PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIE R E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E d www.ophtalmologies.org En pratique L’iridoplastie : l’essentiel sur les indications, les techniques et le suivi Dr Hélène Bresson-Dumont Mise au point Quelle est la place des compléments alimentaires dans la prise en charge de la DMLA ? Dr Valérie Le Tien A savoir Comparatifs des lasers femtoseconde Partie 1 : chirurgie de la cataracte Intérêt de la séquence Fat Sat après injection de gadolinium. Dr Michaël Assouline Explorations et innovations Les aberromètres “nouvelle génération” : le système KR-1W Raphaël Amar, Dr Dan Alexandre Lebuisson, Dr Catherine Albou-Ganem Compression du nerf optique par un anévrysme. zoom sur… Quand prescrire une IRM en urgence chez le sujet jeune ? Comment cibler les demandes d’IRM devant une baisse d’acuité visuelle aigüe Dr Samuel Bidot, Dr Frédérique Charbonneau, Dr Catherine Vignal-Clermont Mars 2012 • Volume 6 • n° 52 • 8 e PRATIQUES EN OPHTALMOLOGIE R E V U E D I D A C T I Q U E M É D I C O - C H I R U R G I C A L E • Directeur de la publication : Dr Antoine Lolivier • Chef du Service Rédaction : Odile Mathieu • Rédactrice : Laure Guiheneuf • Directrice de la production : Gracia Bejjani • Assistante de Production : Cécile Jeannin • Chef de Studio : Laurent Flin • Maquette et illustration : Élodie Lecomte, Antoine Orry • Chef de publicité : Emmanuelle Annasse • Service Abonnements : Claire Lesaint • Impression : Imprimerie de Compiègne 60205 Compiègne sommaire www.ophtalmologies.org Mars 2012 • Vol. 6 • N° 52 Rédacteur en chef Dr Pierre-Vincent Jacomet (Paris) Responsable editorial Dr Michaël Assouline (Paris) n ActualitÉs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62 Comité de Rédaction Dr Laurent Laloum (Paris) (Conseiller éditorial de la rédaction) Dr Cati Albou-Ganem (Paris), Dr Corinne Bok-Beaube Pr Antoine Brézin (Paris), Pr Alain Bron (Dijon), Dr Catherine Favard (Paris), Dr Eric Gabison (Paris), Dr Jacques Laloum (Paris), Dr Gérard Mimoun (Paris), Dr Vincent Pierre-Kahn (Suresnes) Comité scientifique Pr Jean-Paul Adenis (Limoges), Pr Christophe Baudouin (Paris), Dr Yves Bokobza (Boulogne-Billancourt), Dr Georges Caputo (Paris), Dr Sylvie Chokron (Paris), Pr Béatrice Cochener (Brest), Dr Salomon-Yves Cohen (Paris), Dr Howard Cohn (Paris), Pr Joseph Colin (Bordeaux), Pr Gabriel Coscas (Créteil), Dr Marie Delfour-Malecaze (Toulouse), Pr Paul Dighiero (Poitiers), Dr Serge Doan (Paris), Dr Olivier Gout (Paris), Dr Jean-Claude Hache (Lille), Pr Jean-François Korobelnik (Bordeaux), Dr Yves Lachkar (Paris), Dr Evelyne Le Blond (Grenoble), Dr Dan Alexandre Lebuisson (Suresnes), Pr Frédéric Mouriaux (Caen), Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris), Dr Pascal Pietrini (Saint Herblain), Pr José Sahel (Paris, Strasbourg), Dr Monique Schaison (Paris), Dr Eric Sellem (Lyon), DrJean-Bernard Weiss (Paris) Pratiques en Ophtalmologie est une publication ©Expressions Santé SAS 2, rue de la Roquette Passage du Cheval Blanc Cour de Mai 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax : 01 49 29 29 19 E-mail : [email protected] Site : www. ophtalmologies.org RCS Paris B 394 829 543 N° de Commission paritaire : 0314T88767 ISSN : 2106 – 9735 Mensuel : 10 numéros par an Les articles de “Pratiques en Ophtalmologie” sont publiés sous la responsabilité de leurs auteurs. Toute reproduction, même partielle, sans le consentement de l’auteur et de la revue, est illicite et constituerait une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du code pénal. n en pratique L’iridoplastie en pratique : l’essentiel sur les indications, les techniques et le suivi . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 64 Dr Hélène Bresson-Dumont (Nantes) n à savoir Comparatifs des lasers femtoseconde Partie 2 : chirurgie de la cataracte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 69 Dr Michaël Assouline (Paris) n Explorations et innovations Les aberromètres “nouvelle génération” : le cas du système KR-1W, un concentré de fonctionnalités. . . . . . . . . p. 75 Raphaël Amar, Dr Dan Alexandre Lebuisson, Dr Catherine Albou-Ganem (Paris) n mise au point Quelle est la place des compléments alimentaires dans la prise en charge de la DMLA ?. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 85 Dr Valérie Le Tien (Créteil) n zoom sur aisse d’acuité visuelle du sujet jeune : B intérêts de l’IRM en urgence. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 88 Dr Samuel Bidot, Dr Frédérique Charbonneau, Dr Catherine Vignal-Clermont (Paris) n Bulletin d’abonnement . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62 n Petites annonces . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 87 n Rendez-vous de l’industrie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 93 www.ophtalmologies.org Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages et 4 pages). Cette publication comporte une surcouverture Novartis de 2 pages Photos de couverture : © DR actualités de la profession Projet de loi Déception des ophtalmologistes : le projet de Dossier Médical Partagé suspendu L e mois dernier, l’Agence des Systèmes de Santé partagés (ASIP) a annoncé la suspension du projet de Dossier Médical Professionnel (Dossier Optique Partagé). En cause, la difficulté pour les opticiens, ophtalmologistes et orthoptistes à s’en- tendre sur la nature des informations partagées. Les opticiens refuseraient d’entrer dans le DMP la nature des verres vendus et les choix techniques de montage. Le Dr Jean-Bernard Rottier, Président du Syndicat National des Ophtalmologistes de France (SNOF) s’est dit très déçu de cette décision. Le DMP a pour objectif de faciliter le suivi du patient, fluidifier l’échange d’informations et de permettre aux médecins de gagner en efficacité. Le SNOF assure qu’il ne baissera pas les bras et continuera son action en faveur de ce projet. ß Evénement Les Journées Vision ­d’Avenir se dérouleront du 29 au 31 mars prochain à Lyon “V ision d’Avenir” est une association née en 2011 de la collaboration entre trois opticiens lyonnais. L’objectif est de soutenir, pendant trois jours, une dynamique pour présenter, expliquer et valoriser la filière optique auprès du plus grand nombre. Cette association vise à fédérer tous les acteurs de la filière et du marché et à affirmer leur place dans le parcours de santé visuelle du patient. Pour cette deuxième édition, l’accent sera mis sur l’opticien et son métier, les enjeux, les évolutions de ce métier : la responsabilité civile professionnelle, l’engagement de qualité, les responsabilités respectives des OCAM, des opticiens… Retrouvez toutes les informations sur le site www.visiondavenir.fr ß Bulletin d’abonnement à Pratiques en Ophtalmologie • Déductible de vos frais professionnels dans son intégralité • Pris en charge par le budget formation continue des salariés A nous retourner accompagné de votre règlement à : Expressions Santé 2, rue de la Roquette – Passage du Cheval Blanc, Cour de Mai - 75011 Paris Tél. : 01 49 29 29 29 - Fax. : 01 49 29 29 19 - E-mail : [email protected] 4 Je m’abonne pour 10 numéros q Abonnement 65 E TTC (au lieu de 80 E prix au numéro) q Institutions 70 E TTC q Etudiants 40 E TTC (joindre photocopie de la carte d’étudiant) PO52 Frais de port (étranger et DOM TOM) q + 13 E par avion pour les DOM-TOM et l’UE q + 23 E par avion pour l’étranger autre que l’UE 62 q Pr q Dr q M. q Mme q Mlle Nom : . .................................................................................................................... Prénom : . .............................................................................................................. Adresse d’expédition : ..................................................................................... .................................................................................................................................. .................................................................................................................................. Code postal : . ......................... Ville : ............................................................... Tél. : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ ;Fax : _ _ . _ _ . _ _ . _ _ . _ _ Mail : ...................................................................................................................... Règlement q Chèque à l’ordre d’Expressions Santé q Carte bancaire N° : Expire le : Cryptogramme : Signature obligatoire e *(bloc de 3 chiffre au dos de votre carte) L’abonnement à la revue Pratiques en ophtalmologie vousDiabète permet de bénéficier & Obésité • Mars 2010 • vol. 5 • numéro 37 d’un accès illimité et gratuit à l’intégralité des sites d’Expressions Santé : neurologies.fr diabeteetobesite.org geriatries.org cardinale.fr onko.fr rhumatos.fr ophtalmologies.org En pratique L’iridoplastie en pratique L’essentiel sur les indications, les techniques et le suivi Dr Hélène Bresson-Dumont* Introduction L’iridoplastie au laser est destinée à modifier la forme de l’iris en le rétractant grâce au laser Argon. Elle est pratiquée sur les iris qui sont susceptibles de s’accoler dans l’angle iridocornéen, pour éviter que ne se forment des synéchies angulaires définitives. En effet, ces dernières risqueraient d’entraîner un glaucome à angle fermé grave, très difficile à traiter. On pratique l’iridoplastie principalement dans les iris plateaux, mais aussi parfois en phase aigüe de glaucome aigu, en cas de synéchies dans une trappe de trabéculectomie en association au laser Yag, et en en cas de goniopunctures après chirurgie non perforante pour éviter les risques d’incarcération secondaire. La fermeture de l’angle iridocornéen La fermeture de l’angle est définie par la présence de contact iridotrabéculaire qu’elle soit par apposition ou par synéchies ; elle est due à de nombreux mécanismes (Fig. 1). La fermeture primitive survient sur des yeux prédisposés anatomiquement (2, 3), en l’absence de pathologie oculaire pouvant induire la formation de * Département du glaucome, clinique Sourdille, Nantes 64 Blocs anatomiques Iris Bloc pupillaire Corps ciliaire Bloc antérieur non pupillaire Bloc pupillaire Iris plateau Iridotomie +++ Iridoplastie Cristallin Zonule Phacomorphique Extraction cristallin Rétrocristallinien Luxations PEC, traumas Glaucome malin Cycloplègie Vitrectomie Figure 1 - La fermeture de l’angle est définie par la présence d’un contact ­irido-trabéculaire qu’elle soit par apposition ou par synéchies, elle est due à de nombreux mécanismes. D’après (1). synéchies antérieures périphériques (uvéite, néovascularisation irienne, traumatisme ou chirurgie). Le diagnostic se fait grâce à la gonioscopie et en particulier la gonioscopie dynamique. Cette dernière se pratique d’une part en faisant varier la lumière de la fente pour apprécier les modifications iriennes en dilatation, d’autre part en chassant l’humeur aqueuse dans l’angle en effectuant une pression centrale sur la cornée. Cette manœuvre a pour but de différencier synéchie définitive (l’angle ne pourra pas rouvrir lors de la pression centrale du verre) et apposition, et aussi de mettre en évidence un bloc antérieur non pupillaire devant la présence d’un aspect en double bosse évoquant un obstacle derrière l’iris. Principaux mécanismes Le bloc pupillaire Le mécanisme du bloc pupillaire antérieur relatif est le plus fréquemment retrouvé dans le glaucome chronique par fermeture de l’angle (dans 75 % des cas environ). Le flux d’humeur aqueuse à travers la pupille est diminué en raison d’un gradient de pression entre la chambre antérieure et la chambre postérieure, secondaire à une augmentation de la résistance liée à une apposition trop importante de la face postérieure de l’iris à la face antérieure du cristallin. La périphérie irienne se déplace en avant et entre en contact avec le trabéculum et/ou la cornée périphérique. Ce mécanisme survient préféren- Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 L’iridoplastie en pratique • Figure 2 - Echographie UBM avec épreuve de provocation à l’obscurité. Iris plateau dont l’angle se ferme en dilatation. En haut, échographie effectuée en pleine lumière : l’angle est ouvert. En bas, en obscurité : l’angle est fermé. • Figure 3 - Echographie UBM. Iris plateau avec une composante de blocage pupillaire (la racine de l’iris est très convexe). Une iridotomie périphérique laser pourra probablement lever, seule, la fermeture de l’angle. tiellement lorsque la chambre antérieure est étroite (hypermétropie), chez la femme âgée, et dans certaines ethnies (Esquimaux, sujets asiatiques). Le bloc antérieur non pupillaire Le diagnostic est évoqué devant un angle étroit, mais avec chambre antérieure profonde au centre. On retrouve un obstacle postérieur qui empêche la dépression de l’iris à la gonioscopie dynamique et donne un aspect de double bosse : il peut s’agir d’un iris plateau, de kystes iriens ou du corps ciliaire, d’un creeping angle glaucoma, d’une racine irienne anormalement épaisse, d’une tumeur (4, 5). Le diagnostic se fait grâce à l’UBM qui visualise l’anatomie rétroirienne et peut analyser les mouvements de l’iris en dilatation. Une apposition irienne intermittente peut être ainsi mise en évidence (Fig. 2). Le plus fréquent est l’iris plateau, qui désigne, en fait, plusieurs anomalies de forme et/ou de position de la racine de l’iris et du corps ciliaire (racine irienne épaisse, antéroposition des procès ciliaires, insertion antérieure de l’iris) qui favorisent le contact de la périphérie irienne avec la maille trabéculaire. On distingue la “configuration iris plateau”, fréquente, et le “syndrome d’iris plateau”, plus rare (6). Dans la configuration iris plateau, il existe un certain degré de blocage pupillaire associé, et une iridotomie périphérique, seule, peut suffire à rouvrir l’angle (Fig. 3). Dans le syndrome iris plateau, la fermeture angulaire n’est pas levée par l’iridotomie car l’anomalie anatomique est plus importante. L’iridoplastie est dans ce cas intéressante pour éviter la constitution de synéchies définitives secondaires à l’accolement irien et donc une fermeture subaigüe intermittente de l’angle en dilatation. