L’Encéphale, 2006 ;
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810-2, cahier 2 Rythmes biologiques dans les troubles anxieux
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mentation du pourcentage de sommeil paradoxal, tantôt
une augmentation du temps de latence et dans certaines
études aucune anomalie (25).
Globalement, les anomalies constatées habituelle-
ment, comme le temps de latence et la durée du REM
observés dans les troubles anxieux, sont moins régulières
et beaucoup plus hétérogènes que pour la dépression
RYTHMES BIOLOGIQUES : CORTISOL
ET MÉLATONINE
De nombreux systèmes physiologiques de neurotrans-
missions et hormonaux ont été étudiés dans les troubles
anxieux (système noradrénergique, Gaba, cortisol…) (4).
C’est le système cortisolique qui a été le plus étudié et les
résultats ne sont pas homogènes. Le trouble panique a
fait l’objet d’études de dosages de cortisol plasmatique,
urinaire ou salivaire ainsi que de test dynamique de sti-
mulation de l’axe HPA (1, 21). Globalement les résultats
dans le trouble panique vont dans le sens d’un hypercor-
tisolisme assez constant tout au long de la journée. Il pour-
rait être également lié aux stress déclencheurs des pani-
ques. Les résultats montrent de nombreuses variations.
Si certains auteurs retrouvent des concentrations plasma-
tiques élevées de cortisol (8), elles sont normales pour
d’autres études (26, 27). Le cortisol libre urinaire et le cor-
tisol salivaire sont souvent élevés chez les patients pré-
sentant une comorbidité dépressive. On ne sait pas si
l’hypercortisolisme reflète plus un changement caracté-
ristique du trouble ou un épiphénomène traduisant la réac-
tion au stress et les manifestations anxieuses (panique,
anxiété anticipatoire et chronique) (23). Les dosages noc-
turnes pourraient être le meilleur reflet d’une anomalie que
les dosages diurnes soumis à de très nombreuses varia-
tions (stress, exercices…) (2, 3).
Les variations circadiennes et saisonnières observées
dans la dépression ont suggéré la possible implication de
la production de mélatonine et des perturbations de ce
système dans l’anxiété. Dans le trouble panique, des étu-
des récentes ont montré des perturbations et des retards
de phase dans les rythmes mélanotoninergiques (13).
Une étude montre que les paniqueurs auraient une hyper-
sensibilité à la suppression de la mélatonine par la lumière
(200 lx) qui pourrait expliquer le retard de phase du rythme
circadien observé dans ce trouble et correspondre selon
l’auteur à un marqueur biologique du trouble (19).
Une série d’études a été réalisée dans le TOC. Le
rythme circadien de la mélatonine est altéré dans le TOC
comparativement à des témoins, les auteurs trouvent une
corrélation avec la sévérité des symptômes (18). En
revanche, les travaux les plus récents ne retrouvent pas
ces données. Millet
et al.
, 1998 (16) ne retrouvent pas de
différence chez 8 patients comparés à des témoins sur la
variation circadienne des concentrations de mélatonine
plasmatique, de cortisol, la température axillaire est le seul
paramètre qui est modifié sur 24 heures chez les TOC.
Dans une seconde étude, Millet
et al.
, 1999 (17) ne mon-
trent pas de différence dans les rythmes mélatoninergi-
ques durant un traitement par inhibiteur de la recapture
de la sérotonine. L’auteur conclut que l’efficacité de l’anti-
dépresseur n’est pas en relation avec les paramètres bio-
logiques étudiés.
PERSPECTIVES THÉRAPEUTIQUES
Une meilleure connaissance des cycles biologiques cir-
cadiens et saisonniers est intéressante et les données
actuelles sur le sujet sont préliminaires. Les conséquen-
ces peuvent être une meilleure définition des troubles
anxieux et de caractéristiques pouvant avoir un impact
thérapeutique. On peut penser que certaines formes de
troubles anxieux pourraient s’apparenter à un trouble sai-
sonnier compte tenu de leur évolution.
Divers axes de recherche ont été proposés dans le but
d’obtenir de nouveaux antidépresseurs plus efficaces,
mieux tolérés et d’action plus rapide, dans le traitement
de la dépression et des troubles anxieux. Parmi ces axes
de recherche, la mélatonine, synchronisateur endogène
des rythmes biologiques chez l’homme, suscite un intérêt
croissant dans la mesure où la désorganisation des ryth-
mes circadiens est caractéristique d’un grand nombre de
troubles affectifs (11, 15).
CONCLUSION
Il apparaît que la prise en compte des rythmes biologi-
ques dans l’anxiété semble être une voie d’exploration ori-
ginale et innovante tant pour une meilleure compréhen-
sion de la physiopathologie des troubles anxieux que le
développement de nouveaux médicaments efficaces
dans cette pathologie.
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