Cours du Souverain du Dharma

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Cours du Souverain du Dharma
Nikken Shônin
Les trois trésors
Le 6 juin 2004
Dans le Kyakuden du Taisekiji
Le trésor du Bouddha et le trésor du Moine (2)
Le mot « trésor » signifie « précieux »,
« exceptionnel ». A partir de ces
significations, six principes se dégagent : la
rareté, la séparation de la saleté, l’énergie,
la solennité, la prééminence et l’inaltérable.
Nous avons donc, en premier lieu, la
« rareté ». Qu’une chose existe de manière
rare, implique, par opposition, qu’on ne la
trouve pratiquement jamais. Du point de
vue du sens originel du bouddhisme, il est
véritablement difficile de rencontrer le
Sutra du Lotus, l’existence même de ce
dernier étant aléatoire. L’aspect des vies
dans l’immensité des mondes des dharmas
est infini, incommensurable. Aussi, naître
dans le monde des hommes et déjà difficile.
Dès lors, même si on naît dans ce monde, il
est extrêmement rare de pouvoir entendre
parler
du
meilleur
enseignement
bouddhique.
Vient ensuite la « séparation de la saleté ».
Un trésor possède une connotation de
pureté. Il est dès lors éloigné de la saleté
impure.
Le troisième principe est « l’énergie ». Le
trésor possède en lui-même un grand
pouvoir. Il en est de même dans la loi
mondaine. Ne dit-on pas, en effet, au Japon,
que porter une pierre précieuse de grande
valeur est un talisman contre les mauvais
esprits ? Les trésors possèdent ainsi un
pouvoir insondable.
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
Le quatrième principe est « la solennité ».
Tout peut être rendu solennel par un trésor.
Ce dernier en effet, décore magnifiquement
les choses.
Le cinquième est « la supériorité ». Un
trésor transcende toutes les autres choses.
Enfin,
le
sixième
principe
est
« l’inaltérable ». En général, les choses
varient avec le temps. Un trésor, par contre,
ne change jamais d’aspect.
Ces
éléments
représentent
les
caractéristiques d’un trésor. Comme ces
trésors, le Bouddha, le Dharma et le Moine
sont rares, purs et possèdent une énergie.
De plus, par le biais de leurs œuvres et
vertus, ils ornent toutes les autres formes de
vies. Enfin, ils surpassent toutes les formes
de religions et de philosophies et, en ce
sens, ils ne varient jamais.
En ce monde, tout change sans cesse.
Même si auparavant certaines fausses
religions affirmaient des principes en
fonction de ce qui les arrangent, elles
prônent à présent, de manière éhontée,
l’exacte opposé. Du point de vue du
Dharma, la Nichiren Shôshû n’a jamais
changé de discours jusqu’à présent. Par
contre, la Soka Gakkai fluctue sans cesse.
En fait, les propos de Daisaku Ikeda ne sont
qu’une accumulation de mensonges. A un
certain moment, il affirmait la solennité de
la transmission vitale au temple principal. A
1
Les trois trésors
présent, il dit que la transmission vitale
n’existe pas. Il a détérioré le Gohonzon, les
prières silencieuses et beaucoup d’autres
notions essentielles. Ces modifications sont
la preuve d’un enseignement sans
consistance ni profondeur.
Considérés du point de vue de l’éveil
intérieur du Bouddha, les trois trésors ont
pour signification de former un corps
unique. Le Bouddha, le Dharma et le moine
forment tels quels un tout. En effet, Sans le
Dharma, le Bouddha ne pourrait pas s’y
éveiller et ne pourrait donc pas devenir
Bouddha. Le Bouddha est Bouddha parce
qu’il s’éveille à l’intégralité du Dharma
dont il devient le dépositaire. Pour cette
raison, le trésor du Bouddha et le trésor du
Dharma ne forment qu’un seul corps.
A ce sujet, Saichô, le grand maître Dengyô
disait :
« Une pensée trois mille est identique au
corps qui, de lui-même, reçoit et emploie.
Le corps qui, de lui-même, reçoit et
emploie est le Bouddha sans forme
respectable1 ».
Ce passage expose le fondement même du
Sutra du Lotus. En effet, il signifie que le
Dharma Une pensée trois mille, grande
vérité absolue, existe tel quel dans le corps
du Bouddha au corps qui, de lui-même,
reçoit et emploie en tant que personne. En
même temps, le corps du Bouddha au corps
qui, de lui-même, reçoit et emploie est, tel
quel, le Dharma Une pensée trois mille.
