A la une / Reportage Advertising standards authority Comment la presse britannique a dompté les annonceurs Dans la plus vieille démocratie dans le monde, la liberté de la presse n’est pas seulement vue du côté politique, en l’occurrence son indépendance du pouvoir ou du système en place. La presse s’est également libérée du joug des annonceurs qui constitue un véritable lobby pouvant influencer la ligne éditoriale. Alors que sous d’autres cieux, les annonceurs demeurent intouchables au point où on peut critiquer un président de la République mais pas un gros producteur, pourvoyeur de publicités et donc de manne financière, le Royaume-Uni a trouvé la parade en vue de mettre fin d’abord à la publicité mensongère ensuite limiter l’emprise ou le chantage des industriels sur les journaux. Toutes proportions gardées, la publicité demeure la seule ressource qui fait tourner la machine médiatique, il n’en reste pas moins qu’en Angleterre, ce paramètre est strictement codifié pour éviter les dérapages. Il est aussi utile de préciser que cela n’a rien à voir avec les détenteurs d’actions ou de propriétaires ou financiers de médias. Et c’est l’Advertising Standards Authority qui s’occupe de cette tâche, au départ difficile, mais qui a fini par s’imposer au fil du temps et à la faveur du combat non seulement pour une information de qualité en général mais pour une publicité véridique. Selon Matt Wilson, chargé de la communication au sein de cette agence de régulation née en 1962, l’ASA “veille à ce que la publicité ne soit pas diffamatoire ni raciste et les règles sont fixées par les annonceurs eux-mêmes”. Pour cette agence publique mais non gouvernementale qui emploie une centaine de personnes, le travail est immense. En Angleterre, il y a 30 millions d’insertions publicitaires par an, 2 milliards de courriers et 75 000 annonces sur le petit écran. L’ASA traite tout ce mastodonte et donne son aval. “Il arrive qu’on rejette des publicités pour diffamation ou pour non-respect des lois”, a encore expliqué Matt Wilson, qui ajoute que l’ASA prend également le contexte du moment dans lequel une annonce est publiée ou diffusée en “restant dans le politiquement correct”. L’ASA se refuse cependant à prendre en charge les publicités durant les campagnes électorales. Comment l’ASA a pu imposer aux journaux sa ligne de conduite S’il est vrai que les annonceurs prennent en compte l’audience de chaque titre ou TV, il n’en reste pas moins que ce sont eux qui choisissent leurs supports. L’ASA est là pour valider le contenu, la véracité et l’éthique d’une pub. Au Royaume-Uni, la publicité comparative existe de même que dans beaucoup d’autres pays européens. Autrement dit, un annonceur peut non seulement faire la campagne pour son produit mais il a aussi la marge de critiquer un autre producteur qui fabrique le même produit. Quant à la publicité mensongère, l’ASA a sensibilisé la presse pour publier des articles sur des fausses campagnes de pub en allant jusqu’à ridiculiser l’annonceur mis en cause à travers des articles. “Les sanctions financières se sont pas directes mais dès lors que des journaux publient des articles ou des TV diffusent des émissions où ils dénoncent cette pub, c’est déjà une véritable perte pour le producteur au-delà du fait qu’il perd en crédibilité”, souligne encore Matt Wilson. L’ASA, qui est devenue une véritable référence en tant qu’autorité de régulation, en assurant son propre autofinancement avec un prélèvement de 0,1% de la valeur globale des contrats, ce qui lui assure ses 7 millions de livres par an, dispose même d’experts indépendants et de laboratoires pour contrôler la véracité de certains produits à l’exemple des cosmétiques dont les producteurs diffusent à longueur de journée des publicités. Pour Matt Wilson, il n’existe pas vraiment de pression des annonceurs. “Nous travaillons avec eux pour éviter des dérapages”, a-t-il déclaré. C’est dire que la marge de pression des industriels producteurs est très limitée pour ne pas dire inexistante au Royaume-Uni au-delà du fait que des journaux sont détenus par des magmas financiers qui fixent les lignes éditoriales. Ce qui reste dans une certaine logique des choses. Mais cela est une autre histoire.