CURRICULUM Forum Med Suisse 2006;6:1092–1096 1092
Traitement de la respiration de
Cheyne-Stokes dans l’insuffisance cardiaque
Thomas Brack
Klinik für Innere Medizin, Kantonsspital, Glarus
Vous trouverez les questions à choix multiple concernant cet article à la page 1087 ou sur internet sous www.smf-cme.ch.
Introduction
Depuis que John Cheyne d’abord en 1818 et
ensuite William Stokes en 1834 ont décrit un
type de respiration périodique caractérisé par
des hyperpnées alternant avec des hypo- et ap-
nées chez des patients au stade terminal, cette
respiration portant maintenant le nom de ceux
qui l’ont décrite est souvent considérée en prati-
que clinique comme un symptôme grave, annon-
ciateur de mort. Bien que beaucoup de choses
aient été faites en recherche depuis lors sur la
physiopathologie et la signification de la respira-
tion de Cheyne-Stokes, nous ne savons toujours
pas si cette respiration périodique n’est qu’un
symptôme de la maladie qui en est la cause, ou
un facteur l’aggravant. La respiration de Cheyne-
Stokes peut survenir sans étiologie connue, ou
alors dans le cadre d’une insuffisance cardiaque,
d’un accident vasculaire cérébral ou d’une grave
insuffisance rénale. Nous ne traiterons par la
suite que de la respiration périodique en rela-
tion avec l’insuffisance cardiaque car nous dis-
posons, dans ce domaine surtout, de nouveaux
moyens thérapeutiques.
Epidémiologie et importance
Env. 0,5% des jeunes gens et 16% des plus de
75 ans souffrent d’une insuffisance cardiaque
chronique qui est responsable d’env. 20% des
hospitalisations des personnes âgées. La morta-
lité de l’insuffisance cardiaque grave est d’env.
45% par an, elle est donc plus élevée que celle de
la plupart des pathologies cancéreuses. 40–60%
des patients ayant une fraction d’éjection ventri-
culaire gauche inférieure à 35% ont une respira-
tion périodique pendant leur sommeil. Si une
respiration de Cheyne-Stokes survient pendant
la nuit, il s’agit d’une apnée centrale du sommeil
dans le contexte des troubles respiratoires du
sommeil. La respiration de Cheyne-Stokes se
diagnostique par analyse du sommeil (par ex.
polygraphie respiratoire) (fig. 1A et B x). S’il y
a plus de 15 cycles respiratoires périodiques par
heure, soit un index apnée-hypopnée >15/h, le
diagnostic de respiration de Cheyne-Stokes est
posé. Cette respiration périodique ne se produit
pas seulement pendant le sommeil, mais aussi à
l’état de veille; nous avons récemment découvert
que des patients en insuffisance cardiaque grave
avaient une respiration périodique pendant 10%
env. de la journée [1]. Lors de l’enregistrement
de la respiration sur 24 heures chez 60 patients
en insuffisance cardiaque, il y a eu une fréquence
accrue de respiration périodique à 16h, à 2h et
à 6h. Pendant les deux ans d’observation de ces
patients, il y a eu une association de cette respi-
ration périodique diurne avec une mortalité
accrue, alors que la fréquence de la respiration
de Cheyne-Stokes pendant la nuit n’a eu aucune
signification pronostique. La respiration périodi-
que a toujours été associée par le passé à une
mortalité accrue des patients en insuffisance
cardiaque, et une étude a trouvé une mortalité
Quintessence
La respiration de Cheyne-Stokes est très fréquente chez les patients en insuffi-
sance cardiaque grave, pendant la nuit surtout, mais aussi pendant la journée.
