Guillebaud soutient que nous devons refuser les faux dialogues avec l'Autre. Par exemple,
la simple cohabitation n'est pas est une véritable forme de dialogue interreligieux, ni le dialogue
« gentil », qui consiste à faire semblant qu’il n’y a pas de désaccords, à nier les contradictions.
Dialoguer avec quelqu’un, précise Guillebaud, c’est respecter ce qu’il est et ce qu’il croit, et être
capable, pour que l'autre nous respecte à son tour, de dire son désaccord, de dire où porte la
différence. Sans cela, il n'y a pas de véritable rencontre, sans cela, le dialogue ne sert à rien.
Guillebaud fait référence au penseur chrétien Stanislas Breton qui a dit que le vrai dialogue ne
consiste pas seulement à accepter que l’autre existe, mais à se réjouir qu’il existe. Guillebaud cite
aussi Pierre Claverie, évêque d’Oran assassiné en 1996, qui a déclaré que le vrai dialogue
commence à partir du moment où j’accepte l’idée que l’autre est peut-être porteur d’une vérité
qui me manque.
Le croyant
Guillebaud affirme avoir essayé de mettre à son profit la métaphore du pont jeté sur l’abîme du
doute présentée plus haut. Il a veillé à cultiver ce qu'il appelle la capacité à se mettre en « danger
d’accueil », c'est-à-dire la capacité d’offrir à l’autre la possibilité non pas de nous convertir, mais
de nous changer, de nous enrichir. Bref, accepter de se mettre en danger d'accueil, c'est être prêt à
accueillir la vérité de l’Autre.
Guillebaud confie devoir beaucoup à un long détour qu’il a fait, et qu’il continue de faire,
par le judaïsme, ce détour lui permettant de mieux saisir la part juive du christianisme.
L’espérance chrétienne par exemple, qui vient rompre avec la conception circulaire du temps et la
notion de destin présentent dans la pensée grecque, prend racine dans le messianisme juif. Il y a
dans la pensée juive cette idée que le temps va quelque part et que nous sommes responsables de
ce qui adviendra, cette idée que nous ne sommes pas dans la contemplation ou l'acceptation du
monde, mais bien dans la nécessité d’améliorer le monde. Par exemple, dans le Talmud, il est dit
qu’il n’y a pas de destin pour Israël, c’est donc dire qu’il n’y a pas d’autre destin que celui que
nous ferons, que nous ne sommes pas emportés par une logique que nous ne maîtrisons pas : la
foi est un chemin et nous sommes en marche. En empruntant au pontonnier juif, Guillebaud a
donc fortifié sa foi chrétienne, montrant du même coup qu'en se plaçant à l'écoute de l'Autre et en