1 PHI3805 - Aristote : Éthique et Politique (Théorie) Plan de cours Renseignements sur le professeur Laetitia Monteils-Laeng, professeur-adjoint 2910 Édouard-Montpetit – Bureau 321 (514-343-6111 #33449) Courriel : [email protected] Disponibilité : sur rendez-vous Hiver 2017 Objectifs généraux du cours La question du bonheur (eudaimonia) servira de fil conducteur à notre réflexion sur l’Éthique à Nicomaque dont nous mettrons les grands textes en perspective avec des extraits d’autres ouvrages du corpus aristotélicien, notamment les Politiques (livres I, VII et VIII) qui apporteront un éclairage sur les conditions sociales et politiques de l’accès à la pleine réalisation de soi qu’est le bonheur pour Aristote. Véritable « enquête » sur le bonheur, l’Éthique à Nicomaque tente tour à tour d’en donner une définition (livre I) qui intègre à ses éléments constitutifs (la vertu) ses conditions de possibilité (les biens extérieurs dépendant de la tukhè), de déterminer le genre de vie à mener (s’investir dans la vie de la cité ou vivre en retrait) (livres I et X) ou encore ses conditions d’accès : la formation à la vertu morale (livre II) et intellectuelle (livre VI), la capacité à choisir délibérément ses actes (livre III). Description des thèmes abordés Séances Matière 1 Introduction – L’Éthique à Nicomaque (EN) est d’abord une enquête sur le bien proprement humain, i.e., le bonheur (eudaimonia) dont Aristote tente de clarifier le concept par-delà les opinions divergentes formulées à son sujet. Lors de la séance introductive, nous nous interrogerons sur la place de l’EN dans le corpus aristotélicien et nous en présenterons les grandes articulations. 2-3 Agir, produire, rechercher – Délimiter l’objet de l’enquête. Le naturalisme aristotélicien inscrit l’homme dans une règle commune et naturelle : tous les êtres vivants tendent vers leur accomplissement, compris comme un bien (EN I.1). La nature ne fait rien en vain (Phys. II. 8), y compris pour l’homme. Cette structure téléologique est d’emblée appliquée à toutes les activités 2 humaines – technique (tekhnè), investigation (methodos), action (praxis) et décision (prohairèsis). Elle constitue une première étape dans ce qui se révèle être progressivement une enquête sur le souverain bien. Pour comprendre la position architectonique du souverain bien (EN I. 1, 1094a), nous analyserons en particulier la différence qui sépare la production (poièsis) – dont la fin (l’œuvre/ergon) est toujours extérieure au mouvement (kinèsis) de production lui-même –, de l’action (praxis) dont la fin se réalise tout au long du processus (en perspective avec les chap. 5-6 du livre Θ de la Métaphysique qui distinguent plusieurs degrés dans l’actualisation/energeia). Au terme de ce chapitre, nous verrons dans quelle mesure le bien aristotélicien se distingue radicalement du Bien en soi platonicien (EN I. 4). Lectures : livre I de l’EN et EE (Éthique à Eudème) II. 1 ; livre VI de l’EN chap. 2, 1139b ; chap. 5-6 du livre Θ de la Métaphysique. 3-4 Le tragique de l’existence humaine – Peut-on être heureux dans un monde imprévisible ? Contrairement au Socrate du Protagoras qui pense une véritable science du bonheur avec sa métrétique (351b-362a), Aristote pense que la contingence de notre bonheur interdit d’avoir la maîtrise complète de nos actes. Cette idée trouve sa formulation la plus radicale chez les auteurs de tragédie qui refusent à l’homme la possibilité d’être heureux. Aristote dénonce toutefois le caractère paradoxal de cette théorie, à ce compte, on ne saurait être considéré heureux qu’une fois mort, selon le mot de Solon (EN I. 11). On verra toutefois qu’avec Aristote il ne suffit pas d’être vertueux pour être heureux. Pour répondre à la question de la possibilité du bonheur, il faut cependant au préalable s’interroger sur son essence, ce qui suppose, chez Aristote, d’isoler ce qui constitue le propre de l’homme (EN I. 6). Répondre à cette question exige un détour par la psychologie d’Aristote, pour comprendre notamment les rapports du désir à la raison (EN I. 13). Enfin, il s’agira de déterminer le genre de vie qu’il faut mener (active ou contemplative). Mais la vie philosophique, qui implique que l’on se retire des affaires humaines pour se consacrer aux formes, n’excède-t-elle cependant pas les capacités humaines ? Lectures : livre I et X de l’EN ; EE VIII. 2-3. 5-6 Devenir vertueux ou les vertus de l’habitude – La vertu est l’élément constitutif du bonheur, nous dit le livre I de l’EN. C’est donc tout naturellement que le livre II s’intéresse à la formation morale. Or la vertu morale s’acquiert, non pas par l’apprentissage (là encore, Aristote prend le contrepied de l’intellectualisme moral défendu, au moins dans un premier temps, par Platon), mais par l’habitude (ethos) (EN II. 1). C’est donc par la répétition d’actes identiques qu’on finit par contracter une disposition (hexis) à agir similaire. Les vertus morales ont en effet leur siège dans l’âme désirante (compris comme caractère èthos) et non dans la raison (EN I. 13). Devenir vertueux ‘par habitude’ ne revient-il cependant pas à substituer le réflexe à la réflexion en matière de vertu ? L’habitude qui opère comme une forme de contrainte, voire même de violence, peut-elle s’élever au-dessus du conditionnement qui est d’ailleurs le mode de formation morale assumée par Platon aux livres II et III de la République ? La formation