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LA SPARATION DES ACTIVITS
BANCAIRES : UN PREMIER PAS
VERS UN SYSTME PLUS
STABLE ?
Par Nathalie Pipart, chargée d’études à PAC
Faut-il le rappeler ? La situation économique dite de « crise » que
nous connaissons actuellement a été déclenchée par une crise
bancaire, sans commune mesure depuis le krach boursier des
années 1930, et non, comme on veut encore (trop) souvent nous le
faire croire, par une crise de l’État social ou de l’État providence qui
aurait dépensé au-dessus de ses moyens. Et pourtant, au vu des
mesures de rigueur budgétaire prises par nos gouvernements ces
dernières années, il transparaît que nous nous trompons encore
trop largement d’ennemi. Ainsi le rappelle le collectif Roosevelt :
sans juste diagnostic, on ne peut appliquer les justes remèdes.
Or, rapidement après la crise des subprimes en 2008, la crise de l’État grec a permis une
confusion que d’aucuns ont saisi au vol. Alors même que, dans plusieurs pays dont le nôtre,
l’État, soucieux de maintenir l’économie nationale à flot, a épongé la dette privée des
banques ficitaires, celui-là même est accusé de mauvaise gestion budgétaire et poussé à
se serrer la ceinture. Mises à part quelques tentatives timides, aucun réel garde-fou n’a par
contre été mis en place pour éviter qu’une catastrophe bancaire du même type, voire pire, ne
se produise, sans cette fois un État capable de renflouer les institutions bancaires dans le
besoin.
Certains dénoncent des liens trop étroits entre hommes politiques et financiers, les premiers
n’osant pas fâcher les seconds qui brandissent l’argument sacro-saint des risques que leur
régulation ferait peser sur l’économie réelle. Or, comme nous le verrons plus bas, les dérives
actuelles des banques universelles détournent les établissements bancaires de leur rôle de
financement de l’économie réelle.
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Un objectif affiché des politiques menées actuellement est de « rassurer les marchés »,
plaire aux entreprises privées pour les attirer ou les conserver sur notre territoire.
Historiquement cependant la solution n’a pas toujours dépendu de cette priorité. Le président
américain Franklin Delano Roosevelt, arrivé en 1933 à la tête d’un pays dévasté par la crise,
a adopté une toute autre posture. Pour sortir du marasme dans lequel la crise financière de
1929 avait plongé les États-Unis, Roosevelt prit une posture radicale envers les marchés :
bien qu’il n’ait pas été préjugé comme « de gauche », il s’évertua à renforcer le contrôle
étatique sur les marchés, à réguler le secteur bancaire, à encadrer les activités de marché.
Nous pourrions presque dire qu’il évaluait la justesse de ses mesures aux réactions de rejet
qu’elles suscitaient de la part du monde financier. Et son approche se montra efficace : la
réglementation qu’il posa au cours de ses législatures fut le socle qui permit 50 ans de
prospérité économique, dont la période connue sous le nom des Trente Glorieuses.
Que penser alors de réglementations actuelles telle que la loi de séparation et de régulation
des activités bancaires adoptée en France en juillet 2013 ? Les réactions plutôt positives de
grands banquiers face au projet de loi suscitèrent légitimement quelques questions, l’une
d’entre elles permit de dévoiler que la loi touchera seulement 1% des activités bancaires !
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Examiner les exemples passés et réussis de régulation bancaire et analyser les problèmes
que pose le système de la banque universelle pourraient toutefois, avec un peu de bonne
volonté, doper le courage de nos hommes politiques.
