentiel malin, dont l’évolution
pourrait compromettre tout traitement curatif, et de proposer le traitement le plus adapté au type
histologique de la tumeur.
Les questions principales concernent la légitimité de la biopsie pré-opératoire mais également les modalités de
prise en charge chirurgicale des GIST de l’œsophage.
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Quels examens paracliniques ?
Le plus souvent, les examens paracliniques permettent d’orienter de façon fiable le diagnostic.
Le TOGD permet de confirmer l’existence d’une lésion exoluminale, à l’origine d’une compression extrinsèque,
et de la localiser précisément (9).
La tomodensitométrie thoraco-abdominale, au mieux sensibilisée par l’ingestion de produit de contraste,
apprécie l’épaisseur de la paroi œsophagienne et confirme le diagnostic de tumeur sous-muqueuse en
montrant une tumeur bien limitée, régulière refoulant la lumière. Elle permet également l’analyse des signes
suspects de malignité comme l’infiltration tumorale pariétale et le statut ganglionnaire médiastinal (9,10).
L’endoscopie n’apporte que peu de renseignements en l’absence de lésion muqueuse. Elle permet de localiser,
lorsque la compression d’allure extrinsèque est visualisée, la tumeur, en indiquant sa distance par rapport aux
arcades dentaires.
L’écho-endoscopie permet d’identifier avec précision la topographie intrapariétale par rapport aux différentes
tuniques de l’œsophage, de préciser son caractère solide ou kystique. Ainsi, le léiomyome apparait
hypoéchogène à partir de la muscularis mucosae ou de la musculeuse (10,11). Elle représente le meilleur
examen pour le diagnostic de bénignité de la sion, affirmant la régularité des contours, son homogénéité,
l’absence d’envahissement des tissus de voisinage ou d’adénopathies médiastinales (12).
La biopsie per-endoscopie ou per-échoendoscopie n’a d’intérêt que si elle entraine une modification de la prise
en charge thérapeutique. En cas de tumeur symptomatique, ou présentant des critères de malignité, une prise
en charge chirurgicale s’impose, rendant le diagnostic histologique pré-opératoire inutile, sinon délétère. En
effet, la biopsie pré-opératoire est à l’origine d’une effraction muqueuse iatrogène à l’origine de complications
post-opératoires, et peut gêner la réalisation d’une énucléation en fusionnant les plans, à l’origine de
perforations muqueuses per-opératoires. De plus, étant donné l’épaisseur de la muqueuse, le rendement des
biopsies des tumeurs sous-muqueuses est faible (13). En pratique, les examens paracliniques permettent
souvent une analyse précise de la nature tumorale. En cas de doute diagnostic, la biopsie pourrait avoir un rôle,
notamment pour différencier léiomyome et GIST. Cependant, et comme nous le détaillons plus tard, il n’existe,
à l’heure actuelle, pas d’arguments formels pour penser que la prise en charge de ces 2 tumeurs doive être
différente, et donc que la biopsie pourrait modifier la conduite à tenir. Ainsi, pour le diagnostic de GIST, la
question reste en suspens, certains adaptant l’étendue du geste chirurgical en fonction de l’index mitotique, de
manière empirique (14). Pour autant, les recommandations du NCCN sont de ne pas réaliser de biopsies pour
les GIST résécables (15).
Quelle prise en charge thérapeutique ?
Le caractère symptomatique peut justifier à lui seul une exérèse, qu’elle soit endoscopique ou chirurgicale.
Selon la nature tumorale, la prise en charge peut varier, prenant en compte le risque de dégénérescence et
l’évolutivité.
Le doute diagnostic justifie également une exérèse, afin de ne pas laisser évoluer une tumeur maligne ou à
potentiel malin telles que les GIST de l’œsophage, pathologie que nous détaillerons.
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La prise en charge des tumeurs bénignes est relativement consensuelle puisque l’histoire naturelle de ces
tumeurs est bien connue :
- Pour le léiomyome, en cas de tumeur de moins de 5 cm de diamètre, unique, asymptomatique, une
surveillance par imagerie peut être proposée en raison de sa lenteur évolutive et du risque
exceptionnel et controversé de transformation maligne, un cas ayant été décrit dans la littérature (16).
Une exérèse chirurgicale s‘impose si la tumeur dépasse 5 cm, devient symptomatique, possède des
caractéristiques paracliniques faisant craindre une transformation maligne, ou en cas de doute
diagnostique. L’énucléation extramuqueuse de la tumeur, par thoracotomie ou au mieux
thoracoscopie, est suffisante dans la majorité des cas, avec une morbidité faible (17-19). Une
oesophagectomie avec gastroplastie peut s’imposer en cas de tumeur géante.
- Pour la tumeur à cellules granuleuses d’Abrikossoff, les critères diagnostiques endoscopiques et
échoendoscopiques typiques ne laissent que peu de place au doute. Etant donné le caractère
exceptionnel de leur transformation maligne (20) avec 3 cas décrits, et leur caractère peu évolutif, il
est admis que les tumeurs de moins de 2 cm peuvent être surveillées. Pour les tumeurs
symptomatiques ou en cas de doute diagnostique, une énucléation chirurgicale conservatrice est la
règle (21-23).
- Pour les polypes fibrovasculaires, réalisant des tumeurs d’aspects macroscopique et histologique
variables, dont la forme la plus caractéristique est la tumeur pédiculée, longue, veloppée sous la
bouche de l’œsophage et descendant dans la lumière œsophagienne, l’exérèse est conseillée en
raison du risque d’extériorisation avec asphyxie, par voie endoscopique en cas de pédicule fin, ou
chirurgicalement par abord de l’œsophage par cervicotomie gauche en cas de pédicule important
(24,25).