La respiration périodique aggrave l’insuffisance cardiaque au travers d’une
hyperstimulation sympathicotonique, de troubles du sommeil et du manque
d’oxygène. Elle ampute la qualité de vie et augmente probablement aussi la mor-
talité cardiaque. La respiration de Cheyne-Stokes doit donc être recherchée
activement, par analyse du sommeil, chez les patients ayant une fraction
d’éjection ventriculaire gauche de <40%. Si la respiration de Cheyne-Stokes per-
siste malgré un traitement médicamenteux optimal de l’insuffisance cardiaque,
la ventilation non invasive à pression variable et, pour un groupe particulier de
patients présentant des troubles de la conduction intraventriculaire, l’implan-
tation d’un pacemaker biventriculaire pour une resynchronisation cardiaque
sont actuellement les options thérapeutiques les plus prometteuses.
Summary
Management of Cheyne-Stokes respiration
in heart failure
In patients with severe heart failure Cheyne-Stokes respiration occurs very
often at night, but also during daytime. Due to constant sympathicotonic over-
stimulation, sleep disorders and hypoxia, Cheyne-Stokes respiration aggra-
vates heart failure, quality of life and probably also cardiac mortality.
In patients with a left ventricular ejection fraction <40% Cheyne-Stokes respi-
ration should therefore be actively sought by means of a sleep study. If Cheyne-
Stokes respiration persists despite optimal drug therapy for heart failure,
the most hopeful among current treatment resources are non-invasive venti-
lation with variable pressure support and, for a special patient group with
intraventricular conductive disturbances, implantation of a biventricular pace-
maker for cardiac resynchronisation.
tions physiologiques, par ex. la tension artérielle,
la fréquence cardiaque, le diamètre des pupilles
et la perfusion sanguine cérébrale commencent
elles aussi à osciller.
L’alternance entre apnée et hyperpnée s’accom-
pagne également d’une réaction d’éveil enregis-
trable à l’électro-encéphalographie mais généra-
lement inconsciente, ce qui fait que l’architecture
normale du sommeil est perturbée, avec pour ré-
sultat la fatigue diurne. Malgré cette architecture
du sommeil perturbée, les patients ayant une
respiration de Cheyne-Stokes souffrent moins
de fatigue diurne que ceux ayant un syndrome
des apnées obstructives du sommeil. Toutefois,
les patients ayant une respiration périodique
sont fortement limités dans leurs activités par
leur insuffisance cardiaque grave, et ils ressen-
tent peut-être leur fatigue comme moins gê-
nante. Il a récemment été démontré que les pa-
tients ayant une respiration de Cheyne-Stokes
restent une heure de plus au lit, et qu’au test de
veille (OSLER) ils s’endorment après 17 minutes
déjà, contre 40 minutes pour les insuffisants
cardiaques sans trouble respiratoire. Il n’y a ce-
pendant eu aucune différence entre ces groupes
quant à la fatigue diurne subjectivement ressen-
tie (Epworth Sleepiness Score) [4].
Suite à l’hyperstimulation permanente du sym-
pathique, les concentrations de noradrénaline
sont plus élevées dans l’urine matinale des
patients ayant une respiration de Cheyne-Stokes,
ce qui fait penser que le stress nocturne et le
manque d’oxygène suite aux pauses respiratoi-
res lèsent encore le cœur déjà affaibli. Une nou-
velle diminution de la fonction de pompe et
des arythmies peuvent résulter de la respiration
périodique.
Des études récentes confirment le rôle clé du CO2
dans le déclenchement de la respiration périodi-
que qui semble déterminée surtout par la diffé-
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à deux ans de 86 contre 56% pour les patients
n’ayant pas de respiration de Cheyne-Stokes. Un
autre travail a trouvé que la fréquence de la res-
piration périodique combinée avec la surface de
l’oreillette gauche à l’échographie était un pré-
dicteur indépendant de mortalité. La relation
entre respiration de Cheyne-Stokes et une mor-
talité multipliée par deux ou trois a fait conclure
que le traitement de la respiration périodique
améliorerait l’insuffisance cardiaque et réduirait
sa mortalité, bien que d’autres études aient mis
en doute l’existence d’une relation entre respira-
tion périodique et mortalité accrue [2].
Physiopathologie
L’augmentation de la pression veineuse pul-
monaire secondaire à l’insuffisance cardiaque
gauche avec stase pulmonaire, est considérée
comme étant à l’origine de la respiration pério-
dique dans l’insuffisance cardiaque (fig. 2 x) [3].
