Cas clinique Glaucome Troubles visuels transitoires à l’effort physique Transient visual loss induced by physical efforts G. Jallet (Service d’ophtalmologie, CHU d’Angers) Observation Un patient, âgé de 49 ans, est traité depuis plus de 20 ans pour une hypertonie oculaire bilatérale jugée initialement “juvénile”. Il a bénéficié, en 1982, d’un traitement par laser de l’angle (TRLA). Depuis, son tonus oculaire est dans les limites de la normale, sous instillation locale de Xalatan® ODG. Syndrome de dispersion pig­ mentaire • Iridotomie au laser • Tomographie par cohérence optique • Biomicroscopie ultrasonore. Pigment dispersion syndrome • Laser iridotomy • Optical c o h e r e n c e t o m o g ra p h y • Ultrasound biomicroscopy. Depuis quelque temps, le patient présente des brouillards visuels intermittents. Le tonus oculaire est à 32 mmHg à l’œil droit et à 24 mmHg à l’œil gauche, sous ­traitement. Le champ visuel, la tomographie par cohérence optique (Optical Coherence Tomography [OCT]) des fibres visuelles et l’aspect des papilles au fond d’œil restent normaux. Une reprise plus attentive de l’interrogatoire révèle que les épisodes de brouillards visuels surviennent essentiellement après des efforts physiques sportifs, en particulier la course à pied. Un examen plus attentif révèle : ▶▶ une discrète atrophie périphérique de l’iris ; ▶▶ une absence de dépôts pigmentés en rétro-cornéen (le classique fuseau de ­Krukenberg) sur la face antérieure de l’iris, les fibres zonulaires, le cristallin et l’hyaloïde. En revanche, la gonioscopie décèle une iris concave vers l’avant en périphérie et un angle très pigmenté, en particulier en inférieur des 2 côtés. L’interrogatoire et l’examen clinique permettent de redresser le diagnostic ; il s’agit d’un syndrome de dispersion pigmentaire (SDP) incomplet. Une iridotomie périphérique au laser est réalisée avec succès, conduisant à la disparition des épisodes de brouillards visuels et à un retour à la normale du tonus oculaire. Discussion Le SDP est une cause classique de baisse visuelle transitoire à l’effort, bien que parfois de diagnostic difficile. Les principaux diagnostics différentiels de baisse visuelle transitoire à l’effort sont le syndrome d’ischémie oculaire provoquée par une sténose carotidienne ou encore le phénomène d’Uhthoff, survenant lors des neuropathies optiques inflammatoires. Figure 1. Atrophie irienne en rayon de roue en moyenne périphérie. Le SDP, compliqué ou non par un glaucome, affecte essentiellement les hommes jeunes et souvent atteints de myopie. La libération de pigment semble liée à l’existence d’un gradient de pression entre chambres antérieure et postérieure qui, entraînant un blocage pupillaire inverse, pousse vers l’arrière la périphérie de l’iris. Figure 2. Pigmentation importante de l’angle irido-cornéen, remontant jusqu’à l’­anneau de Schwalbe, associée à une concavité de la périphérie de l’iris. Lors de la mydriase, ou à l’occasion d’efforts physiques importants (secousses), ce contact anormal entraîne, par frottements, une libération de pigments de la face post de l’iris qui, transportés par l’humeur aqueuse, obstruent les mailles trabéculaires, ce qui aboutit à une élévation transitoire, au début, mais parfois majeure, de la pression intraoculaire. Ces pigments peuvent également se déposer au niveau des éléments des segments antérieur et postérieur (zonule, cristallin, hyaloïde, voire la pars plana). Figure 3. Iridotomie au laser. Ce syndrome de dispersion involue naturellement dans le temps, vers la cinquantaine lorsque tout le pigment post de l’iris est libéré. 62 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 Légendes Figure 4. En ultrasonographie : la concavité de la périphérie de l’iris est bien visible (a), disparaissant après iridotomie au laser (b), d’après (2). Cas clinique Glaucome 2 1 3 4a 4b Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010 63 Cas clinique Glaucome Le traitement débute par une iridotomie au laser qui a pour conséquence de supprimer la concavité périphérique de l’iris par l’égalisation des pressions entre chambres antérieure et postérieure. Ainsi, ce traitement permet une prévention de la libération anormale du pigment de la face postérieure de l’iris. Au stade du glaucome permanent (si le diagnostic n’a pas été fait à temps), il faut noter l’intérêt d’un TRLA, inusité chez des sujets jeunes, en se méfiant cependant des pics tensionnels, fréquents dans les suites immédiates de ce traitement. Chez notre patient, le diagnostic a été retardé du fait de l’absence de pigments anormaux rétro-cornéens, zonulaires ou cristalliniens et de la modestie de l’atrophie irienne périphérique. Cependant, le jeune âge et surtout l’aspect de la gonioscopie étaient fortement évocateurs du diagnostic, par l’importance de la pigmentation bilatérale de l’angle, remontant jusqu’à l’anneau de Schwalbe. II Références bibliographiques 1. Ritch R. Pigment dispersion syndrome. Am J Ophthalmol 1998;126:442-5. 2. Béchetoille A. Les glaucomes. Jappenard 2000;387-97. 3. Laemmer R, Mardin CY, Juenemann AG. Visualization of changes of the iris configuration after peripheral laser iridotomy in primary melanin dispersion syndrome using optical coherence tomography. J Glaucoma 2008;17(7):569-70. 4. Küchle M, Mardin CY, Nguyen NX, Martus P, Naumann GO. Quantification of aqueous melanin granules in primary pigment dispersion syndrome. Am J Ophthalmol 1998;126(3):425-31. 64 Images en Ophtalmologie • Vol. IV • n° 2 • avril-mai-juin 2010