4eme trimestre 2012 • 37
Et pourtant, le procès dénoncé par Perroux
se poursuit, les procureurs d’aujourd’hui
refusant de voir le sang sur les mains des
procureurs de naguère – ceux des années
1950 – et véhiculant une version fantasmée
et paranoïaque de la situation économique
mondiale.
D’un capitalisme à l’autre
Pour instruire ce dossier, ils s’appuient sur
la crise, sans en donner une définition bien
précise, sans-doute parce que le mot a été
bien galvaudé.
L’économie mondiale traverse une passe
difficile, c’est évident. L’économie domi-
nante, celle des États-Unis, a vu depuis 2008
sa croissance potentielle passer de 3 % à
1,5 %. La croissance en Europe se traîne
et la rue – d’Athènes, de Madrid ou de
Lisbonne – clame son désarroi, sa colère et
son angoisse face à la baisse de son niveau de
vie et à des taux de chômage destructeurs –
25 % en Espagne. Dans les pays émergents, le
doute s’installe face à une inflation en accélé-
ration, que les économistes connaissent bien,
au point de lui avoir donné le nom d’« effet
Balassa-Samuelson », mais que les politiques
n’arrivent pas à juguler.
Pour autant, il serait ridicule de croire que
nous allons inexorablement vers la fin du
capitalisme. Il a jusqu’à présent survécu
à tous ses fossoyeurs et il en sera encore
de même cette fois-ci. Simplement, à
chaque fois, il s’adapte. Le capitalisme d’au-
jourd’hui, dominé par les Américains, le dol-
lar et le pétrole, n’est pas le capitalisme du
XIXe siècle, dominé par le Royaume-Uni, l’or
et le charbon. Des mutations se sont faites,
revenant à chaque fois au constat selon
lequel la croissance économique repose sur
trois piliers : une énergie relativement bon
marché, du progrès technique, de la concur-
rence pour permettre une rémunération
efficace des facteurs de production que sont
le capital et le travail.
Aujourd’hui, par-delà le débat sur les gaz
de schiste, le problème énergétique est une
des clés du retour de la croissance. Depuis
quarante ans, chaque choc pétrolier casse la
dynamique de la croissance, chaque contre-
choc relance la machine, de même que le
choc charbonnier des années 1860 avait
plongé l’Europe dans la stagnation. Le pro-
blème du progrès technique, c’est-à-dire de
l’innovation, est également central au point
d’être devenu une sorte de poncif inévi-
table des discours politiques du moment.
Mais innover est difficile et ne se décrète
pas.
Un monde différent
Restent entre les mains des décideurs la
concurrence, l’économie de marché, l’accep-
tation sans états d’âme du capitalisme. La
crise actuelle n’est pas celle de la liberté
économique ; elle résulte de la politique
monétaire américaine des années 2000
« Capitalisme est un mot de combat… »
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