La stase pulmonaire provoque une stimulation
des récepteurs tensionnels dans le tissu pulmo-
naire. A leur tour, ces récepteurs stimulent les
chimiorécepteurs au dioxyde de carbone (CO2),
ce qui fait que les patients commencent à hyper-
ventiler. La paCO2chute en dessous du seuil
d’apnée, pendant le sommeil surtout, lorsque les
stimulations corticales ne contrôlent plus la res-
piration, et il se produit un arrêt respiratoire cen-
tral. Pendant la pause respiratoire, la paCO2
remonte et lorsque le seuil d’apnée est dépassé,
une hyperpnée s’installe en réponse à la plus
grande chimiosensibilité; la paCO2retombe en
dessous du seuil d’apnée, ce qui entretient la res-
piration périodique avec alternance constante
entre apnée et hyperpnée. Ces hauts et bas per-
manents de la respiration s’accompagnent d’une
stimulation du sympathique. Plusieurs rétroac-
VT
RC
AB
BR
VI
CT
HR
ACC
SpO2
VT
RC
AB
BR
VI
CT
HR
ACC
SpO2
Figures 1A et B
Enregistrement de 30 et 5 min chez un patient ayant une insuffisance cardiaque et une respiration de Cheyne-
Stokes. Il s’agit de fragments d’un enregistrement ambulatoire sur 24 heures par un petit moniteur portable
(LifeShirt®, Viviometrics, Etats-Unis). Le volume inspiratoire (VT), les mouvements du thorax (RC) et de l’abdomen
(AB) ont été enregistrés par un pléthysmographe à induction. La fréquence respiratoire (f) oscille entre 0 et
45/min. Le débit respiratoire (VI) est extrapolé à partir de VT et f. La durée du cycle (CT) est celle d’un cycle
Cheyne-Stokes, et chez ce patient, elle est d’env. 60 sec. La fréquence cardiaque (HR) est irrégulière car ce patient
est en fibrillation auriculaire. L’accéléromètre (ACC) ne montre aucune variation car ce patient est au repos.
Le pulsoxymètre digital montre les variations typiques de la saturation d’oxygène (SpO2) dans la respiration de
Cheyne-Stokes, chez ce patient entre 84 et 97%.
AB
être strictement classés dans les syndromes des
apnées obstructives ou centrales, et que les tran-
sitions sont en parties floues, ce qui fait que sou-
vent la première inspiration de l’hyperpnée dans
la respiration de Cheyne-Stokes a une compo-
sante obstructive, et que les apnées obstructives
en début de nuit surtout peuvent se transformer
vers le matin en phénomènes centraux [5].
Traitement
Du fait que la respiration de Cheyne-Stokes
contribue à entretenir le cercle vicieux de la pro-
gression de l’insuffisance cardiaque par hyper-
stimulation sympathique et hypoxie intermit-
tente, il existe depuis 1970 plusieurs options
thérapeutiques visant à transformer la respira-
tion de périodique en régulière. Le but premier
du traitement n’est pas le contrôle de la respira-
tion en lui-même, mais celui du cœur insuffisant,
cause de la respiration périodique. Le traitement
médicamenteux de l’insuffisance cardiaque, et
surtout la diminution de la postcharge par
inhibiteurs de l’ECA en vue de corriger la stase
pulmonaire, de même que l’administration pru-
dente de bêtabloquants pour corriger l’hyper-
stimulation sympathique, sont recommandées
pour le traitement de l’insuffisance cardiaque ac-
compagnée d’une respiration périodique [6–9].
Stimulants respiratoires
La théophylline augmente le stimulus respira-
toire, améliore la contractilité du myocarde et
diminue la respiration périodique, mais pro-
voque des arythmies, double la concentration
sérique de rénine et peut provoquer des morts
subites. La théophylline a, il est vrai, amélioré la
respiration périodique dans une étude randomi-
sée sur cinq jours et chez quinze patients seule-
ment, mais pas la fonction de pompe du cœur.
