COMPRENDRE Prendre en soin les patients Alzheimer en EHPAD Des stratégies personnalisées et des qualités humaines n Les structures d’hébergement de personnes âgées, devenues Etablissements d’Héberge- ment pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD) ont connu une évolution récente majeure pour faire face non seulement à un âge plus élevé des personnes accueillies mais surtout à un stade de dépendance plus élevé tant au niveau physique que mental. Dr Denise Strubel* * Pôle de gérontologie, CHU de Nîmes @ Kuzma / Fotolia L es EHPAD accueillent un nombre croissant de malades atteints de la maladie d’Alzheimer (MA) et de maladies apparentées, ce qui nécessite une adaptation des structures dans le domaine de l’organisation et de l’éthique des soins ainsi que pour le projet de vie. Cette évolution a été favorisée par les trois Plans Alzheimer, dont le 3e (2008-2012) a suscité, par ailleurs, dans les EHPAD, la création des PASA (Pôles d’activités et de soins adaptés) et des UHR (unités d’hébergement renforcé) à côté des accueils de jour et des unités de soin spécifiques Alzheimer déjà développés. Par ailleurs, sous l’instigation de diverses recommandations, la recherche de la qualité des soins en EHPAD est devenue un impératif majeur. C’est sur cette évolution de la prise en soin des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer en EHPAD qu’il est intéressant d’insister. Un regard de sollicitude doit être posé sur les patients Alzheimer, même non communicants, avec une constante interrogation sur la recherche de leur bien-être. Données chiffrées Les quelques 6 500 EHPAD existants en France offrent environ 600 000 lits d’hébergement (1) et la plupart de ces établissements accueillent des malades porteurs de MA. Des données sur le nombre de ces résidents porteurs de MA ou d’affections apparentées sont essentiellement issues de l’étude PAQUID (2) : sur un suivi de 10 ans, 141 sujets Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 de 75 ans et plus ont été vus en EHPAD, parmi lesquels 101 déments sont identifiés, soit une prévalence de 71,6 %, avec une augmentation de la prévalence avec l’âge dans les 2 sexes ; ces déments sont un peu plus âgés que les résidents non déments ; et en ce qui concerne le diagnostic, il s’agit de MA dans 79,2 % des cas et 66,3 % sont au stade sévère de la maladie. 23 COMPRENDRE Nous disposons de quelques autres données de prévalence de démence en EHPAD. Ainsi, dans l’étude REHPA, Rolland et al. (3) ont analysé les caractéristiques de 4 920 résidents d’EHPAD : le diagnostic de démence était porté chez 43,5 % d’entre eux. D’autre part, les coupes PATHOS effectuées entre 2007 et 2009 (4) ont montré une fréquence moyenne de la démence de 51,86 % des résidents, avec une majorité de stades sévères (70 % sont en GIR 1 et 2). Dans ces deux études, la prévalence de démence correspond uniquement aux cas diagnostiqués ; or, on sait que la méconnaissance du diagnostic est fréquente en EHPAD comme à domicile, y compris aux stades sévères. Cette absence fréquente de diagnostic de déficit cognitif à l’entrée en EHPAD s’explique par une confusion entre syndrome démentiel et vieillissement, surtout chez les patients très âgés, l’existence de co-morbidités qui perturbent l’état cognitif, comme les déficits sensoriels et les états dépressifs, et le déni fréquent des troubles par les proches et les professionnels (5). Et pourtant, à l’analyse de ces situations, le déficit cognitif a contribué à la décision d’entrée en institution. Les EHPAD accueillent-ils des patients jeunes ? Le 3e Plan Alzheimer a souligné dans sa mesure 18 la problématique des malades jeunes, âgés de moins de 65 ans (estimés à environ 30 000 en France), voire de moins de 60 ans (estimés à environ 4 500 patients). Selon une enquête récente effectuée par la Fondation Médéric Alzheimer auprès de 2 042 EHPAD et unités de soins de longue durée (USLD) des régions Nord-Pas-de-Calais et Rhône-Alpes (6), avec un taux de 24 réponse de 76 %, dans ces établissements, respectivement 0,25 % et 0,39 % des places sont occupées par des malades de moins de 60 ans ; la majorité des établissements se considèrent comme non adaptés pour les accueillir, tant sur le plan administratif que pour répondre à leurs besoins spécifiques. Certains établissements s’engagent plus spécifiquement dans cet accueil, en adaptant la prise en soin à cette population. L’entrée d’un patient atteint de