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Les patients présentant un iris plateau sont plus volontiers des femmes jeunes (30 à 50 ans) et sont moins hypermétropes que les patients présentant un bloc pupillaire. Des antécédents familiaux de glaucome à angle étroit sont fréquemment retrouvés. Indications de l’iridoplastie L’iridoplastie a pour but de rétracter la racine de l’iris, on peut la proposer dans un certain nombre d’indications (7) : • élimination d’une fermeture par apposition en présence d’une iridotomie perméable sans synéchies antérieures périphériques étendues (à la gonioscopie avec indentation) ; • prévention de la formation de synéchies antérieures périphériques ; • rétracter la périphérie de l’iris en utilisant l’effet thermique du laser afin d’élargir l’angle iridocornéen ; • syndrome d’iris plateau (après l’iridotomie périphérique au laser) ; • en préparatoire d’une trabéculoplastie au laser (argon ou SLT) si l’angle est étroit afin de visualiser 65 En pratique le trabéculum ; • fermeture de l’angle en cas de nanophtalmie ; • dans certains cas de fermeture aigüe de l’angle ; • après chirurgie du glaucome en cas de synéchies dans la trappe ou associé à des goniopunctures. La place de l’iridoplastie dans l’iris plateau En cas de suspicion d’iris plateau, il est indispensable de réaliser, dans un premier temps, une iridotomie périphérique au laser pour lever l’éventuel bloc pupillaire associé. Cela peut d’ailleurs suffire pour rouvrir dans le cas d’une “configuration iris plateau”. Si la racine de l’iris reste convexe, la gonioscopie dynamique doit éliminer des synéchies angulaires définitives qui contre-indiqueraient l’iridoplastie. Elle permet de mettre en évidence un accolement en dilatation (lors des variations de lumière). Si cela est possible, Il est intéressant de pratiquer une échographie UBM pour affiner le diagnostic de blocage antérieur non pupillaire, en analysant avec précision l’anatomie de l’angle, de l’iris, du corps ciliaire et du sulcus. L’épreuve en obscurité de l’UBM met en évidence un accolement antérieur de l’iris en dilatation et l’iridoplastie est destinée à rétracter la base de l’iris pour éviter l’accolement. L’iris est aminci par le laser, rigidifié, et ne bougera plus à la dilatation (Fig. 4). L’effet de la plastie est toutefois temporaire, et il est parfois nécessaire de la refaire. La surveillance régulière de la gonioscopie est indispensable, d’autant que l’angle évolue en fonction des modifications physiologiques du cristallin. En cas de kystes importants, l’iridoplastie n’est souvent pas suffi66 Avant iridoplastie Après iridoplastie Figure 4 - Echographie UBM avec épreuve de provocation à l’obscurité. Iris plateau après iridoplastie dont l’angle ne se ferme plus en dilatation. En haut, échographie effectuée en pleine lumière, en bas en l’obscurité, la racine de l’iris est rigide et ne bouge plus à l’obscurité. Figure 5 - Iridoplastie. En cas crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle, lorsque la cornée reste très œdémateuse, il est difficile de réaliser une iridotomie périphérique au laser. On peut réaliser une iridoplastie au laser Argon pour diminuer le blocage pupillaire et ainsi l’œdème afin de pouvoir pratiquer l’iridotomie dans de meilleures conditions. La plastie est effectuée soit au niveau du sphincter irien pour rétracter l’iris et permettre à l’humeur aqueuse de passer en chambre antérieure soit à la base de l’iris pour l’éloigner de la cornée. samment efficace et il faut avoir recours à l’extraction du cristallin ou la trabéculectomie perforante, surtout si une hypertonie oculaire, voire des altérations anatomiques ou fonctionnelles, apparaissent. L’iridoplastie à la phase aigüe d’une crise de blocage pupillaire aigu En cas crise de glaucome aigu par fermeture de l’angle, lorsque la cornée reste très œdémateuse malgré les traitements hypotonisants, il est parfois difficile de réaliser sans risque une iridotomie périphérique au laser. Il est alors intéressant d’effectuer une iridoplastie au laser Argon pour diminuer le blo- cage pupillaire et ainsi l’œdème ; il suffit de faire en sorte qu’un peu d’humeur aqueuse passe dans la chambre antérieure pour lever partiellement l’obstacle, rompre le cercle vicieux et pouvoir pratiquer l’iridotomie périphérique au laser dans de meilleures conditions. Deux techniques sont utilisables : au niveau du sphincter iriens pour rétracter l’iris et permettre à l’humeur aqueuse de passer en avant ou à la base de l’iris pour éloigner l’iris de la cornée (Fig. 5). L’iridoplastie en chirurgie du glaucome Si la pression remonte après une chirurgie du glaucome, il Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 L’iridoplastie en pratique est indispensable de réaliser une gonioscopie pour dépister un obstacle interne. Il faut vérifier la bonne position de la fenêtre trabéculaire, et éliminer une synéchie irienne qui empêcherait l’humeur aqueuse de sortir de l’œil ; elle devra être levée au laser sans attendre. Le plus aisé est d’associer le laser Yag pour libérer la base de la synéchie, et une iridoplastie au laser Argon sur l’iris en regard de l’incarcération pour le rétracter et éviter la récidive. En cas de trabéculectomie non perforante, s’il n’existe pas de synéchie, il faut réaliser des goniopunctures, associées à une iridoplastie à la base de l’iris pour éviter les risques d’incarcération irienne secondaire. technique de l’Iridoplastie L’iridoplastie au laser (7, 8) est destinée à modifier la forme de l’iris en le rétractant grâce au laser Argon. Pour rétracter l’iris, on utilise des impacts larges, des temps longs et une puissance moyenne. Le but est d’éloigner l’iris de l’angle et de le rendre immobile, indifférent aux mouvements pupillaires. Préparation Collyre alpha2-agoniste (apraclonidine ou brimodonidine) et/ou acétazolamide, une heure avant le laser et juste après, une goutte de pilocarpine 2, anesthésie topique. Réalisation du Laser Argon grâce à un verre contact pour visualiser l’angle (CGA, G2, verre à gonioscopie du V3M) Les impacts sont larges (de 300 à 500 microns), longs (temps de 0,3 à 0,5 secondes) et d’intensité moyenne (puissance de 300 à Figure 6 - Iridoplastie au laser Argon avec verre contact pour visualiser l’angle (CGA, G2, verre à gonioscopie du V3M). Les impacts sont larges (de 300 à 500 microns), longs (temps de 0,3 à 0,5 secondes) et d’intensité moyenne (puissance de 300 à 500 mW). Ils sont appliqués à la base de l’iris au niveau de Figure 7 - Aspect à la lampe à fente d’une iridoplastie, sans brûlure excessive ni cratère. la double bosse, espacés de la taille de 2 à 3 impacts ; ils doivent contracter la racine de l’iris sans créer de cratère. 500 mW). Ils sont appliqués à la base de l’iris au niveau de la double bosse (Fig. 6), espacés de la taille de 2 à 3 impacts ; ils doivent contracter la racine de l’iris sans créer de cratère (Fig. 7). La rétraction de l’iris à chaque impact doit être visible et contrôlée, ainsi que l’ouverture de l’angle iridocornéen. Le traitement est de préférence appliqué dans un premier temps sur les 170° inférieurs en évitant les méridiens 3 h et 9 h et les vaisseaux radiaires, soit une vingtaine d’impacts. Si la réouverture n’est pas suffisante, l’hémicirconférence supérieure pourra être rétractée secondairement. Lorsque l’iris est clair, la plastie laser est souvent moins efficace. Certains auteurs ont proposé de réaliser des impacts directs à l’aide du verre d’Abraham (verre à IP). Cependant les impacts sont souvent trop intenses et insuffisamment périphériques ; il n’est pas possible de visualiser l’effet réel sur l’iris, donc la plastie est plus difficile à contrôler. Traitement post-laser Collyre stéroïdien pendant une semaine et un traitement hypo- Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 tonisant pendant quelques jours, les réactions inflammatoires à minima ne sont pas rares. L’effet de l’iridoplastie est évaluable immédiatement mais diminue dans le temps. L’épreuve avec provocation à l’obscurité en l’UBM permet de vérifier que l’iris ne s’appose plus dans l’angle en dilatation, il est aminci et rigidifié (9, 10). Il est parfois nécessaire de réitérer le laser, d’autant que le cristallin continue à augmenter de volume. La surveillance gonioscopique doit donc se poursuivre, régulièrement tous les 6 à 12 mois, à vie, jusqu’à extraction du cristallin. En cas de syndrome d’iris plateau vrai, le risque d’apposition peut persister malgré l’extraction du cristallin. Complications Une réaction inflammatoire torpide peut survenir pendant une dizaine de jours, une augmentation temporaire de la pression intraoculaire est plus rare. En cas d’impacts trop dosés, il peut exister des brûlures iriennes inesthétiques, et des rétractions iriennes entraînant une modification de la pupille. Si les impacts sont placés sur toute la circonférence, le risque est la mydriase 67 En pratique aréflexique, particulièrement gênante. La brûlure de l’endothélium cornéen est due à des impacts mal focalisés. Si la plastie ne fonctionne pas, le risque est la constitution d’un glaucome chronique à angle fermé. Il est impératif de lutter contre la constitution de synéchies angulaires. Il est alors préférable de pratiquer l’ablation du cristallin même en présence d’une cataracte débutante, éventuellement associée à des gonio-synéchodialyses. Conclusion L’iridoplastie laser sert à empêcher la constitution de synéchies définitives dans l’angle iridocornéen en rétractant la base de l’iris. L’iris, ainsi aminci et rigidifié, ne viendra plus s’apposer dans l’angle, en particulier lors d’une dilatation. Les indications sont principalement les formes de bloc pupillaire non antérieur, diagnostiquées par la gonioscopie dynamique, et caractérisées au mieux par l’échographie UBM, avec épreuve de provocation à l’obscurité. Dans le cas des iris plateaux, il faut, dans un premier temps, pratiquer une iridotomie périphérique afin de lever le blocage pupillaire souvent associé. Si l’angle n’est pas suffisamment rouvert, l’iridoplastie est réalisée au laser Argon grâce Classification des fermetures de l’angle Personnes à risque de développer une fermeture de l’angle Le trabéculum pigmenté est visible sur moins de 180°, la structure et la fonction sont préservées, il n’existe pas de glaucome. L’indication de l’iridotomie périphérique est discutable en l’absence de signe fonctionnel de fermeture ou d’antécédents familiaux de glaucome aigu. Les fermetures de l’angle Patient précédent mais qui présente des signes témoignant de crises de fermeture de l’angle spontanément résolutives et passées inaperçues : - opacités cristalliniennes (glaucoma flecken) ; - pigments en mottes irrégulières surtout en inférieur ; - synéchies antérieures périphériques ; - distorsion des plis radiaires de l’iris ; - PIO > 21 mm Hg. Des épisodes de fermetures sont objectivés et il est nécessaire de pratiquer une iridotomie périphérique laser pour éviter la constitution de synéchies définitives (avec le risque de transformation en glaucome avéré par fermeture de l’angle) ou une crise de blocage aigu. Si l’iridotomie n’a pas suffisamment rouvert l’angle, l’iridoplastie peut être indiquée, surtout en cas de blocage antérieur non pupillaire. Les glaucomes par fermeture de l’angle On retrouve une atteinte définitive de l’angle, avec synéchies, ou accolements définitifs. La structure et/ou la fonction sont atteintes, il s’agit de glaucome potentiellement grave et évolutif, difficile à gérer. Le laser n’est plus une indication (le stade est trop tardif) et il faut passer à la chirurgie filtrante perforante, souvent difficile avec un risque de glaucome malin. à des impacts larges et des temps longs. Cependant, la surveillance gonioscopique des patients doit se poursuivre à vie, car la forme de l’angle iridocornéen évolue dans le temps en raison de l’augmentation progressive du volume du cristallin. Le risque est la fermeture chronique de l’angle qui induit des glaucomes chroniques à angle étroit, graves, évolutifs, difficiles à n traiter. Mots-clés : Glaucome, Iridoplastie, Iris plateau, Angle étroit Bibliographie 1. Bron A. Dans la famille des fermetures, je voudrais...Rapport du 17e symposium Recherche et Glaucome, Ed EDK, 2010. 