Autrement dit, la Personne est le Dharma et
le Dharma est la Personne. Dès lors, il est
naturel que, du point de vue de l’éveil
intérieur, le Dharma et la Personne ne
forment qu’un.
Ensuite, que le Moine fasse lui aussi un
corps unique avec le Dharma et le Bouddha,
1
Bouddha sans forme respectable (j. shussongyô
butsu - 出 尊 形 仏 ) : la « forme respectable » est
l’aspect des Bouddhas et boddhisattvas présentant
les trente-deux signes distinctifs et les quatre-vingts
marques d’excellence. Le Bouddha sans forme
respectable présente un aspect d’homme ordinaire,
sans caractéristiques particulières. Il est l’Ainsivenant au triple corps sans artifice.
2
s’explique par la manière d’être du Moine,
récipient d’une eau transvasée dans un autre
récipient. La fonction du moine est de
recevoir, de pratiquer et de garder l’eau du
Dharma auquel s’est éveillé le Bouddha,
sans l’altérer, ni le modifier. Certes,
nombreux sont les prétendus moines se
permettant de transmettre leurs opinions
personnelles plutôt que le véritable
enseignement de l’Eveillé. Kûkai et Hônen
font partie de ceux là, dispensant des
enseignements fallacieux en raison de leurs
vues personnelles.
Transvaser l’eau d’un récipient dans un
autre implique de recevoir correctement et
docilement, le bon enseignement du
Bouddha, puis de le propager correctement.
Là, réside la véritable valeur du moine.
Dans ce cas, du fait du transvasement de
l’eau du Dharma d’un récipient à un autre,
la vie du Bouddha passe en tant qu’eau du
Dharma par le moine. Passant du trésor du
Bouddha au trésor du Moine, l’unicité
corporelle des trois trésors est ainsi établie.
Telle est la signification de « l’unité
corporelle des trois trésors », du point de
vue de l’éveil intérieur.
Cependant, du point de vue de la méthode
d’enseignement, les trois trésors sont
séparés. Quant à leur agencement, en
général, on dit « Bouddha, Dharma et
Moine ». Or, en fonction de leur ordre
naturel, on devrait en fait dire « Dharma,
Bouddha et Moine ».
En effet, au regard de la phrase lue
précédemment, Le Dharma est le maître du
Bouddha. A contrario, le Bouddha prenant
le Dharma pour maître, il est dès lors le
disciple du Dharma. En ce qui concerne
cette fois le Moine, ce dernier étudiant le
Dharma auprès du Bouddha, le Bouddha est
le maître et le moine est le disciple.
Autrement dit, le Bouddha existe grâce au
Dharma et le Moine existe grâce au
Bouddha. Pour cette raison, la graduation
est
« Dharma,
Bouddha,
Moine »,
représentant
également
un
ordre
hiérarchique de valeur.
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
Les trois trésors
Pour autant, la formulation « Bouddha,
Dharma Moine » ne représente pas une
erreur. Même dans le Gosho étudié
précédemment,
Nichiren
Daishônin
développe d’abord les vertus en tant
qu’effets des pratiques causales du
Bouddha, puis le principe selon lequel le
Dharma est le maître du Bouddha. Enfin, il
enseigne les raisons de l’importance des
moines. C’est dans cet ordre : « Bouddha,
Dharma, Moine », que Nichiren Daishônin
explique les trois trésors. Pour cette raison,
l’ordre : « Bouddha, Dharma, Moine » est
naturellement correct.
Dès lors, pour quelle raison, le Bouddha
vient-il avant le Dharma alors que l’ordre
logique est inverse ? Parce que, aussi
supérieur soit le Dharma, sans la présence
du Bouddha, il ne peut être révélé.
L’ensemble des êtres ne pourrait en effet
pas entendre ni connaître le Dharma, sans le
Bouddha le prêchant. Finalement, le
Dharma est manifesté à partir du moment
où un Bouddha s’y est éveillé. Le Dharma
ne peut se propager de lui-même. Il est
propagé par le Bouddha.
Du fait d’être celui qui propage, celui qui
s’est éveillé, le Bouddha vient en premier,
suivi du Dharma, complété par le Moine.
Tel est l’ordre normal des trois trésors
séparés.