MA en EHPAD tion pour motif médical, mais parfois aussi pour épuisement ou pathologie aiguë de l’aidant : l’entrée n’a pu être préparée et le malade ne la souhaite pas et, souvent, ne l’accepte pas alors que son consentement est nécessaire à l’entrée en EHPAD. Dans la littérature, l’institutionalisation a été corrélée avec (7) : • la sévérité des troubles psychocomportementaux plus que la sévérité de la dépendance ; • l’épuisement et les pathologies de l’aidant, voire son décès ; • la mise en danger à domicile d’un patient vivant seul et la recherche de la sécurité de l’institution. Les modalités d’admission La procédure d’admission Les modalités d’admission des patients en EHPAD sont rarement idéales dans un processus d’anticipation, de consentement du malade, de choix de l’établissement et du moment de l’admission. L’apprentissage de la séparation et de la vie collective est cependant Elle devrait comporter une visite de pré-admission, pour permettre au malade et son aidant de faire connaissance avec la structure et de recevoir des informations sur l’organisation des soins et de la vie quotidienne. Au sein de l’EHPAD, le médecin coordonnateur ou une Le projet de soin repose sur une bonne coopération entre le médecin traitant et le médecin coordonnateur. facilité par le recours à des structures de répit, accueil de jour et hébergement temporaire, qui permettent par ailleurs de prolonger le maintien à domicile. Il est alors souhaitable que le patient soit accueilli dans l’établissement qu’il connaît déjà. L’aidant éprouve beaucoup de difficulté à envisager et préparer l’impensable entrée en institution, d’autant qu’il vit une temporalité différente de celle d’une maladie qui progresse parfois plus vite que prévu. De telle sorte que l’admission fait suite le plus souvent à une situation aiguë avec hospitalisa- commission d’admission donne son accord pour l’admission et indique, le cas échéant, une orientation vers une unité spécifique Alzheimer (voire une UHR si elle existe) si le malade le nécessite, surtout en raison d’un risque de fugue et/ou d’autres troubles du comportement perturbateurs. L’accueil du nouveau résident C’est un temps fondamental pour construire la relation avec le nouveau résident et son entourage et faciliter l’adaptation à un autre environnement et à une autre forme Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 Prendre en soin les patients Alzheimer en EHPAD de soin. Il doit respecter les recommandations de l’ANESM (Agence Nationale de l’Evaluation et de la qualité des Etablissements Sociaux et Médico-sociaux) (8). Dans l’idéal, un soignant référent est désigné pour être l’interlocuteur privilégié du nouveau résident auprès de l’équipe soignante pendant la phase d’adaptation. Un recueil d’informations précises permet de connaître, outre le passé médical du patient, des éléments de sa biographie, comme la composition de sa famille, son métier, ses goûts et ses aversions, ses attentes, ses liens avec ses proches… Il est souhaitable que le patient, s’il en a encore la capacité, désigne une personne de confiance à l’entrée, le plus souvent un membre de sa famille. L’évaluation médicale initiale Elle est effectuée, comme pour tout nouveau résident, par le médecin coordonnateur avec le recueil des antécédents des allergies, les vaccinations effectuées et l’ensemble des pathologies actuelles ainsi que leurs traitements. Elle servira à l’évaluation PATHOS annuelle. L’équipe soignante dans son intégralité doit participer à l’évaluation multidimensionnelle de : • la douleur avec l’échelle Algoplus pour la douleur aiguë, par exemple au cours des soins et l’échelle Doloplus ou ECPA pour les douleurs chroniques ; • les fonctions cognitives par le MMS de Folstein et la thymie par l’échelle GDS ou miniGDS par exemple ; • l’état nutritionnel par l’évolution récente du poids, le calcul de l’IMC et éventuellement l’échelle MNA ; • les capacités fonctionnelles, notamment pour les déplacements, les transferts, la prise de repas, les soins d’hygiène, l’habillage et la continence (items de la grille AGGIR) ; • les fonctions sensorielles, visuelles et auditives ; • le risque de chute, avec ou sans aide technique ; • le risque d’escarre par l’échelle de Braden par exemple ; • les troubles du comportement par l’échelle NPI-soignant. Chacune de ces évaluations peut conduire à une prise en charge spécifique comme l’introduction ou l’adaptation d’une aide