2. Foster PJ, Buhrmann R, Quigley HA, Johnson GJ. The definition and classification of glaucoma in prevalence surveys. Br J Ophthalmol 2002 ; 86 : 238-42. 3. Friedman DS, Weinreb RN. Consensus on angle-closure and angle-closure glaucoma. AIGS/WGA consensus series, Kluger, 2008. 4. Ritch R. Plateau iris is caused by abnormally positioned ciliary process. J Glaucoma 1992 ; 1 : 23-6. 5. Ritch R, Lowe RF. Angle-closure glaucoma: mechanisms and epidemiology. In: Ritch R, Shields MB, Krupin T, eds. The glaucomas. St Louis Mosby, 1996 ; 37 : 801-20. 6. Mochizuki H, Takenaka J, Sugimoto Y et al. Comparison of the prevalence of plateau iris configurations between angle-closure glaucoma and 68 open-angle glaucoma using ultrasound biomicroscopy. J Glaucoma 2011 ; 20 : 315-8. 7. Crowston JG, Medeiros FA, Mosaed S, Weinreb RN. Argon laser iridoplasty in the treatment of plateau-like iris configuration as result of numerous ciliary body cysts. Am J Ophthalmol 2005 ; 139 : 381-3. 8. Ritch R, Tham CC, Lam DS. Argon laser peripheral iridoplasty (ALPI): an update. Surv Ophthalmol 2007 ; 52 : 279-88. 9. Sun X, Liang YB, Wang NL et al. Laser peripheral iridotomy with and without iridoplasty for primary angle-closure glaucoma: 1-year results of a randomized pilot study. Am J Ophthalmol 2010 ; 150 : 68-73. 10. He M, Friedman DS, Ge J et al. Laser peripheral iridotomy in eyes with narrow drainage angles: ultrasound biomicroscopy outcomes. The Liwan Eye Study. Ophthalmology 2007 ; 114 : 1513-9. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 à savoir Comparaison des lasers femtoseconde Partie 2 : chirurgie de la cataracte n Le marché de la chirurgie de la cataracte est en constante augmentation avec plus de 15 millions de procédures annuelles dans le monde, dont 3 millions aux USA et près de 600 000 en France. Les évolutions de la chirurgie de la cataracte La chirurgie de la cataracte a connu une évolution, depuis le début des années 1980, catactérisée par une succession de révolutions techniques remplaçant à chaque fois la technologie précédente : intracapsulaire, extracapsulaire, phacoémulsification. La technologie de la phacoémulsification relativement stable et inchangée, depuis le début des années 1990, a permis l’avènement des incisions étroites qui ont apporté une meilleure sécurité intraopératoire (chirurgie à globe fermé) et postopératoire (réduction de l’inflammation), ainsi que la possibilité d’améliorer significativement les résultats réfractifs (neutralité de l’astigmatisme induit autorisant l’utilisation plus efficace et prédictible d’implants réfractifs “premium”, toriques ou multifocaux) * Centre Iéna Vision & Clinique de la Vision, Paris www.ienavision.fr Dr Michael Assouline* Malgré tout, si plus de 90 % des opérés de Lasik atteignent un excellent résultat réfractif (10/10 sans correction), seuls 40 % des opérés de cataracte avec les implants les plus récents (implant “premium”) obtiennent une acuité non corrigée “normale” ou identique à l’acuité corrigée. On estime que moins de 45 % des opérés sont à moins de 0,5 D d’erreur réfractive résiduelle, et 6 % ont une erreur de plus de 2 D. Cependant, l’utilisation croissante d’implants “premium” multifocaux et/ou toriques destinés à compenser la presbytie et l’astigmatisme, contribue à augmenter les attentes visuelles des patients en termes de rapidité et de qualité de la réhabilitation fonctionnelle non corrigée après chirurgie de la cataracte. L’utilisation de lasers en chirurgie cristallinienne est déjà ancienne. Krasnov (Laser rubis Q-switched 698 nm, 1975), puis Aron-Rosa (Nd-YAG, 1980), et plus récemment Dodick (Erbium YAG 2003) ont perfectionné les applications de l’effet photodisruptif pour la capsulotomie et la lyse nucléaire cristallinienne, sans parvenir à supplanter la phacoémulsification Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 aux ultrasons, du fait d’un rapport énergie/efficacité défavorable. Utilisation du laser femtoseconde La technologie du laser femtoseconde, développée commercialement pour la découpe des volets cornéens au cours du Lasik en 2001, puis appliquée aux différentes techniques de chirurgie cornéenne, paraît aujourd’hui susceptible de modifier à nouveau profondément les habitudes des chirurgiens de la cataracte, sans que les bénéfices en soient encore clairement démontrés scientifiquement. Le laser femtoseconde émet dans l’infrarouge, et n’est donc pas absorbé par les structures transparentes, ce qui permet de focaliser les impacts avec précision sur les tissus cibles du segment antérieur de l’œil. Le laser délivre une quantité d’énergie en un temps très bref dans une zone de focalisation très étroite, ce qui crée un plasma dont l’expansion de la zone de vaporisation entraîne la formation d’une 69 à savoir Figure 1 - Machines disponibles (OptiMedica, Technovision, Lensar et LensX). bulle de cavitation responsable de l’effet de photodisruption tissulaire. Le laser femtoseconde utilise des pulses de 10-15 s au lieu de 10-9 comme dans le laser Argon (photocoagulation), le laser Nd Yag (photodisruption) ou le laser excimer (photoablation), ce qui permet de réduire de façon très importante l’energie nécessaire pour un effet tissulaire donné (la puissance étant liée à l’énergie délivrée par unité de temps), et donc de mieux respecter les structures intraoculaires adjacentes fragiles (capsule, zonule, iris, endothélium cornéen). Il existe actuellement 4 lasers commercialement disponibles pour la chirurgie de la cataracte (Fig. 1). • LenSx Lasers Inc. (Aliso Viejo, CA) ; • LensAR Inc. (Winter Park, FL) ; • OptiMedica Corp. (Santa Ana, CA) ; • Victus (Technovision, Bausch & Lomb, Munich). A notre connaissance, à la date de parution de cet article, seul un centre chirurgical est actuellement équipé en France (Centre ophtalmologque des Flandres à Lille), mais plusieurs autres centres, dont la Clinique de la Vision (Paris), disposent déjà d’un laser Technovision, susceptible 70 Figure 2 - écrans de contrôle. d’être upgradé rapidement pour la chirurgie de la cataracte. Des interfaces spécifiques pour chaque machine Les lasers femtoseconde, pour la chirurgie de la cataracte, utilisent une interface patient comparable à celle de la chirurgie cornéenne. Cette interface (Fig. 2 et 3) permet de stabiliser l’œil du patient pendant l’action du laser tant dans un but de sécurité que de précision. Par rapport aux interfaces utilisées pour la chirurgie réfractive chez des patients plus jeune, les pressions d’applanation au moyen de lentilles planes ou concaves, qui étaient d’environ 80 mmHg pour les lasers Intralase ou Zeiss Meditec, ont été réduites, afin : • de pouvoir être utilisées sans inconvénient chez des sujets plus âgés suspectibles de présenter une pathologie glaucomateuse ou vasculaire rétinienne associée ; • de réduire les plis cornéens liés à une aplanation trop poussée qui pourrait interférer avec la focalisation du laser dans le segment antérieur ; • de favoriser un large champ de vision permettant de réaliser les incisions périphériques relaxantes ou cornéennes claires requises. Dans le système LenSX, une interface concave est employée. Le Laser Lensar utilise un sys- Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Comparaison des lasers femtoseconde tème non contact, avec une interface liquide par immersion contenue par l’anneau de succion. Dans le système OptiMedica, une interface optique patient liquide permet de limiter l’augmen­ tation de pression intraoculaire à 12 mmHg et réduit le risque d’ecchymoses conjonctivales. Dans le système Customlens de Technovision, la même interface concave que celle utilisée pour la chirurgie est employée. Systèmes d’imagerie en temps réel Figure 3 - Interface patient. Ces lasers sont également dotés d’une station d’imagerie en temps réel du segment antérieur destinée à contrôler la géométrie spatiale de la cible tissulaire et de la délivrance des impacts. Ces systèmes sont basés : • pour le LenSX et l’OptiMedica sur l’OCT spectral domain de haute résolution analysé par transformées de Fourier ; • pour le Lensar sur un système de caméra Scheimpflug confocal 3D à balayage. Ces systèmes ont pour fonction de mesurer avec précision et en temps réel la position et les dimensions des structures intraoculaires critiques : • profil cornéen antérieur et postérieur, destinés à planifier les incisions relaxantes et cornéennes claires ; • angel iridocornéen et position antéropostérieure de l’iris ; • taille et position de la pupille même en cas de dilatation asymétrique ; • position et centre de la capsule antérieure (souvent avec une meilleure précision que ne le permettent les repères visuels utilisés par le chirurgien pour le centrage Figure 4 - Types de traitement (capsulotomie, incision limbique relaxante, incision primaire et incision de service : le profil de l’incision en OCT montre parfaitement la succession des 3 plans qui conditionne une autoétanchéité optimale. de la capsulotomie) ; • et surtout postérieure du cristallin, afin de limiter une zone de sécurité préventive lors de la fragmentation nucléaire. L’OCT est relativement insensible aux opacités cornéennes. Le système Scheimpflug confocal 3D permet en outre : • de quantifier les opacités cornéen­ nes et cristalliniennes afin de calibrer la puissance nécessaire pour la phacofragmentation du noyau ; • de mesurer la topograhie cornéenne, l’élévation et sa puissance réfractive totale ; • d’extrapoler le front d’onde cornéen. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Optimisation des étapes clés de la cataracte Sans se substituer totalement à la phacoémulsification, les lasers femtoseconde contribuent, dès à présent, à optimiser certaine étapes clés de la chirurgie de la cataracte. Les principales machines femtoseconde actuelles permettant la chirurgie de la cataracte réalisent 4 types de traitements de façon séquentielle rapide (moins de une à deux minutes) avec un gain de précision et de reproductibilité très significatif par rapport aux résultats des gestes manuels correspondant (Fig. 4) : 71 à savoir s’affranchir des facteurs de variabilité de la capsulotomie et les études in vitro ou in vivo confirment de façon univoque le gain de précision et de fiabilité obtenu avec cette méthode pour le diamètre, le centrage et la circularité de l’ouverture capsulaire par rapport à une technique manuelle même bien maîtrisée. Figure 5 - Rhexis femtoseconde (le diamètre, la régularité, le centrage et la circularité sont améliorés de façon significative). • capsulotomie ; • incisions relaxantes pour la correction des astigmatismes ; • incisions cornéennes claires tunnellisées autoétanches ; • fragmentation du noyau cristallinien. Capsulotomie La capsulotomie manuelle a été révolutionnée par la technique du capsulorhexis curviligne continu. Malgré l’entraînement et le développement de micropinces sophistiquées destinées à compenser les difficultés ajoutées par la réduction de la taille des incisions, la géométrie du capsulorhexis final obtenu (taille, position, circularité) demeure variable. En dépits des repères visuels qui sont la géométrie pupillaire et limbique, la déchirure capsulaire manuelle est soumise aux aléas du mouvement de l’œil et de la tête du patient, de l’irrégularité de la dilatation, de l’angle de traction exercée par la pince, de l’équilibre instable entre pressions camérulaire et cristalinienne et de la résistance capsulo-zonulaire. Pourtant cette géométrie joue un rôle particulièrement important dans le résultat de l’intervention. • Un capsulorhexis trop petit (< 5 ou 5,5 mm) favorise une fi72 brose capsulaire antérieure et un capsulophymosis (en cas de laxité zonulaire associée) ou un déplacement postérieur de l’optique avec shift hypermétropique. • Un capsulorhexis trop grand (> 6 ou 6,5 mm) ou décentré favorise une capture de l’optique par la capsule antérieure, occasionnant un risque de tilt, de décentrement, d’opacification capsulaire précoce ou de luxation antérieure de l’implant. • La taille ou la forme du capsulorhexis et le matériau ainsi que le design de l’implant conditionnent la position antéropostérieure finale de l’optique qui est le principal facteur de variation de la puissance optique de l’implant à long terme (pour les implants les plus puissants, une différence de 1 mm entraîne une erreur de plus de 1,25 D). • Les implants “premium” nécessitent une précision accrue, car un décentrement. • Les