(Une piste pour soigner l`hypersensibilité des autistes)

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Une piste pour soigner l’hypersensibilité des autistes
Des biologistes ont identifié la cause de l’hypersensibilité sensorielle qui touche un grand
nombre d’autistes et réussi à la corriger chez la souris.
Guillaume Jacquemont (journaliste)
De nombreux autistes réagissent de façon excessive aux stimulus sensoriels, qui peuvent leur
être douloureux.
© milaphotos/Shutterstock.com
L'hypersensibilité des autistes serait dû à une hyperexcitabilité de leurs aires cérébrales
sensorielles. Ces dernières aires s’activent bien plus chez une souris modèle du syndrome de
l'X fragile (une forme d'autisme) (à droite) que chez une une souris normale (à gauche),
quand on leur touche la moustache.
© Isabelle Férézou, Guillaume Bony, Andréas Frick
L'auteur
Guillaume Jacquemont est journaliste à Pour la Science.
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Avez-vous déjà été ébloui par des néons de supermarché au point que cela en devienne
douloureux ? Le simple fait de porter des vêtements est-il désagréable ? De nombreux autistes
sont victimes d’une hypersensibilité sensorielle, susceptible de toucher tous les sens. L’équipe
d’Andréas Frick, à l’Inserm, a découvert les mécanismes cérébraux en cause et réussi à
résoudre le problème chez la souris.
Les troubles du spectre autistique touchent plus de 650 000 personnes en France, dont
150 000 enfants. Ils se manifestent par divers symptômes, notamment un manque de
sociabilité, des difficultés à communiquer et des comportements répétitifs. Près de 90 % des
personnes touchées souffrent aussi un défaut de traitement de l’information sensorielle,
entraînant une hypersensibilité ou au contraire un manque de sensibilité, voire les deux. Ce
défaut peut toucher n’importe quel sens – voire tous à la fois — et se révéler très handicapant
au quotidien.
Les chercheurs se sont intéressés à l’un des troubles du spectre autistique, le syndrome du X
fragile. Ce trouble est dû à une mutation génétique et entraîne une déficience intellectuelle –
c’en est d’ailleurs la première cause héréditaire.
Les biologistes ont travaillé sur des souris qui présentaient les symptômes et la mutation
génétique caractéristiques du syndrome de l’X fragile. Ils ont d’abord testé leur réponse à une
stimulation tactile (toucher la moustache ou la patte) pendant qu’ils mesuraient l’activité
électrique de leur cerveau. Les neurones du cortex somatosensoriel des souris, qui traite les
informations tactiles, se sont révélés être hyperexcitables, c’est-à-dire qu’ils s’activent plus
souvent et émettaient plus d’influx nerveux que ceux de souris normales. C’est ce qui
conduirait à une réponse excessive aux stimulus sensoriels. Cette hyperexcitabilité avait déjà
été constatée pour d’autres types de stimulus, notamment auditifs.
Les chercheurs ont ensuite cherché à comprendre pourquoi. Le syndrome de l’X fragile est
causé par la mutation du gène codant une protéine nommée FMRP. On savait que cette
protéine interagit avec de nombreuses molécules et qu’elle est liée à la plasticité cérébrale,
mais des études récentes ont montré qu’elle régule aussi l’activité de certains canaux ioniques.
Or ces canaux intégrés aux membranes cellulaires, qui s’ouvrent et se ferment pour réguler les
flux d’ions dans la cellule, sont un élément clef de l’activité électrique des neurones. La
mutation du gène de la protéine FMRP pourrait-elle en rendre certains dysfonctionnels ?
C’est ce qu’ont vérifié A. Frick et ses collègues. Ils ont identifié deux types de canaux
ioniques dont l’activité était perturbée, ce qui conduisait à l’hyperexcitabilité des neurones.
En administrant aux souris une substance pharmacologique qui cible certains de ces canaux,
les biologistes ont réussi à leur rendre une activité normale et à atténuer l’hypersensibilité des
animaux. C’est donc une piste sérieuse pour un nouveau médicament, même si divers
paramètres restent à améliorer – notamment la durée pendant laquelle la molécule est efficace.
En outre, certains résultats préliminaires suggèrent qu’agir sur ces canaux ioniques pourrait
aussi améliorer d’autres symptômes de l’autisme, tels que les déficiences sociales.
Pour en savoir plus
Y. Zhang et al., Dendritic channelopathies contribute to neocortical and sensory
hyperexcitability in Fmr1−/y mice, Nature Neuroscience, en ligne le 10/11/2014.
Cerveau et psycho N°51
mai - juin 2012
Autisme
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