L’économie sociale en recherche
65
N° 301 RECMA REVUE INTERNATIONALE DE LÉCONOMIE SOCIALE
CHARLES GIDE EST-IL
TOUJOURS D’ACTUALITÉ?
par Marc Pénin (*)
Si la promotion des coopératives de consommation est au cœur de l’acti-
vité et des écrits de Charles Gide, sa réflexion va au-delà de cette forme
d’organisation. L’article éclaire son objectif d’une transformation pro-
fonde de l’ordre social, à travers l’association en général, qui se trouve
au fondement de l’économie sociale. Ouvert à toutes formes d’institutions
susceptibles d’améliorer les conditions de vie et la solidarité entre les hommes,
Charles Gide cherche avant tout à construire une économie et une
société qui ne soient pas dominées par l’impératif du profit. Artisan de
l’édition des œuvres de Charles Gide (**),l’auteur remet en perspective la
pensée et le pragmatisme de cet économiste en s’appuyant sur nombre
de ses écrits. L’article montre en particulier que Charles Gide n’était pas
dupe de l’utopie que représentait la République coopérativeni des
difficultés rencontrées par les coopératives de consommation. Au-delà du
mythe, son projet vise une transformation du consommateur pour qu’il
joue un rôle actif :association de consommateurs, commerce éthique,
sauvegarde de la planète, autant de préoccupations qui trouvent un
large écho aujourd’hui, de même que ses réflexions sur la concurrence ou
le libre-échange dans un cadreeuropéen.
C
ommencée en 1997, la publication des Œuvres de Charles Gide
approche de sa fin(1). Sept volumes – dont un double – plus une
biographie ont déjà été publiés(I) (2) ;deux sont en préparation et
devraient paraître en 2006 et les deux derniers devraient voir le jour
l’année suivante. Outre leur intérêt proprement historique(3),ces volumes
devraient également retenir l’attention des militants actuels de l’écono-
mie sociale. Charles Gide a été l’un de leurs prédécesseurs et, bien que
son action et ses écrits se rapportent à un monde bien différent du nôtre
celui du tournant entre le XIXeet le XXesiècle –, sa façon d’aborder les
problèmes peut encore constituer une source d’inspiration pour les contem-
porains et les réponses qu’il a cru pouvoir proposer peuvent encore
donner matière à réflexion. Cet article se propose donc d’évoquer la
pensée de Charles Gide en toute subjectivité, à partir d’un point de vue
particulier, celui d’un économiste, également acteur modeste de l’écono-
mie sociale, qui lit Charles Gide au début du XXIesiècle et y trouveautre
chose que ce qu’y trouvaient ses contemporains ou ses successeurs immé-
diats: d’un côté, le recul historique permet une nouvelle contextualisation
des textes passés ;de l’autre, le filtredes préoccupations d’une époque ne
(*) Lameta (UMR 5474 CNRS-
université de Montpellier-I).
(**) Pour plus d’informations sur
l’édition de ces œuvres, voir le site
http://leem.lameta.univ-montp1.fr/
CG.
(1) Les origines de cette publication
sont toutefois bien antérieures à la
date de parution du premier volume.
Elles sont rappelées dans une brève
note sur « L’histoire de l’édition des
œuvres de Charles Gide » qui figure
en annexe du volume I, Ecrits 1869-
1886, pp. 365-370.
(2) Les appels de notes en carac-
tères romains renvoient aux notes
figurant en fin d’article, qui four-
nissent les références précises des
citations du texte.
(3) L’histoirede l’économie sociale
reste un chantier largement ouvert,
même si le maître ouvrage d’André
Gueslin, L’invention de l’économie
sociale, balise remarquablement le
champ. Dans le domaine de la
coopération, la récente parution du
volume de Patricia Toucas, Les
coopérateurs, deux siècles de pra-
tiques coopératives (Editions de
l’Atelier,Paris 2005), constitue une
avancée importante.
retient pas forcément les mêmes idées que celles qui semblaient importantes
àune autre époque – ou, tout au moins, il les pondère différemment.
Dans l’économie sociale, Charles Gide passe essentiellement pour l’« apôtre
de la coopération » – et plus particulièrement de la coopération de consom-
mation. C’est assurément un aspect important sur lequel on ne saurait faire
l’impasse, et nous l’aborderons dans la deuxième partie de cet article. Mais
la publication de l’ensemble des Œuvres montre que c’est une image très
réductrice, d’abord parce qu’elle occulte les autres aspects de son œuvre
(comme économiste, protestant, militant associatif, éducateur populaire,
analyste politique, etc.), ensuite parce que l’engagement en faveur des coopé-
ratives de consommation doit être vu comme une tentative d’application
concrète, dans un contexte historique particulier, d’une analyse de la société,
de l’action humaine et peut-être même d’une philosophie de l’histoire
qui ne dépendent pas de ce contexte et restent d’actualité. Nous mettrons
donc en évidence dans une première partie la perspective gidienne de trans-
formation de l’ordre social. Puis nous aborderons la question de la coopé-
ration de consommation – utopie et réalité –, avant d’examiner, dans une
troisième partie, quelques autres dimensions économiques et politiques de
la pensée de notreauteur.