morale n’est cependant pas purement irrationnelle, et nous verrons que chez Aristote c’est sur la base de l’habitude que se développe la rationalité pratique vertueuse. En effet, la vertu morale ne 3 saurait être opérationnelle – et donc conduire au bonheur – sans l’appui de la prudence (phronèsis) qui est une vertu de la raison (EN VI. 13). Lectures : EN I. 13 ; EN II. 1-6 ; EE II. 2-5 ; EN livre VI. 7-8 Penser la liberté sans la volonté – La philosophie ancienne ignore notre concept moderne de volonté comprise comme faculté psychique capable d’arbitrer entre nos motivations irrationnelles et notre raison. Les Grecs n’en ont pas moins pensé la liberté, la responsabilité, la possibilité de choisir ses actions. Chez Aristote, agir de façon responsable revient à agir délibérément, ce qui suppose une certaine configuration du désir. En effet, il faut être capable de contrôler ses désirs et d’en différer la réalisation pour pouvoir ensuite procéder à une délibération (bouleusis) sur les moyens les plus à même de réaliser une fin (tèlos), elle-même objet d’un désir particulier, la boulèsis (souhait ou désir rationnel). Chez Aristote, la rationalité pratique coïncidera avec le choix rationnel (prohairèsis) qui synthétise toutes ses opérations (« désir raisonnant » ou « intellect désirant » EN VI. 2. 1139b4-5) et qui constitue le propre de l’homme. Seul celui qui est pleinement capable de choisir ses actes peut accéder au bonheur. Chez Aristote, les rapports entre désir et raison diffèrent en effet du schéma platonicien pour qui les « parties de l’âme » fonctionnent comme des sources de motivation (Rép. IV), puisque la raison est à proprement parler inerte (De Anima III, 10, 433a23-24). Aristote est en cela « l’inventeur » du désir puisqu’il est le premier à l’identifier comme une opération de l’âme à part entière. Lectures : EN livre III, chap. 1-6 ; EE II. 6-10 ; DA, III, 9-11. 9-10 Penser le mal, penser le vice – Si l’habitude produit la vertu, elle n’est pas intrinsèquement vertueuse, elle mène tout aussi bien au vice (kakos) ou à sa déclinaison plus courante, l’incontinence (akrasia). Or l’akratès comme le vicieux ne sauraient être heureux. Le premier regrette d’avoir laissé libre court à ses désirs, quant au second, si Aristote semble promouvoir au livre VII de l’EN une version « décomplexé » du vicieux, celui-ci finit néanmoins par être en conflit avec ses choix et sombrer dans une forme de « haine de soi » (EN IX. 4). Nous étudierons les mécanismes du vice et de l’akrasia, en insistant sur la complexion psychique de ses travers moraux. Lectures : EN III, 7 ; EN VII, 1-12 ; EN IX, 4. 10-13 Le bonheur dans la cité – Quels rapports entretiennent l’éthique et la politique pour Aristote? Pour Aristote, on ne saurait développer son humanité en dehors de la cité (Pol. I. 2) : la polis ne se contente pas de subvenir aux besoins de ses citoyens, elle est aussi et surtout le seul cadre dans lequel ils peuvent trouver le bonheur. Nous nous concentrerons sur l’éducation que les Politiques proposent, la paideia étant en effet la partie centrale de la cité, et nous accorderons une attention particulière au livre VIII en insistant sur le rôle de la catharsis par la musique (Pol. VIII, 7) que nous comparerons avec la catharsis par la tragédie décrite dans la Poétique (ch. 6). Lectures : Pol. I, 2 ; Pol. Livre VIII ; Poé. 6-19. Évaluations 4 - Un examen écrit (le 25 avril 2017) qui portera sur la matière vue au cours (30%). Aucune documentation ne sera permise lors de l'examen. - Une présentation en classe d’une durée de 20 mn (à effectuer au plus tard le 28 mars 2017) d’un extrait de l’Éthique à Nicomaque, des Politiques ou de la Poétique d’Aristote (15%), servant d’introduction au Travail. Le texte servant de support à la présentation (puis au Travail) devra être délimité en accord avec le professeur. - Un Travail écrit (55%) de 12 pages (sanction de 5% par page en moins ou en plus) sur l’extrait présenté au préalable en classe à remettre le 4 avril 2017 au secrétariat du département de philosophie (2910, Édouard-Montpetit, 4e étage). Le Travail devra être accompagné d’une bibliographie et vous devrez utiliser au moins deux références (article ou ouvrage) issus de la littérature secondaire. Exigences typographiques : double interligne, Times 12 ou équivalent, marges normales, texte justifié. 10 % de la note seront réservés à la qualité du français. 5% de pénalité sont appliqués par jour de retard (jours ouvrables). Pour toute demande de délai pour la remise d’un travail, passez par la démarche officielle (renseignement auprès d’I. Pinçon au département de philosophie). Lectures obligatoires Pour l’Éthique à Nicomaque, nous utiliserons en cours la traduction de J. Tricot aux éditions Vrin (Paris), 1990 (ouvrage à se procurer). Les extraits des autres ouvrages (notamment EE et Pol.) seront disponibles sur Studium. Les textes à lire obligatoirement pour le cours sont mentionnés au bas de la description des thèmes abordés lors de chaque séance. Une bibliographie sera disponible sur Studium. Plagiat Le règlement sur le plagiat est appliqué. Le règlement peut être consulté à l'adresse suivante : http://www.secgen.umontreal.ca/pdf/reglem/francais/sec_30/ens30_3.pdf. Pour éviter tout plagiat accidentel, veuillez consulter : http://www.bib.montreal.ca/sa/cap41.htm Autre lien pertinent sur le plagiat : http://www.fas.umontreal.ca/plagiat/