Autour du Monument aux Morts : De la pierre de taille au placage de pierre : une évolution dans le bâti urbain « Le revêtement du sol en granit rappellera le gris et le noir harmonie avec la place et les équipements qui l’entourent... ». (Extrait de « Environnement et cadre de vie, les grands projets d’urbanisme 2008 / 2009. Cabinet Garcia-Diaz). 1 Granite gris à grain fin (1) et gabbro noir (2) coexistent sur la place. Détail du placage de pierre en façade d’immeuble La pierre de Saint-Même est datée du Crétacé supérieur (Turonien - 90 millions d’années). Ce calcaire à grain fin renferme des poches où se sont accumulés des débris coquilliers très grossiers (3) reflétant des conditions de dépôt tourbillonnaire ponctuelles, très localisées. L’enrichissement en oxyde de fer contribue à faire de cette roche un élément de décoration. L’agencement des plaques en façade, livré à l’imagination du maçon, ne respecte pas toujours le « lit » sédimentaire d’origine. 2 Quand le noir devient couleur... Observée au microscope en lumière polarisée, une lame mince de gabbro montre des bouquets de minéraux cristallisés. Les teintes de polarisation sont artificielles et propres à chaque minéral. Mémoire des hommes… Mémoire de pierres... Dans les Archives communales, pour la petite histoire, on peut lire, à propos de la construction du Monument aux Morts : « Le 2 octobre 1920, M. Lacussan, architecte de la commune, avise Monsieur le Maire d’une grève aux carrières de Villebois (Ain). Il signale en outre que l’on peut trouver une pierre similaire à Bordeaux ! ». La pierre de Villebois ne sera jamais commandée mais aucune roche locale ne pouvait remplacer cette pierre marbrière datée du Jurassique (Bathonien - 165 millions d’années). Il sera alors décidé que « la pierre employée sera la pierre dure de Lavoux pour les travaux d’élévation ». Ce calcaire oolithique blanc, à grain fin, de qualité marbrière, c’est-à-dire suffisamment dur pour être poli, est extrait des carrières du Poitou. Il est daté du Callovien (- 162 millions d’années). L’élément décoratif est donné par application de plaques de serpentinite, roche métamorphique vert sombre ayant subi des transformations dans les profondeurs de la Terre. 2 1 Calcaire (Pierre de Lavoux) (1) et Serpentinite (2) Des repères dans les temps géologiques (en millions d’années) Granite et gabbro sont des roches très dures, résistant à l’usure, aux chocs et à l’écrasement. Par polissage, on obtient alors un matériau à vocation décorative, utilisé ici dans la fabrication des bancs bordant les jardins de la place. Le granite des géologues est une roche magmatique où les minéraux cristallisés sont visibles à l’œil nu. Il provient du refroidissement très lent d’un magma dans la lithosphère continentale. Le quartz (silice pure) en est un élément essentiel toujours présent. Il est associé, en quantités variables, à des minéraux clairs (feldspaths) ou sombres (mica noir et amphibole). Les dalles de roche sombre constituant les travées de la place et les voies urbaines voisines sont en réalité taillées dans du gabbro, roche magmatique formée par l’association de feldspaths, d’olivine et surtout de gros cristaux de pyroxène noir, bien visibles à l’œil nu. Cette roche se met en place dans la lithosphère située sous les océans. 2 1 Banc de gabbro poli (1) et Pouzzolane (2) en paillage de massifs Les massifs sont recouverts de pouzzolane. Ces fragments de roche, ou granulats, sont des matériaux très poreux. Ils assurent un bon drainage par leur grande capacité d’absorption de l’eau et n’ont pas d’impact nocif sur l’environnement. « Terra Ponolata » des Italiens, « Pulvis puteolanus » de Sénèque, cette roche tire son nom de la localité de Pouzzoles (Puteol) en Italie. Ces scories bulleuses sont issues du refroidissement très rapide de petits paquets de lave emprisonnant des gaz volcaniques. Elles se sont accumulées sur les pentes du Vésuve. En France, on exploite des gisements de pouzzolane en Auvergne, près d’anciens volcans de type explosif. Invitation à tisser des liens entre patrimoine historique et patrimoine géologique, cette promenade au Centre - Ville est un voyage dans le temps et dans l’espace, à la rencontre des ressources minérales, de leur origine, de leur exploitation et de leur utilisation. Ouvrages à consulter : l Origine et Essor des quartiers de Mérignac - Pierre et Ginette Gilliard. Mérignac. 2002. l Bordeaux : Langage de pierre - Jean Missègue. La Mémoire de Bordeaux. 2007. l Promenade géologique à Bordeaux - Michèle Caro. Thierry Mulder. Éditions Biotope. 