Dans le fait du développement des trois
trésors en un corps unique en trois trésors
en corps séparés, il faut en premier lieu voir
la présence permanente des trois trésors. La
présence permanente du Dharma, éclairée
par l’éveil du Bouddha, représentant telle
quelle sa sagesse, le Bouddha est dès lors
permanent, en tant que trésor du Bouddha.
Par ce fait, le Dharma, objet de l’éveil du
Bouddha, devient, tel quel, le trésor du
Dharma. En même temps, il est le principe
observé et la sagesse qui observe 2,
2
Principe observé et la sagesse qui observe (j. kyô
chi – 境 智 ) : le Grand Patriarche fait allusion au
« principe observé, la sagesse qui observe, la
pratique et le degré : (j. kyô, chi, gyô, i - 境智行位 ); il
s’agit des quatre premières merveilles parmi les dix
merveilles de la doctrine éphémère. Elles
éclaircissent, selon Zhiyi, la merveille de la cause
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
fondement du bouddhisme. En outre, le
principe observé et la sagesse qui observe
se révèlent par le biais de la pratique. Cette
dernière est toujours complète et ne
disparaît jamais.
La sagesse et son objet (principe observé)
sont évoqués de la manière suivante dans la
méditation consacrée au Gohonzon :
« Je prends refuge dans le Dai Gohonzon
du Kaidan de la seule doctrine originelle,
cœur du chapitre Durée de la vie de la
doctrine originelle, grand Dharma enfoui
dans le profond des phrases, mystérieuse
essence originelle, union parfaite de la
sagesse et de son objet …».
La sagesse et son objet sont en union
parfaite, ne formant qu’un corps. « L’objet »
représente la substance véritable du Dharma.
« La sagesse » est la sagesse du Bouddha
éclairant réellement le Dharma. L’objet et la
sagesse « fusionnent parfaitement ». La
forme concrète de cette union en un corps se
manifeste par le biais de « la pratique ». En
outre, la substance du Bouddha lui-même
étant présente, « le degré », autrement dit
l’existence manifeste du Bouddha, est
présente également. Nous obtenons dès lors
les quatre merveilles (j. shimyô – 四 妙 ) : le
principe observé, la sagesse qui observe, la
pratique et le degré, substance du Dharma de
la merveille de la cause originelle.
Le garçon sur le mont Fuji par Ando Hiroshige
originelle (hon in myô). Cette dernière apparaît au
travers cette phrase du 16e chapitre du Sutra du
Lotus : “A l’origine, j’ai pratiqué la voie de
bodhisattva. La durée de vie que j’ai obtenue...” (j.
ga hon gyô bosatsu dô shôjô jumyô). « A l’origine,
j’ai pratiqué » représente la merveille de la pratique ;
« bodhisattva » représente le degré et « la durée de
vie que j’ai obtenue » représente le principe observé
et la sagesse qui observe (kyô chi).
3
Les trois trésors
En ce sens, le principe observé, la sagesse
qui observe, la pratique et le degré, se
répartissent dans les trois trésors séparés.
En effet, le trésor du Dharma est la
merveille de l’objet, le trésor du Bouddha
est la merveille de la sagesse et le trésor du
Moine est les merveilles de la pratique et du
degré. Tel est l’aspect fondamental des trois
trésors.
A partir de ces trois trésors séparés, vient se
dégager la signification des « trois trésors
demeurant et gardant (j. juji no sanbô – 住持
の 三 宝 ). « demeurant et gardant » signifie
que les trois trésors sont présents
éternellement et gardent en permanence.
Du point de vue de la méthode
d’enseignement du Bouddha, les huit étapes
de la réalisation de la boddhéité
représentent le trésor du Bouddha au sein
des trois trésors demeurant et gardant.
Je vais effleurer les huit étapes de la
réalisation de la boddhéité (j. hassô jôbutsu
– 八相成仏 ). La première étape est appelée
« descente du ciel » (j. geten – 下 天 ) : il
s’agit de la descente du ciel de Tuşita 3.
