Les trois trésors
« Le dénommé Nichiren a eu la tête
tranchée à l’heure du rat et du bœuf, le
douzième jour du neuvième mois de l’année
dernière. Sa vie intérieure est parvenue au
pays de Sado. L’année suivante au cours du
deuxième mois, dans la neige, il envoie (cet
écrit) aux disciples avec lesquels il a le
lien. C’est effrayant5, mais il n’y a rien
d’effrayant6. Ceux qui le liront s’en
effraieront ».
Cette phrase est très connue. En même
temps, elle contient des enseignements
extrêmement profonds. Les commenter
demanderait trop de temps. Aussi,
évoquerai-je simplement l’expression « vie
intérieure ». Cette dernière est celle du
Bouddha originel du passé infini, long et
étendu (j. kuon ganjo – 久 遠 元 初 ), révélée
clairement à Tatsunokuchi, lieu de
décapitation. Par la suite, ce corps,
désormais celui du Bouddha originel,
parvient au pays de Sado. De là, il révèle le
Gohonzon de l’ensemencement de la
doctrine originelle, seul objet de vénération
apte à sauver l’ensemble des êtres
jusqu’aux fins fonds du futur infini de la
Fin du Dharma. Tel est le processus
d’enseignement de Nichiren Daishônin,
autrement dit la « mise en mouvement de la
roue du Dharma (j. tenbôrin - 転法輪),
septième étape de la vie du Bouddha.
Enfin, la huitième et dernière étape est
« l’entrée en extinction » (j. nyû nehan – 入
涅 槃 ). Appliquées au processus
d’enseignement du Bouddha, ces huit
étapes de sa réalisation donnent les « trois
trésors demeurant et gardant ».
Ensuite, pour ce qui est du Dharma, prêché
pour guider les êtres, celui du vénéré
Shakya est le prêche du Dharma pendant
cinquante années, en particulier le Sutra du
5 C’est effrayant : Nichiren Daishônin fait ici
allusion à la description de la période de la Fin du
Dharma et à l’évocation des persécutions auxquelles
doit s’attendre le pratiquant du Sutra du Lotus dans
cette période, faites dans le chapitre « Exhortation à
garder » du même Sutra.
6 Il n’y a rien d’effrayant : celui qui ne ménage ni
son corps ni sa vie pour le Dharma ne craint pas les
difficultés de quelque nature qu’elles soient.
Lotus. Pour Nichiren Daishônin, il s’agit
des trois grands Dharmas ésotériques. Ce
Dharma et son contenu représentent « le
trésor du Dharma demeurant et gardant ».
Le moine recevant ce trésor du Dharma et
le diffusant, est quant à lui « le trésor du
moine demeurant et gardant ».
Enfin, du point de vue du sens général des
« trois trésors demeurant et gardant »,
chaque temple enchâsse un Honzon,
représentant le Bouddha de ce temple et
donc « le trésor du Bouddha ».
Si l’on se conforme aux doctrines
bouddhiques, les rouleaux du sutra doivent
impérativement être placés devant le
Bouddha. Si aucun sutra n’est déposé
devant le Bouddha, il est alors impossible
de savoir ce que ce Bouddha enseigne. Ce
dernier perd ainsi sa signification en tant
que Bouddha. Il semble que dans certains
temples récents, aucun sutra ne soit déposé
devant le Bouddha, prouvant ainsi qu’ils ne
connaissent pas l’aspect originel du
bouddhisme.
En effet, lorsqu’un Bouddha est enchâssé, il
doit obligatoirement être doté des trente-
deux signes distinctifs. Dès lors, si aucun
sutra n’est déposé devant lui, seul le signe
de sa voix, dont le son parvient au ciel de
Brahmâ manque7. Autrement dit, le
Bouddha a prêché le Dharma, mais sa voix
prêchant le Dharma a disparu. Ainsi, si l’on
enchâsse une statue de Bouddha sans
déposer devant celui-ci les rouleaux de
sutra, le contenu de son enseignement étant
absent, ce n’est dès lors pas du bouddhisme.
7 Dans L’ouverture des yeux des images sculptées ou
peintes (j. mokue nizô kaigen no koto – 木絵二像開
眼の事), Nichiren Daishônin écrit : « l’Eveillé est
doté de trente-deux signes distinctifs. Tous relèvent
de la loi de la forme. Les trente et un signes dont les
mille cercles tracés sous ses plantes des pieds, ou
signe situé au plus bas, jusqu’à l’excroissance
qu’on ne voit pas au sommet de son crâne, ou signe
situé au plus haut, tous sont des formes visibles et
tangibles, que l’on peut dessiner ou sculpter. Seul le
signe de sa voix, dont le son parvient au ciel de
Brahmâ, est une forme invisible et intangible. On ne
peut dès lors pas la dessiner ni la sculpter comme
les autres ».
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112 5