Contribution de SAW-B à la consultation publique : « Promoting Social Investment Funds as part of social The Social Business Initiatives » 2. What is the problem ? 2.1. Defining social business Box 1 L’entreprise sociale nécessite une définition claire et précise, se contenter d’un faisceau de caractéristiques non cumulatives ne peut en aucun cas suffire. L’Union européenne a déjà identifiées les formes et statuts des entreprises qui développent leurs activités dans le cadre de l’économie sociale : les coopératives, les mutuelles, les associations et les fondations. A ce titre, la charte de Social Economy Europe l’organisation qui représente l’économie sociale au niveau européen rappelle que l’économie sociale est avant tout : « Une façon différente d’entreprendre ». Cette charte souligne que : « Les organisations de l’économie sociale [1] sont des acteurs économiques et sociaux présents dans tous les secteurs. Elles se caractérisent avant tout par leur finalité et une façon différente d’entreprendre. L’économie sociale comprend les coopératives, les mutualités, les associations et les fondations. Ces entreprises sont particulièrement actives dans certains domaines comme la protection sociale, les services sociaux, de santé, bancaires, d’assurance, la production agricole, la consommation, le travail associé, l’artisanat, l’habitation, l’approvisionnement, les services de proximité, l’éducation et la formation, ainsi que dans les domaines de la culture, du sport et des loisirs. »1 L’élaboration d’une définition de l’entreprise sociale doit être le résultat d’une large concertation des Etatsmembres et en leur sein des autorités publiques mais aussi et surtout des acteurs de l’économie sociale et des entreprises sociales. Les contributions des académiques spécialisés dans l’économie sociale et l’entreprenariat social doivent également être sollicitées et prise en compte. A ce titre, au niveau européen, les travaux du réseau EMES2 méritent une attention particulière. En Belgique, Les principes les plus importants qui caractérisent l’économie sociale en Belgique ont fait l’objet de définition aux différents niveaux de pouvoir. Pour SAW-B, la définition de l’entreprenariat social devrait reprendre les termes de deux définitions. D’une part la définition sur base des principes et ensuite s’appuyer sur les critères tels que définis par EMES. La première, reconnue sur le plan international (du Québec à l’Espagne en passant par la Corée du sud), figure dans le décret wallon du 20 novembre 2008 3. Le décret stipule : « Par économie sociale, au sens du présent décret, on entend les activités économiques productrices de biens ou de services, exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à finalité sociale, des associations, des mutuelles ou des fondations, dont l’éthique se traduit par l’ensemble des principes suivants: 1° finalité de service à la collectivité ou aux membres, plutôt que finalité de profit; 2° autonomie de gestion; 3° processus de décision démocratique; 1 http://www.socialeconomy.eu.org/spip.php?article262 2 http://www.emes.net/index.php?id=100 3 http://wallex.wallonie.be/PdfLoader.php?type=doc&linkpdf=12837-17014-7144 4° primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus. » La deuxième définition a prendre en compte pour définir l’entreprenariat social est la définition de l’entreprise sociale élaborée par EMES. Elle précise qu’une entreprise sociale se caractérise par 9 principes : « a. Un objectif explicite de bénéfice à la communauté Les entreprises sociales ont avant tout pour objectif de profiter à la communauté dans son ensemble (par exemple, la récolte et le recyclage des déchets d’une région) ou à un groupe spécifique au sein de celle-ci (par exemple, l’insertion professionnelle des personnes handicapées) tout en encourageant le sens de la responsabilité sociale au niveau local. b. Une limitation de la distribution des bénéfices Certaines entreprises sociales, comme les organisations « non-profit » traditionnelles, sont caractérisées par une contrainte absolue de non redistribution des bénéfices, mais d'autres ont le droit de distribuer les bénéfices de manière limitée. De toute manière, l'entreprise sociale tend à prohiber tout comportement visant à maximiser le rendement du capital investi. c. Un pouvoir de décision non basé sur la détention de capital Contrairement aux entreprises privées classiques où le pouvoir de décision est lié à L’importance du capital investi, les entreprises sociales respectent souvent le principe « un membre, une voix » au sein de leurs organes de décision. Quand ce principe n’est pas appliqué à la lettre, le pouvoir de vote accordé aux éventuels détenteurs de capital (toutes les entreprises sociales n'ont pas un capital social) est strictement limité à un certain pourcentage des voix. d. Une activité continue de production