2010. La Ville de Mérignac remercie Michèle CARO, l’association CAP Terre et le Photo Club de Pessac pour leurs contributions à la réalisation de ce dépliant. Retrouvez toutes les publications de la Ville de Mérignac sur merignac.com Renseignements : Centre Technique de l’Environnement - 05 56 34 80 71 . . . c c u a a n g i r é M de Conception, impression : imprimerie municipale Ville de Mérignac - Ne pas jeter sur la voie publique. 1 2 en Granit ou granite ? Un « e » qui change tout ! Le terme de « granit » est utilisé de façon courante par les carriers et marchands de pierres naturelles : il recouvre un ensemble de roches cristallines magmatiques et métamorphiques que l’on peut polir. 07/2012 3 s e r r ie .. . p s e e r r D pie œur jeu de roches magmatiques dans les dallages, allées et mobilier urbain Rue de la Vieille Église : un face à face entre une construction traditionnelle (1) en pierre de taille locale de l’Entre-deux-Mers et un immeuble récent dont la façade a été recouverte de plaques de quelques centimètres d’épaisseur en « pierre de Saint-Même » provenant de carrières de Charentes (2). La pierre s’inscrit dans l’histoire de Mérignac, dans son bâti ancien, ainsi que dans la réhabilitation et la rénovation de son patrimoine urbain tout entier. La puissance et la noblesse du matériau se révèlent à travers le travail de l’homme et le choix raisonné qu’il fait des roches destinées à la construction, à l’urbanisation ou à la décoration. Mais, sous le regard du géologue, la roche devient à son tour un fragment de l’histoire de la Terre… D’une église à l’autre : Il était une fois la mer... le calcaire à astéries, trait d’union entre les siècles Il y a 30 millions d’années, durant la période oligocène de l’ère tertiaire, la mer formait un vaste golfe sur l’emplacement de l’Aquitaine actuelle. Oursins (1), étoiles de mer, bivalves (2), gastéropodes, mais aussi des coraux (3) présents dans la roche, témoignent d’un environnement passé en eau peu profonde et sous un climat subtropical comparable à celui que l’on trouve actuellement au sud de la Floride. Au gré des courants, les débris coquilliers se sont déposés en lits visibles dans la roche, se mêlant parfois à des passées plus sableuses ou plus argileuses. Détail du mur Nord. Vieille église St-Vincent (12e siècle). Nouvelle église St-Vincent (19e siècle). 5 mars 1869. Devis pour le presbytère. « …Grosse maçonnerie pour les fondations et murs exécutés en pierre de La Tresne, et de Langoiran pour les angles et jambages des ouvertures. » 10 août 1876. Transformation de la vieille église en école chrétienne... « ...Jambages montés en pierre de Cénac 1er choix, les plates-bandes en gros Bourg et les appuis en pierre dure... » 1870...1872-73. Construction de la nouvelle église « ...Partie au-dessus du socle jusqu’au-dessus du glacis de l’étage du beffroi exécutée en pierre de gros Bourg… » …Étage du beffroi entièrement en pierre de Bourg, flèche et clochetons en gros Bourg… A l’intérieur de l’église, tribune et colonnes en pierre dure de Rauzan de 1er choix…murs audessus des arcs transversaux en pierre de taille de Bourg… » 1 2 3 4 La qualité du matériau utilisé pour la construction dépend de l’homogénéité de la roche, de son grain et de sa dureté. La présence de lits sablo-argileux (4) rend la pierre beaucoup plus vulnérable aux agents d’érosion qui décapent les parties les plus tendres. 1 2 Détail de pierre de « Gros Bourg » : dans le langage des carrières, le « grain » de la roche est déterminé par la grosseur des débris ou particules visibles. Ainsi, le « gros Bourg » est un calcaire grossier (1) contenant de nombreuses traces de fossiles dans une accumulation de débris coquilliers (2). Du côté du plateau de l’Entre-deux-Mers Pierres de Cénac, Latresne, Langoiran, Rauzan, ou de Bourg sur Gironde, toutes sont des roches calcaires appartenant à une même formation géologique régionale : le calcaire à astéries, qui tire son nom de la présence plus ou moins importante d’ « osselets » d’étoiles de mer au sein d’une accumulation de débris coquilliers constituant la roche. Présent dans le sous-sol de Mérignac à 40 m de profondeur, ce calcaire affleure dans le plateau de l’Entre-deux-Mers où, depuis l’époque romaine et durant plusieurs siècles, il a été exploité dans plus de mille carrières, le plus souvent souterraines. Encore appelée « pierre de Bordeaux », cette roche sédimentaire présente une variété d’apparences que le géologue appellera faciès, liés aux conditions de sédimentation. Le golfe d’Aquitaine à l’Oligocène Détail du mur Sud. La couleur de la roche varie selon sa teneur en oxyde de fer. Les pierres de Rauzan sont plus blanches, celles de Bourg et de Langoiran