Structures à puits quantiques Ge/SiGe pour la modulation optique à la longueur d’onde de 1.3 µm Mohamed-Saïd Rouifed, Papichaya Chaisakul, Delphine Marris-Morini, Xavier Le Roux, Samson Edmond, Jean-René Coudevylle, et Laurent Vivien Institut d'Electronique Fondamentale, Univ. Paris-Sud CNRS UMR 8622, Orsay, FRANCE E-mail: [email protected] Jacopo Frigerio, Giovanni Isella, Daniel Chrastina Laboratory for Epitaxial Nanostructures on Silicon and Spintronics, Dipartimento di Fisica Politecnico di Milano Como, ITALY Email : [email protected] Résumé 2. Principe : L’effet Stark Confiné Quantiquement est démontré à température ambiante et à la longueur d’onde de 1,3 µm dans une structure à multi-puits quantiques Ge/SiGe insérés dans une diode PIN. Ce résultat montre la possibilité d’utiliser une ingénierie de la structure pour ajuster la longueur d’onde de fonctionnement du modulateur optique. La figure (1) illustre le principe de modulation d’intensité optique, et la transformation d’une information électrique en une information optique, qui est une fonction de base pour les systèmes de communications optiques. 1. Introduction L’intégration de l’optique et de l’électronique est un domaine de recherche en pleine expansion. La réalisation de liens optiques (ou interconnexions optiques) sur les circuits microélectroniques est envisagée comme une alternative pour remédier aux problèmes rencontrés par les interconnexions électriques lors de l’augmentation des performances des circuits (délais, puissance consommée, distorsion des signaux) [1]. Cependant l’intégration des composants optiques et électroniques sur un même circuit nécessite une compatibilité des technologies utilisées pour la fabrication des composants (technologie CMOS). La photonique basée sur le germanium (Ge), matériau déjà intégré dans des technologies CMOS a démontré ces dernières années des résultats impressionnants notamment par la démonstration de sources [2], les modulateurs [3], les guides d’ondes [4] et les détecteurs [5-6] optiques. Les modulateurs optiques compacts à électro-absorption, basés sur l’effet Stark confiné quantiquement dans des structures à puits quantiques sont maintenant couramment utilisés dans les matériaux III-V [7], et ont été démontré plus récemment dans la « filière » germanium, en utilisant des structures à multi-puits quantiques Ge/SiGe [8-9]. L’intérêt de l’utilisation de ces structures à multi-puits quantiques réside dans la possibilité de contrôler la longueur d’onde de travail, par une ingénierie des matériaux, qui est illustré dans le travail présenté ci-dessous. En effet dans nos premières démonstrations une modulation optique à la longueur d’onde de 1.4 µm avait été obtenue [3,9], alors que dans la démonstration ci-dessous la structure des puits quantiques a été modifiée pour que le modulateur fonctionne à 1.3 µm qui est une des fenêtres de longueur d’onde importante pour les télécommunications optiques. Figure 1. Principe de la modulation optique. Dans ce domaine, deux grandes catégories de modulation existent, les modulateurs à électro-absorption [7-9] et à électro-réfraction [10]. Ces deux effets physiques découlent directement de la résolution des équations de Maxwell dans le milieu de propagation. En effet, une onde électromagnétique peut être décrite par son champ électrique qui se propage dans un milieu d’indice de réfraction complexe = + 2 selon [11]: ( , )= ∗ ∗ ∗ ∗ ∗ !∗ " (1) Où, est l’amplitude du champ, est coefficient d’absorption du matériau, $ est la pulsation, % est la longueur d’onde dans le vide, est l’indice de réfraction réel, α est le coefficient d’absorption. Pour modifier la propagation du champ dans le matériau il est donc possible de moduler soit le coefficient d’absorption ce qui va engendrer une modulation d’amplitude du champ électrique (modulateur à électro-absorption), ou de moduler l’indice de réfraction, nr, (modulateur à électro-réfraction) ce qui est possible par exemple dans le silicium par variation de concentration de porteurs libres. Les travaux présentés ci-dessous sont consacrés à l’étude de structures pour la modulation par électroabsorption en utilisant l’effet Stark confiné quantiquement dans des structures à Multi-puits quantiques Ge/SiGe. Sur la figure (2.a) est représentée une structure à puits quantique, avec les niveaux d’énergies discrets dans la bande de valence et de conduction. Cette structure présente un bord de bande d’absorption lié à la différence d’énergie entre les premiers niveaux d’énergie dans la bande de valence et de conduction. De plus en l’absence de champ extérieur , les fonctions d’ondes sont