- Pour les mangiomes, dont le diagnostic repose avant tout sur le scanner avec injection, l’exérèse
endoscopique est le traitement de choix pour les petites tumeurs, exposant cependant à un risque
hémorragique du fait du caractère hypervasculaire de cette lésion.
- Pour les lipomes, souvent confirmés par l’aspect scannographique typique d’une tumeur de densité
graisseuse, l’abstention est la règle sauf en cas de tumeur symptomatique, situation rare (26).
- Les tumeurs nerveuses comme le schwannome ou le neurofibrome peuvent naitre de différentes
couches de la paroi œsophagienne. La résection n’est indiquée qu’en cas de tumeur symptomatique,
le diagnostic différentiel avec le léiomyome étant difficile en l’absence de l’analyse histologique sur
pièce de résection.
Pour les tumeurs malignes telles que les léiomyosarcomes, il est recomman de réaliser une
oesophagectomie avec résection complète R0, obéissant aux règles de la chirurgie des sarcomes malins (27).
Cependant, le diagnostic pré-opératoire n’est pas toujours possible en l’absence de signes de malignité
scannographiques ou échoendoscopiques, faisant passer cette tumeur pour un léiomyome ou une GIST. Etant
donné le mauvais pronostic de ces tumeurs, une résection complémentaire doit être proposée en cas de
découverte histologique après énucléation d’une lésion supposée bénigne.
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La prise en charge des GIST de l’œsophage est plus problématique. Les GIST, tumeurs stromales gastro-
intestinales sont les tumeurs mésenchymateuses les plus fréquentes, associant des critères histologiques
précis, ainsi que des critères immunohistochimiques (expression des protéines KIT ou CD117 et/ou DOG-1),
permettant de les différencier des autres tumeurs mésenchymateuses telles que le léiomyome ou le
schwannome (28,29), expliquant le caractère relativement récent de leur diagnostic (30). La recherche
mutationnelle des gènes de KIT (CD117) et PDGFRA peut permettre de confirmer le diagnostic de GIST en cas
d’analyse immunohistochimique négative. Le potentiel de malignité des GIST, défini par le risque de récidive,
dépend de la taille tumorale, de l’index mitotique, de la localisation tumorale primitive, de la rupture tumorale
et de l’existence de marges de résection envahies (29).
Les GIST de l’œsophage sont rares, représentant 0,7% de l’ensemble des GIST dans le registre français PROGIST
au cours de l’année 2005, avec 4 cas recensés (31). Les séries publiées dans la littérature restent anecdotiques,
avec 8 publications de cas entre 2002 et 2006 (32-39), et 3 séries de 4 à 8 patients (14,40,41), dont la plus
importante a colligé les observations sur une période de 30 ans (41). La rareté de cette pathologie ainsi que les
données contradictoires publiées ne permettent pas d’assigner à la localisation œsophagienne d’une GIST un
pronostic péjoratif avec un niveau de preuve suffisant. Cette localisation spécifique est ainsi absente de la
classification de Mittienen (30) et des recommandations de l’ESMO et du NCCN (National Comprehensive
Cancer Network) (15,29), même si le pronostic lié à la localisation œsophagienne est considéré par certains
comme plus sévère (42, 43). De me, si la section passant en zone saine sans curage ganglionnaire est
recommandée de manière générale (15,29), le débat entre énucléation et œsophagectomie pour la localisation
œsophagienne reste ouvert étant donné l’absence de données fiables dans la littérature et la morbi-mortalité
bien supérieure des œsophagectomies (44).
L’analyse des publications de cas entre 2002 et 2006 (32-39) retrouve, pour les 8 patients, des tumeurs dont la
taille était inférieure à 10 cm et dont l’index mitotique était faible. Quelque soit le traitement proposé, à savoir
œsophagectomie ou énucléation, aucune récidive n’était notée après un suivi allant de 2 à 5 ans.
Des sultats contradictoires ont été rapportés par Blum et al (40) dans leur série de 4 GIST œsophagiennes
prises en charge entre 2000 et 2003. Toutes ont été biopsiées en pré-opératoire, à l’origine de difficultés
notables lors de l’énucléation, en raison de zones d’adhérences avec la muqueuse, cette dernière ayant du être
réséquée dans la moitié des cas. La résection était complète pour chaque patient, et la moitié des patients a
présenté une récidive de la maladie dans les 3 ans, un traité par énucléation, l’autre par œsophagectomie. Les
auteurs concluaient en l’utilité des biopsies pré-opératoires pour les tumeurs de plus de 2 cm, et la nécessité
d’une œsophagectomie, l’énucléation exposant à un risque de résection R2 ou de rupture tumorale trop
important. Cependant, les données publiées ne permettent pas de confirmer ces conclusions de manière
objective.
Dans la série de Lee (14), 7 GIST œsophagiennes ont été prises en charge entre 2001 et 2003, avec 5
énucléations et 2 œsophagectomies. Toutes les résections étaient estimées complètes. Avec une suivi médian
de 4,4 ans, 2 patients ont présenté une récidive, correspondant aux 2 patients traités par œsophagectomie,
pour des tumeurs de plus de 10 cm et dont l’index mitotique après analyse histologique était plus élevé que
dans le groupe énucléation. La conclusion des auteurs, malgré le faible niveau de preuves, est de réaliser (i) une
1 / 24 100%

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