c. Mémoire, oubli et conscience de soi.
On a pensé les limites de la conscience lorsqu’elle prend conscience du présent, dans
l’action, dans la perception, et de là dans tous les actes de la conscience : elle est toujours
environnée par de l’inconscience.
Maintenant, on peut alors plus loin et voir un nouvel obstacle dans l’idée que la
conscience que j’ai de moi-même suffit pour me connaître moi-même.
Me connaître moi-même, c’est savoir qui je suis. Est-ce que la conscience le permet ?
Ce n’est pas certain. On peut prendre l’exemple de celui qui ignore par excellence qui il
est, qui ne se connait pas lui-même : l’amnésique. Il a oublié qui il est, jusqu’à son nom.
Pourtant, est-ce que l’amnésique n’a pas conscience de lui-même ? Si, il existe sur le
mode de la conscience. Il a conscience des objets qui l’entourent, mais il a aussi
conscience de lui-même, il est capable de dire Je, il se pense. Un bon exemple
d’amnésique : Gollum, dans le Seigneur des anneaux. A l’origine, c’est un hobbit qui
s’appelait Sméagol, il a tué son cousin Déagol pour lui voler l’anneau, à la suite de quoi il a
été chassé par les autre hobbit, il a du s’enfuir dans les montagnes brumeuses et il a vécu dans
une caverne et est tombé sous le pouvoir de l’anneau : il veille sur l’anneau depuis 700 ans et
il est frappé d’amnésie : il a oublié qui il est, les hobbit, son nom, son histoire.
Pourtant, est-ce que Gollum n’a pas une conscience ? Si, il a conscience de lui-même, et
pourtant il ne se connait pas lui-même.
Si on reprend les caractéristiques du cogito, on peut voir la différence entre conscience de
soi et connaissance de soi.
Dans le cogito, j’atteins la certitude de mon existence, la certitude que je suis.
Est-ce que l’amnésique a cette certitude ? Oui.
Dans le cogito, j’atteins la certitude de mon essence, la certitude de ce que je suis, à
savoir une chose qui pense.
Est-ce que l’amnésique a cette certitude ? Oui.
Et pourtant il ignore qui il est.
C’est là ce qu’on peut objecter à Descartes : dans la conscience de soi, j’obtiens la
connaissance que je suis et de ce que je suis, mais pas de qui je suis. Le quoi est différent
du qui. Le quoi est commun avec tous les autres hommes, il est universel, alors que le qui
m’est propre, il est singulier.
Qui suis-je ? Le cogito ne répond pas à cette question ! La conscience de soi ne permet
donc pas de savoir qui on est, de se connaitre soi-même. La connaissance de soi exige plus
que la conscience.
Qu’est-ce qu’il faut en plus ? Regardons l’amnésique : qu’est-ce qu’il a perdu qui fit qu’il
a perdu la connaissance de soi ? C’est la mémoire. Donc, la connaissance de soi exige la
mémoire, et pas seulement la conscience de soi.
Pour savoir qui je suis, je dois me souvenir de ma vie, de mon histoire, c’est-à-dire
des événements qui me sont arrivés. C’est l’ensemble de ces événements qui fait l’unité
d’une histoire, la mienne, ma vie.
Se connaitre soi-même, c’est savoir d’où on vient, qui son nos parents, etc.
Et connaitre autrui, c’est justement apprendre son passé. Pour faire connaissance avec
autrui, on se raconte mutuellement nos histoires.