L’étape suivante est « l’entrée dans la
matrice » (j. takutai - 託 胎 ) : il s’agit du
séjour dans le sein de la personne devenant
sa mère. Nous avons ensuite « la sortie de
la matrice (j. shuttai - 出胎 ), autrement dit,
la naissance. La quatrième étape est « la
sortie de la maison » (j. shukke - 出 家 ) : il
quitte sa demeure, emplie de mauvaises
passions pour entrer en ascèse4. L’étape
suivante est « la soumission des démons »
(j. gôma -降魔) : avant que le vénéré Shakya
réalise la boddhéité, des démons apparurent
Le ciel de Tuşita (j. tosotsu ten – 都率天) : 4e des six
cieux du monde des désirs. On le traduit par
"sagesse parfaite", "merveille parfaite", "joie
parfaite" ou encore "félicité". Il désigne la dernière
demeure des bodhisattvas avant qu’ils renaissent
sous forme humaine pour devenir Bouddha. Il se
subdivise en deux : le sanctuaire intérieur et le
sanctuaire extérieur. Le premier est la demeure du
bodhisattva Maitreya (j. miroku – 弥 勒 ). Le second
est le lieu de félicité des êtres du monde des désirs.
4
Note : le mot japonais utilisé pour signifier l’entrée
dans les ordres est toujours « shukke » « quitter la
demeure.
sous différents aspects afin d’entraver son
ascèse et son éveil. Le roi démon du
sixième ciel, à l’origine de ces obstacles,
utilisa tous les expédients à sa disposition
pour empêcher l’ascèse du Bouddha. Aussi,
la condition sine qua non pour devenir
Bouddha est la conquête des démons.
De
nombreux
démons
attaquèrent
également Nichiren Daishônin. Comme il le
soulignait lui-même par le biais de
l’expression :
« quatre
persécutions
majeures et un nombre incommensurables
de persécutions mineures ».
En particulier lors de la persécution de
Tatsunokuchi au cours de laquelle le
gouvernement
militaire
des
Hôjô,
détenteurs du pouvoir, tenta de supprimer
Nichiren Daishônin. Traîné le long de la
plage de Yui ga hama, celui-ci fut sur le
point d’être décapité. Toutefois, cette
tentative échoua. Tel fut l’aspect de la
soumission du démon par Nichiren
Daishônin.
Là, apparut la grande lueur éclatante de « la
réalisation de la voie », sixième étape de la
vie du Bouddha. Dans le cas de Nichiren
Daishônin, il s’agit de l’abandon de son
aspect éphémère (de bodhisattva Jôgyô)
pour révéler sa nature originelle (de
Bouddha) à Yui ga hama.
3
4
Hôandô et le mont Fuji
Nichiren Daishônin l’exprime dans la
phrase suivante, extraite du Traité qui ouvre
les yeux :
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
Les trois trésors
« Le dénommé Nichiren a eu la tête
tranchée à l’heure du rat et du bœuf, le
douzième jour du neuvième mois de l’année
dernière. Sa vie intérieure est parvenue au
pays de Sado. L’année suivante au cours du
deuxième mois, dans la neige, il envoie (cet
écrit) aux disciples avec lesquels il a le
lien. C’est effrayant5, mais il n’y a rien
d’effrayant6. Ceux qui le liront s’en
effraieront ».
Cette phrase est très connue. En même
temps, elle contient des enseignements
extrêmement profonds. Les commenter
demanderait trop de temps. Aussi,
évoquerai-je simplement l’expression « vie
intérieure ». Cette dernière est celle du
Bouddha originel du passé infini, long et
étendu (j. kuon ganjo – 久 遠 元 初 ), révélée
clairement à Tatsunokuchi, lieu de
décapitation. Par la suite, ce corps,
désormais celui du Bouddha originel,
parvient au pays de Sado. De là, il révèle le
Gohonzon de l’ensemencement de la
doctrine originelle, seul objet de vénération
apte à sauver l’ensemble des êtres
jusqu’aux fins fonds du futur infini de la
Fin du Dharma. Tel est le processus
d’enseignement de Nichiren Daishônin,
autrement dit la « mise en mouvement de la
roue du Dharma (j. tenbôrin - 転 法 輪 ),
septième étape de la vie du Bouddha.
Enfin, la huitième et dernière étape est
« l’entrée en extinction » (j. nyû nehan – 入
涅 槃 ).
Appliquées au processus
d’enseignement du Bouddha, ces huit
étapes de sa réalisation donnent les « trois
trésors demeurant et gardant ».
