Archeops et Planck à l`écoute du premier cri de l`univers

Ce numéro de « L’actualité du LAL » est construit autour de la rencontre « Résonances…» intitulée « Archeops et Planck, à
l’écoute du premier cri de l’univers ».
Olivier Perdereau nous offre un article qui est, en fait, peut-être un peu plus qu’une transcription de l’inter-
vention qu’il avait prononcée lors de la rencontre. Il effectue pour nous une remise en perspective
complète des deux expériences dans la théorie cosmologique contemporaine et dans la situation
expérimentale mondiale. Dans un second article Olivier dresse un panorama historique qui nous
rappelle à bon escient la dimension d’aventure humaine de toutes ces recherches.
C’est aussi d’aventure, mais peut-être d’un autre genre, ou plutôt d’un autre style, que nous
entretient Sophie Henrot-Versillé avec les « expéditions » de Kiruna. Mais avant
ces expéditions, il avait fallu mettre en œuvre des technologies avancées, entre
autres ces bolomètres refroidis à 100 mK, dont Sophie nous entretient
également.
La participation du LAL à ces expériences a de multiples
facettes. On s’en convaincra en lisant l’article sur l’analyse des
données, de François Couchot et l’entretien de membres du comité
de rédaction avec quelques participants aux expériences.
GUY LEMEUR
du
l'actu lité
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Bulletin d’information interne du Laboratoire de l’Accélé
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– B.P. 34 – 91898 Orsay Cedex
Comité de rédaction : M.-A. Bizouard, F. Berny, F. Couchot, F. Fulda-Que
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Tél. 8410 E-mail : [email protected]
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hiver
Archeops et Planck à l’écoute du premier cri de l’univers
Cosmologie
Archeops et Planck à
l’écoute du premier cri de
l’univers
par Olivier Perdereau
Analyse des données
de l’expérience Planck
par François Couchot
page 2
Les bolomètres et la dilution
par Sophie Henrot-Versillé
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18
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À l’écoute du
premier cri
de l’univers
Journal de mission à Kiruna
par Sophie Henrot-Versillé
Kiruna
Bolomètres
Analyse
La participation du
LAL à l’expérience
Planck
27
Entretien
Les très riches heures
du CMB
par Olivier Perdereau
31
Histoire
page 3
Introduction à la cosmologie
La cosmologie s’est édifiée progressivement, en s'appuyant sur trois observations fondamentales, appelées « les
trois piliers» : l’expansion de l’univers, sa composition chimique (grande proportion d’hélium), et le rayonnement
de fond cosmologique.
Les trois piliers
L'expansion de l'univers
Les mouvements des galaxies distantes ont été étudiés depuis le début du XXesiècle. E. Hubble et M. Humason
dès 1922 ont constaté que les galaxies distantes semblent s'éloigner de nous, et ce d'autant plus rapidement
qu'elles sont éloignées. Cette étude s'est affinée et complétée depuis, pour culminer avec les études menées par
un groupe d'astrophysiciens avec le télescope spatial de la NASA opportunément baptisé «Hubble Space
Telescope» (ou HST). Elle repose sur la comparaison de deux mesures : d'une part la mesure de la vitesse d'éloi-
gnement d'une galaxie (par effet Doppler), d'autre part la mesure de la distance qui nous sépare d'une galaxie. Ce
second aspect est bien souvent une mesure relative basée par exemple sur la luminosité d'objets particuliers : cer-
tains types d’objets semblent en effet être de nature à émettre toujours la même quantité de rayonnement (lumi-
nosité absolue). Leur luminosité apparente mesurera alors leur distance relative.
Les objets astrophysiques semblent s'éloigner de nous d'autant plus vite qu'ils sont distants. En vérité il s’agit
d’une dilatation d'échelle de l'univers. Considérons les raisins d'un cake, qui gonfle en cuisant lentement dans un
four. Pendant ce gonflement, les raisins s'éloignent les uns des autres. Les rapports entre les distances entre les
grains sont conservés.