à la marche et des séances de rééducation en cas de troubles de l’équilibre et de la marche. Ainsi, la mise en évidence d’un déficit cognitif pathologique doit conduire à une démarche diagnostique pour confirmer un syndrome démentiel et en préciser l’étiologie, voire mettre en route un traitement spécifique (9). Celle-ci est réalisée par le médecin traitant avec recours à une consultation mémoire, sauf au stade très sévère ou en cas de comorbidité lourde. La connaissance du diagnostic de démence va en effet ultérieurement être prise en compte pour l’ensemble de la démarche de soins. Une étude en cours dans la région de Toulouse vise à démontrer l’intérêt d’un dépistage systématique de la démence en EHPAD, avec recours à des réunions de concertation pluridisciplinaire avec une consultation mémoire. Le projet de soins (9, 10) Il est inspiré par l’évaluation médicale initiale et repose dans l’idéal sur une bonne coopération entre le médecin traitant, responsable de toutes les prescriptions au résident, et le médecin coordonnateur responsable du projet de soins global de l’institution. Il concerne l’ensemble des pathologies. Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 Un projet complet Le projet de soins de la MA ou d’une affection apparentée comporte à la fois une approche médicamenteuse et non médicamenteuse. ❚❚Dans le domaine du traitement médicamenteux Le patient peut bénéficier de l’initiation ou de la poursuite d’un traitement spécifique par inhibiteur d’acétylcholinestérase ou mémantine, selon les recommandations de la HAS révisées en 2011 (9), à condition de réévaluer régulièrement l’impact cognitif et fonctionnel et de dépister les effets indésirables. Ces traitements présentent également un intérêt, certes modeste, sur les troubles du comportement et plus spécialement sur l’apathie et les hallucinations pour les inhibiteurs de l’acétylcholinestérase et sur l’agitation et l’agressivité pour la mémantine. Le suivi de ces traitements peut être assuré par le médecin traitant et le médecin coordonnateur mais une évaluation annuelle ou semestrielle en consultation mémoire permet de multiplier les regards sur le malade. Se pose également la question de l’arrêt des traitements spécifiques au stade très sévère de la MA (10, 11) : des études contrôlées de suivi après arrêt de traitement en EHPAD ont montré une aggravation des troubles comportementaux pour les deux classes de traitement (12, 13) et pour la cognition pour la mémantine (13). L’usage de psychotropes devant les troubles du comportement fréquents dans les pathologies cognitives impose une bonne connaissance des médicaments disponibles, de leurs effets indésirables et le respect des recommandations, notamment pour la posologie et la durée des prescriptions. Le programme AMI (Alerte et Maîtrise de la Iatrogénie des 25 COMPRENDRE neuroleptiques dans la maladie d’Alzheimer) cible les antipsychotiques, responsables de nombreux troubles ainsi que d’un risque de surmortalité (14). Cependant le recours aux antipsychotiques n’est pas totalement évitable et une étude récente (15) a montré dans une population de déments que l’arrêt en aveugle d’un traitement par rispéridone après 16 semaines entraîne 60 % de récidives de troubles du comportement par rapport à 33 % si le traitement est poursuivi ; l’arrêt à 32 semaines de traitement entraîne 48 % de récidive contre 15 % si le traitement est poursuivi. ❚❚Dans le domaine des thérapies non médicamenteuses (TNM) Une stimulation quotidienne est indispensable pour maintenir l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et les capacités relationnelles. Le soin relationnel est un soin à part entière, qui doit être reconnu comme tel par les responsables de l’EHPAD. Par ailleurs, face à un nouveau trouble du comportement, la recherche d’une étiologie médicale ou d’un facteur déclenchant d’ordre psychologique doit précéder la recherche d’une stratégie pour atténuer ou prévenir la récidive du trouble, tout cela avant l’instauration d’un traitement psychotrope (16). L’apprentissage par les soignants de stratégies pour faire face aux troubles du comportement a fait l’objet d’une étude auprès de 306 résidents atteints de MA accueillis dans 16 EHPAD (17) : ceux-ci ont été évalués sur le plan du comportement au début de l’étude et après 2 mois, avec dans l’intervalle pour le groupe “intervention” une formation des soignants sur ces stratégies ; à 2 mois, le