prenant l'avion est assujettie à la bonne conception et réalisation de l'appareil, aux
vérifications régulières et minutieuses qui ont été faites de ses instruments et composantes et,
plus généralement, à l'attitude de "bon père de famille" que le transporteur aérien a eue
envers la vie et la sécurité des passagers qu'il transporte chaque année. Ce cas nous apprend
donc l'impossibilité de se dé-responsabiliser, comme entreprise, en invoquant une
acceptation totale des risques de la part du passager.
Si la dé-responsabilisation des employés ou des dirigeants est au cœur de scandales aussi
importants que ceux de Goodrich et de McDonnell-Douglas, c'est donc que l'éthique
personnelle est véritablement au centre du débat, et qu'il ne suffit pas de parler d'éthique
organisationnelle. L'enquête de Baumhart, dans les années '60, ne fut pas un cas isolé.
L'éthique personnelle ne pouvait être exclue comme facteur déterminant du comportement
organisationnel, et donc des scandales qui pourraient survenir dans le milieu des affaires.
Bowman (1976) compara les gens d'affaires et les officiers gouvernementaux quant à leur
éthique personnelle. Pour ce qui est des gestionnaires provenant du privé (N=238), son étude
révéla que 53% des répondants croyaient que l'éthique en affaires, à l'époque où ils
participèrent à cette recherche, était supérieure à l'éthique qui avait prévalu antérieurement.
Mais un pourcentage plus élevé (64.4%) de gestionnaires croyait que la pression était forte
pour qu'ils compromettent leurs standards personnels afin d'atteindre des buts
organisationnels. C'était une manière de reconnaître que l'éthique personnelle avait une
influence limitée dans le comportement organisationnel et que l'environnement social,
culturel et juridique était plus déterminant. Car l'atteinte des buts organisationnels visait la
croissance de l'organisation dans un milieu des affaires donné, déterminé par des
conditionnements sociaux, culturels et juridiques qui le poussent à définir ces buts d'une
certaine manière plutôt que d'une autre. En d'autres termes, les buts organisationnels ne sont
pas définis dans l'abstrait, mais à partir des conditionnements externes que subit
l'organisation et évidemment des capacités internes qu'elle a, au plan des ressources
humaines, financières et matérielles, de les atteindre, dans un horizon de temps raisonnable.
Pour Powell (1991), certains secteurs (comme les banques) font face à beaucoup de
compétition et à des pressions de la part d'organismes de régulation et d'associations de
consommateurs amenant les organisations faisant partie de ces secteurs à se conformer à des
exigences d'ordre procédural. Les forces politiques et institutionnelles définissent les limites
du possible. Les processus institutionnels contribuent à mouler la structure des arrangements
économiques. Les règles de l'environnement institutionnel déterminent ce que font les
organisations, et lesquelles pourront continuer à exister. Les choix que l'organisation peut
faire sont limités et déterminés par les processus institutionnels et politiques. Les pratiques
comptables, les politiques relatives au personnel de l'organisation, et même la philanthropie
corporative sont moulés par des attentes et pressions au niveau institutionnel. Les
préférences et choix individuels ne peuvent être compris séparément de la culture sociétale et
de la période historique dans lesquelles ils s'inscrivent, car la culture sociétale et la période
historique véhiculent des normes d'action généralement acceptées. Cette première période de
l'éthique des affaires aux États-Unis démontre une tendance qu'a eu le milieu des affaires
américain, comme institution sociale, à exprimer une certaine homogénéisation dans la
manière dont l'éthique était perçue et interprétée, particulièrement chez les dirigeants
d'entreprises, comme en faisaient foi les premières études de Baumhart.