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Un objectif affiché des politiques menées actuellement est de « rassurer les marchés »,
plaire aux entreprises privées pour les attirer ou les conserver sur notre territoire.
Historiquement cependant la solution n’a pas toujours dépendu de cette priorité. Le président
américain Franklin Delano Roosevelt, arrivé en 1933 à la tête d’un pays dévasté par la crise,
a adopté une toute autre posture. Pour sortir du marasme dans lequel la crise financière de
1929 avait plongé les États-Unis, Roosevelt prit une posture radicale envers les marchés :
bien qu’il n’ait pas été préjugé comme « de gauche », il s’évertua à renforcer le contrôle
étatique sur les marchés, à réguler le secteur bancaire, à encadrer les activités de marché.
Nous pourrions presque dire qu’il évaluait la justesse de ses mesures aux réactions de rejet
qu’elles suscitaient de la part du monde financier. Et son approche se montra efficace : la
réglementation qu’il posa au cours de ses législatures fut le socle qui permit 50 ans de
prospérité économique, dont la période connue sous le nom des Trente Glorieuses.
Que penser alors de réglementations actuelles telle que la loi de séparation et de régulation
des activités bancaires adoptée en France en juillet 2013 ? Les réactions plutôt positives de
grands banquiers face au projet de loi suscitèrent légitimement quelques questions, l’une
d’entre elles permit de dévoiler que la loi touchera seulement 1% des activités bancaires !
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Examiner les exemples passés et réussis de régulation bancaire et analyser les problèmes
que pose le système de la banque universelle pourraient toutefois, avec un peu de bonne
volonté, doper le courage de nos hommes politiques.
LA SẺPARATION BANCAIRE DANS LE PASSÉ
L’une des premières mesures prises par Roosevelt pour enrayer la crise et réguler le secteur
bancaire fut le Glass Steagall Act, adopté en 1933, en une seule journée, et qui interdisait
aux banques de dépôt (ou banques commerciales) de s’engager dans des activités
d’investissement. Cette législation fut en vigueur pendant plusieurs décennies, puis
démantelée petit à petit pour être totalement abrogée en 1999, afin de permettre la fusion de
Citicorp et Travelers en Citigroup, alors le plus gros conglomérat financier au monde (plus
approprié serait le terme « légaliser » cette fusion, qui avait été signée en 1998 et reçut alors
une dérogation d’un an…)
La Belgique a suivi une voie très similaire. Jusqu’en 1934, les banques dites mixtes étaient
fortement impliquées dans le développement industriel. Elles géraient, en plus des dépôts et
crédits, un portefeuille d’actions et d’obligations.
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En 1934 est décidée la scission des
banques mixtes en banques de dépôt (dont les activités sont restreintes à la collecte de
dépôt et à l’octroi de crédit à court et moyen terme, deux ans maximum) et en sociétés de
portefeuille. Le système de séparation a été amendé et assoupli jusqu’à sa suppression.
D’autres pays européens avaient suivi la voie américaine mais la réforme belge fut la plus
radicale. L’interdiction absolue pour les banques de dépôt de détenir toute action de sociétés
industrielles est un cas unique en Europe.
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Il était « interdit à ceux qui exercent l’activité de
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http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20130130.CHA5665/loi-bancaire-frederic-oudea-le-patron-de-la-
societe-generale-met-les-pieds-dans-le-plat.html
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Service d'analyse économique de l'IRES (UCL) avec V. de Briey, F. Degavre et A.C. Provost, "Les banques belges
face à l'Etat : une rétrospective (1935-1993)", UCL, Louvain-la-Neuve, décembre 1997, p. 75
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Service d'analyse économique de l'IRES (UCL) avec V. de Briey, F. Degavre et A.C. Provost, "Les banques
belges face à l'Etat : une rétrospective (1935-1993)", UCL, Louvain-la-Neuve, décembre 1997, p. 77