score de Cohen Mansfield des troubles du comportement a baissé significa26 tivement mais seulement dans le groupe des EHPAD qui a bénéficié de la formation. Des approches multiples peuvent être proposées, qui ciblent la sollicitation des capacités cognitives (réminiscence…), motrices (promenade, danse, gymnastique…), la mobilisation des affects (musicothérapie, conte…), la recherche de bien-être (approche multisensorielle, massages…) et le maintien de liens sociaux (18). Elles se distinguent donc de simples activités occupationnelles, dites “animation”, encore que la frontière soit parfois difficile à positionner. Elles doivent être préparées et évaluées et il est impératif qu’elles aient du sens pour le résident, pour qu’elles s’inscrivent dans son projet de vie. Globalement, les TNM restent encore mal évaluées mais elles sont recommandées chez les patients Concernant les complications de la MA et des affections apparentées Une prévention systématique et un repérage précoce de la dénutrition, des chutes, des complications infectieuses surtout pulmonaires et de la grabatisation ont été réalisés, dans un travail d’équipe pluridisciplinaire, avec mise en place de mesures correctives. Ainsi, le repérage précoce de la dénutrition par le MNA permet d’enrichir les apports alimentaires, éventuellement par des compléments nutritionnels et de renforcer la surveillance aux repas. La prévention des chutes implique l’usage raisonnable des traitements sédatifs, la détection de l’hypotension orthostatique et sa correction, l’adaptation des aides à la marche et de l’environnement dans la chambre et les espaces collectifs et le recours très limité aux contentions. Une stimulation quotidienne est indispensable pour maintenir l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et les capacités relationnelles. atteints de MA et d’affections apparentées lorsqu’ils présentent des troubles psychocomportementaux (16) et elles sont à développer, tout particulièrement en UHR et en PASA. Une récente étude (19) a démontré qu’une stimulation multimodale (stimulation motrice, cognitive et aux actes de la vie quotidienne) appliquée 2 h par jour, six fois par semaine pendant douze mois, auprès de 98 résidents de cinq maisons de retraite en Allemagne, a permis de maintenir les fonctions cognitives et l’autonomie dans le groupe intervention par rapport au groupe contrôle, l’effet étant plus marqué chez les patients avec un stade léger à modéré de la pathologie. Le repérage précoce de fausses routes par une équipe sensibilisée permet d’adapter la texture des aliments et la posture du résident au cours des repas et de limiter le risque de pneumopathies d’inhalation ou de fausses routes graves. Le projet de soin concerne aussi les pathologies associées En effet, selon les coupes PATHOS, les résidents d’EHPAD ont en moyenne près de 5 diagnostics pertinents, dont la prise en charge tient compte du stade de la MA, des contraintes et des bénéfices espérés des traitements, des capacités du patient à comprendre et adhérer au projet de soin et de Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 Prendre en soin les patients Alzheimer en EHPAD l’avis éventuel de la personne de confiance. Une attention particulière doit être portée aux pathologies cardiovasculaires, au diabète, à l’ostéoporose, à traiter notamment s’il existe un risque de chute. De façon globale, il est souhaitable d’éviter le recours à l’hospitalisation non programmée, avec envoi aux urgences hospitalières, solution jugée inadaptée dans de nombreux cas car à l’origine d’une perte d’autonomie. Ainsi dans l’étude PLEIAD portant sur 300 EHPAD, 13,5 % des résidents ont été hospitalisés sur les 3 mois de l’étude et il s’agissait en majorité de déments (20). L’idéal est d’organiser des entrées directes en court séjour gériatrique ou éventuellement en soins de suite ou encore, si nécessaire, dans les services de spécialité. Rares sont malheureusement les équipes mobiles de gériatrie qui peuvent sortir des murs de leur centre hospitalier pour intervenir directement dans les EHPAD afin de donner un avis et éventuellement organiser une hospitalisation la plus brève possible : c’est vraisemblablement le fonctionnement le plus efficient pour limiter les effets délétères de l’hospitalisation et assurer la meilleure qualité de soins possible. Par ailleurs, les EHPAD doivent développer des liens privilégiés avec les unités cognitivo-comportementales (UCC) qui peuvent accueillir temporairement en soins de suite spécialisés des déments en situation de crise comportementale pour une adaptation des stratégies de soin. Le projet de vie Il est le complément indispensable du projet de soin. Il est construit par l’équipe dans les premières semaines du séjour, après recueil de données sur la vie du résident, de son entourage, ses souhaits et l’évaluation de la situation présente. Il est ensuite soumis pour approbation au patient et à ses aidants s’il le souhaite et régulièrement réévalué (environ 1 fois/ an) selon l’évolution de sa santé et ses propres souhaits. Le projet de vie est formalisé dans le dossier du patient et il ne faut pas hésiter à y associer, si l’état du résident s’y prête, des directives anticipées. Ce projet de vie doit s’appuyer sur quelques principes de base qui constituent un savoir-faire et un savoir-être indispensables à acquérir par tout soignant d’EHPAD, que le patient soit dément ou non : • respect de l’autonomie décisionnelle du résident même dément, du moins pour les décisions qu’il est jugé capable de prendre ; • respect de sa liberté d’aller et venir (21), ce qui n’est pas sans poser des problèmes pour les patients atteints de MA et présentant un risque d’errance et/ou de fugue ; • maintien de la vie relationnelle et de l’intégration sociale ; • prévention de la maltraitance et, au-delà, approche “bien traitante” du résident. Le projet de vie intègre les familles des résidents pour lesquelles l’entrée de leur parent en EHPAD est à la fois source de souffrance et de culpabilité mais aussi de soulagement. L’aidant est souvent allé audelà de ses possibilités physiques et psychiques de dévouement, jusqu’à l’épuisement, et doit être accompagné pour qu’il trouve sa place auprès de son parent dans l’institution (22). Après la phase d’accueil dans l’établissement, où la présence de l’aidant principal est indispensable pour assurer la transmission d’informations multiples et la continuité des soins, Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123 leur participation à la prise en charge de leur proche doit pouvoir se poursuivre s’ils le souhaitent, par une implication dans certaines tâches, notamment la prise des repas, mais aussi des sorties, des activités d’animation ou de stimulation, les moments festifs… Des réunions avec les familles une ou deux fois par an permettent d’établir un dialogue régulier entre les familles et les soignants mais aussi entre les familles elles-mêmes. Dans les règles de bonne conduite avec les aidants, il convient de les informer régulièrement, de leur signaler tout changement dans l’état de santé de leur parent, tout incident, y compris les incidents iatrogènes, de solliciter leur avis face à certaines difficultés dans le soin pour maintenir la confiance dans la durée. Une prise en charge psychologique peut être proposée aux aidants en grande souffrance par la psychologue de l’établissement. La fin de vie Cette étape est fondamentale pour conduire à terme dans les meilleures conditions un accompagnement qui, parfois, aura duré quelques années. Face à un stade très sévère de la maladie, avec état grabataire, hypertonie déformante, dysphagie, dénutrition et perte de la communication verbale avec le malade, deux risques peuvent cohabiter : celui d’un acharnement thérapeutique pour traiter surtout les affections associées et celui d’un abandon thérapeutique, avec notamment insuffisance de traitement de confort, pour la douleur en particulier (23). Soins curatifs et soins palliatifs ne sont plus vraiment à opposer mais le projet de soin doit être clair et partagé par l’équipe soignante et la famille. La 27 COMPRENDRE pose d’une gastrostomie per-cutanée est jugée inadaptée car elle ne réduit ni la mortalité ni l’inconfort du patient. Le recours à une équipe mobile de soins palliatifs devrait être partout possible. Lorsque la situation est complexe, que les avis sont partagés sur l’analyse de la situation entre soignants et familles et entre soignants, la démarche éthique peut aider une équipe soignante à établir le projet de soin et à retrouver le sens véritable de l’acte de soin que la grande dépendance risque d’estomper (24). Conclusion La prise en soin de résidents atteints de MA ou d’une affection apparentée en EHPAD est devenue très exigeante sur le plan de la connaissance de ces maladies et de leur évolution, des qualités d’observation, d’analyse et de mise au point de stratégies de soin personnalisées et des qualités humaines : un regard de sollicitude doit être posé sur ces malades, même non communicants, avec une constante interrogation sur la recherche de leur bien-être. Cette pathologie conduit au cœur du sens du soin en gérontologie et doit valoriser la fonction soignante en EHPAD. n Mots-clés : EHPAD, Maladie d’Alzheimer, Gérontologie Bibliographie 1. L’offre en établissements d’hébergement pour personnes âgées en 2007. DREES Etudes et Résultats N°689 mai 2009. 