Pour l’illustrer, voici l’histoire, toujours authentique, d’un homme de 97 ans ayant une
maladie d’Alzheimer à un stade léger. Il avait à l’entrée dans l’EHPAD un hypnotique pour la
nuit, prescrit en ville par son médecin traitant. Comme son médecin traitant ne voulait plus
s’en occuper une fois son patient entré dans l’EHPAD, ça arrive, je l’avais pris en charge.
Ce résidant faisait des chutes la nuit en se levant pour aller uriner et comme il se mettait en
colère dès qu’on lui parlait de lui retirer son somnifère, je lui proposais de le changer pour une
gélule bleue plus efficace, évidemment.
J’attendais quelques jours avant de lui en reparler. Au bout de ce laps de temps je lui
demandais comment cela se passait. Il me répondit : « Docteur ça ne va pas du tout ». Je me
dis, mince (version édulcorée), il est trop dépendant aux benzodiazépines.
Je lui demandais tout de même de m’expliquer ce qui n’allait pas avec le nouveau
médicament et il me répondit : « Vous aviez raison docteur ce médicament est plus puissant
que le précédent et je dors bien mais il est tellement fort qu’il me fait faire des cauchemars ».
Je lui répondis : « Vous avez raison, j’y suis allé un peu fort, je vais plutôt vous mettre une
gélule blanche ». La fabrication du placebo bleu par le pharmacien coûtant cher, je lui ai
prescrit une gélule d’ultra levure au coucher. Cela lui a permis de bien dormir, sans
cauchemars, et en plus de ne plus chuter la nuit.
Car dans le bon dosage des traitements, si le coordonnateur est souvent le monsieur moins du
médicament c’est bien à cause des risques iatrogènes qui augmentent avec l’âge.
La plupart de nos patients Alzheimer sont âgés voire très âgés et poly pathologiques car en
plus d’avoir une maladie d’Alzheimer ce sont des patients gériatriques fragiles.
Donc pour nous résumer sur le médicament : le moins possible. Uniquement ceux à forte
valeur ajoutée ayant fait leurs preuves dans des grandes études en double aveugle. Ne pas
hésiter à compléter si besoin par des placebos.
Pour les prises en charge non médicamenteuses, je souhaiterais juste rappeler quelques règles
basales sur la prise en charge en EHPAD.
Dans l’immense majorité des cas ce n’est pas ce lieu horrible tant décrié dans les médias, en
particulier télévisuels, où l’on maltraite les vieux.
Juste en passant, je rappellerai que 60% des maltraitances ont lieu à domicile et 40% en
institution. Que sur les 40% de maltraitance en institution la moitié est encore le fait de la
famille. On en est donc à 80% de maltraitance due à la famille et 20 % à l’institution.
Encore une fois ce n’est pas le discours dominant entendu à la télé.
Pourquoi est-ce si important d’en parler en préambule, c’est parce que la volonté de
bientraitance est le point commun de toutes les prises en charge non médicamenteuses en
EHPAD.
Le but est de rendre la vie plus agréable au résidant pour le temps qu’il lui reste à vivre ; pas
de le rendre immortel et il faut convaincre les familles que c’est en acceptant le risque que
leur parent vivra mieux.
Ceci est particulièrement vrai pour les chutes, Brigitte Bardot a réussi à ce qu’il n’y ait plus de
cages d’animaux exiguës dans les ménageries des cirques et on continue à attacher des
malades contre leur gré, sur des fauteuils, sous prétexte qu’ils ont des troubles du
comportement…