150 ans de contribution française à l’archéologie palestinienne Allocution de bienvenue Madame la Ministre, Messieurs les directeurs, Chers pères, Chers amis, Je suis particulièrement heureux d’être ici, à l’Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, pour célébrer 150 ans de contribution française à l’archéologie palestinienne, à l’occasion de ce colloque organisé par l’Institut français du Proche-Orient et l’Institut français de Jérusalem. C’est au Tombeau des Rois, à 300 mètres d’ici, un peu plus haut sur la rue de Naplouse, qu’eurent lieu en 1863 les toutes premières fouilles en Palestine. Elles étaient l’œuvre de Félicien de Saulcy qui inaugurait alors une longue tradition d’archéologie française dans ce pays, aux côtés d’autres chercheurs européens, américains et palestiniens notamment. C’est aussi en cet endroit qu’ont eu lieu, il y a seulement quelques semaines, les dernières fouilles que nous ayons organisées, avec l’Institut français du Proche-Orient et l’Ecole biblique et archéologique française, sous la responsabilité de Jean-Baptiste Humbert et de Jean-Sylvain Caillou. Pendant très longtemps l’archéologie française en Palestine a été représentée par l’Ecole biblique et archéologique, où nous nous trouvons ce soir, et dont je tiens tout d’abord à saluer le rôle majeur. Fondée en 1890 par le père Lagrange, cet établissement est devenu en 1920 le centre de la recherche archéologique française en Palestine. Parmi les nombreuses contributions apportées par cette école, je citerai les travaux de référence du P. Vincent sur Jérusalem, Hébron et Bethléem, les fouilles du P. De Vaux à Tell El-Far’ah et à Qumran et, plus récemment, celle du P. Jean-Baptiste Humbert à Gaza. Mais avant cela, durant l’époque pionnière qui nous conduit jusqu’à la seconde guerre mondiale, d’autres figures ont fait progresser les recherches. Certaines de ces personnalités ont même occupé – avant moi – les fonctions de Consul général de France à Jérusalem, à commencer par Paul-Emile Botta, qui fera l’objet d’une conférence ce soir, et qui nous est d’autant plus cher que la rue où est située notre Consulat général à Jérusalem porte son nom, ce qui nous rappelle, chaque jour, sa mémoire. Botta, fondateur de l’archéologie française au Moyen Orient, illustre mieux que quiconque la proximité des métiers de diplomate et d’archéologue au milieu du XIXème siècle, à une époque où l’Orient excitait des passions politiques et scientifiques de plus en plus fortes, et où Jérusalem en particulier suscitait la concurrence intense des puissances européennes, qui cherchaient à profiter de l’affaiblissement de l’Empire Ottoman pour avancer leurs intérêts propres sur cette terre. De là, comme vous le savez, l’affaire des Lieux Saints et le déclenchement de la guerre de Crimée. L’essentiel du temps de Paul-Emile Botta, quand il est nommé Consul de France à Jérusalem après la révolution de 1848, est d’ailleurs occupé par cette affaire, où la France et la Russie s’était affrontées durement. Et s’il était sans doute trop occupé pour s’adonner lui-même à l’archéologie en Palestine, il eut le temps de concevoir, avec Melchior de Voguë, le projet du don à la France de l’église Sainte-Anne par la Sublime Porte. Parmi les autres diplomates archéologues, je voudrais également citer les noms de Melchior de Voguë, célèbre pour ses travaux sur les églises croisées et l’esplanade des mosquées, de Charles ClermontGanneau, grand spécialiste d’épigraphie et d’archéologie palestiniennes, et de René Neuville, qui fut l’un des fondateurs de la recherche préhistorique en Palestine mais aussi Consul général à Jérusalem de 1946 à 1952, et qui était donc présent lors du tournant historique de 1948. Cela nous rappelle que l’activité de recherche archéologique française en Palestine s’est toujours développée dans un contexte fragile et tourmenté. Aujourd’hui encore, ce contexte n’est pas stabilisé et le conflit israélo-palestinien est toujours en attente d’un règlement juste et durable. Mais, malgré cela, et même pour cette raison, il est important pour nous de poursuivre cette activité. D’abord, parce qu’elle continuera d’apporter à tous une meilleure compréhension de l’histoire de la région, de son passé et de la multiplicité des strates historiques et humaines qui la composent, et qu’elle constitue de ce fait la meilleure défense contre toutes les tentatives d’enrôler la science au service d’une revendication politique exclusive ou intolérante. Ensuite, et je m’adresse ici tout particulièrement à la ministre palestinienne du Tourisme et des Antiquités, parce que notre activité archéologique se fait désormais en partenariat avec les institutions palestiniennes, celles de l’Autorité nationale palestinienne ou bien les universités, et qu’elle joue donc pleinement son rôle dans l’appui aux institutions du futur Etat, dont nous appelons la création de nos vœux. On a vu encore récemment, avec le classement de la Basilique de la Nativité à la liste du patrimoine mondial, que la France a soutenu, quelle pouvait être l’importance du patrimoine pour la reconnaissance internationale de la Palestine et la France, Madame la Ministre, entend jouer pleinement son rôle dans le soutien à la connaissance et la gestion de ce patrimoine par les Palestiniens. Pour cela, nous avons des instruments et des activités multiples : en témoignent ainsi l’implantation récente d’une antenne de l’Ifpo dans les Territoires Palestiniens, le soutien du ministère français des Affaires étrangères et du Consulat général à des missions archéologiques, la coopération universitaire entre l’Université de Paris 1 et de Birzeit, ou encore notre partenariat avec l’Université islamique de Gaza et l’UNESCO pour réhabiliter le site de Tell Umm Amer, ainsi que nos projets de collaboration archéologique avec l’Université d’Al-Quds. . En 150 ans, nous sommes donc passés de l’archéologie française en Palestine à l’archéologie franco-palestinienne, et c’est bien sûr une excellente chose. Pour finir, je tiens à remercier chaleureusement tous nos partenaires pour cet événement : l’Institut français, l’Ifpo et particulièrement Jean-Sylvain Caillou, principal organisateur de la manifestation, l’université de Birzeit ainsi que l’Ecole biblique et archéologique française qui nous accueille ce soir. Je salue également tous nos intervenants et en particulier, Estelle Villeneuve, chercheur et collaboratrice au Monde de la Bible, et Elisabeth Fontan, conservateur en chef au département des antiquités orientales du Musée du Louvre, qui nous font l’honneur de donner ce soir les conférences inaugurales. Je vous remercie.