de biens et/ou de services Contrairement à certaines organisations « non-profit » classiques qui ont comme mission de défendre les intérêts d’un groupe spécifique (association de défense ou de remédiation) ou de redistribuer de l’argent (fondations), les entreprises sociales poursuivent de manière continue une activité de production de biens et/ou de services. Cette activité productive est d’ailleurs l’une des principales raisons d’être de l’entreprise sociale. e. Un niveau minimum d’emploi rémunéré Les entreprises sociales peuvent faire appel à des ressources monétaires ou non monétaires ainsi qu’à des travailleurs salariés ou bénévoles. Cependant, contrairement aux organisations associatives reposant sur le seul bénévolat, les entreprises sociales occupent un minimum d’emploi rémunéré. f. Un degré élevé d’autonomie Même si certaines entreprises sociales sont financées par les pouvoirs publics, elles sont gérées et contrôlées par les personnes qui les ont fondées dans le cadre d’un projet commun. Elles ne sont donc pas dirigées directement ou indirectement par les autorités publiques ou d’autres organisations. Pour reprendre une expression classique, cette autonomie se traduit aussi par la double possibilité de "voice" (faire entendre librement sa voie) et "exit" (mettre fin à son activité). g. Un niveau significatif de prise de risque économique Contrairement aux institutions publiques, la viabilité des entreprises sociales dépend des efforts consentis par leurs membres et par leurs travailleurs pour assurer le fonctionnement efficace et l'équilibre financier de l’organisation. Les fondateurs d’une telle entreprise assument donc l'essentiel du risque économique inhérent à cette activité. h. Une initiative émanant d’un groupe de citoyens Les entreprises sociales prennent naissance au sein d’une dynamique collective qui rassemble des personnes autour d’un projet. Cette dimension collective reste en principe une dimension essentielle au sein de ces types d’organisation. i. Une dynamique participative impliquant différentes parties concernées par l’activité Les entreprises sociales accordent généralement de l'importance à la participation des usagers, des travailleurs ou des clients. D'une manière plus générale, elles cherchent à associer les diverses parties prenantes aux prises de décisions et à la gestion de l’entreprise, souvent dans une perspective de démocratie locale. ». 2.2. The funding challenge Box 2 Les définitions développées ci-dessus ont démontré que les modes de gestion de l’entreprise sociale se différencient, en partie, de ceux de l’entreprise classique. De la mise en œuvre de la démocratie économique dans la gouvernance (où la participation aux décisions ne dépend pas de la détention de capital) en passant par la rémunération limitée du capital, ces différences de fonctionnement appellent des réglementations comptables, fiscales adaptées…. En matière de financement de l’économie sociale et des entreprises sociales, bon nombre d’acteurs du secteur de l’économie sociale s’accordent à dire que le risque de sous-capitalisation est très important voire chronique. Or, en Belgique, on peut constater que les participations en capital ne sont pas aisées à obtenir par les entreprises sociales, que ce soit auprès des banquiers classiques ou alternatifs et la recherche d’investisseurs est souvent malaisée. Ceci s’explique pour plusieurs raisons. Comme le décrit la définition du décret wallon les entreprises d’économie sociale visent une: « finalité de service à la collectivité ou aux membres, plutôt que finalité de profit ». Elles ne recherchent dès lors pas en priorité le rendement des capitaux investis mais d’abord l’atteinte des finalités et objectifs sociaux de l’entreprise. L’entreprise sociale peut et doit essayer de dégager des profits mais ils seront utilisées pour atteindre les objectifs et finalités sociales de l’entreprise. Un deuxième principe éthique qui anime les entreprises d’économie sociale est celui de la primauté du travail et des personnes sur le capital dans la répartition des revenus. En d’autres mots, la plus-value produite par l’activité doit servir à rémunérer le capital de manière modérée pour favoriser d’abord la finalité de l’entreprise. Ce principe apparaît dès le 19ème siècle avec les premières coopératives. Pour elles, l’apport combiné de capital et de travail, nécessaire au bon fonctionnement d’une entreprise, suppose un équilibre dans la rémunération des deux. La richesse est le produit de l’activité conjointe d’une série d’acteurs, il semble dès lors éthique que les bénéfices soient redistribués de manière équilibrée entre eux. A l’heure actuelle, en Belgique, les entreprises d’économie sociale et les entreprises sociales ont des pratiques de limitation de la rétribution du capital variées et plus ou moins strictes ou explicites. La Société à