de particules, l’onde permettant de calculer la probabilité pour qu’un corpuscule se manifeste.
Cette dualité paraît aujourd’hui, il faut bien le dire, une image bien vieillotte et bien démodée, et
juste bonne pour la préface d’un manuel d’optique. Mais elle a permis de jeter les bases d’une
nouvelle théorie : la mécanique quantique. Nous en examinerons les postulats plus loin, mais
indiquons tout de suite que l’état d’un corpuscule va y être caractérisé par une fonction d’onde
Y(r) qui contiendra toutes les informations qu’il est possible d’obtenir sur le corpuscule.
Quant à la fonction Y, et c’est là l’un des points les plus gênants de la jeune théorie, elle doit
être interprétée comme une amplitude de probabilité de présence, ce qui va fatalement
conduire, pour les phénomènes subatomiques, à l’abandon du principe de causalité et du
déterminisme.
Einstein, parmi d’autres, n’aimait pas cette interprétation. Il n’aimait pas les éléments
d’indétermination qu’elle contenait. Farouchement réaliste, il refusait cette vision chaotique d’un
univers où « Dieu joue aux dés », où le savant construit la réalité entre les murs de son
laboratoire. Pendant toute sa vie, il lutta contre la théorie qu’il détestait, et dont il avait pourtant
la paternité. Et il trouva en face de lui des adversaires auxquels ses propres travaux avaient
fourni des armes. En 1935, il publia avec Podolsky et Rosen un article intitulé « La description
de la réalité physique donnée par la mécanique quantique peut-elle être considérée comme
étant complète ? ». C’était le fameux « paradoxe EPR », toujours sujet à controverse, et que
nous examinerons en détail.
Ce travail est divisé en trois parties. La première traite principalement de la notion de
« théorie ». la seconde est une brève critique de la mécanique quantique. La troisième est une
analyse de la correspondance entre Albert Einstein et Max Born, correspondance qui illustre
bien les problèmes épistémologiques soulevés par le débat sur la mécanique quantique. Un
débat qui, sous le vernis du formalisme et de l’expérimentation, est en fait la recherche d’une
réalité en dissolution.
PREMIERE PARTIE
CHAPITRE 1
QUELQUES NOTIONS SUR LES MODELES DE LA PHYSIQUE
par Frédéric Élie
1.1 – La notion de loi scientifique
Dans ce chapitre nous allons essayer de dégager les notions usuelles de phénomène,
de loi physique, d’expérience, de mesure et de théorie. Pour isoler toutes ces notions par des
définitions, la méfiance est de rigueur : c’est un problème épistémologique très épineux où la
naïveté mène parfois à l’erreur. Comme ce sujet nécessite des développements complexes,
s’ils se veulent profonds, nous ne pouvons présenter ici, dans le cadre de cet exposé, ces
notions que d’une manière assez simplifiée, assez « vague » et assez conventionnelle. Mais
nous indiquerons brièvement les points qui, pour nous, se prêtent à discussion.
Le but de la physique est l’étude des phénomènes et de leurs causes génératrices.
Donner une définition complète du phénomène est un problème non encore résolu, d’après
nous. Disons cependant qu’un phénomène est quelque chose d’observable, soit de façon
immédiate, soit de façon indirecte c’est-à-dire avec tout un dispositif expérimental.
Déjà un problème se pose : est-il fondé de dire que n’est phénomène que tout ce qui est
observable ? Ce que l’on observe dans une chambre à bulles est-il un phénomène représentant
l’effet d’autres « phénomènes cachés » appelés « particules élémentaires », non observables
directement mais considérés comme existant indépendamment de nous ? Dans la négative, les
« particules élémentaires » ne seraient que des images, un moyen d’assembler sous une
©Philippe Cristofari, Frédéric Élie, Colette Garaventa, juin 1980 - http://fred.elie.free.fr - page 5/63