ART ORIENTÉ OBJET Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin MICROBIOTA du 10 juin au 25 septembre 2016 Musée des Beaux-Arts de Dole 85 rue des Arènes - 39100 Dole 03 84 79 25 85 www.sortiradole.fr et www.musees-franchecomte.com www.facebook.com/museedole contact presse : [email protected] Maison natale de Pasteur 43 Rue Pasteur - 39100 Dole 03 84 72 20 61 www.terredelouispasteur.fr Commissariat de l’exposition Amélie Lavin Directrice du musée des Beaux-Arts de Dole Depuis 1991, les artistes Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin collaborent sous le nom d'Art Orienté Objet, explorant avec patience, détermination, courage et humour rien moins que le vivant dans sa totalité. Brouillant les frontières entre les règnes animaux, végétaux et humains, ils cherchent et expérimentent, aux croisements de la biologie, de l’anthropologie, de la psychologie ou de l'éthologie, depuis un territoire qui est celui de l'art, qui leur permet de tout oser, de tout déplacer, de tout rapprocher pour faire surgir des formes et des vérités, parfois dérangeantes, peut-être même terrifiantes. Cela fait quelque temps qu'ils se passionnent pour le microbiote, ces milliards de bactéries qui peuplent notre corps, notre peau, nos intestins. Ces « étrangers microscopiques » que nous hébergeons, qui nous font vivre, ou nous parasitent, que nous détruisons à grands coups d'antibiotiques, ou dont nous modifions complètement l’éventail en nous déplaçant d'un bout à l'autre de la planète. Invités à Dole, ville natale de Louis Pasteur, pour exposer au musée des Beaux-Arts et au musée Pasteur, Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin ont pensé au jeune chimiste qu’il fut, seul et déterminé face à une médecine enfermée dans ses présupposés et incapable de fonder ses principes thérapeutiques dans des rapports de causalité. Partant de leur propre confrontation au monde scientifique, ils ont imaginé une exposition quasi thérapeutique, qui, à partir du constat de ce que nous faisons au monde, au vivant, à nous-mêmes, rêve ou cauchemarde ce qui pourrait advenir, ce qui arrive déjà, et tente d'inventer des processus de réparation. Ce faisant, ils proposent un parcours qui boucle leurs obsessions « microbiotiques » actuelles et leurs travaux plus anciens avec une logique évidente : replacer l'homme dans le grand bouillon des espèces, du microscopique de la bactérie jusqu'à l'infiniment grand qui nous dépasse, vers des ailleurs qui seraient à la fois l'impensé de l'univers, l'ouverture vers la mort, la vision d'autres mondes possibles. D'un invisible à l'autre donc. Il faut de l'humour évidemment, autant que de l'engagement pour penser à la fois l'origine du monde et sa fin programmée. De la bactérie primitive à la mutation des espèces animales, et à l'appel vers un au-delà, les artistes nous amènent à penser l'ensemble du vivant dans sa globalité, véritable invitation à nous resituer existentiellement. Le voyage remonte jusqu’aux cyanobactéries, bactéries primitives qui ont permis le développement des formes plus complexes de vie sur la terre, et qui représentent une sorte d'état premier du vivant pour la reconnaissance duquel le duo AOO est parti en croisade en tentant de faire classer le Lac Clifton (Australie) au patrimoine mondial de l’humanité. Polymorphe, à la fois recherche ethnographique, démarche militante et projet artistique, ce travail commencé il y a quelque temps sera montré à Dole sous une forme nouvelle, et semble se poursuivre naturellement aujourd'hui avec les travaux menés sur le microbiote. Ainsi, les Paysages microbiotiques inventés pour Dole par Art Orienté Objet, mêlent étrangeté et beauté pour rendre la complexité des découvertes sur le microbiote. La lumière noire qui fait réagir la fluorescence naturelle des pierres rares, des éponges ou des algues qu’ils utilisent pour mimer les formes microscopiques des bactéries transforme l'intérieur potentiel de nos intestins en objets précieux, et nous plonge dans la confusion entre fascination et inquiétude. La photographie scientifique nous a certes habitués aux bascules d'échelles et aux potentialités folles qu'ouvrait en termes d'images la capacité de voir et d'agrandir l'infiniment petit. Mais là encore il faut de l'humour pour jouer comme ils le font à mi-chemin entre le poétique et l'hyper terre-à-terre – car travailler sur le microbiote, rappellent-ils, c'est forcément faire « un projet de merde »... Ce faisant ils nous invitent à nous repenser comme des êtres uniques construits sur une multiplicité d’organismes. Jusqu'où ces hôtes et « autres » microscopiques que nous hébergeons peuvent-ils agir en nous, modifier notre équilibre physiologique et psychique, provoquer ou accélérer des processus de transformations génétiques irréversibles ? Autant de questions qu’abordait déjà une de leurs premières œuvres Injure à enfant, qu’ils recomposeront dans l’exposition, tant elle apparaît aujourd’hui comme prémonitoire de la conscience nouvelle du danger antibiotique. Du film Denskraum, relecture contemporaine du « Rituel du serpent », image du lien fondamental des indiens Hopis à leur environnement naturel, étudié par l'historien de l'art allemand Aby Warburg au Camelus Post-humanus – squelette délirant d'un animal mutant mi-chameau mi-kangourou dressé au milieu du tas de déchets industriels qui aurait pu le faire naître – les artistes, entre angoisse et éclat de rire, parviennent à reconstruire une chaîne de causalité globale et à éveiller notre conscience au désastre écologique – au sens étymologique de l'écologie, soit l'étude de l'ensemble des êtres vivants dans leur milieu et de leurs interactions – que nous préparons. Cet éveil passe pour les artistes par une ouverture et une recherche totalement transversales dans tous les domaines du savoir, en particulier ceux assujettis ou considérés comme minoritaires par la pensée occidentale, notamment les pratiques d'initiation et de culte des ancêtres. En effet, la Vision est essentielle à la pratique d'Art Orienté Objet, à la fois comme élément cognitif et comme déclencheur d'images et de processus créatifs. Quant aux rituels de guérison ils jouent un rôle fondamental dans leur démarche de réparation. C'est d'ailleurs sous l'influence du Pensador (le penseur), qu’ils produisirent pour la première exposition d’art contemporain en Angola après 27 ans de guerre civile, placé au centre de l'espace, que s'organise l'exposition Microbiota : cette blanche figure de cire, ce penseur, c'est celui qui communique avec les ancêtres, qui fait le lien entre tout et tous, une figure protectrice, apotropaïque, comme ces tambours brodés par les artistes qui nous aideront, peut-être, à résister à tous les mauvais sorts. Amélie Lavin, Marion Laval-Jeantet et Benoît Mangin