symétriques ce qui se traduit en terme d’absorption par l’apparition d’un pic d’absorption excitonique. En présence d’un champ électrique, l’énergie de bande interdite effective du puits diminue et le recouvrement des fonctions d’ondes décroit, ce qui se traduit par un décalage du spectre d’absorption vers les plus grandes longueurs d’onde et la disparition du pic excitonique figure (2.b). Ces deux phénomènes sont les caractéristiques de l’effet Stark confiné quantiquement. Pour une longueur d’onde incidente λ0, la variation du coefficient d’absorption en fonction du champ électrique appliqué permet d’obtenir une modulation d’intensité optique. Figure 2. (a) Niveaux d’énergies et les fonctions d’onde dans le puits quantique Ge. (b) Spectre d’absorption en absence et en présence d’un champ électrique. bande interdite directe. Dans le composant fabriqué, une concentration de Si égale à 21% est utilisée dans le substrat virtuel, et 35% dans les barrières SiGe. Ces valeurs sont choisies pour que les concentrations moyennes de Ge dans l’empilement Ge/Si0.35Ge0.65 et dans le substrat virtuel soient identiques afin d’assurer une parfaite qualité cristalline de la structure. Cette structure à multi-puits quantiques Ge/Si0.35Ge0.65 est insérée dans une diode PIN verticale comme illustré sur la figure 3. Cette diode permet d’appliquer des champs électriques intenses dans la région intrinsèque (région active). L’épitaxie des couches est faite par la technique LEPECVD [13]. Sur un substrat de 100mm Si(001), une croissance de 11µm d’une couche tampon graduelle de Si1-yGey est faite linéairement de y=0 jusqu’à y=0.79, avec une vitesse de concentration de 7% /µm. Malgré le désaccord de maille qui existe entre le Si et le Ge, cette couche tampon permet d’obtenir en surface une couche de Si0.21Ge0.79 de très grande qualité, permettant ensuite une bonne croissance des puits quantiques. Au-dessus de cette couche tampon de 11µm, une couche de 2µm de Si0.21Ge0.79 est ajoutée pour former une couche complètement relaxée (substrat virtuel) sur laquelle la diode PIN est fabriquée. La région P est formée par 500 nm de Si0.21Ge0.79 dopé au Bore, et est suivie d’une couche non dopée de 50 nm Si0.21Ge0.79. La région intrinsèque est formée par les puits quantiques de 10nm de Ge et de 15 mn de Si0.35Ge0.65 dans la barrière. 20 périodes sont utilisées. Finalement, une deuxième couche non dopée de 50nm est ajoutée, suivie d’une couche Si0.21Ge0.79 qui forme la région N, dopée au phosphore d’épaisseur 100nm. Des diodes PIN sont ensuite fabriquées, sous forme de rectangle de surface 100µm x114µm, dans le but de pouvoir mesurer le photo-courant généré par l’absorption dans les puits quantiques. Une lithographie UV et une gravure RIE sont utilisées pour définir la diode. Les contacts métalliques sont déposés sur les régions N et P. Ils sont formés de 20nm de titane et 300nm d’or. Un schéma de la structure ainsi que une vue sous le microscope sont représentées sur la figure (3). (b) 3. Conception et fabrication du composant Pour que le modulateur fonctionne à 1.3µm, un décalage du bord de bande d’absorption doit être obtenu, afin de passer de 0.89eV pour le germanium pur à 0.95eV. Différentes méthodes existent pour atteindre cet objectif, par exemple, augmenter le confinement dans les puits quantiques en dimensionnant leur largeur, utiliser le SiGe comme matériau pour les puits au lieu du germanium massif ou bien jouer sur les contraintes des matériaux [12]. Cette dernière proposition est utilisée dans notre cas pour atteindre la longueur d’onde 1.3µm. En comparaison avec nos précédents résultats (bord de bande à 1.4µm) [9], nous avons diminué la concentration de Ge dans les barrières et dans la couche de SiGe relaxée utilisée en substrat virtuel. Par conséquent, le Ge dans les puits est plus contraint en compression par rapport au substrat virtuel, ce qui induit une augmentation de son énergie de (a) Figure 3. (a) photographie au microscope optique du composant fabriqué. (b) vue schématique structure. 