nouveaux implants accommodatifs nécessitent pour certains une géométrie spécifique (élargie au niveau de la charnière des haptiques afin de permettre le débattement pour le Crystalens, rétrécie pour s’opposer à la luxation antérieure du Synchrony). Le laser femtoseconde permet de Les études cliniques montrent par exemple que le diamètre moyen des capsulotomies varie par rapport au diamètre prévu de : • 27 ± 25 µm pour le système OptiMedica Catalys ; • 183 ± 246 µm pour le système LenSX ; • moins de 250 µm pour le système Lensar ; • 339 ± 248 µm (et jusqu’à 500 µm) pour les capsulotomies manuelles. Dans ces études, le centrage et la circularité étaient significativement “meilleurs” pour le laser femtoseconde que pour la méthode manuelle, et la variation ultérieure de la taille et de la position du rhexis était réduite, indiquant une meilleure élasticité résiduelle avec la cicatrisation capsulaire (Fig. 5). Incisions cornéennes limbiques relaxantes pour la correction de l’astigmatisme Les incisions relaxantes manuelles sont efficaces mais peu précises en raison d’une variabilité importante du résultat anatomique (alignement sur l’axe de l’astigmatisme, profondeur, longueur angulaire et distance par rapport à l’axe optique). Elles ne sont donc, de ce fait, que peu utilisées par la majorité des opérateurs, qui leur préfèrent de plus en plus les implants toriques, et la réalisation d’une Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Comparaison des lasers femtoseconde microincision cornéenne étroite “optiquement neutre”. Le laser femtoseconde permettra sans doute d’améliorer, de façon importante, la précision des incisions relaxantes conventionnelles en automatisant la réalisation de ces incisions en fonction de paramètres précis d’imagerie du segment antérieur en temps réel. De nouveaux types d’incisions intrastromales pures, moins efficaces mais plus stables, pourraient également être réalisée par le laser femtoseconde pour réhabiliter cette approche réfractive en chirurgie de la cataracte. Incision cornéenne claire L’incision cornéenne claire autoétanche est la voie d’abord majoritairement utilisée pour la phacoémulsification. Plus stable, plus étanche et moins astigmatogène que l’incision sclérale limbique tunnellisée, sa réalisation a été optimisée par l’emploi systématique de couteaux précalibrés à usage unique de grande qualité, réduisant en particulier l’effort de pénétration nécessaire (nuisible à la précision du geste) et le risque de décollement descemétique. Cependant, comme pour le capsulorhexis, et malgré l’expérience croissante des opérateurs, cette incision manuelle ne bénéficie par toujours d’une “construction” idéale, du fait de la variabilité des repères tactiles et visuels permettant de contrôler la géométrie intracornéenne des plans successifs assurant l’autoétanchéité. Il n’est pas exceptionnel de constater une tunnellisation trop courte ou trop superficielle pouvant entraîner une béance postérieure de l’incision peropératoire ou postopératoire, favorisée par la rétraction thermique du stroma. Cette in- Figure 6 - Exemples de schémas de fragmentation (en part de tarte, en damier, ­combiné). suffisance d’efficacité de la valve incisionnelle explique les rares hernies iriennes peropératoire (favorisées par une dilatation insuffisante ou par un floppy iris syndrome) et surtout l’augmentation statistique du taux d’endophtalmie avec les incisions cornéennes claires, notamment directes non suturées par rapport aux incisions en marches d’escalier en 3 plans. Le laser femtoseconde apporte dans ce domaine une précision remarquable, permettant en particulier de réaliser des designs d’incision angulée “manuellement impossibles”, destinés à favoriser l’engrènement des berges et leur autoétanchéité spontanée. La réduction de la durée de l’intervention pourrait également contribuer à réduire le traumatisme des berges par l’effet thermique de la sonde de phacoémulsification et par la manipulation des instruments. Fragmentation nucléaire du cristallin (Fig. 6) Le laser femtoseconde permet de créer des incisions intracristalliniennes selon un schéma préétabli (circulaire, en damier, en quadrants…) afin de favoriser une hydratation et une séparation “préopératoire” du noyau et de faciliter son extraction en réduisant les temps de sculpture ultrasonique ou de clivage instrumental (chop) nécessaires. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Cette optimisation du temps opératoire, nécessitant un flux d’irrigation endoculaire et d’ultrasons, pourrait contribuer à minimiser les effets secondaires d’origine thermique, mécanique, ou hydraulique de la phacoémulsification et ainsi de limiter les dommages tissulaires associés dans les cas plus difficiles (lésions endothéliales, hernies ou abrasion irienne, rupture capsulaire, rupture de la barrière hémato-oculaire, inflammation). L’application des spots laser est généralement postéroantérieure afin d’éviter l’interférence des premiers impacts avec les suivants et de réduire la transmission d’un éventuel rayonnement secondaire vers le segment postérieur. Les différents systèmes n’appliquent cependant pas les phases de traitement successives dans le même ordre. • Le système LenSX fragmente le noyau en premier puis effectue une nouvelle acquisition du profil capsulaire antérieur pour tenir compte de l’expansion cristallinienne induite par l’hydratation du noyau après fragmentation et réalise la capsulotomie, dans un deuxième temps, sur une capsule “sous pression”. • Le système OptiMedica Catalys effectue la capsulotomie puis la fragmentation du noyau, grâce à une focalisation précise sur la 73 à savoir capsule qui réduit les interférences secondaires. Cela réduit le risque de lésions capsulaires secondaires à l’expansion du cristallin après fragmentation. Les études cliniques montrent une réduction de l’énergie délivrée par les ultrasons de l’ordre de 1/3 ou plus pour les 3 lasers. Dans une étude prospective conduite par Culbertson et al. comparant chez 29 patients un œil traité par laser femtoseconde et l’autre œil en chirurgical conventionnelle, l’utilisation des ultrasons a été réduite de 45 % sur des cataractes de grade 1 à 3 (excluant les grades 4). Dans une autre étude non randomisée, Packer a montré une réduction des lésions endothéliales par le laser femtoseconde (absence de perte endothéliale) comparativement à la chirurgie conventionnelle (perte endothéliale de 1 à 7 %). Un coût élevé Si l’avancée technologique est aujourd’hui indéniable, le modèle économique du laser femtoseconde pour la chirurgie de la cataracte reste encore très douteux. Le surcoût entraîné par l’utilisation de la technologie femtoseconde pour la chirurgie de la cataracte paraît encore prohibitif par rapport à l’amélioration du service médical rendu suggérée par les études récentes. Ce surcoût est en effet de l’ordre de 400 euros supplémentaires par procédure pour un centre effectuant un volume important, soit plus de 40 % du budget GHS actuel de l’intervention). Le bénéfice de l’intervention pour le patient et le chirurgien semble pour l’instant marginal (amélioration de la précision de la capsulotomie et de l’incision cornéenne, réduction modérée de l’énergie délivrée par l’économie de phacofragmentation aux ultrasons permis par les incision nucléaires au laser) en l’absence de statistiques prospectives solides permettant d’établir, de façon indiscutable, une éventuelle réduction de la morbidité induite (taux d’œdème maculaire cystoïde, de décollement de rétine, d’endophtalmie, d’astigmatisme interne induit par le déplacement des optiques à long terme) ou une amélioration de la précision réfractive permises par cette approche. La technologie laser restera cependant un puissant facteur d’attraction pour les patients, qui seront probablement facilement convaincus de la supériorité théorique d’un faisceau lumineux high tech sur le “bistouri” conventionnel, fût-il ultrasonique. Cette technologie est déjà, de ce fait, un moteur efficace de marketing pour les centres chirurgicaux pionniers de la méthode outre-Atlantique, et semble-t-il, de ce côté de la mer du Nord. Le tableau 1 résume les caractéristiques techniques de ces lasers. n Mots-clés : Laser femtoseconde, Chirurgie de la cataracte, Capsulotomie Tableau 1 - Comparatif technique des différents lasers femtoseconde. OptiMedica TechnoVision Lensar Alcon Modèle Catalys Victus Lensar LensX Interface patient Optique liquide (immersion) Concave Robocone (immersion) Concave Identification des interfaces oculaires Automatique, ajustable Manuelle Automatique Manuelle Imagerie OCT spectral domain 3D OCT en ligne (monitoring en temps réel) Confocal 3D à balayage (structured illumination) OCT 3D Dimensions (en pouces) 35 x 65’’ 42 x 82’’ 78 x 36’’ 48 x 62’’ Site web www.optimedica.com www.technolaspv.com www.lensar.com www.lensxlasers.com 74 Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Explorations et innovations Les aberromètres “nouvelle génération” Le cas du système KR-1W, un concentré de fonctionnalités n Les aberromètres ont connu, au cours des dix dernières années, un essor considérable. Certains aberromètres “nouvelle génération” concentrent des mesures réfractives, topographiques et aberrométriques dans un seul dispositif. Ces caractéristiques en font-ils des systèmes diagnostiques incontournables ? A en juger la nouvelle technicité et la sophistication des nouveaux implants et traitements réfractifs actuels, probablement. L’objectif reste cependant inchangé. Optimiser la qualité de vision de nos patients, qu’ils soient futurs candidats à une chirurgie réfractive, opérés cornéens, pseudophaques, ou porteurs de lentilles de contact. Raphaël Amar (1) *,**, Dr Dan Alexandre Lebuisson*,**, Dr Catherine Albou-Ganem *,*** L e système KR-1W (Topcon) (Fig. 1) permet de délivrer en une seule acquisition les éléments diagnostiques suivants : • réfraction objective ; • analyse kératométrique ; • topographie cornéenne de type “Placido” avec délivrance du facteur Q d’asphéricité cornéenne ; • analyse aberrométrique basée sur une acquisition Wavefront de type Schack-Hartmann ; • analyse de la qualité de vision par la restitution de la PSF (fonction d’étalement du point) et des courbes MTF (fonction transfert de modulation) ; • pupillométrie en ambiance photopique et scotopique. Ce dispositif rejoint cependant, par sa polyvalence similaire, le * Clinique de la Vision * Hôpital américain de Paris *** CHNO des Quinze-vingt (1) Contact : Raphaël Amar, orthoptiste : [email protected] Figure 1 - Le topo-aberromètre KR-1W. système OPD Scan développé par la société Nidek, qui connaît actuellement la distribution de sa troisième génération. Plusieurs caractéristiques techniques distinguent les deux dispositifs en Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 pratique clinique courante. Nous aborderons dans notre article les principes, les caractéristiques et les spécificités du système KR-1W, ainsi que son intérêt en pratique quotidienne (Fig. 1). 75 Explorations et innovations Figure 2 - Technologie du prisme rotatif utilisée pour l’analyse kérato-réfractométrique permettant d’optimiser la fiabilité des mesures. Principes et caractéristiques techniques du système Le système KR-1W associe trois principales technologies. Technologie du prisme rotatif La kérato-réfractométrie automatisée, ainsi que l’autoréfractométrie, sont basées sur la technique du prisme rotatif propre à la gamme des autoréfractomètres KR de la société Topcon. Cette technologie vise à optimiser la qualité de prise de mesures car favorise l’acquisition sur une plus large zone et dépasse les limites de certains appareils en cas de petite pupille (Fig. 2). Topographie cornéenne par projection des mires de Placido La topographie cornéenne repose sur la technologie connue de la projection du disque de Placido. L’analyse cornéenne est évaluée sur une surface étendue et Figure 3 - Image de la surface cornéenne par la visualisation des mires de Placido. Le dispositif permet de délivrer notamment la carte de puissance axiale cornéenne. 