sont ocrées. Du côté des Archives Communales... La pierre de Vilhonneur, fleuron des nouvelles constructions A siècles nouveaux, nouvelles techniques et nouvelles pierres importées L’exploitation du calcaire à astéries a connu son apogée au 18e siècle. Progressivement, le nombre de carrières diminuera à partir du 19e siècle et, actuellement, seule la carrière de Frontenac reste en exploitation. D’autres horizons s’ouvrent... Pierres tendres, pierres dures, plus blanches, plus homogènes, à grain régulier et donc plus recherchées par les architectes, elles arrivent des Charentes et du Poitou. Les techniques et les moyens d’exploitation ont évolué. Les moyens de communication se sont diversifiés : réseau ferré et construction du Pont de pierre à Bordeaux (1822) rendent l’acheminement plus aisé. Saint-Même les Carrières, Sireuil, Angoulême, Nersac, Pombreton, Vilhonneur sont alors les principaux sites d’extraction de roches calcaires dans les formations géologiques jurassiques et crétacées du bassin nord-aquitain. Les oolithes (en grec oon = œuf et lithos = pierre), sont des petites sphères de 0,2 à 3 mm de diamètre formées par précipitation du carbonate de calcium en couches concentriques autour d’une impureté sableuse ou argileuse dans un milieu marin littoral. On retrouve ces formations dans les calcaires de Lavoux (Callovien – 162 millions d’années), Sireuil, Pombreton et Nersac (Cénomanien – 85 millions d’années). Colonne en pierre de Vilhonneur soutennant la rotonde La pierre de Vilhonneur est un calcaire oolithique daté du Jurassique (Bathonien - 165 millions d’années). « Comme force, comme beauté de matière propre à toutes tailles…comme couleur, comme impénétrabilité à l’humidité…c’est une des plus belles pierres que je connaisse... Son grain est égal, fin et robuste… Je l’ai employée sous des charges considérables sans le moindre accident … » 1890 Certificat de M. Abadie, architecte, membre de l’Institut. (Cité dans « Langage de Pierre ». J. Missègue). Les oolithes ont été dégagées après sablage lors du ravalement des appuis de fenêtres de l’ancienne Mairie. Le regroupement des bâtiments de l’ancienne Mairie et du groupe scolaire a été à l’origine de la Médiathèque. Or, les Archives en témoignent, l’école avait été construite en calcaire à astéries de l’Entre-deux-Mers, de couleur ocrée ! « …Les deux assises au - dessus de l’établissement auront leur parement extérieur en pierre dure de St Macaire ou Frontenac coquillier…le tout formant socle. La partie au-dessus sera en gros Daignac ferme de 1er choix, de grain et de teinte uniformes... » 1 Socle de l’église en pierre d’Angoulême (2) Colonnes en façade de l’église 2 Soubassement de la nouvelle église Façade de l’ancienne Mairie La Médiathèque, une unité qui cache une diversité de roches sous un lait de chaux protecteur Faites le tour complet de l’église et suivez à la trace ce calcaire blanc, grenu, pétri de nombreux trous, traces de fossiles ayant disparu. Souvent très dur, son emploi comme pierre de soubassement se trouve ainsi justifié. On le retrouve dans les colonnes encadrant le portail d’entrée principale de l’église. Ce calcaire est daté du Crétacé (Turonien – 90 millions d’années). Localisation de quelques sites d’exploitation en carrières ouvertes ou souterraines. « ...4 colonnes en pierre dure de Vilhonneur… Les deux premières assises du départ de l’encorbellement sur colonne seront également en pierre de Vilhonneur. Le plateau du balcon de la rotonde sera en pierre de Vilhonneur par morceau de 2 mètres au moins. La base et la banquette seront en pierre de Saint-Macaire et les balustres en pierre de Daignac...Les consoles en Sireuil de Lagasson…Le couronnement des Romaines en pierre dure du pays… » (Archives communales. 1902-1905). Mariage en blanc ! La pierre d’Angoulême, socle de la nouvelle église St-Vincent Première assise en élévation pour les murs de l’église, en pierre de Bourg (1) Ponctuellement présente dans le parvis de la nouvelle église, cette pierre des Charentes occupe une place de choix dans la construction de l’ancienne Mairie, au début du 20e siècle. Elle y côtoie les pierres locales de l’Entre-deuxMers (St - Macaire et Daignac), mais s’exprime surtout dans l’esthétique architecturale de la façade d’entrée. Détail de la pierre d’Angoulême Pour unifier l’aspect des façades après ravalement, il fut décidé de passer un enduit à la fois protecteur et unificateur de teinte : le lait de chaux, blanc, mélangé à de l’alun à pouvoir siccatif. L’extrémité nord de la façade de l’école montre la différence entre la pierre traitée au lait de chaux (1) et la pierre d’origine (2). 1 2