Pour toutes ces raisons, elle n’est donc plus re-
commandée pour le traitement de la respiration
périodique.
L’inhibiteur de l’anhydrase carbonique acéta-
zolamide augmente le stimulus respiratoire par
acidose métabolique et corrige la respiration
périodique en augmentant la différence entre la
paCO2et le seuil d’apnée. L’acétazolamide a ré-
duit de 38% les cycles respiratoires et amélioré
la fatigue diurne subjective, dans une petite
étude randomisée ayant porté sur douze pa-
tients, mais comme il n’y a aucune étude à long
terme, ce médicament ne peut pas (encore) être
recommandé [10].
Inhalation d’oxygène et de CO2
En inhibant les récepteurs périphériques de
l’oxygène, l’inhalation d’oxygène diminue le sti-
mulus respiratoire dépendant de l’oxygène et
corrige ainsi la respiration périodique. L’inhala-
tion nocturne d’oxygène pendant une à quatre
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rence entre la paCO2du moment et celle du seuil
d’apnée. Le rôle important de la plus grande chi-
miosensibilité pour la paCO2est souligné par le
fait que, lors d’une tentative d’effort, ce sont les
patients ayant un équivalent ventilatoire élevé
pour le CO2qui ont le plus souvent une respira-
tion de Cheyne-Stokes. Le fait que cette plus
grande chimiosensibilité est probablement la
conséquence de la stase pulmonaire se confirme
par la corrélation négative entre pression capil-
laire pulmonaire bloquée et paCO2à l’état de
veille. Plus la pression capillaire pulmonaire
bloquée est élevée, plus la paCO2est basse et plus
la respiration périodique est fréquente. En plus
de l’hypocapnie, l’âge, le sexe masculin et la
fibrillation auriculaire favorisent également le
déclenchement de la respiration périodique.
Fait intéressant, il semble que la respiration de
Cheyne-Stokes ne disparaisse pas immédiate-
ment après normalisation soudaine de la fonc-
tion de pompe du cœur, et chez env. 20% des
transplantés cardiaques, une respiration de type
périodique, moins marquée toutefois, a pu être
retrouvée jusqu’à douze mois après leur trans-
plantation. Il s’est toujours avéré de même que
les troubles respiratoires du sommeil ne peuvent
Hyperventilation
intermittente
Fatigue
Somnolence diurne
Dyspnée
d’effort
Stimulation
des récepteurs
tensionnels
pulmonaires
Œdème
pulmonaire
Interruptions
su sommeil
PaCO2 4
Apnée/hypopnée centrale
4PaO2PaCO2 2
Réaction d’éveil
Tonus sympathique 2
Libération de
catécholamines
Sensibilite des
chimiorécepteurs 2
2 Pression de remplissage Insuffisance cardiaque gauche Débit cardiaque 4
Figure 2
Physiopathologie de la respiration de Cheyne-Stokes chez les patients en insuffisance
cardiaque. L’insuffisance cardiaque gauche entraîne un œdème pulmonaire, ce qui
stimule les récepteurs tensionnels pulmonaires et du même fait le centre respiratoire.
Avec l’hyperventilation intermittente, la paCO2chute en dessous du seuil d’apnée, alors
que l’apnée suivante fait augmenter la paCO2et baisser la paO2, jusqu’à ce que le seuil
d’apnée soit de nouveau dépassé. Le début de l’hyperpnée suivante s’accompagne d’une
réaction d’éveil, le tonus sympathique augmente et des catécholamines sont sécrétées.