LA SPARATION BANCAIRE DANS LE PASSÉ
L’une des premières mesures prises par Roosevelt pour enrayer la crise et réguler le secteur
bancaire fut le Glass Steagall Act, adopté en 1933, en une seule journée, et qui interdisait
aux banques de dépôt (ou banques commerciales) de s’engager dans des activités
d’investissement. Cette législation fut en vigueur pendant plusieurs décennies, puis
démantelée petit à petit pour être totalement abrogée en 1999, afin de permettre la fusion de
Citicorp et Travelers en Citigroup, alors le plus gros conglomérat financier au monde (plus
approprié serait le terme « légaliser » cette fusion, qui avait été signée en 1998 et reçut alors
une dérogation d’un an…)
La Belgique a suivi une voie très similaire. Jusqu’en 1934, les banques dites mixtes étaient
fortement impliquées dans le développement industriel. Elles géraient, en plus des dépôts et
crédits, un portefeuille d’actions et d’obligations.
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En 1934 est décidée la scission des
banques mixtes en banques de dépôt (dont les activités sont restreintes à la collecte de
dépôt et à l’octroi de crédit à court et moyen terme, deux ans maximum) et en sociétés de
portefeuille. Le système de séparation a été amendé et assoupli jusqu’à sa suppression.
D’autres pays européens avaient suivi la voie américaine mais la réforme belge fut la plus
radicale. L’interdiction absolue pour les banques de dépôt de détenir toute action de sociétés
industrielles est un cas unique en Europe.
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Il était « interdit à ceux qui exercent l’activité de
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http://www.challenges.fr/finance-et-marche/20130130.CHA5665/loi-bancaire-frederic-oudea-le-patron-de-la-
societe-generale-met-les-pieds-dans-le-plat.html
2
Service d'analyse économique de l'IRES (UCL) avec V. de Briey, F. Degavre et A.C. Provost, "Les banques belges
face à l'Etat : une rétrospective (1935-1993)", UCL, Louvain-la-Neuve, décembre 1997, p. 75
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Service d'analyse économique de l'IRES (UCL) avec V. de Briey, F. Degavre et A.C. Provost, "Les banques
belges face à l'Etat : une rétrospective (1935-1993)", UCL, Louvain-la-Neuve, décembre 1997, p. 77
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banque de dépôts, c’est-à-dire qui acceptent habituellement des prêts d’argent à intérêt,
remboursables dans un délai inférieur à deux ans, de prendre des parts d’associés ou des
participations quelconques dans des sociétés ou associations de quelque nature que ce soit,
ayant pour objet une entreprise ou des opérations industrielles, agricoles ou commerciales,
ou de détenir des obligations de semblables sociétés ou associations. »
4
Chez nous
également, cette réglementation a été assouplie étape par étape à partir des années 1960-
1970, jusqu’à l’adoption du modèle allemand de banque universelle en 1993.
DEUX MÉTIERS DE NATURES TRÈS DIFFÉRENTES
Le modèle de banque universelle tel que nous le connaissons aujourd’hui pose
plusieurs types de problèmes. Mais surtout, fondamentalement, il mélange deux types de
métiers de nature très différente :
Tout d’abord, les revenus des banques de dépôt sont par nature relativement stables car la
relation clientèle permet un chiffre d’affaire régulier. Les revenus des activités sur les
marchés financiers sont au contraire beaucoup plus instables, dépendant du marché et de
ses fluctuations. Et ces deux métiers ne gagnent pas à être liés ; c’est reconnu et affirmé par
des grands banquiers. « Une dynamique de marché ne se gère pas comme une clientèle.
Mettre ces deux logiques ensemble implique la recherche d’un équilibre impossible à tenir »
(Jérôme Cazes, Directeur général de Coface Belgium, banque d’investissement)
5
.
Les revenus bancaires de base sont en effet stables mais fragiles, de par le fait
qu’elles récoltent des dépôts à court terme et prêtent sur le long terme. Comme l’exprime
Paul De Grauwe, professeur d’économie (London School of Economics, Université de
Leuven)
6
, il faut éviter que les banques de dépôt prennent trop de risques : un excès de
risques cause souvent des pertes considérables, une perte de confiance dans le chef des
déposants entraînant alors des diminutions ou retraits de dépôts et précipitant une crise
bancaire. Il y a par contre une prise de risque inhérente aux activités d’investissement et de
spéculation sur les marchés financiers, qui est donc inévitable et dommageable pour les
activités de la banque de dépôt.
