Territoire et idéologie chez les pasteurs du nord

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Projet de thèse de Jérôme Dubosson
Sous la direction du Prof. Matthieu Honegger
Institut de Préhistoire et des Sciences de l’Antiquité
Université de Neuchâtel (Suisse)
Territoire et idéologie chez les pasteurs du nord-est africain.
Une approche ethnoarchéologique
Cette thèse de doctorat traite des apports et des limites de l’anthropologie dans la construction
d’un discours archéologique sur les sociétés pastorales africaines. Nous abordons dans un premier
temps l’histoire de la pensée archéologique sur le pastoralisme africain. Cette dernière s’enracine dans
les récits des explorateurs et scientifiques passés qui, fascinés par les sociétés d’éleveurs nomades et
leurs immenses troupeaux, contribuèrent à forger les premières représentations du pastoralisme
africain.
Depuis lors, l’intérêt pour ces sociétés n’a pas vraiment diminué. Il a même pris de plus en
plus d’importance à partir des années 1970, suite aux graves crises éco-climatiques qui affectèrent les
régions sahélo-sahariennes, et de nombreux ouvrages lui sont actuellement consacrés. Le pastoralisme
y est généralement défini comme une stratégie de subsistance fondée sur l’élevage spécialisé
d’animaux domestiques. Longtemps perçue en archéologie comme une simple activité économique, la
domestication animale est en effet considérée par de nombreux préhistoriens comme la première
forme d’économie de production sur le continent noir. Cependant, de nombreuses études
ethnologiques tendent à montrer que le pastoralisme est aussi un système idéologique, c’est-à-dire un
ensemble social d’idées, de représentations, de valeurs et de perceptions.
Dans cette partie historiographique, nous proposons une synthèse des modèles d’évolution des sociétés
pastorales entre le VIe et le Ier millénaire av. J.-C., en nous attachant essentiellement à la vallée du Nil,
au désert occidental et oriental, et au Sahara central. Nous souhaitons analyser la manière dont les
archéologues rendent compte des interactions entre l’homme, le bétail et l’environnement, afin de
déterminer si le succès de certaines représentations des sociétés se justifie par leurs assises empiriques
ou plutôt par leur conformité aux modèles de l’anthropologie naïve.
Cette approche de la littérature scientifique permet de mettre en
lumière
les
liens
étroits
qu’entretiennent
l’archéologie
et
l’anthropologie, et dont témoigne le développement croissant de
l’ethnoarchéologie. Cette stratégie de recherche est destinée à affiner, à
enrichir et à critiquer les techniques d’inférence archéologique. Elle
met en œuvre une analyse ethnologique et archéologique du présent,
pour favoriser la compréhension des relations entre culture matérielle
et comportements, et pour proposer des hypothèses d’interprétation de
situations passées. L’ethnoarchéologie n’a que récemment porté son
attention sur les sociétés pastorales. L’idée que le pastoralisme est
difficilement identifiable en archéologie, voire invisible, a en effet
longtemps limité les perspectives de son étude. Les préhistoriens ont
aujourd’hui affiné leurs méthodes et leurs regards, notamment grâce à l’usage de données
ethnographiques. L’emploi de ces données dans l’interprétation archéologique fait toujours l’objet de
discussions animées et contrastées, soit il est trouvé essentiel à la validation des hypothèses, soit il est
condamné.
Nous analysons dans cette
seconde partie la compatibilité
de
documents
provenant de sources différentes et les possibilités de
transfert
d’attributs
anthropologie
et
entre
archéo-
logie. Nous explorons la
littérature scientifique sur le
pastoralisme
menons
terrains
africain
également
et
des
ethnographiques
dans le sud de l’Ethiopie,
chez les Hamar de la vallée de l’Omo, où nous étudions l’inscription de l’idéologie pastorale dans leur
territoire et leur culture matérielle.
Si l’approche bibliographique permet de mettre en évidence les principaux thèmes et modèles
développés sur le pastoralisme, notre approche de terrain a pour vocation de les observer sous un jour
nouveau. Il s’agit finalement de montrer leur potentiel critique dans l’analyse des vestiges
préhistoriques et de réduire les généralisations abusives. Le bilan de nos travaux débouchera sur la
création de propositions originales, que nous tenterons d’appliquer à la Nubie pré- et protohistorique,
entre le VIe et le Ier millénaire av. J.-C.
Nous accorderons une importance particulière à la Nubie, notamment
au site de Kerma qui possède un riche potentiel archéologique. Kerma
est la capitale du royaume de Kouch, premier royaume d’Afrique
noire se développant en Haute Nubie au milieu du IIIe millénaire av.
J.-C. Nous y aborderons la relation homme-animal-milieu, à travers
diverses thématiques, notamment le territoire (zones exploitées,
limites du royaume), la culture matérielle (parures, vêtements et
objets en cuir, appuie-tête en bois, figurines animales en terre et
représentations picturales de bovins), le mobilier et le rituel funéraires
(bucranes déposé autour du tumulus) ou encore l’architecture (enclos
à bétail).
L’objectif de cette recherche interdisciplinaire est d’appréhender le
pastoralisme de manière critique. Nous ne voulons pas créer un modèle
prédictif expliquant toutes les situations passées, mais étudier des documents
concrets liés à des contextes archéologiques et ethnographiques connus, afin
d’apprécier directement les apports et les limites des inférences ethnologiques
en préhistoire. Nous pensons ainsi favoriser l’identification du pastoralisme en
archéologie et la compréhension de son évolution.
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