Ces catécholamines et la stimulation intermittente du sympathique font augmenter la fré-
quence cardiaque et la tension artérielle, ce qui surcharge le cœur déjà faible et aggrave
l’insuffisance cardiaque (figure modifiée d’après Kohnlein et al. [3]; reproduction avec
l’aimable autorisation de BMJ Publishing Group Ltd, London).
gauche augmentées. Dans une étude randomisée
et contrôlée ayant porté sur 66 patients en insuf-
fisance cardiaque grave, 29 avaient une respira-
tion périodique et 37 aucun trouble respiratoire
pendant leur sommeil. Pendant les cinq ans de
suivi dans cette étude, le traitement CPAP a pu
diminuer la mortalité et le nombre de transplan-
tations cardiaques chez les patients traités, mais
n’a eu aucun effet sur la mortalité des patients
sans respiration de Cheyne-Stokes [13]. Une
grande étude multicentrique a ensuite été effec-
tuée au Canada chez des patients ayant une res-
piration de Cheyne-Stokes (CANPAP), étude por-
tant sur 128 patients avec et 130 sans traitement
CPAP [14]. Le traitement CPAP a corrigé la res-
piration périodique, amélioré la saturation noc-
turne d’oxygène et la fraction d’éjection ventri-
culaire gauche, abaissé la sécrétion nocturne
d’adrénaline et amélioré la distance parcourue
au test de marche de six minutes. Le groupe
traité par CPAP a malgré cela eu une moins
bonne survie sans transplantation au cours des
premiers mois, et la mortalité à 18 mois a été la
même dans les deux groupes. La mortalité initia-
lement plus élevée dans le groupe CPAP, la mor-
talité basse dans le groupe témoin, totalement
inattendue, et le faible recrutement ont motivé
une interruption prématurée de cette étude.
La différence par rapport à la première étude
qui avait pu montrer une baisse de la mortalité
par CPAP s’est expliquée après coup par le
traitement médicamenteux plus puissant de l’in-
suffisance cardiaque par inhibiteurs de l’ECA,
spironolactone et bêtabloquants [9]. Avec de
tels résultats, la CPAP ne peut être recomman-
dée comme traitement standard de la respira-
tion de Cheyne-Stokes, mais elle est éventuelle-
ment indiquée pour un sous-groupe de patients
sans fibrillation auriculaire et ayant une pres-
sion de remplissage ventriculaire gauche élevée
(>12 cm H2O).
En plus de la CPAP, la ventilation assistée sous
pression a été étudiée comme traitement de la
respiration de Cheyne-Stokes. Contrairement au
traitement CPAP dans lequel la pression inspira-
toire est égale à la pression expiratoire, la ven-
tilation assistée sous pression aide le patient
activement lorsqu’il inspire, et tout comme avec
la CPAP, une pression positive est maintenue
lorsqu’il expire. La ventilation assistée sous pres-
sion comme traitement de la respiration périodi-
que est proposée en version pression constante
ou variable. L’assistance constante (bilevel posi-
tive airway pressure, BiPAP) donne à chaque ins-
piration, et même pendant une apnée, la même
pression inspiratoire, soit avec la fréquence res-
piratoire du patient, soit pendant l’apnée avec
une fréquence de réserve préalablement fixée;
l’assistance variable (adaptive servo-ventila-
tion, ASV), avec des algorithmes sophistiqués,
assure une pression minimale pendant l’hyper-
pnée et maximale pendant l’apnée, ce qui fait
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semaines a diminué de moitié la respiration pé-
riodique, abaissé la sécrétion nocturne de nor-
adrénaline (l’une des caractéristiques du tonus
sympathique augmenté) et augmenté la capta-
tion d’oxygène pendant la tentative de travail
diurne, le tout exprimant une meilleure perfor-
mance physique, alors que ni la fonction de
pompe du cœur ni la qualité de vie des patients
n’ont été améliorées. Mais comme il n’y a que
très peu d’études sur son efficacité, l’oxygéno-
thérapie ne peut être recommandée de manière
générale comme traitement de la respiration pé-
riodique.
Lorsque la paCO2est augmentée en dessus du
seuil d’apnée par l’inhalation de CO2ou par
l’augmentation artificielle de l’espace mort, la
respiration périodique disparaît. Mais comme il
n’y a pas d’études sur les effets cardiovascu-
laires de l’inhalation de CO2dans la respiration
périodique, et comme une ascension de la paCO2
peut augmenter le tonus sympathique, un tel
traitement n’est pas recommandé.