La cosmologie peut être définie comme l'étude de «la structure et de l'évolution de l'univers considé-
ré comme un tout». Dans la seconde moitié du XXesiècle, une description phénoménologique et théo-
rique de l'histoire et de la géométrie de l'univers s'est peu à peu imposée, description fondée sur la théo-
rie de la Relativité générale : c’est la théorie du Big-Bang. Dès les premiers balbutiements des théories
cosmologiques, G. Gamow en 1948 avait prédit l'existence d'un rayonnement primordial. Hélas, il
annonçait aussi son indétectabilité ! Cela n’a pas empêché A. Penzias et R. Wilson de découvrir son exis-
tence en 1965 de manière fortuite (voir dans ce numéro «les très riches heures du CMB»). L'étude expé-
rimentale de ce rayonnement fossile constitue une source de contraintes sur le modèle du Big-Bang, en
particulier sur ses paramètres cosmologiques. Il est fondamentalement isotrope. Il présente cependant
des anisotropies résiduelles instructives quant aux modèles théoriques possibles. Leur étude est un des
objets majeurs des expériences Planck et Archeops auxquelles le LAL participe.
Illustration ima-
gée de l’expansion
de l’univers vue
comme le gonfle-
ment d’un cake.
Les «raisins»
(structures com-
pactes fortement
liées) s’éloignent
les uns des autres
du fait de la dilata-
tion d’échelle.
Cosmologie
ARCHEOPS ET PLANCK À LÉCOUTE
DU PREMIER CRI DE LUNIVERS
Cosmologie
ARCHEOPS ET PLANCK À LÉCOUTE
DU PREMIER CRI DE LUNIVERS
La composition chimique de l’univers
Même si on considère les objets les plus anciens, l'univers semble en gros composé d'un mélange d'hydro-
gène (environ 80 % en masse) et d'hélium (environ 20 % ), avec une proportion infime d'impuretés ... dont
nous sommes faits, soit dit en passant. L'origine des éléments chimiques a été l’un des points sensibles du
débat sur le Big-Bang (voir dans ce numéro «les très riches heures du CMB»). Une difficulté était de com-
prendre le mécanisme par lequel on pouvait expliquer l’abondance de l’hélium. On n’y parvint qu’en suppo-
sant qu’il a été fabriqué dans la phase primordiale de l'univers.
Le rayonnement de fond cosmologique
L'existence d'un rayonnement fossile est une preuve directe de l'existence d'un état dense et chaud au début
de l'histoire de l'univers. Ce rayonnement est le sujet central de cet article. Pour mieux comprendre son ori-
gine, nous allons commencer par un rapide survol de l'histoire de l'univers qui commence il y a 15 milliards
d'années…
Petite histoire de l’univers
1. On pense qu'au départ il y a une concentration colossale d'énergie. Dans ce milieu extrémement dense et
chaud, la densité et la température ont le comportement prédit par la mécanique quantique. En conséquence
elles présentent des fluctuations dans le temps et dans l'espace.
2. Sous l'effet d'un méca-
nisme dont on ne connaît pas
grand chose, appelé infla-
tion, l'univers subit une
expansion extrêmement bru-
tale. Ceci a pour effet de
«gommer» presque toute
trace de l'état précédent. En
10-30 secondes la taille de
l'univers augmente d'un fac-
teur environ 1050 ! Cela
signifie le gel des fluctua-
tions quantiques de sa densi-
té. Ainsi, ces fluctuations
engendrent de petites aniso-
tropies spatiales de densité.
L'univers après l'inflation
apparaît comme quasi uni-
forme et homogène, ce qu'il
est maintenant (à des
échelles suffisamment gran-
des).
3. L'univers va ensuite
suivre la dynamique décrite
par la Relativité générale: il
va se dilater lentement à la
manière d'un cake dans un
four, tout en se refroidissant.
À l'âge juvénile d'environ
10-30 seconde, l'univers est
composé d'une « soupe » où
nagent les particules élémen-
taires (quarks, antiquarks,
leptons,...). L'univers est tel-
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Cosmologie
ARCHEOPS ET PLANCK À LÉCOUTE
DU PREMIER CRI DE LUNIVERS
lement chaud que les particules plus complexes qui pourraient se former sont « cassées » dès leur apparition.