Ensuite, pour ce qui est du Dharma, prêché
pour guider les êtres, celui du vénéré
Shakya est le prêche du Dharma pendant
cinquante années, en particulier le Sutra du
5
C’est effrayant : Nichiren Daishônin fait ici
allusion à la description de la période de la Fin du
Dharma et à l’évocation des persécutions auxquelles
doit s’attendre le pratiquant du Sutra du Lotus dans
cette période, faites dans le chapitre « Exhortation à
garder » du même Sutra.
6
Il n’y a rien d’effrayant : celui qui ne ménage ni
son corps ni sa vie pour le Dharma ne craint pas les
difficultés de quelque nature qu’elles soient.
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
Lotus. Pour Nichiren Daishônin, il s’agit
des trois grands Dharmas ésotériques. Ce
Dharma et son contenu représentent « le
trésor du Dharma demeurant et gardant ».
Le moine recevant ce trésor du Dharma et
le diffusant, est quant à lui « le trésor du
moine demeurant et gardant ».
Enfin, du point de vue du sens général des
« trois trésors demeurant et gardant »,
chaque temple enchâsse un Honzon,
représentant le Bouddha de ce temple et
donc « le trésor du Bouddha ».
Si l’on se conforme aux doctrines
bouddhiques, les rouleaux du sutra doivent
impérativement être placés devant le
Bouddha. Si aucun sutra n’est déposé
devant le Bouddha, il est alors impossible
de savoir ce que ce Bouddha enseigne. Ce
dernier perd ainsi sa signification en tant
que Bouddha. Il semble que dans certains
temples récents, aucun sutra ne soit déposé
devant le Bouddha, prouvant ainsi qu’ils ne
connaissent pas l’aspect originel du
bouddhisme.
En effet, lorsqu’un Bouddha est enchâssé, il
doit obligatoirement être doté des trentedeux signes distinctifs. Dès lors, si aucun
sutra n’est déposé devant lui, seul le signe
de sa voix, dont le son parvient au ciel de
Brahmâ manque7. Autrement dit, le
Bouddha a prêché le Dharma, mais sa voix
prêchant le Dharma a disparu. Ainsi, si l’on
enchâsse une statue de Bouddha sans
déposer devant celui-ci les rouleaux de
sutra, le contenu de son enseignement étant
absent, ce n’est dès lors pas du bouddhisme.
7
Dans L’ouverture des yeux des images sculptées ou
peintes (j. mokue nizô kaigen no koto – 木絵二像開
眼 の 事 ), Nichiren Daishônin écrit : « l’Eveillé est
doté de trente-deux signes distinctifs. Tous relèvent
de la loi de la forme. Les trente et un signes dont les
mille cercles tracés sous ses plantes des pieds, ou
signe situé au plus bas, jusqu’à l’excroissance
qu’on ne voit pas au sommet de son crâne, ou signe
situé au plus haut, tous sont des formes visibles et
tangibles, que l’on peut dessiner ou sculpter. Seul le
signe de sa voix, dont le son parvient au ciel de
Brahmâ, est une forme invisible et intangible. On ne
peut dès lors pas la dessiner ni la sculpter comme
les autres ».
5
Les trois trésors
Ainsi, dans une école du Petit véhicule, des
sutras hinayanistes seront déposés devant le
Bouddha. Des sutras mahayanistes seront
déposés devant un Bouddha du Grand
véhicule. Un Bouddha prêche le contenu de
son enseignement, à partir du fait que des
sutras sont disposés devant lui. Tel est le
principe par lequel l’enseignement devient
le « trésor du Dharma ».
Par
ailleurs,
un
supérieur
réside
immanquablement dans ce temple. Il
protège le Honzon et l’enseignement. Il est
dès lors le « trésor du moine ». Tel est le
sens général des « trois trésors résidant et
gardant ». Cette forme existe toujours
aujourd’hui.
A présent, j’aimerais développer le sujet qui
me tient à cœur aujourd’hui, à savoir, la
nécessité de connaître les trois trésors
fondamentaux du bouddhisme. Nichikan
Shônin cite et développe le passage suivant
de l’Eveil de la foi dans le Mahayana8 :
« Premièrement, avoir foi dans le
fondamental, deuxièmement, avoir foi dans
le trésor du Bouddha, troisièmement, avoir
foi dans le trésor du Dharma,
quatrièmement, avoir foi dans le trésor du
Moine ».
