LES SYSTEMES D’ORGANISATION ECONOMIQUE DE LA SOCIETE (2) 1 I. Le système capitaliste Le capitalisme n’est pas né en un jour du cerveau d’un théoricien. Son apparition, son développement et ses transformations s’étendent sur plusieurs siècles. A. L’émergence et le développement du capitalisme L’émergence du capitalisme ne peut être datée précisément. Néanmoins, son développement s’est opéré à la confluence de quatre « révolutions ». 1. Une révolution culturelle et religieuse Au cours du moyen âge (du VI° au XV° siècle), l’Eglise enseignait « que le marchand ne peut plaire à Dieu – ou difficilement » décret de Gratien, XII° siècle). En théorie, le commerce et le prêt à intérêt sont des activités prohibées par l’église chrétienne. L’individu qui échange ou qui prête dans le but de réaliser un profit est fautif. Il considère sa richesse personnelle et terrestre plus importante que son salut (la vie éternelle au paradis). Cette réprobation des opérations commerciales et financières ne facilite guère l’esprit d’entreprise, l’accumulation du capital et la croissance économique. La révolution culturelle et religieuse s’explique par trois phénomènes historiques majeurs : Les grandes découvertes : en 1492, Christophe Colomb découvre l’Amérique. le monde devient un espace à découvrir et à aménager par l’homme. La réforme : au XVI° siècle, le mouvement protestant contribue à laïciser les esprits et génère un changement d’éthique propice au développement du capitalisme. La renaissance :parallèlement à la Réforme l’activité scientifique se développe. L’homme substitue des lois physiques aux lois divines (Copernic 1473-1543, Galilée 1564-1642…). 2. La révolution commerciale et politique Le commerce s’impose comme un extraordinaire instrument d’unification et d’homogénéisation des espaces et des pays. La société médiévale, dans son extrême fragmentation des territoires, son absence d’unité politique, juridique, fiscale et monétaire, entrave les échanges commerciaux. L’affirmation du pouvoir royal limite de plus en plus les prétentions et l’indépendance des seigneurs. La domination d’un seul permet peu à peu l’unité géographique et le début d’une harmonisation des réglementations. Les conditions sont réunies pour le développement et l’extension des marchés. 3. La révolution industrielle De nombreuses innovations technologiques et organisationnelles vont permettre l’accélération du développement capitaliste (métier à tisser, machine à vapeur…). Ces innovations technologiques sont très coûteuses et exigent le rassemblement des ouvriers, autour de la machine, sous un même toit la fabrique. la fabrique est le lieu où sont rassemblés les travailleurs, souvent issus des campagnes. Leur travail est désormais rythmé par la machine. La discipline est très sévère et renforcée encore par l’extrême division du travail, qui rive chaque travailleur à une tâche précise et répétitive. La révolution française marque le début d’une ère nouvelle. La société de l’Ancien Régime, fondée sur trois ordre séparés (Clergé, Noblesse, Tiers Etat), est balayée par les idées de liberté individuelle et d’égalité. La révolution française assure la promotion du libéralisme économique et contribue à assurer la compatibilité entre les intérêts individuels et l’intérêt général. Deux textes à portée économique en font foi : Les décrets d’Allarde : (2-17 mars 1791) établissent la liberté du commerce et le libre choix professionnel. La loi le Chapelier (14-17 juin 1791) interdit le corporatisme et proclame la liberté du travail. B. Les principes fondamentaux du système capitaliste Le système capitaliste est régi par des principes de fonctionnement économique et juridique. Ceux-ci ont évolué et permis l’adaptation du capitalisme. LES SYSTEMES D’ORGANISATION ECONOMIQUE DE LA SOCIETE (2) 2 1. Les principes économiques : la régulation par le marché Le marché assure les grands équilibres économiques : il oriente l’affectation des ressources dans les activités les plus rentables et se charge de la répartition par le jeu de l’offre et de la demande (fixation des salaires, des prix…).le marché est le seul juge des actions capitalistes, c’est toujours lui qui, en dernier ressort, sanctionne ou récompense les entrepreneurs. Le profit est le moteur des activités capitalistes : critère de la réussite en affaires, signe d’une bonne adaptation à son environnement économique, le profit offre à l’entrepreneur la possibilité d’accumuler pour investir de nouveau et, ainsi, générer toujours plus de progrès et de richesse. La concurrence est un stimulant : elle ne doit pas être entravée par des réglementations étatiques afin de ne pas freiner le développement de la richesse. 