Les revenus des activités de marchés sont également plus rentables (tout en étant
beaucoup plus risqués) que les activités des banques de dépôt. Le taux de croissance
annuel de l’économie (réelle) est de l’ordre de 1% tandis que le taux de rendement annuel
attendu du capital sur les marchés est de 8%
7
. Les banques universelles sont ainsi tentées
de privilégier les activités de marchés au détriment du financement de l’économie réelle,
comme nous le verrons plus tard dans cet article. Et ceci d’autant plus en situation de crise,
où la banque cherche à maximiser ses bénéfices ; le crédit à l’économie réelle en pâtit ce qui
freine encore sa relance et entretient la situation de crise.
4
Belgique : le texte complet de la loi de séparation bancaire adoptée en 1934, http://www.scinderlesbanques.be/
5
DiaCrisis association, Scinder les banques : Le Verbatim, 130 personnalités recommandent la scission des
banques pour sécuriser notre système bancaire, France, 2012, www.scinder-les-banques.fr
6
http://www.solidariteetprogres.org/actualites-001/economiste-belge-glass-steagall-act-9121.html
7
Gael Giraud (CNRS, Centre d’Economie de la Sorbonne, Ecole d’Economie de Paris, Labex REFI (Régulation
Financière)), Séparation bancaire : pourquoi faut-il séparer les banques ?, 2012, publiée sur le blog :
http://alaingrandjean.fr/2012/12/
4
LE PROJET DE LOI BELGE DE RÉGULATION DU SECTEUR BANCAIRE : VERS
UNE SÉPARATION ?
Le Conseil des Ministres a adopté mi-décembre 2013 un projet de loi « visant à
renforcer la stabilité du secteur bancaire belge »
8
. Selon le collectif citoyen Roosevelt.BE, le
Réseau Financement Alternatif et FairFin, le projet de loi fait un pas dans la direction d’une
séparation des activités bancaires et d’une protection de l’épargne et de l’argent public face
aux risques du marché. Cependant, il reste encore des nombreuses zones sombres et à
risque.
Selon les informations qui ont filtré au moment sont écrites ces lignes, le projet de
loi prévoit une interdiction pour les banques de dépôt « de conduire des activités de marché
pour compte propre, c'est-à-dire au bénéfice de la banque, mais en laissant la porte ouverte
à de nombreuses exceptions (certaines tenues de marché, opérations de couverture etc.).
En dehors de ces exceptions, les activités pour compte propre dépassant ce seuil devront
être séparées (hors du périmètre de consolidation, soit hors du groupe, dans une autre
société, ce qui est un progrès par rapport à d'autres lois européennes) »
9
. Quant aux
activités de marché pour compte de tiers et les exceptions pour compte propre, la banque
pourra continuer à les exercer à hauteur de 15% du total de ses activités. « Au-delà, il y aura
une obligation de surcharge de fonds propres de 100%. Autrement dit, au-delà du seuil, la
banque doit augmenter ses fonds propres d'€ pour chaque € investi sur les marchés »
10
.
Ainsi, si un premier pas vers une séparation, au moins partielle, des activités bancaires
semble avoir été fait, le chemin vers une séparation totale et une protection infaillible des
épargnants et contribuables reste encore à parcourir.
8
Communiqués du Ministre des Finances Koen Geens :
http://fr.koengeens.be/uploads/2/1/5/6/21567382/_20131220-bankendef_fr.pdf
9
Communiqué de presse du Collectif Roosevelt.be, Réseau Financement Alternatif et FairFin, du 20 décembre
2013
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Communiqué de presse du Collectif Roosevelt.be, Réseau Financement Alternatif et FairFin, du 20 décembre
2013 PAC ANALYSE 2014/1
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