Pacemaker et resynchronisation cardiaque
L’espoir reposant sur une seule étude que l’on
pourrait traiter la respiration périodique pen-
dant le sommeil par stimulation nocturne «over-
drive» de l’oreillette à une fréquence de pace-
maker augmentée de 15 contractions/min par
rapport à la fréquence originelle a dû être aban-
donné. En effet d’autres études ne sont pas par-
venues à reproduire ces premiers résultats, ce
qui fait que ce traitement est maintenant aban-
donné.
La resynchronisation du cœur par pacemakers
biventriculaires dans l’insuffisance cardiaque
avec bloc de branche a donné dans plusieurs étu-
des une réduction de la respiration périodique de
plus de la moitié, tout en améliorant très nette-
ment la qualité de vie et celle du sommeil [11,
12]. La resynchronisation améliore la fonction de
pompe du cœur, ce qui fait que l’implantation
d’un pacemaker biventriculaire est une option
très prometteuse pour des patients en insuffi-
sance cardiaque terminale.
Ventilation non invasive
Nous savons depuis plus de dix ans que le trai-
tement par pression positive continue (conti-
nuous positive airway pressure, CPAP) au moyen
d’un masque non seulement corrige la respira-
tion périodique dans l’insuffisance cardiaque,
mais peut aussi améliorer la fonction de pompe
du cœur et corriger l’hypersécrétion nocturne
d’adrénaline. Avec une pression intrathoracique
augmentée, la CPAP diminue la pression trans-
murale et du même fait la postcharge du cœur
gauche. Cette pression intrathoracique plus éle-
vée fait également diminuer le retour veineux et
la précharge, ce qui a des répercussions positi-
ves sur la fonction de pompe chez les patients
ayant des pressions de remplissage ventriculaire
Perspectives
Du fait que jusqu’à deux tiers des patients en in-
suffisance cardiaque grave ont une respiration
de Cheyne-Stokes et que le traitement de la res-
piration périodique peut améliorer la fonction
de pompe du cœur et leur qualité de vie, les mé-
decins traitants sont encouragés à mieux diag-
nostiquer ce trouble respiratoire non bénin et
à le traiter. Bien que l’influence de la respira-
tion de Cheyne-Stokes sur la morbidité cardia-
que ne soit pas controversée, seul l’avenir nous
dira si elle est également un facteur de risque de
mortalité indépendant. Nous n’avons toujours
pas la preuve que le traitement de la respiration
de Cheyne-Stokes abaisse la mortalité. Il faut des
études randomisées et contrôlées pour préciser
si la ventilation assistée sous pression variable
et la resynchronisation cardiaque abaissent
à long terme la morbidité et la mortalité de ces
patients.
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que l’assistance ventilatoire est anticyclique par
rapport à la respiration de Cheyne-Stokes. Dans
de petites études sur la respiration périodique, la
BiPAP a été un peu plus efficace que la CPAP, mais
une meilleure qualité du sommeil n’a pu être dé-
montrée que pour l’ASV, et dans une étude, la
fonction de pompe du cœur a été plus améliorée
que par la CPAP [15, 16]. Comme les patients sou-
frant d’une respiration périodique présentent
souvent peu de fatigue diurne, comme cela a déjà
été dit, l’observance de la ventilation assistée non
invasive pose un grand problème, car son effet
pour le patient est souvent peu impressionnant.
Mais vu que l’ASV a corrigé – dans de petites étu-
des, il est vrai – plus efficacement la respiration
périodique, et que l’observance du traitement
après six mois a été d’environ deux heures de
plus par nuit dans le groupe ASV que dans le
groupe CPAP [17], l’ASV est actuellement l’option
thérapeutique la plus prometteuse pour les pa-
tients ayant une respiration de Cheyne-Stokes.
Correspondance:
Dr Thomas Brack
Klinik für Innere Medizin
Kantonsspital
Burgstrasse 99
CH-8750 Glarus
Références
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