2. Les principes juridiques : les libertés individuelles L’ensemble des règles de droit assure le fonctionnement du système, en particulier le droit civil, avec ses deux composantes essentielles : le droit de la propriété privée et le droit des contrats. Le droit de la propriété privée des moyens de production permet l’exercice de la libre entreprise. L’accumulation du capital est le fait de l’entrepreneur privé. Celui-ci investit ses revenus dans des équipements qu’il met à la disposition des salariés. L’association capital-travail permet d’améliorer l’efficacité du travail. Le droit des contrats est la base de l’économie de marché (rencontre des offreurs et des demandeurs). Chaque individu est libre de contracter sur le marché (par ailleurs, nul ne saurait être injustement obligé s’il a librement consenti). Les contrats ne nécessitent donc aucune réglementation. L’Etat n’a qu’une mission : veiller à l’exécution du contrat librement formé. C. La capacité d’évolution du système capitaliste Depuis la Révolution française, le capitalisme a beaucoup évolué. Schématiquement, les transformations essentielles laissent apparaître trois périodes. Naturellement, chaque pays capitaliste conserve des traits spécifiques 1789-1891 Capitalisme contre l’Etat : révolution française et révolution industrielle. Le marché et l’individu sont primordiales par rapport à l’Etat. 1891-1985 Capitalisme encadré par l’Etat : naissance des premières lois sociales (protection sociale obligatoire), réglementation du contrat de travail. L’intérêt général est de plus en plus dicté aux individus par un Etat interventionniste. Années 90… Capitalisme à la place de l’Etat : crise de l’Etat providence et mouvement de déréglementation ; de privatisation. Il s’agit de promouvoir l’individu par rapport aux réglementations. II. Le système socialiste L’instauration du système socialiste est née de la réflexion d’auteurs hostiles au système capitaliste et d’une expérimentation historique : la révolution russe. A. L’invention du socialisme 1. La naissance des socialismes Le développement du capitalisme industriel au XIX° siècle est à l’origine de la formation d’une classe ouvrière nombreuse. Les conditions d’existence de ces travailleurs sont misérables et inspirent des idées nouvelles : les idées socialistes. Parmi les penseurs socialistes, il faut distinguer ceux qui imaginent des projets de réforme du capitalisme fondés, par exemple, sur des règles plus égalitaires de répartition de la richesse (Saint Simon 17601825…) et ceux qui veulent le détruire et supprimer l’appropriation privée des moyens de production (Pierre Joseph Proudhon 1908-1865, Charles Fourier 1772-1837, Karl Marx et Friedrich Engels…). Le mot socialisme apparaît en 1831, souvent opposés, les socialistes partagent des objectifs moraux et politiques identiques : faire disparaître le régime d’exploitation des ouvriers par les patrons et construire une société plus juste. 2. La révolution bolchevique de 1917 Au mois d’octobre 1917, Lénine (1870-1924) pense que son parti (le parti bolchevique) est assez puissant pour renverser par la force le régime tsariste. L’opération menée par Trotski (1879-1940), à la tête de dix mille gardes LES SYSTEMES D’ORGANISATION ECONOMIQUE DE LA SOCIETE (2) 3 rouges (ancêtres de l’Armée rouge), est une réussite. Très vite, le nouveau gouvernement abolit la grande propriété terrienne et collectivise les entreprises industrielles et commerciales. L’union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) est créée en 1922 par le gouvernement bolchevique afin de succéder à l’ex-empire des tsars. B. Les principes fondamentaux du socialisme Ce système repose sur trois principes fondamentaux. 1. Les principes économiques : la planification de l’économie Il s’agit d’un renversement de perspectives radical par rapport à une économie de marché. Le « plan » fixe les objectifs de production, en procédant à l’évaluation des besoins de la population. Les planificateurs considèrent en effet que les individus ne sont pas les meilleurs juges de leurs besoins essentiels. Aussi est-ce le plan et non le mécanisme du marché qui guide la production. Dans ce contexte, l’ordre économique ne résulte pas de la multiplicité de décisions décentralisées, mais il est imposé d’en haut, de façon centralisée, par l’organisme planificateur. 2. Les principes juridiques : la propriété collective des moyens de production La liberté d’entreprendre disparaît et, avec elle, la possibilité individuelle d’acheter ou de vendre sa force de travail à un autre individu. Les moyens de production sont collectivisés ou étatisés, de telle sorte que la plus value n’est pas perçue par un individu, mais par la collectivité dans son ensemble. 3. Les principes sociaux : l’égalité sociale Puisque aucun individu ne peut s’enrichir à partir du travail d’un autre, il n’y a en théorie plus de lutte des classes entra capitalistes et prolétaires. En effet, les uns et les autres ont disparu : les capitalistes n’existent plus, car les moyens de production sont collectifs, les prolétaires, aussi, car, pour vivre, il n’est plus possible de vendre sa force de travail à un autre homme. Il ne reste plu que des individus égaux, n’ayant de droits et de devoirs que par rapport à la collectivité. Le système socialiste n’a pas su se réformer. Les dysfonctionnements de ce mode d’organisation se sont révélés trop puissants, et la transition vers le capitalisme est amorcée depuis 1990.