2. Pariente A, Helmer C, Ramaroson H et al. Epidémiologie : données réactualisées de la cohorte PAQUID. In G Demoures et D Strubel : Prise en soin du patient Alzheimer en institution Masson 2006 : 5-15. 3. Rolland Y, Abellan van Kan G, Hermabessiere S et al. Descriptive study of nursing home résidents from the REHPA network. J Nutr Health Aging 2009 ; 13 : 679-83. 4. Eon Y. Coupes PATHOS : 3 ans. Journal du médecin coordonnateur 2010 ; 38 : 10-3. 5. Hugonot-Diener L, Chahbenderian L. La maladie d’Alzheimer : une pathologie phare en EHPAD et pourtant sous-diagnostiquée, sous-évaluée. La Revue de Gériatrie 2011 ; 36 Suppl A : 17-23. 6. Malades Alzheimer jeunes vivant en structure collective dans le NordPas-de Calais. Lettre de l’Observatoire des dispositifs de prise en charge et d’accompagnement de la maladie d’Alzheimer. Fondation Médéric Alzheimer 2010 ; 17 : 1-12. 7. Yaffe K, Fox P, Nervcomer R et al. Patients and caregiver characteristics and nursing home placements in patients with dementia. JAMA 2002 ; 287 : 2090-7. 8. Recommandations sur l’accompagnement des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée en établissement médico-social février 2009 www.anesm.sante.gouv.fr 9. Maladies d’Alzheimer et maladies apparentées : diagnostic et prise en charge Recommandations HAS décembre 2011 www.has.sante.fr 10. Feteanu D, Lopez-Tourres F, Trivalle C. La personne démente en institution. Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2005 ; 3 : S26-34. 11. Paccalin M, Bautrant T. Intérêt des traitements médicamenteux spécifiques de la maladie d’Alzheimer en EHPAD. La Revue de Gériatrie 2011 ; 36 Suppl A : 24-9. 12. Daiello LA, Ott BR, Lapane KL et al. Effect of discontinuing cholinesterase inhibitor therapy on behavioral and mood symptoms in nursing homes patients with dementia. Am J Geriatr Pharmacother 2009 ; 7 : 74-83. 28 13. Fillit H, Hofbauer RK, Setyawan J et al. Memantine discontinuation and the health status of nursing home residents with Alzheimer’s diseases. J Am Med Dir Assoc 2010 ; 11 : 636-44. 14. Le programme AMI : Alerte et maitrise de la iatrogénie des neuroleptiques dans la maladie d’Alzheimer HAS octobre 2012 www.has.sante.fr 15. Devanand DP, Mintzer J, Schultz SK et al. Relapse risk after discontinuation of risperidone in Alzheimer’s disease. N Engl J Med 2012 ; 367 : 1497-507. 16. Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs HAS mai 2009 www.has.sante.fr 17. Robert Ph, Dendon A, Manbourguet N et al. Prise en charge non pharmacologique des troubles du comportement dans la maladie d’Alzheimer. Annales Médicopsychologiques 2009 ; 167 : 215-8. 18. Drunat O, Hugont-Diener L. Y a-t-il une place pour la prise en charge thérapeutique non médicamenteuse de la maladie d’Alzheimer en EHPAD ? La Revue de Gériatrie 2011 ; 36 Suppl A : 30-6. 19. Graessel E Stemmer R, Eichenseer B et al. Non-pharmacologicaol, multicomponent group therapy with degenerative dementia : a 12 randomized, controlled trial. BMC Med 2011 ; 9 : 129. 20. Rolland Y, Hermaberriere S, Abellan van Kan G et al. Description des résidents d’EHPAD : données de l’enquête menée par le réseau REHPA (Recherche en établissement d’hébergement pour personnes âgées). Cahiers Année Gérontol 2009 ; 1 : 35-45. 21. Liberté d’aller et venir dans les établissements sanitaires et médicosociaux et obligations de soin et de sécurité. Recommandations ANAES 2004. 22. Demoures G. Place des familles dans un EHPAD. In : G Demoures et D Strubel. Prise en soin du patient Alzheimer en institution Masson 2006 : 151-63. 23. Strubel D. Fin de vie du dément en EHPAD. In : G Demoures et D Strubel. Prise en soin du patient Alzheimer en institution Masson 2006 : 209-29. 24. Blanchard F, Kack M, Debart A et al. Pour une approche éthique dans la démence sévère. Psychol NeuroPsychiatr Vieillissement 2005 ; 3 : S65-8. Repères en Gériatrie • Janvier 2013 • vol. 15 • numéro 123