Au fur et à mesure de l'expansion et du refroidissement, cela va devenir de moins en moins vrai. En perma-
nence, particules et antiparticules s'annihilent et se recréent. Mais avec le refroidissement général, les annihi-
lations vont l'emporter. Cependant, le fait que seule la matière subsiste pourrait s’expliquer par un léger excès
de celle-ci sur l’antimatière dans la soupe initiale.
4. Au bout d'une seconde environ, une évolution considérable a lieu : des protons et des neutrons commen-
cent à pouvoir se former. Ceci est suivi, à partir de la seconde minute, par l'association de certains de ces
nucléons dans des noyaux légers comme l'hélium ou le lithium. C'est la phase de nucléosynthèse primordia-
le. Au bout d'un certain temps, l'univers se trouve donc composé de noyaux légers, d'électrons et de photons.
Les photons empêchent la formation des atomes : tout atome formé est immédiatement cassé, comme l'étaient
précédemment les noyaux.
5. L'univers poursuit son expansion pendant un «petit» moment, pendant lequel les densités des différents
constituants, et la température, diminuent régulièrement. Au bout de 300 000 ans environ, un bouleversement
intervient : la densité des photons n'est plus suffisante pour empêcher la formation des atomes. Les photons
étaient jusqu'alors incapables de se propager car très sensibles à la présence des particules chargées. Ils sont
maintenant libres de se propager partout dans l'univers, qui leur est transparent. C'est l'époque du découpla-
ge. Et c’est la naissance du rayonnement cosmologique.
6. L'expansion se poursuit ensuite jusqu'à nos jours. L'univers est maintenant dominé par un mélange d'hy-
drogène et d'hélium qui évolue sous l'effet de la gravitation : s'il existe une région de plus forte densité, la
matière qui s'y trouve va se contracter. Ainsi vont apparaître, progressivement, des structures de plus en plus
complexes dans l'univers. Des nuages de gaz, qui en se contractant encore, vont donner naissance aux pre-
mières galaxies, environ un milliard d'années après le début de l'histoire de l’univers.
7. Quelques 10 milliards d'années après la «naissance» de l'univers, quelque part dans une galaxie bien nor-
male, dans les mers d'une petite planète, la troisième d'« une petite étoile de proche banlieue », des choses
bien étranges commencent à se produire. Mais ceci est une autre histoire .
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Les paramètres cosmologiques
Le modèle cosmologique évoqué possède un certain nombre de paramètres, parmi lesquels on peut mentionner : la « constan-
te » de Hubble (notée H0), qui est la valeur «actuelle» du taux d'expansion de l'univers. Ce taux peut varier pendant l'histoire de
l'univers.
la densité totale d'énergie de l'univers ; elle s’exprime par le
rapport
0de cette densité à une valeur critique qui (d’après la
Relativité générale) conférerait à l’univers une géométrie eucli-
dienne (ordinaire, plate), ce qui serait le cas si
0= 1.
0> 1 conduirait à une géométrie « fermée » (analogue à la géo-
métrie à deux dimension d’une surface sphérique, sur laquelle une
mouche marchant «droit» devant elle reviendrait à son point de
départ). Enfin
0<1 indiquerait une géométrie «ouverte» (illus-
trée par une surface en «selle de cheval»). Cette énergie présente
dans l’univers peut se décomposer en plusieurs parties :
la densité de matière dans l'univers,
mqui se décompo-
se encore :
-la densité de matière «ordinaire», dite baryonique,
b
-la densité de matière «noire» (ou «cachée»),
CDM (invi-
sible directement mais déduite de l'observation de ses effets
gravitationnels)
la constante «cosmologique», notée
Λ
; Einstein l’avait
ajoutée en écrivant les équations d'évolution de la géométrie de
l'univers. Sans elle l’univers aurait été soit en expansion soit en contraction, ce qu’Einstein ne pouvait imaginer.
Aujourd’hui cette constante est conservée pour des besoins théoriques :
Λ
s'apparente à une «densité d'énergie du vide».
Enfin certaines caractéristiques des fluctuations de densité issues de l'inflation (voir ci-après) sont aussi des paramètres
que l'on va chercher à mesurer en cosmologie, particulièrement avec le CMB.
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