Finalité Sociale (SFS) et, pour les coopératives, l’agrément du Conseil National de la Coopération, imposent un plafond imposé de 6% sur les dividendes. La SFS interdit également toute redistribution de plus-value lors de la vente des parts. Certaines entreprises ont des systèmes aussi des systèmes d’autolimitation ou ne pratiquent aucune rétribution du capital, règles inscrites dans leurs statuts ou davantage implicites. Mais une certaine rémunération financière semble nécessaire pour attirer suffisamment de capitaux. Si l’éthique de l’économie sociale tend à ne pas, ou alors faiblement, rémunérer le capital, beaucoup pensent qu’un taux minimum est indispensable. En Belgique, les Sociétés à Finalité Sociale et les coopératives sont autorisées à distribuer des dividendes, avec un plafond fixé à 6% net. Dans la réalité, rares sont les entreprises qui peuvent distribuer des dividendes de plus de 6%, dans l’économie sociale ou dans l’économie privée à but de lucre. Le problème réside donc davantage dans la capacité même des entreprises à dégager des bénéfices substantiels, du moins de manière régulière. La limite officiellement fixée ne représente donc pas un réel frein. La limite effective, dictée par une réalité économique et des choix stratégiques, peut par contre avoir un certain impact sur la décision d’investisseurs potentiels. La difficulté tient également aux variations annuelles des bénéfices dégagés. Pour compenser les « mauvaises années », une proposition a d'ailleurs été formulée de modifier la limite de 6% annuel, en une limite de 6% en moyenne sur une période pluriannuelle. La rentabilité doit également se mesurer sous son angle social. Il y a donc un enjeu pour l’entreprise sociale, démonter les idées-reçues quant à leur rentabilité financière et, promouvoir la rentabilité sociale qui accompagne ses projets. En outre, un élément qui a permis les dérives du système financier actuel est sans doute la déconnexion presque totale entre l’investisseur (l’épargnant ou l’actionnaire) et l’entreprise qui bénéficie de cet investissement. Peu de gens savent encore à quelle entreprise leur épargne sert. Peu d’actionnaire connaissent les entreprises dans lesquelles ils investissent et les mécanismes qui leur ont permis de dégager un bénéfice. Face à cette réalité, il semble crucial aujourd’hui de sensibiliser et d’inciter les citoyens à réfléchir à leurs pratiques en termes d’épargne et à revenir vers des mécanismes d'épargne et d’investissement de proximité. Au-delà de l'intérêt social de rémunérer des individus et acteurs locaux au lieu d'organismes financiers, la pratique favorise l'implication de la population, la solidarité et les dynamiques locales. A l’époque du succès croissant du Crowdfunding, un exemple en matière d’épargne de proximité pourrait être suivi, celui du système français des Cigales (Clubs d’Investisseurs pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire), qui compte 110 clubs. Ceux-ci mobilisent l’épargne d’investisseurs locaux au service de la création et du développement d’entreprises locales et solidaires. Leurs membres se réunissent plusieurs fois par an pour rencontrer les porteurs de projets et décider de leurs placements collectifs. Mais leur implication ne s’arrête pas là. Pour s’assurer que les projets fonctionnent, les membres du club effectuent un suivi des entreprises, peuvent, par exemple, participer au Conseil d’Administration ou offrir un soutien volontaire, s’ils disposent des compétences adéquates. Ce modèle d’investissement collectif, et à la fois financier et humain, a l’intérêt de répartir et diminuer le risque pour les épargnants. Il permet aussi leur implication dans les projets. Mais compte tenu des caractéristiques spécifiques de l’entreprise sociale, d’autres formes d’instruments financiers sont à prévoir, combinant par exemple des subventions, des prêts, des investissements et d’autres conditions avantageuses adaptés aux entreprises sociales et à leur développement. La Commission européenne pourrait entre autre rendre les aides accessibles à tout type d’entreprises et pas juste à un modèle unique d’entreprise à capital. Par ailleurs, il semble essentiel d’adapter la définition de PME quand le capital y est lié. Il conviendrait de distinguer les entreprises selon différentes catégories en fonction de leur taille (par exemple, les microentreprises), leurs activités (par exemple, l’intégration sociale) ou leur statut légal (par exemple, les sociétés coopératives). Pour terminer, la définition des PME devrait être mise à jour et en particulier, devrait prendre en compte la forme coopérative des sociétés. Enfin la commission devrait envisager le soutien aux porteurs de projets d’entreprises sociales. Des outils adéquats pour accompagner les futurs entrepreneurs sociaux mériteraient d’être créés : bourse de faisabilité, de lancement…