Nichikan
Shônin
explique
« le
fondamental » par le biais des trois
comparaisons : provisoire – véritable,
originel – éphémère, ensemencement –
récolte. De la première de ces
comparaisons, c’est-à-dire la comparaison
entre le Sutra du Lotus et les sutras
antérieurs, il découle que ces derniers
proviennent tous du Sutra du Lotus. En
effet, les sutras antérieurs, Ornementation
fleurie, Agama, Doctrines développées et
Sagesse reprennent par parties, sous la
forme de moyens, le principe exposé dans
le Sutra du Lotus de la fusion parfaite des
trois vérités : vacuité, conditionnalité et
8
Eveil de la foi dans le Mahayana (j. daijô kishin
ron, c. da shen qi xin lun – 大 乗 起 信 論 ) : œuvre
attribuée à Aśvaghoşa, dont le texte sanskrit ayant
disparu, est connue par le biais de deux traductions
en chinois : l’une (un fascicule) de Paramārtha,
l’autre (deux fascicules) de Śikşānanda.
6
médianité. Dans la forme, ces sutras
développant donc le Dharma de manière
fractionnée, ils sont semblables aux
branches et aux feuilles d’un arbre par
comparaison au tronc et aux racines. Par
contre, le sens global étant enseigné dans le
Sutra du Lotus, ce dernier est véritablement
le sutra fondamental.
Ensuite, au sein même du Sutra du Lotus,
on trouve la comparaison entre la doctrine
originelle et la doctrine éphémère,
développées dans ce sutra. La doctrine
éphémère couvre les quatorze premiers
chapitres des vingt-huit constituant le Sutra
du Lotus, la doctrine originelle, se
répartissant, elle, sur les quatorze autres. La
doctrine éphémère représente le prêche du
Bouddha ayant obtenu l’éveil pour la
première fois en cette vie9. A l’opposé, la
doctrine originelle est fondée sur le
Bouddha ayant obtenu l’éveil dans le passé
lointain appelé « kuon »10. C’est pourquoi
elle est fondamentale.
Enfin,
la
comparaison
entre
l’ensemencement et la récolte démontre que
le Dharma merveilleux (j. myôhô – 妙 法 )
ensemencé dans le passé infini (j. kuon
ganjô – 久遠元初) est fondamental, alors que
la « trace descendue11 » du Bouddha de
l’effet originel12 du passé des cinq cents
9
Eveil premier en cette vie (j. shijô shôgaku - 始成
正 覚 ) : au cours des plus de quarante années que
dura le prêche de Shakyamuni, tous ses disciples
pensaient qu’il était devenu Bouddha uniquement
dans cette vie, sous l’arbre bodhi. Shakyamuni
enseigna en ce sens.
10
Eveil dans le passé lointain (j. kuon jitsujô - 久遠
実 成 ) : Dans le 15e chapitre du Sutra du Lotus
« Sortie de terre », Shakyamuni laisse entendre, par
le biais de l’apparition des bodhisattva jaillis de
terre, que sa longévité, en tant que Bouddha est plus
longue que ce que tout le monde pensait. Dans le
16e, « Durée de la vie de l’Ainsi-venant », il dévoile
qu’en réalité, il a obtenu l’éveil dans un passé
extraordinairement lointain. Et que sa vie est
éternelle, présente en permanence.
11
Trace descendue (j. suijaku – 垂 迹 ) : aspect
provisoire pris par un Bouddha ou bodhisattva en
divers lieux pour apporter du bien aux êtres. Le
terme opposé est « honchi » ( 本 地 ) ou nature
originelle (littéralement « terre originelle »).
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
Les trois trésors
grains de poussière d’éons13 se rapporte aux
moyens.
Ainsi, une vérité logique doit apparaître du
point de vue de chacune des comparaisons :
provisoire – véritable, originel – éphémère,
ensemencement – récolte. Chaque école
propose diverses conceptions des trois
trésors. Or, en fait, aucune d’elles ne
représente les véritables trois trésors. Les
trois trésors en tant que moyens apportaient
des bienfaits, tant que les moyens étaient
nécessaires. Une fois les moyens devenus
inutiles, non seulement les trois trésors des
moyens n’apportent plus de bienfaits, au
contraire, ils constituent un mal. Ils
représentent en fait de faux trois trésors.