4. Résultats expérimentaux : Des mesures du photo-courant sont effectuées sur la diode décrite ci-dessus, sous différentes tensions de polarisation inverses et à température ambiante. Un laser Pour en déduire l’absorption due à la région active, on peut écrire que pour une onde incidente perpendiculaire aux plan des couches, la fraction de la lumière absorbée par puits quantique, notée γwell peut être calculée par l’équation suivante, à condition que γwell << 1, condition satisfaite en pratique [14]. ∆- (2) Où ∆-est la puissance optique absorbée dans la structure à multi-puits et - est la puissance optique incidente. N désigne le nombre de puits dans la région active. Finalement en supposant un rendement quantique de 1 (un photon absorbé créée un électron collecté), on obtient la relation suivante : [9]: & × ()*++ = ./0 = - &()*++ (%)% (3) ℎ2 Où - est la puissance incidente, en tenant en compte de la réflexion sur la surface de l’échantillon, h est la constante de Planck, e est la charge de l’électron, c est la célérité de la lumière et % est la longueur d’onde. Figure 4. Le spectre d’absorption pour différents champs électriques. Le spectre d’absorption obtenu par cette méthode est représenté sur la figure (4). A cause du confinement dans les multi-puits quantiques ainsi que les contraintes qui existent entre le Ge dans les puits et la couche relaxée, le décalage du spectre d’absorption depuis 0.8eV pour le Ge pure à 0.96eV est clairement observé. Pour des polarisations faibles (-1V est utilisé pour avoir un champ électrique suffisant afin de collecter tous les porteurs photogénérés), un pic excitonique est observé sur le spectre à la longueur d’onde 1.277 µm, qui peut être attribué à la transition optique du niveau des trous lourds de la bande de valence vers la bande de conduction, au centre de la zone de Brillouin (point Г). Au passage on remarque qu’aux grandes longueurs d’onde (ici 1.34µm), l’absorption indirecte dans les puits est très faible par rapport à l’absorption directe. Décalage de d'énérgie (meV) accordable génère une onde optique avec un spectre qui va de 1245nm jusqu’à 1340nm, et illumine la surface de l’échantillon avec une incidence normale et une polarisation aléatoire. Une démodulation synchrone est utilisée pour mesurer le spectre du photo-courant, afin de dissocier le photo-courant du courant d’obscurité de la diode. Pour se faire, un chopper module l’onde incidente à 0.5 kHz, et la détection est synchronisée sur cette onde incidente, grâce à l’utilisation d’un amplificateur Lock-in. Finalement, une étape de normalisation des données est effectuée pour déduire les spectres de photo-courant de la structure en fonction de la tension appliquée. 0 Points exp Fit -5 -10 -15 -20 -25 0 2 4 6 8 10 Champ éléctrique (104 V/cm) 12 Figure 5. Le décalage du pic excitonique en fonction du champ électrique appliqué. Quand on augmente la tension de polarisation inverse, les deux caractéristiques de l’effet Stark Confiné Quantiquement sont observées sur le spectre d’absorption: ce dernier se décale vers les hautes longueurs d’onde et le pic d’absorption excitonique diminue. Sur la figure (5), l’énergie du pic en fonction des champs électriques appliqués sur la structure est reporté, et on retrouve la dépendance quadratique de cette énergie en fonction du champ( = − ∗ 5 ) attendue théoriquement. 5. Conclusion et perspectives Dans ce travail, nous avons démontré la possibilité d’ajuster la longueur d’onde du bord de bande d’absorption de structures à multi-puits quantiques Ge/SiGe et avons obtenu l’effet Stark confiné quantiquement à la longueur d’onde 1.3 µm, longueur d’onde couramment utilisée en télécommunications optiques. En se basant sur la région active qui a été utilisée dans ce travail, un modulateur optique à électroabsorption à 1.3 µm pourra à présent être réalisé. En effet à cette longueur d’onde une faible absorption est obtenue à faible tension appliquée, et cette absorption augmente lorsque la tension inverse appliquée sur la diode augmente. L’obtention d’un modulateur optique performant nécessitera de remplacer la configuration en éclairement par la surface par une configuration guidée. Remerciement : Ce projet de recherche est supporté par l’ANR sous le projet GOSPEL (Direct Gap related Optical Properties of Ge/SiGe Multiple Quantum Wells), et par la fondation CARIPLO sous le projet NANOGAP. Références [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] David. A. B. Miller, “rationale and challenges for optical inteconnects to electronic chips,” IEEE Proceedings, 88 (6), 728-749 June 2000. Xiaochen Sun, Jifeng Liu,, Lionel C. Kimerling, and Jurgen Michel, “Toward a Germanium Laser for Integrated Silicon Photonics”, IEEE Journal of Selected Topics in Quantum Electronics, 16 (1), 124-131, January/Febrary 2010. Papichaya Chaisakul, Delphine Marris-Morini, Mohamed-Saïd Rouifed, Giovanni Isella, Daniel Chrastina, Jacopo Frigerio, Xavier Le Roux, Samson Edmond, Jean-René Coudevylle, Laurent Vivien, "23 GHz Ge/SiGe multiple quantum well electro-absorption modulator" Optics Express, 20 (3), 3219-3225, (2012). Onur Fidaner, Ali K. Okyay, Jonathan E. Roth, Rebecca K. 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