76 délimitée selon un anneau défini par un rayon minimum de 0,8 mm et un rayon maximum de 9,2 mm (Fig. 3). Technologie d’analyse du front d’onde de type ShackHartmann Enfin, les analyses aberrométriques quantitatives et qualitatives sont basées sur la technologie d’analyse de front d’onde (Wavefront) de type SchackHartmann. La particularité des aberromètres de type Shack-Hartmann est une analyse au niveau du plan pupille (à la sortie) de la distorsion du front d’onde. Les aberromètres de type ShackHartmann sont composés d’une matrice de microlentilles placée devant un capteur sensible à la lumière (caméra CCD). Ces deux systèmes sont situés dans des plans parallèles. A l’arrivée d’un faisceau, chaque microlentille génère sur le capteur un point de focalisation, dont la position varie, en fonction de la déformation locale du front d’onde, autour de sa position de référence, correspondant à un front d’onde non déformé (front d’onde plan) (Fig. 4). A partir de la matrice résultante, le système génère la cartographie de Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Les aberromètres de “nouvelle génération” la distorsion du front d’onde avec les avances (couleurs chaudes) et retards de front d’onde (couleurs froides) par rapport au front d’onde plan de référence (couleur verte). La particularité du système KR‑1W est de combiner ces trois technologies tout en respectant spécifiquement une condition essentielle pour permettre une bonne reproductibilité et fiabilité des mesures : le système KR-1W utilise systématiquement le même axe de référence par chaque nature de relevé. Cette particularité technique permet d’éviter toute erreur possible d’alignement entre les mesures d’aberrométrie et d’analyse cornéenne et accroît considérablement la fiabilité de ses mesures. D’autre part, cette technologie combinée permet d’obtenir l’analyse distincte des aberrations totales et cornéennes sur des zones d’analyses différentes : 4 et 6 mm, Figure 4 - Principe de recueil de la distorsion du front d’onde par les aberromètres de type Shack-Hartmann. L’analyse du front d’onde se fait à la sortie de l’œil par une ma- ainsi que sur le diamètre pupillaire réel d’acquisition (Fig. 5 et 6). Un concentré de fonctionnalités Le système KR-1W est un dispositif compact, rapide et ergonomique qui s’intègre facilement dans une unité d’exploration ophtalmologique générale, de contactologie ou de chirurgie réfractive. Son mode automatique et manuel permet une utilisation facile. L’acquisition se fait en 20 à 30 secondes pour les deux yeux. Il est recommandé de faire au moins trois mesures sur chaque afin de pouvoir sélectionner la meilleure acquisition. Si de très nombreuses informations sont acquises grâce au KR1W, l’utilisation de celles-ci au quotidien nécessite un tri et une bonne connaissance des données topographiques, et surtout aberrométriques. La densité des informations recueillies oblige cependant à déterminer des cartes de lecture personnalisée sur lesquelles figurent les données que l’on souhaite y voir figurer. Le système offre cette opportunité en créant son propre modèle de page de résultats. trice de microlentilles qui génère différents points de focalisation sur une caméra CCD. Réfraction objective : analyse globale et reproductible Figure 5 - Schéma optique du système KR-1W utilisant la technologie du prisme rotatif et de l’analyse du front d’onde de type Shack-Hartmann. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Tel qu’un autoréfractomètre classique, le système KR-1W délivre des données de réfraction objective. Le système prend automatiquement trois mesures. Il peut être également utilisé en mode manuel. La reproductibilité des mesures interindividuelles a fait l’objet d’une publication, en novembre 2010, dans le Journal of Refractive Surgery (1) par D.P. Pinero, J.T. Juan, J.L. Alio. Les auteurs ont 77 Explorations et innovations cependant analysé la reproductibilité de l’évaluation quantitative des aberrations optiques internes, notamment sur des zones de 4 et 6 mm. Cet article a mis en évidence une bonne reproductibilité des mesures aberrométriques sur 26 yeux de 26 patients. Au-delà de leur conclusion propre à l’étude des aberrations, les auteurs rapportent, dans la discussion, plusieurs points techniques rendant ce dispositif reproductible (Fig. 7). Une fois l’acquisition réalisée, le système propose plusieurs cartes de lecture de résultats (Fig. 8 et 9). La première éditée par le dispositif est une carte multiple permettant d’avoir, en une seule lecture, de nombreuses informations réfractives, topographiques et aberrométriques. Kératométrie et topographie cornéenne (Fig. 9) Grâce au dispositif du prisme rotatif et de la projection des mires de Placido, le système délivre des données essentielles pour l’analyse cornéenne : • valeurs de la kératométrie en rayon de courbure ou en puissance dioptrique (sim K) ; • valeur de l’astigmatisme cornéen ; • valeur de l’asphéricité cornéenne et de l’excentricité cornéenne ; • topographie cornéenne antérieure axiale, et/ou spontanée (tous les paramètres habituels de lecture sont modifiables). Figure 6 - L’une des caractéristiques principales du système KR-1W est d’utiliser le même axe de référence pour ses trois principales acquisitions, kérato-autoréfractométrie, topographie Placido et aberrométrie. Cette particularité accroît sa fiabilité et évite tout biais de mesure relatif à un défaut d’alignement d’axe de référence. Analyse aberrométrique globale : cornéenne et interne Le système a la principale particularité de délivrer des données optiques et aberrométriques globales et individuellement internes et/ ou cornéennes. Ce concept n’est cependant pas nouveau. D’autres systèmes tels que l’OPD Scan III (Nidek) et le système iTrace 78 Figure 7 - Mesure de la réfraction objective chez une patiente implantée par un IOL AT Lisa. La topographie supérieure représente le relevé des aberrations totales de l’œil. Les trois mesures consécutives sont quasi identiques. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Les aberromètres de “nouvelle génération” (Tracey Technologies) permettent de distinguer l’analyse des aberrations globales (cornéennes et internes). Cependant, le KR-1W présente deux particularités techniques : le cycle (temporel) des mesures topographiques et aberrométriques est le même, évitant ainsi tout retard de traitement de l’analyse optique, et l’axe de référence est identique quelle que soit l’analyse réfractive, topographique ou aberrométrique. Ces points sembleraient éviter des biais de prises de mesures et permettraient également d’accroître le niveau de fiabilité des mesures. Par ailleurs, l’analyse aberrométrique est obtenue par un analyseur de front d’onde (Shack-Hartmann) pour le système KR-1W ,alors que l’OPD Scan utilise le procédé de skiascopie dynamique (Fig. 10 et 11). L’analyse optique et aberrométrique différentielle (oculaire, cornéenne, interne) trouve son intérêt dans différentes situations du quotidien (liste non exhaustive) : • pour l’étude de la nature des astigmatismes : en bilan préopératoire de cataracte, cette information est utile pour savoir si un implant torique est nécessaire. Une indication d’implant torique est posée dès que l’astigmatisme cornéen dépasse les 1 à 1,5 D ; • pour le suivi des cornées à risque : le suivi de l’astigmatisme spécifiquement cornéen (kératocône, ectasie…) (Fig. 12) ; • dans le cadre du suivi postopératoire de cataracte par implant : pour vérifier la qualité de vision et la bonne orientation de l’axe de l’implant par la lecture de l’astigmatisme interne (Fig. 13) ; • dans le cadre du suivi postopératoire des chirurgies photoablatives ou intrastromales par laser femtoseconde : afin d’étudier cliniquement l’efficacité des traitements Figure 8 - Carte topographique multiple. 1. Relevé de la topographie cornéenne axiale (échelle normalisée mais modifiable). 2. Relevé des aberrations optiques totales internes et cornéennes. 3. Réfraction objective. 4. Relevé des aberrations de haut de degré internes et cornéennes. 5. Kératométrie. 6. Relevé des aberrations exclusivement cornéennes. 7. Décomposition quantitative des aberrations totales et cornéennes sur différents diamètres pupillaires. 8. Analyse de la matrice résultante du front d’onde sortant. Figure 9 - Carte topographique cornéenne chez une patiente présentant un kératocône fruste. 1. Projection de la topographie cornéenne sur la prise de mesure. 2. Indices cornéens : kératométrie (Sim-K) sur les deux méridiens principaux, valeurs de la puissance et de l’axe du cylindre cornéen, valeur de l’excentricité cornéenne relative à l’asphéricité cornéenne facteur Q = - ε². 3. Relevé de la topographie cornéenne axiale confirmant l’asymétrie (ici échelle normalisée). 4. Relevé de la topographie cornéenne instantanée (échelle normalisée, modifiable). 5. Relevé topographique des aberrations cornéennes de haut degré, visualisation de la distorsion du front d’onde avec prédominance d’une coma verticale. 6. Valeurs quantitatives des aberrations de coma et aberrations sphériques (ordres 3, 4, 5, 6) sur 4 et 6 mm ainsi que sur le diamètre réel de mesure. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 79 Explorations et innovations proposés et de pouvoir justifier certaines gênes potentielles ressenties par le patient (décentrements, imprécision de puissance ou d’axe d’astigmatisme…) (Fig. 14) ; • pour l’indication et le suivi des traitements thérapeutiques cornéens tels que “anneaux intracornéens”, “cross linking”, “incisions arciformes”… ; • l’efficacité d’une adaptation en lentilles de contact ; • l’analyse de la qualité de vision en général, et bien d’autres situations… Analyse aberrométrique quantitative et qualitative L’analyse du front d’onde constitue le point clé de ce dispositif. Par des mécanismes de “soustraction” des mesures faites sur la cornée, le système KR-1W délivre des données reproductibles totales, internes et cornéennes. D.P. Pinero et al. confirment dans leur article publié récemment la bonne reproductibilité des mesures sur 4 mm et sur 6 mm. Les résultats rapportés par les auteurs dans cette étude sont significatifs. Sur le plan spécifiquement aberrométrique, les principales spécificités du KR-1W sont : • l’analyse aberrométrique différentielle (cornée + interne) ; • l’analyse des aberrations sur une zone de 6 et surtout 4 mm. Ce point est important car lorsque nous évaluons nos patients en postopératoire de chirurgie de la presbytie pour laquelle certaines zones de traitement sont limitées à 2 ou 3 mm, il est intéressant d’obtenir des valeurs plus spécifiques aux zones d’analyse souhaitées ; • la délivrance instantanée des valeurs de l’aberration sphérique (Z4,0), oculaire, cornéenne et interne (information devenue intéressante pour le choix plus précis des implants asphériques). 80 Figure 10 - Cartographie globale permettant de mettre en évidence la nature des défauts optiques, topographiques et aberrométriques. 1. Topographie cornéenne axiale. 2. Relevé des aberrations cornéennes totales. 3. Réfraction objective de l’œil examiné : ici +0,25 (-2,50 à 178°). 4. Projection et régularité de mires de Placido. 4bis. Diamètre pupillaire au moment de la mesure (variable selon l’ambiance lumineuse de la pièce). 5. Relevé de la matrice résultante du front d’onde sortant. 6. Cartographie, puissance et axe de l’astigmatisme évalué (oculaire, interne, cornéen). 7. Cartographie et valeur de l’aberration sphérique sur une zone de 6 mm (ici non évaluée à tous les niveaux). 8. Cartographie et valeur des aberrations de haut degré (oculaire, interne, cornéen). 9. Simulations faites par le système de la perception de l’œil examiné, de l’acuité visuelle et de la qualité de perception des optotypes (anneaux de Landolt). Le descriptif de la partie inférieure fera l’objet d’une analyse plus spécifique plus bas. Figure 11 - Cartographie globale permettant de mettre en évidence la nature interne ou cornéenne de l’astigmatisme d’un patient. Notons que l’astigmatisme global évalué ici est -2,85 à 179°, astigmatisme cornéen : -4,08 à 179°, astigmatisme interne : -1,22 à 88°. La réfraction subjective de l’œil examiné : +0,25 (-2,50 à 180°). Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Les aberromètres de “nouvelle génération” De très nombreuses données sont fournies par le système et il est important d’identifier certains points clés. Parmi les données quantitatives on retiendra notamment : • la valeur des aberrations totales RMS (Root Mean Square) correspondant aux aberrations totales sur une zone d’analyse donnée ; • la valeur des aberrations de haut degré (supérieures au 3e degré), HOA RMS (Higher-Order Aberration RMS) ; • la valeur des aberrations de coma de troisième et de cinquième ordre : S3, S5 ou S3+S5 ; • la valeur des aberrations sphériques de quatrième et de sixième ordre : S4, S6 ou S4+S6. Les valeurs révélées au-delà des plages de “normalité” s’affichent en rouge pour faciliter l’interprétation des données. L’analyse est également possible avec des cartes plus précises, mettant en évidence une décomposition polynomiale des aberrations optiques de haut degré totale, cornéenne et interne : aberration sphérique, aberration de coma, aberration de Trefoil (Fig. 15). Figure 12 - Dépistage de kératocône. Figure 13 - L’analyse permet de vérifier en postopératoire la bonne implantation d’un implant torique. Ici le KR-1W a permis de mettre en évidence une erreur de puissance d’astigmatisme interne induit par la pose d’un implant torique trop fort. Au-delà des données quantitatives, d’autres éléments qualitatifs sont fournis par le système (Fig. 16) : • l’analyse de l’image de Hartmann. Une bonne qualité de mesure et de restitution du front d’onde sortant est caractérisée par la présence de tous les points de la matrice résultante encore appelée “image de Hartmann”. Une carte spécifique et synthétique apporte des éléments précieux de nature qualitative par l’analyse (Fig. 16) : • de la PSF - Point Spread Function (fonction d’étalement du point) ; • de la courbe MTF - Modulation Transfer Function (fonction Figure 14 - Vérification de l’aberration sphérique cornéenne induite par un traitement presbyLasik. La valeur est ici mesurée à 0,084 microns. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 81 Explorations et innovations transfert de modulation) ; • des simulations des anneaux de Landolt. Une des limites du système réside dans le fait que les données évaluées ne permettent pas de les exporter sur un laser spécifique permettant de délivrer des traitements guidés par aberrométrie. Figure 15 - Décomposition des types d’aberrations totales et de haut degré sur des Aide à l’indication opératoire et au choix de l’implant Le système KR-1W peut participer à l’aide à l’indication de la chirurgie du cristallin clair ou cataracté, figure 17. En 1, le système précise le niveau d’aberration totale cornéen. En cas de niveau trop élevé, une indication d’implant ne serait pas adaptée. En 2, le KR-1W permet de détecter des irrégularités cornéennes trop importantes. Cet indice permet de mettre en évidence instantanément les cornées opérées et ajoute un niveau de vigilance. En 3, on peut lire le niveau d’aberration sphérique cornéenne sur une zone de 6 mm. Cet indice renseigne sur la nécessité potentielle d’adapter l’asphéricité de l’implant en cas d’indication (implant asphérique avec une aberration sphérique négative ou positive, implant à aberration sphérique nulle). On visera une aberration sphérique totale proche de 0,1 en fonction de l’aberration sphérique cornée trouvée. En 4, le système KR 1W mentionne l’astigmatisme cornéen. Cette information impacte directement sur le choix d’un implant torique ou non. Le seuil est compris entre 1 et 1,5 D. Au-delà, il sera proposé un implant torique. Aide au dépistage des yeux secs par l’analyse des aberrations de haut niveau Plusieurs travaux ont mis en évidence une relation entre une 82 diamètres d’analyse de 4 et 6 mm. Figure 16 - Analyse de la qualité de vision obtenue par le système KR-1W chez une jeune patiente porteuse d’un implant Restor. 1. Image de Hartman. 2. PSF. 3. Courbe MTF. 4. Simulation de perception des anneaux de Landolt. Figure 17 - Carte d’aide à l’indication du choix de l’implant. Les couleurs d’affichage des chiffres facilitent l’interprétation. En vert, les valeurs sont considérées comme normales, en orange comme suspectes et en rouge comme anormales. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Les aberromètres de “nouvelle génération” mauvaise qualité de film lacrymal ou sécheresse oculaire et une augmentation des aberrations de haut degré, se traduisant pour le patient par une impression de “flou” malgré une correction optique optimale. Le système permet d’aborder cette problématique en permettant la mesure des aberrations de haut degré totales et cornéennes sur une durée allant jusqu’à 10 secondes. En cas d’élévation anormale de ces aberrations de haut degré (HOA RMS), on pourra alors suspecter des problèmes liés à une sécheresse oculaire. Cette fonction pourra être utile au niveau du diagnostique et du suivi (Fig. 18). Figure 18 - Le système analyse les HOA RMS totales sur 4 mm pendant 10 s. En cas de sécheresse oculaire, on trouverait une augmentation significative du niveau des HOA Analyse de la pupillométrie L’analyse de la pupillométrie est essentielle pour deux principales raisons : • cette mesure va permettre en préopératoire de mieux préciser l’indication chirurgicale et les paramètres optiques tels que la zone optique de traitement ; • la pupillométrie va nous renseigner en postopératoire sur la potentielle explication de gênes visuelles ressenties par le patient. Le système adapte automatiquement le niveau d’illumination de la mire de visualisation et permet de fournir le diamètre pupillaire en ambiance scotopique et photopique. Plusieurs données aberro- RMS à la dixième seconde. Dans le cas du patient évalué ici, le total des HOA RMS passe de 0,122 microns à 0,108 microns à la dixième seconde. Aucun élément en faveur d’une suspicion de sécheresse oculaire. métriques quantitatives complètent l’analyse globale de la qualité de vision du patient. Conclusion Le système KR-1W est un appareil diagnostique présentant des fonctionnalités intéressantes pour une pratique réfractive mais également pour une pratique de contactologie et d’ophtalmologie générale. Les caractéristiques techniques propres à ce dispositif précisent les valeurs des données. L’ergonomie de réalisation et de lecture offre un atout majeur à ce dispositif récent. La densité d’informations est cependant à trier pour optimiser une lecture rapide des résultats en fonction des buts recherchés en préopératoire ou postopératoire. n Les auteurs ne déclarent n’avoir aucun conflit d’intérêt. Mots-clés : Aberromètre, Topographie ­cornéenne, Aberrations, Qualité de vision Pour en savoir plus • Pinero DP, Juan JT, Alio JL. Intrasubject repaetability of internal aberrometry obtained with a new integrated aberromètre. J Refract Surg 2010 ; 15 : 1-9. • Mntes-Mico R, Caliz A, Alio JL. Wavefront analysis of higher order aberrations in dry eye patients. J Refract Surg 2004 ; 20 : 243-7. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 • Wang Y, Xu J, Sun X et al. Dynamic wavefront aberrations and visual acuity in normal and dry eyes. Clin Exp Optom 2009 ; 92 : 267-73. • Amar R, Lebuisson DA, Albou-ganem C Nouvel analyseur de front d’onde KR-1W : des multiples fonctionnalités diagnostiques aux spécificités réfractives. Chirurgies réfractives 2011, Ed spécial CLV, Réalités. Avril 2011. 83 Mise au point Quelle est la place des compléments alimentaires dans la prise en charge de la DMLA ? L’actualité détaillée Dr Valérie Le Tien* Introduction La modification des habitudes alimentaires a entraîné, depuis quelques années, une augmentation de la (l’auto)consommation de “suppléments” en vitamines, minéraux, ou autres, sur la base des modèles anglo-saxons. En ophtalmologie, seule la supplémentation en antioxydants telle que définie dans l’étude AREDS (Age-Related Disease Study Research Group), en prévention du risque de DMLA (Dégérescence Maculaire Liée à l’Âge), possède une réelle indication démontrée scientifiquement. Le rôle du médecin ophtalmologiste est donc primordial afin de guider le patient dans la prise de ces compléments alimentaires. Prévenir le risque de DMLA : ce que l’on sait Nous savons depuis l’étude AREDS 1 (1), publiée en 2011, qu’une supplémentation en antioxydants à haute dose (vitamine C, E, bêta-carotène, zinc et cuivre) diminue de 25 % le risque de progression et d’aggravation de la DMLA néovasculaire pour les patients à risque (stade 3 et 4 de la * Service d’ophtalmologie, centre hospitalier intercommunal, Créteil classification AREDS) et de 27 % la perte d’acuité visuelle. Le concept de prévention de la DMLA, c’est-àdire la possibilité de limiter les risques d’évolution des formes précoces vers des formes avancées de la maladie, n’avait jusqu’alors jamais été aussi clairement évoqué. Au-delà des antioxydants qui composaient initialement la formule de l’étude AREDS, d’autres nutriments ont suscité un intérêt croissant dans la prise en charge des formes précoces de la maladie. Le pigment maculaire Le pigment maculaire, composé notamment de la lutéine, de la zéaxanthine et de la méso-zéaxanthine, est présent dans les couches axonales des photorécepteurs. Il protège la macula via deux modes d’action : un effet antioxydant direct et un effet physique de filtration des courtes longueurs d’onde. Ces nutriments ne sont pas synthétisés par l’organisme et leur apport est exclusivement alimentaire. Il existe de nombreux arguments épidémiologiques en faveur du rôle protecteur de la lutéine et de la zéaxanthine vis-à-vis du risque de DMLA. Une récente méta-analyse a montré que la consommation de lutéine et de zéaxanthine n’était pas significativement associée à une diminution Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 du risque de DMLA précoce. Par contre, elle protège significativement du risque de DMLA néovasculaire (2). Les acides gras polyinsaturés Les acides gras polyinsaturés de la famille des oméga-3 : acide docosahexaénoïque (DHA), acide éicosapentaénoïque (EPA). Le poisson représente la principale source alimentaire d’omega 3. Toutefois, on en trouve également dans les œufs, et dans certaines huiles végétales telle l’huile de colza, ou dans les noix. Plusieurs études ont suggéré depuis, un effet protecteur des oméga-3 vis-à-vis du risque de DMLA, en particulier néovasculaire d’après l’étude ALIENOR (Antioxydants, Lipides Essentiels, Nutrition et Maladies Oculaires). Toutefois, il semble que les différentes classes d’oméga-3 aient des intérêts particuliers. Le DHA est un composant structurel majeur au sein du système nerveux central. Les membranes cellulaires de la rétine contiennent de très fortes concentrations de DHA. Il régule le fonctionnement de la membrane des photorécepteurs en modifiant la perméabilité, l’épaisseur, la fluidité et les propriétés physico-chimiques membranaires. L’EPA possède des propriétés vasorégulatrices, et 85 Mise au point anti-inflammatoires. La consommation d’acide linolénique (ALA), précurseur des oméga-3 à longue chaîne, est également associée à une diminution significative du risque de DMLA néovasculaire. L’EFSA (Autorité Européenne de sécurité des Aliments) reconnaît ainsi qu’ « une relation de cause à effet est établie entre la consommation de DHA et le maintien d’une vision normale ». Elle conseille, pour la population générale, un apport journalier de 250 mg par jour pour revendiquer cette action. Les doses préconisées en prévention du risque de DMLA sont encore à déterminer de façon consensuelle. De nombreuses interrogations La consommation de compléments alimentaires en prévention de la DMLA entraîne un certain nombre de questions encore sans réponses aujourd’hui. L’étude AREDS I demeure à ce jour la seule étude interventionnelle prospective randomisée de référence. Mais la formule initiale telle qu’utilisée dans l’étude paraît difficile à appliquer : • le bêta-carotène a potentiellement un impact négatif sur les fumeurs ou anciens fumeurs qui en consomment, en favorisant l’apparition du cancer du poumon (3) ; • comment intégrer les caroténoïdes et les oméga-3 dans la stratégie de prévention, en sachant qu’ils n’appartenaient pas à la formule initiale de l’AREDS 1 ? Il est aujourd’hui impossible de faire abstraction du rôle protecteur de ces éléments vis-à-vis de la DMLA au vu du nombre de publications et d’études (épidémiologiques, observationnelles) parues. 86 Tableau 1 - Classification de l’AREDS. Catégorie 1 - Pas d’anomalie au fond d’œil - Moins de 5 drusen miliares - Aux deux yeux Catégorie 2 - Altérations de l’épithélium pigmentaires et/ou multiples drusen miliaires, ou quelques drusen intermédiaires - Aux deux yeux Catégorie 3 - Drusen séreux - Nombreux drusen intermédiaires - Atrophie géographique non centrale - Absence de DMLA avancée Catégorie 4 - Présence d’une DMLA avancée à un œil (atrophie géographique centrale, DMLA néovasculaire) Figure 1 - Patient présentant une maculopathie liée à l’âge marquée (nombreux drusen séreux) à un œil et une DMLA avancée à l’autre œil (stade 4 de la classification de l’AREDS). La mise en place d’un traitement préventif chez ce patient afin de limiter le risque d’évolution du deuxième œil est justifiée. Néanmoins, les doses à utiliser et les indications précises ne sont pas encore déterminées. L’étude AREDS 2 est la suite logique de l’étude AREDS 1. L’objectif de cette nouvelle étude, dont les résultats ne seront pas connus d’ici plusieurs années, est d’évaluer de façon plus précise la composition initiale de l’AREDS 1, mais aussi l’intérêt d’y associer des oméga-3 et des pigments maculaires dans la diminution du risque de DMLA. Elle tente également de préciser le rôle exact du bêta-carotène, dont l’association est contre-indiquée en cas d’antécédents de tabagisme. 1 000 patients chacun, soumis à une supplémentation soit en pigments maculaires (lutéine 10 mg et zéaxanthine 2 mg), soit en oméga-3 (DHA et EPA), soit une association de pigments maculaires et d’oméga-3, soit un placebo ; Elle est divisée en deux bras principaux : Il existe un grand nombre de compléments alimentaires à disposition du prescripteur. Leur composition est inégale, tant en termes de dosage que du type de nutriments. • une première randomisation déterminera quatre groupes de • une deuxième randomisation déterminera l’intérêt de maintenir le bétacarotène par rapport à la formule initiale. Compléments alimentaires et DMLA : comment prescrire en attendant AREDS 2 ? Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 compléments alimentaires et DMLA Sur le plan qualitatif tant que quantitatif, il paraît aujourd’hui raisonnable de rester près des connaissances scientifiques actuelles. En l’absence de traitements curatifs, la mise en place de traitements préventifs pour les patients à haut risque (stade 3 et 4 de l’AREDS) est justifiée (Tab. 1) (Fig. 1). L’information du patient concernant son traitement préventif est essentielle pour l’observance, d’autant plus que ces traitements ne sont pas remboursés par la Sécurité sociale. Les résultats d’une étude récente ont montré que plus d’un tiers des patients suivis par un spécialiste en rétine médicale et candidats à une supplémentation en antioxydants ne prenaient aucun traitement préventif ou prenaient des antioxydants à des doses incorrectes (4). La posologie doit être expliquée afin d’éviter par exemple la discordance possible entre les doses prescrites sur la notice et celles prescrites par l’ophtalmologiste. de favoriser un dépistage précoce de la maladie. n Mots-clés : DMLA, Prévention, AREDS, Pour conclure ­Compléments alimentaires En conclusion, la prévention de la DMLA demeure un point incontournable de la prise en charge de la maladie. En effet, les seuls traitements disponibles concernent la DMLA exsudative en assurant essentiellement une stabilisation de la maladie. Les résultats des études randomisées interventionnelles (AREDS 2) seront précieux. En attendant, ceux de l’étude AREDS 1 de 2001 demeurent la seule référence à ce jour même s’ils doivent être adaptés à nos connaissances actuelles. Enfin, l’information du grand public est primordiale afin Bibliographie 1. Age-Related Eye Disease Study Research Group. A randomized, placebo-controlled, clinical trial of high-dose supplementation with vitamins C and E and beta carotene for age-related cataract and vision loss: AREDS report n° 8. Arch Ophthalmol 2001 ; 119 :1417-36. 2. Ma L, Dou HL,Wu YQ et al. Lutein and zeaxanthin intake and the risk of age-related macular degeneration: a systematic review and metaanalysis. Br J Nutr 2012 ; 107 : 350-9. 3. Tanvetyanon T, Bepler G. Beta-carotene in multivitamine and the possible risk of lung cancer among smokers versus former smokers: a meta-analysis and evaluation of national brands. Cancer 2008 ; 113 : 150-7. 4. Charkoudian LD, Gower EW, Solomon SD et al. Vitamin usage patterns in the prevention of advanced age-related macular degeneration. Ophtalmology 2008 ; 115 : 1032-8. petites annonces Vous recherchez un médecin ou un remplaçant pour compléter votre équipe médicale ? Contactez nos services pour une diffusion maximale de votre petite annonce Claire Lesaint Tél. : 01 49 29 29 20 Fax : 01 49 29 29 19 Mail : [email protected] ou connectez-vous sur la rubrique “petites annonces” de nos sites : www.ophtalmologies.org & www.offres-sante.fr Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 66 Perpignan : Travailler et vivre au soleil Travailler : Centre médical ambulatoire cherche un spécialiste ou deux spécialistes. Deux cabinets disponibles au choix 23 m² et 24 m² voire 33 m² (cabinet 23 m² + 10 m² salle examens) Emplacement à fortes perspectives de développement Localisation à 5 minutes des centres de Perpignan, Cabestany et Canet Au centre d’une zone résidentielle huppée en pleine expansion : Château Roussillon / Mas Llaro / Mas Vermeil / Mas Saint Pierre : 4 300 pers Bassin de population rayon 30 minutes : 300 000 pers Possibilité activité mixte en clinique selon spécialité Activités médicales et paramédicales présentes dans le centre : Généraliste, Pédiatres, Gynéco, Dentistes, Kiné, Infirmiers, Opticien, Audition, Pharmacie Qualité de vie : Mer, Montagne, Espagne 5 minutes de la plage, 20 minutes de l’Espagne, 45’ Barcelone (TGV) et 1h20 des stations de ski Local récent RDC, accès handicapés , TBE, salle d’attente, salle d’eau, Grand parking Bail individuel Prix selon choix du local Plan et renseignements complémentaires : 06 84 64 33 96 frédé[email protected] 87 Zoom sur Baisse d’acuité visuelle du sujet jeune Intérêts de l’IRM en urgence Dr Samuel Bidot*, Dr Frédérique Charbonneau**, Dr Catherine Vignal-Clermont*** jection ou non de produit de contraste (gadolinium) dépendent étroitement des renseignements cliniques fournis par l’ophtalmologiste. Il est recommandé de réaliser une pondération T1 et T2 et au minimum 2 incidences de coupe. A titre indicatif, les protocoles utilisés à la Fondation Rothschild sont présentés ci-dessous (IRM 3T Philips Ingenia). Introduction L’imagerie des voies visuelles est indispensable dans la prise en charge de nombreuses pathologies neuro-ophtalmologiques. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est actuellement l’examen de choix en cas de suspicion de pathologie rétrobulbaire, mais sa disponibilité dans le cadre de l’urgence n’est pas toujours aisée. Les demandes d’IRM en urgence devant une baisse d’acuité visuelle (BAV) aigüe du sujet jeune, de la part de l’ophtalmologiste, doivent donc être parfaitement ciblées et restreintes à certaines indications pour lesquelles les autres techniques d’imagerie, notamment le scanner (TDM), restent peu informatives. Dans cet article, les BAV aigües de l’enfant, les autres troubles aigus de la fonction visuelle sans BAV et les BAV traumatiques n’ont pas été traités. Principes d’IRM destinés à l’ophtalmologiste (1) Séquences IRM utiles en neuro-ophtalmologie Le langage IRM semble complexe, notamment en raison des multiples séquences disponibles, mais les indications de certaines d’entre elles sont importantes à connaître pour l’ophtalmologiste (Fig. 1 et Tab. 1). Les différentes séquences dépendent de la façon d’exciter les protons contenus dans les tissus et de recueillir le signal. En fonction du contraste tissulaire souhaité, ces séquences peuvent être pondérées en fonction des paramètres choi- ❚❚Pathologies des voies visuelles antérieures : protocole spécifique L’exploration porte sur l’ensemble des voies optiques antérieures, c’est-à-dire de la tête du nerf optique (NO) jusqu’au chiasma. Les coupes sont jointives, perpendiculaires à l’axe des NO (coupes coronales), complétées, si nécessaire, par des coupes sagittales obliques dans l’axe du (des) NO exploré(s). sis, en T1, T2, T2 écho de gradient (T2*). Protocole d’exploration des voies visuelles Le choix des séquences, le nombre et l’incidence des coupes et l’in- A B C D Figure 1 - Contrastes IRM des tissus orbitaires et du parenchyme cérébral sur les séquences standard type écho de spin. Coupe orbitaire droite axiale passant par le nerf optique et le lobe temporal. A. T1. Globe noir, graisse blanche, muscle noir, SG1 gris foncé, SB2 gris clair. B. T1 avec injection de gadolinium. Idem figure A mais le muscle est blanc. C. T1 * Ophtalmologiste, assistant des hôpitaux, service du Dr VignalClermont, Fondation Rothschild, Paris ** Radiologue, praticien titulaire, service du Dr Héran, Fondation Rothschild, Paris *** Ophtalmologiste, chef de service, Fondation Rothschild, Paris 88 Gado3 Fat Sat4. Idem figure B mais graisse noire. D. T2. Globe blanc, graisse blanche SG* gris clair, SB2 gris foncé. Substance grise, 2Substance blanche, 3Gadolinium, 4Suppression du signal de la graisse. 1 Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Baisse d’acuité visuelle du sujet jeune L’épaisseur des coupes doit être la plus fine possible, assurant un rapport signal/bruit satisfaisant : des coupes de 3 mm en T1 et 2 mm en T2 sont un bon compromis entre finesse de coupe et qualité du signal. Les séquences non injectées utilisent la graisse orbitaire comme contraste naturel (Fig. 1A et D). Ensuite, en T1 après injection de gadolinium (Fig. 2A), l’utilisation d’une séquence Fat Sat (Tab. 1) est indispensable pour qu’une éventuelle prise de contraste visible en hypersignal T1 ne soit pas masquée par le signal de la graisse (Fig. 2B), également en hypersignal T1 spontané. L’apex orbitaire est particulièrement délicat à explorer. L’intérêt majeur d’une pondération T2 est de visualiser de façon satisfaisante le NO dans le canal optique, mal vu en pondération T1. Il est alors souhaitable de ne pas supprimer le signal de la graisse en pondération T2, car les artéfacts induits par cette technique ne permettent plus de visualiser de façon satisfaisante le NO dans sa portion intracanalaire. ❚❚Pathologie des voies visuelles postérieures : IRM cérébrale Une acquisition axiale FLAIR avec une épaisseur de coupe de 3 mm jointive ou une acquisition volumique 3D FLAIR avec reconstruction dans les 3 plans de l’espace est initialement réalisée. Les autres séquences réalisées dépendent de l’indication clinique, par exemple des coupes en diffusion et T2* à la recherche respectivement de lésion ischémique ou hémorragique récente. Indications de l’IRM en urgence devant une BAV aigüe du sujet jeune La demande d’IRM ne se conçoit qu’après un examen clinique soi- Tableau 1 - Quelques séquences IRM utiles à connaître en neuro-ophtalmologie. Séquence Pondération Intérêt Spin écho T1 ou T2 T1 : imagerie anatomique. T2 : meilleur contraste lésionnel que le T1. Echo de gradient T2* Détection des saignements Non appropriée à la pathologie orbitaire (artéfacts). FLAIR T2 avec annulation du signal du LCR Meilleur contraste lésionnel que le T2 standard pour l’étude des lésions périventriculaires et sous-corticales. Fat Sat T1 ou T2 Suppression du signal de la graisse. Injection de Gadolinium T1 Recherche d’une rupture de la barrière hématoencéphalique, combinée à une séquence Fat Sat pour la pathologie orbitaire. Diffusion T2 Recherche d’une ischémie. gneux, recherchant des arguments permettant de localiser l’atteinte et d’en préciser le mécanisme. Un champ visuel est systématique lors du bilan initial. ❚❚Déficit pupillaire afférent relatif (2) L’indication la plus fréquente est l’existence d’un déficit pupillaire afférent relatif (DPAR) ou pupille de Marcus-Gunn. L’existence d’un DPAR est l’expression d’une asymétrie entre les deux yeux dans la quantité d’informations visuelles au travers des voies de la constriction pupillaire à la lumière. La lésion peut donc siéger tout le long des voies pupillaires, depuis la rétine jusqu’au toit du mésencéphale. Cependant, en cas de lésion rétinienne, seules des lésions extrêmement étendues peuvent être responsables d’un DPAR. Ainsi, lorsque l’examen rétinien est normal, la lésion siège le plus souvent sur le NO. L’examen étant comparatif, les atteintes bilatérales ne peuvent pas être mises en évidence : il n’existe donc pas de DPAR bilatéral. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 A B Figure 2 - Intérêt de la séquence Fat Sat en pondération T1 après injection de gadolinium. Coupe orbitaire gauche passant par le nerf optique. A. Aucune saturation du signal de la graisse. Mauvais contraste entre la graisse orbitaire et le nerf optique qui semble prendre le contraste. B. Après suppression du signal de la graisse, la prise de contraste du nerf optique est évidente. ❚❚Signes neurologiques centraux (3) L’atteinte bilatérale des lobes occipitaux est responsable d’une cécité corticale. La normalité du fond d’œil, l’absence de DPAR et les signes neurologiques d’accompagnement tels que hallucinations, anosognosie, troubles mnésiques, troubles du comportement ou 89 Zoom sur troubles de la conscience doivent faire évoquer le diagnostic topographique. L’atteinte d’un seul lobe occipital n’est pas responsable de BAV mais d’une hémianopsie latérale homonyme. ❚❚Signes d’inflammations orbitaires (4) L’existence, à des degrés variables, de douleurs orbitaires, de diplopie, d’exophtalmie, de rougeur oculaire et d’œdème palpébral doit faire évoquer la possibilité d’une inflammation orbitaire. Dans ce cadre, la BAV peut être secondaire soit à une compression du NO ou du pôle postérieur du globe, soit à la diffusion de l’inflammation au NO ou à la sclère. Pathologies des voies visuelles antérieures A B Figure 3 - Névrite optique aigüe rétrobulbaire. A. T2. Hypertrophie et hypersignal spontané du nerf optique (flèche bleue). Atteintes des voies visuelles antérieures à IRM anormale ❚❚Neuropathies optiques inflammatoires aigües (NOI) Les NOI sont les neuropathies optiques aigües les plus fréquentes avant 50 ans. Les sujets jeunes sont davantage concernés et les femmes sont trois fois plus touchées que les hommes (5). Le début est en général aigu sur quelques heures, voire quelques jours, avec une BAV le plus souvent unilatérale, d’importance variable, de 10/10e à l’absence de perception lumineuse. Cette BAV est évocatrice quand elle est accompagnée ou précédée d’une douleur péri- ou rétro-oculaire augmentée par la mobilisation du globe. Le fond d’œil est normal dans 2/3 des cas, le processus inflammatoire siège alors en arrière de la tête du NO : c’est la NOI postérieure ou rétrobulbaire. Dans le tiers des cas restants, l’existence d’un œdème 90 B. T1. Gado Fat Sat. Prise de contraste évidente du nerf optique (flèche rouge) et de la graisse périoptique. papillaire signe une atteinte de la tête du NO : c’est la papillite (6) L’IRM est l’examen clé du bilan de NOI. Dans les formes typiques, elle permet de rechercher les critères de dissémination spatiale et temporelle (7) et d’évaluer le risque d’évolution vers une sclérose en plaques (8). Dans les formes atypiques, elle permet en plus d’étayer le diagnostic en éliminant une compression et en mettant en évidence la lésion inflammatoire siégeant dans le NO (9) sous forme d’une hypertrophie en hypersignal T2 (Fig. 3A) rehaussé par le gadolinium en T1 (Fig. 3B). ❚❚Compression des voies visuelles antérieures Généralement, les compressions des voies visuelles antérieures s’accompagnent d’une BAV progressive mais pouvant parfois être rapide. La compression peut être intrinsèque ou extrinsèque et secondaire à une tumeur bénigne ou maligne, une infiltration, une augmentation non tumorale du volume d’un des tissus adjacents, une anomalie vasculaire, un processus osseux ou une mucocèle. Compression du nerf optique (10) Généralement, les compressions du NO s’accompagnent d’une altération progressive de l’acuité visuelle (AV), mais la BAV peut être aigüe, mimant alors une NOI (11). Dans ce cadre, la suppression du signal de la graisse orbitaire après injection de gadolinium est indispensable afin que le signal d’une éventuelle lésion Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Baisse d’acuité visuelle du sujet jeune A Figure 6 - Posterior Reversible ­Encephalopathy Syndrome. Coupe axiale FLAIR. Patiente sous chimiothérapie pour une hémopathie maligne. Il existe un hypersignal T2 spontané localisé au sein de la substance blanche des lobes occipitaux mais également temporaux. B Figure 4 - Intérêt de la séquence Fat Sat en pondération T1 après injection de gadolinium. Coupe orbitaire gauche passant par le nerf optique. A. En l’absence d’annulation du signal de la graisse il semble exister une masse le long de la paroi médiale de l’orbite mais le contraste est très insuffisant. B. Après suppression du signal de la graisse, la masse devient évidente. Plus rarement, la BAV peut être aigüe, particulièrement en cas d’apoplexie pituitaire. L’apoplexie pituitaire correspond à l’expansion brutale d’une tumeur sellaire d’origine hémorragique et se rencontre plus volontiers en cas de tumeurs pituitaires. Les patients présentent une BAV aigüe accompagnée de céphalées intenses, d’une paralysie oculomotrice, de vomissements et de raideur nucale. Bien qu’il s’agisse d’un syndrome rare, l’apoplexie pituitaire doit être connue car il s’agit d’une urgence en raison de l’hypopituitarisme qui en résulte. Figure 5 - Compression du nerf optique (flèche bleue) par un anévrysme (flèche rouge). prenant le contraste ne soit pas noyé dans le signal de la graisse. (Fig. 4A et B). Les étiologies les plus fréquentes sont les méningiomes, les gliomes, la maladie de Basedow, les anévrysmes (Fig. 5), les mucocèles et toute extension antérieure d’une compression chiasmatique. Compression du chiasma (12) De la même façon, la BAV est généralement progressive au cours des compressions chiasmatiques. Les causes les plus fréquentes sont les adénomes hypophysaires, les craniopharyngiomes, les gliomes, les méningiomes et plus rarement les anévrysmes. Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 ❚❚Orbitopathies inflammatoires (4, 10, 13) Les orbitopathies inflammatoires sont un ensemble de pathologies caractérisées par l’inflammation d’au moins un compartiment orbitaire en dehors du globe oculaire. L’existence d’une BAV dans un contexte d’inflammation orbitaire doit faire rechercher avant tout une compression du NO. Exception 91 Zoom sur faite de la maladie de Basedow, ces inflammations sont le plus souvent non spécifiques. Les orbitopathies inflammatoires non spécifiques peuvent survenir à n’importe quel âge, mais touchent le plus souvent le sujet d’âge moyen sans prédilection de sexe. Le début est souvent aigu ou subaigu et les symptômes les plus fréquents sont les douleurs orbitaires, l’œdème palpébral, l’exophtalmie et la diplopie. L’IRM met en évidence à des degrés variables une infiltration diffuse, une augmentation de volume et/ou une prise de contraste d’un ou plusieurs tissus. Habituellement confinées aux tissus mous intraorbitaires, les orbitopathies inflammatoires peuvent s’accompagner d’une destruction des parois osseuses avec extension extraorbitaire (1). Atteintes des voies visuelles antérieures à IRM normale Dans ce cadre, l’IRM n’a pour objectif que d’éliminer une inflammation ou une compression des voies visuelles antérieures. ❚❚Neuropathie optique ischémique aigüe (NOIAA) Les NOIAA touchent préférentiellement le sujet âgé sans prédilection de sexe mais l’atteinte des sujets jeunes n’est pas rare, les patients de moins de 45 ans représentant 15 % de la population dans un centre tertiaire de neuro-ophtalmologie (14). A l’exception de la maladie de Horton, les facteurs de risque sont globalement superposables à ceux retrouvés chez les sujets âgés. Bien qu’il puisse exister quelques exceptions, les NOIAA surviennent généralement sur des papilles optiques de petite taille peu ou non excavées (14). Il s’agit classiquement d’une BAV unilatérale, brutale et indolore, habituellement découverte le matin au réveil. L’AV est variable, 92 pouvant aller de 10/10e à l’absence de perception lumineuse. L’examen du fond d’œil retrouve un œdème papillaire modéré ou marqué, parfois en secteur, bordé d’une ou plusieurs hémorragies en flammèches (10). Le diagnostic de NOIAA est habituellement clinique et aucune imagerie des voies visuelles n’est nécessaire. Cependant, compte tenu du caractère atypique des NOIAA du sujet jeune, la réalisation d’une IRM reste justifiée. L’IRM “conventionnelle” reste peu informative pour le diagnostic positif en raison de la petite taille de la tête du NO (9), mais l’utilisation de séquence de diffusion en IRM de dernière génération semble donner des résultats encourageants (15). ❚❚Neuropathie optique de Leber (10) La neuropathie optique de Leber est l’une des plus fréquentes causes de neuropathie optique héréditaire. Elle touche préférentiellement l’homme jeune sous forme d’une BAV aigüe bilatérale et asynchrone. Le fond d’œil met typiquement en évidence une surélévation papillaire associée à des télangiectasies péripapillaires sans diffusion angiographique. L’IRM est classiquement normale mais des hypersignaux en séquence STIR (Short Time Inversion Recovery), ainsi qu’une prise de contraste du NO mais également du chiasma ont été rapportés (16, 17) ❚❚Neuropathies optiques aigües toxiques (18) Les neuropathies optiques aigües toxiques, le plus souvent liées à la prise d’éthambutol ou en cas d’ingestion accidentelle de méthanol sont rares et le contexte est généralement évocateur. Pathologies des voies visuelles postérieures Les pathologies aigües bilatérales des lobes occipitaux du sujet jeune sont rares. Le PRES mérite d’être connu car l’ophtalmologiste peut se retrouver en première ligne. Posterior Reversible Encephalopathy Syndrome (PRES) (19) Le PRES est un syndrome décrit récemment (20), se développant sur quelques heures et se présentant pour l’ophtalmologiste comme une cécité corticale associée à des degrés divers à une confusion, une comitialité et des céphalées. L’IRM est l’examen de choix, le TDM cérébral étant normal dans 50 % des cas. Elle met en évidence un œdème prédominant au niveau des lobes occipitaux, sous forme de lésions hyperintenses sur les séquences FLAIR. La diffusion est la séquence fondamentale pour différencier l’œdème vasogénique, retrouvé dans le PRES, d’un œdème cytotoxique. Le PRES survenant fréquemment dans un contexte d’HTA sévère ou de (pré)éclampsie, des signes de rétinopathie hypertensive peuvent être mis en évidence au fond d’œil et faire égarer le diagnostic. Conclusion Malgré un accès parfois difficile à un plateau technique adéquat, certaines causes de BAV aigües du sujet jeune, pour lesquelles les autres techniques d’imagerie ne seront que peu informatives, nécessitent une IRM en urgence. Cependant, autant pour les pathologies des voies visuelles postérieures une IRM cérébrale reste suffisante, autant les pathologies des voies visuelles antérieures nécessitent Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 Baisse d’acuité visuelle du sujet jeune un protocole spécifique. La qualité du compte rendu radiologique dépend donc de la qualité de la demande de la part de l’ophtalmologiste. n Mots-clés : IRM, Névrite optique aigüe rétrobulbaire, Orbitopathie inflammatoire, Posterior Reversible Encephalopathy Syndrome, Compression des voies visuelles antérieures Bibliographie 1. Baert AL, Sartor K. Imaging of the orbital and visual pathway. 2nd edition. Berlin : Springer-Verlag ; 2005. Medical radiology Serie. 2. Wilhelm H. Neuro-ophthalmology of pupillary function-practical guidelines. J Neurol 1998 ; 245 : 573-83. 3. Fraser JA, Newman NJ, Biousse V. Disorders of the optic tract, radiation, and occipital lobe. Handb Clin Neurol 2011 ; 102 : 205-21. 4. Hamedani M, Ameline-Audelan V, Morax S. Affections inflammatoires de l’orbite. EMC (Elsevier Masson SAS), Ophtalmologie, 21-620-A-10, 2000. 5. Pau D, Al Zubidi N, Yalamanchili S et al. Optic neuritis. Eye (Lond) 2011 ; 25 : 833-42 6. Berthout A, Vignal C. Neuropathies optiques inflammatoires. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Ophtalmologie, 21-485-A-20, 2010 7. Polman CH, Reingold SC, Banwell B et al. Diagnostic criteria for multiple sclerosis: 2010 revisions to the McDonald criteria. Ann Neurol 2011 ; 69 : 292-302. 8. The ONTT study group. multiple sclerosis risk after optic neuritis: final optic neuritis treatment Trial Follow-Up. Arch Neurol. 2008 ; 65 : 727-32. 9. Rizzo JF, Andreoli CM, Rabinov JD. Use of magnetic resonance imaging to differentiate optic neuritis and nonarteritic anterior ischemic optic neuropathy. Ophthalmology 2002 ; 109 : 1679-84. 10. Liu GT, Volpes JN, Galetta SL. Neuro-Ophthalmology: diagnosis and management. 2nd edition. Amsterdam: Elsevier Saunders ; 2010. 11. Vaphiades MS. Disk edema and cranial MRI optic nerve enhancement: how long is too long? Surv Ophthalmol 2001 ; 46 : 56-8. 12. Foroozan R. Chiasmal syndromes. Curr Opin Ophthalmol 2003 ; 14 : 325-31. 13. Abad S, Badelon I, Le Toumelin P et al. Prise en charge de l’inflammation orbitaire en médecine interne : à propos d’une série de 29 patients consécutifs. Rev Med Interne 2012 ; 33 : 69-75. 14. Preechawat P, Bruce BB, Newman NJ, Biousse V. Anterior ischemic optic neuropathy in patients younger than 50 years. Am J Ophthalmol 2007 ; 144 : 953-60. 15. Wang MY, Qi PH, Shi DP. Diffusion tensor imaging of the optic nerve in subacute anterior ischemic optic neuropathy at 3T. AJNR Am J Neuroradiol 2011 ; 32 : 1188-94. 16. Kermode AG, Moseley IF, Kendall BE et al. Magnetic resonance imaging in Leber’s optic neuropathy. J Neurol Neurosurg Psychiatry 1989 ; 52 : 671-4. 17. Phillips PH, Vaphiades M, Glasier CM et al. Chiasmal enlargement and optic nerve enhancement on magnetic resonance imaging in leber hereditary optic neuropathy. Arch Ophthalmol 2003 ; 121 : 577-9. 18. Sharma P, Sharma R. Toxic optic neuropathy. Indian J Ophthalmol 2011 ; 59 : 137-41. 19. Roth C, Ferbert A. The posterior reversible encephalopathy syndrome: what’s certain, what’s new? Pract Neurol 2011 ; 11 : 136-44. 20. Hinchey J, Chaves C, Appignani B et al. A reversible posterior leukoencephalopathy syndrome. N Engl J Med 1996 ; 334 : 494-500. rendez-vous de l’industrie Contactologie Première lentille torique en silicone-hydrogel pour Ophtalmic Compagnie L’ Ophtalmic® HR Toric dispose d’un système de stabilisation extrêmement fiable qui couplé à la géométrie asphérique de la lentille assure une acuité visuelle haute résolution pendant toute la durée du port.En effet, la face avant de l’Ophtalmic® HR Toric est constituée d’un large prisme péri-ballast à géométrie “lissée” et d’une zone de surépaisseur réduite garantissant une orientation parfaite de la lentille tout en préservant un excellent confort de port et une transmissibilité à l’oxygène optimale. En face arrière, le tore interne permet un parfait ajustement de la lentille aux différentes topographies cornéennes. Issue de la technologie HydroaiR®, comme toutes les lentilles de la gamme Ophtalmic® HR, l’Ophtalmic® HR Toric dispose d’un matériau silicone hydrogel à forte rétention d’eau et à haute transmissibilité à Pratiques en Ophtalmologie • Mars 2012 • vol. 6 • numéro 52 l’oxygène pour un confort longue durée en toute sécurité. n Pour en savoir plus : www.ophtalmic-compagnie.fr Nouveautés Flexclip® 3D, un clip optique avec des verres découpés exactement à la forme de vos lunettes G randOptical présente le clip 3D 100 %, sur mesure, un système passif qui s’adapte parfaitement à toutes les lunettes de vue. Plus besoin d’enlever ses lunettes de vue, il suffira de clipper le Flex sur la monture pour voir le film en 3D. Le Pack Flex Clip 3D est composé: d’une barre à clipper, de deux verres polarisants et d’un étui. n 93