Les trois trésors fondamentaux apparaissent
dans la comparaison effectuée au sein de la
doctrine originelle du Sutra du Lotus, entre
l’ensemencement et la récolte. Ce sont le
trésor du Bouddha, du Dharma et du Moine
12
Effet originel (j. honga – 本果 ) : effet de boddhéité
de la doctrine originelle du Sutra du Lotus. Au 16e
chapitre, le vénéré Shakya révèle qu’il est, en réalité,
devenu Bouddha dans un passé très lointain. Le
terme opposé est « hon’nin » ( 本 因 ) ou cause
originelle.
13
Passé des cinq cents grains de poussière d’éons
(kuon gohyaku jinten gô – 久遠五百塵点劫 ) : kuon
comme gohyaku jinten gô expriment une durée de
temps extrêmement longue. Au chapitre « Durée de
la vie de l’Ainsi-venant », le vénéré Shakya révèle
sa longévité : « Depuis que je suis véritablement
devenu Bouddha, une incommensurable myriade
d’éons innombrables (s’est écoulée). Prenez, par
exemple, cinq cents, mille, dix mille, cent millions de
myriade de trois mille méga trichiliocosmes. Même
si un hommes parvenait à les réduire en poussière
(…) et qu’il dépose un grain de poussière par éon,
depuis que je suis devenu Bouddha, il s’est écoulé
encore davantage de cinq cents, mille, dix mille,
cent millions de myriade d’éons. Et depuis lors, je
suis toujours sur cette terre de l’endurance à
prêcher le Dharma, à enseigner et à convertir » (ga
jitsu jôbutsu irai, muryô muhen hyakusen man oku
nayuta. Hi nyo gohyaku sen man oku nayuta asôgi
sanzen dai sen sekai. Ke shi u nin mat’chi mijin (…)
ichijin ikkô. Ga jôbutsu irai bu ka o shi hyakusen
man oku nayuta asôgi kô. Jijûzerai gajuôzai shi
shaba sekai seppô kyôke - 我実成仏已来。無量無辺
百千万億那由他劫。譬如五百千万億那由他阿僧祇三
千大千世界。假使有人末為微塵。一塵一劫。我成仏
已来。復過於此百千万億那由他阿僧祇劫。自從是来 。
我常在此娑婆世界説法教化。).
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
du passé infini (kuon ganjô), véritables trois
trésors. La vraie doctrine de Nichiren
Daishônin fut transmise comme l’eau
transvasée d’un récipient à un autre, par
Nikkô Shônin, unique trésor du Moine.
Grâce à lui, la substance du Gohonzon, les
trois grands Dharmas ésotérique à diffuser
dans l’ère finale furent transmis jusqu’à
aujourd’hui.
Ce processus fut possible parce que, avec le
temps, Nikkô Shônin perçut au degré ultime
l’authenticité du Dharma propagé par
Nichiren Daishônin et le comprit
correctement dans son intégralité. Depuis la
fondation de son école, Nichiren Daishônin
établit un ordre au sein de sa méthode de
propagation du Dharma, en fonction des
prédispositions, de manière à combler le
vide entre son enseignement et la
compréhension des gens de son époque.
Pour ce faire, il développa largement la
méthode des quatre dons universels 14 :
l’offrande de ce monde15, l’offrande à
chaque homme16, l’offrande de l’apaisement
par opposition17 et l’offrande de
14
Quatre dons universels (j. shi shitsudan – 四悉檀) :
les sermons du Bouddha sont diversifiés en quatre
“Shitsudan”. Shitsudan est la transcription
phonétique du mot sanscrit Siddhanta qui, d’après
les anciens maîtres, signifie « accomplissement ».
On appelle Siddhanta les quatre moyens qu’utilise le
Bouddha
pour
guider
les
êtres
vers
l’accomplissement de la Voie.
Selon le grand maître Nanyue, lui-même maître de
Zhiyi, « shitsu » signifie « universel », et « dan »
signifie « don ». Avec ces quatre moyens, le
Bouddha fait l’offrande du Dharma universellement
à tous les êtres.
15
Offrande de ce monde (j. sekai shitsudan – 世界悉
檀 ) : le Bouddha enseigne d’abord le Dharma de ce
monde en utilisant les mots provisoires d’homme, de
soi etc., en rapport avec le caractère ordinaire des
êtres, sur ce qui les rends heureux, afin de leur faire
ressentir la joie.
16
Offrande à chaque homme (j. ijin shitsudan - 為人
悉 檀 ) : le Bouddha enseigne le Dharma en tenant
compte des prédispositions, petites ou grandes, de la
profondeur ou de la superficialité des graines que les
êtres ont accumulées par le passé, dans le but de leur
faire ouvrir l’esprit à la véritable croyance, de leur
faire accroître les bonnes racines.
17
Offrande de l’apaisement par opposition (j. taiji
shitsudan – 退治悉檀 ) : à ceux dont la convoitise est
grande, le Bouddha enseigne la compassion (Jihi). A
7
Les trois trésors
l’enseignement du principe premier18. On
comprend dès lors le sens de la phrase
suivante du Gosho :
« Hormis pour un grand sage, il est difficile
de distinguer la doctrine que Nichiren
propage (des autres enseignements).
Même dans les nombreuses lettres
adressées aux croyants, Nichiren Daishônin
évoquait immanquablement une partie des
trois grands Dharmas ésotériques. Que ce
soit le Traité sur le Honzon, le Traité qui
ouvre les yeux, l’Adoption de l’essentiel du
Lotus, ou encore le Dialogue sur le Honzon,
tous ces Gosho expriment l’objet de l’école,
à travers les doctrines développées.
Toutefois,
la
finalité
globale
de
l’enseignement fut transmise de Nichiren
Daishônin à Nikkô Shônin par le biais de
l’héritage de la transmission vitale. Ce point
est incompréhensible pour les écoles
n’ayant pas reçu cette transmission. Les
enseignements et la transmission à la
personne unique, développés dans les Traité
sur la merveille de la cause originelle et le
Traité en cent six articles, contiennent les
significations fondamentales de la doctrine.
En effet, ces ouvrages exposent de manière
très explicite la nature des trois trésors du
passé infini.
Dans le Traité sur la merveille de la cause
originelle il est dit :
« Pour lui (Shakyamuni), il s’agit de la Une
pensée trois mille et de la triple vision en
un cœur, par le corps de rétribution
recevant et utilisant de lui-même,
progressant du corps de communication 19.
ceux dont la stupidité est grande, il enseigne la
vision de la causalité. Ainsi, à l’aide de moyens
appropriés, il guérit les maux des êtres.
18
Offrande de l’enseignement du principe premier (j.
dai ichigi shitsudan – 第 一 義 悉 檀 ) : lorsqu’il a vu
que les prédispositions des êtres ont mûri, le
Bouddha enseigne l’aspect véritable des dharmas
(Shohô Jissô).
19
Bouddha progressant du corps de communication
(j. ôbutsu shôshin – 応 仏 昇 進 ) : il s’agit du
Bouddha Shakyamuni qui, après avoir enseigné
divers dharmas en fonction de la prédispositions de
ses auditeurs, révéla sa nature originelle de Bouddha
dans le chapitre « Durée de la vie ».
8
Pour moi (Nichiren), il s’agit de réciter
directement le Dharma merveilleux non
produit et présent à l’origine, corps de
rétribution recevant et utilisant de luimême depuis le passé infini ».
Dans cette phrase, « corps de rétribution
recevant et utilisant de lui-même depuis le
passé infini » désigne le « trésor du
Bouddha » de kuon ganjo. Quant à « le
Dharma merveilleux non produit et présent
à l’origine », il s’agit du « trésor du
Dharma » de kuon ganjo.
Dans le Traité en cent six articles, il est dit :
« Transmission de l’essentiel dans le passé
infini ».
Cette phrase est écrite du point de vue de la
transmission indiquant l’apparition des trois
trésors du passé infini dans la Fin du
Dharma. Nichiren Daishônin, lui-même,
apparaissant dans la Fin du Dharma, il est le
« trésor du Bouddha » du passé infini.
Le « trésor du Dharma infini » trouve sa
finalité dans le Dai Gohonzon du Kaidan de
la doctrine originelle, unique Dharma
ésotérique duquel émergent les trois grands
Dharmas ésotériques propagés par Nichiren
Daishônin tout au long de sa vie.
Enfin, le « trésor du moine » est Nikkô
Shônin. Fondée sur la transmission de
l’essentiel dans le passé infini, la
transmission dans la Fin du Dharma de
Nichiren Daishônin à Nikkô Shônin, à
travers les deux écrits de transmission,
existe.
Ainsi s’achève mon explication sommaire
des trois trésors.
(A suivre…)
LE BOUDDHISME DE L’ECOLE FUJI – N° 112
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