La perspective d’une « transformation, progressive sans doute, pacifique,
cela va sans dire, mais radicale aussi de l’ordre social actuel (II) »
Commençons par le début, c’est-à-direpar l’article qu’il donne en
novembre 1886 dans le premier numéro de L’Emancipation et qui consti-
tue en quelque sorte le manifeste de ce que l’on va bientôt appeler « l’école
de Nîmes ». Le titre en est « Ni révoltés ni satisfaits » et le contenu, en
même temps qu’il définit une position à laquelle on peut encore adhérer,
pose un certain nombre de principes qu’il développera dans toute son
œuvre(III).« Dans un pays de suffrage universel, toute doctrine de révolte est un
non-sens »et «toute révolution, soit qu’elle échoue, soit même qu’elle réussisse,
entraîne encore plus de souffrances pour les pauvres que de ruines pour les riches ».
Mais si les révoltés sont bien un véritable danger, « la catégorie… des satis-
faits n’est pas, en son genre, un moindre fléau ». Satisfaits de leur sort, ils
estiment que le moins on touchera à la machine sociale, le mieux ce sera.
Or, pour beaucoup de raisons, « nous ne pouvons pas considérer l’organisation
économique de nos sociétés comme satisfaisante…, nous ne considérons pas
cet état des choses comme définitif et nous ne croyons pas que nous en soyons
réduits à nous incliner devant lui comme devant je ne sais quelle fatalité éco-
nomique. Nous avons la ferme confiance que nous pouvons le changer, si nous
le voulons. Nous estimons que nos sociétés modernes, si fières de leur savoir et
si vaines de leur luxe, ont la possibilité, et par conséquent le devoir d’assurer à
chacun de leurs membres non pas la richesse [...],mais au moins ces deux biens
qui font la dignité et le prix de la vie à savoir l’indépendance et la sécurité du
lendemain. Ces biens-là ne sont pas de ceux que la violence puisse procurer
Charles Gide est-il toujours d’actualité ?
66 RECMA REVUE INTERNATIONALE DE LÉCONOMIE SOCIALE N ° 301
L’économie sociale en recherche
mais pour les obtenir, il existe d’autres moyens que la science connaît ou qu’elle
saura découvrir. L’Emancipation sera consacrée à étudier ces moyens et plus
particulièrement celui qui jusqu’à présent a paru le plus efficace, l’Associa-
tion, sous ses formes infiniment variées et qui sont encore loin d’être toutes
connues. »
L’association est donc au fondement de l’économie sociale et ses moda-
lités d’application sont nombreuses et évolutives – la coopération n’en
étant qu’un cas particulier, même s’il apparaît spécialement prometteur.
L’idée selon laquelle les formes qui feront progresser l’économie sociale
dans l’avenir changent et ne peuvent pas être prédites se retrouve sou-
vent sous sa plume, tout comme celle selon laquelle l’évolution des socié-
tés suit un principe de complication croissante(4),ce qui constitue deux
raisons pour récuser toute tentative pour l’organiser à partir d’un modèle
apriori.
Son point de vue évolutionniste sur la société n’implique donc ni téléolo-
gie – le terme de l’histoire n’existe pas – ni constructivisme. Si l’action des
hommes, réfléchie et orientée, peut faire évoluer la société dans le bon sens,
ce ne saurait être par l’application d’un plan préétabli, tiré d’une doctrine
sociale, politique ou religieuse prétendant connaîtreles modalités d’orga-
nisation parfaite de la société – et c’est là une critique qu’il adresse aux
marxistes aussi bien qu’aux libéraux, voire à certains réformateurs religieux.
La société est trop complexe – et notre science trop limitée – pour que l’on
puisse prévoir tous les effets d’une action humaine quelconque et propo-
ser en conséquence un plan d’action préétabli (5). On peut seulement
tenter d’infléchir les choses en améliorant ce qui existe et en détectant les
formes d’organisation (les « institutions ») qui apparaissent en apparence
spontanément (et en réalité comme conséquence de l’interaction des besoins
sociaux et de l’action d’individualités agissantes) et qui sont susceptibles,
si elles prennent de l’importance, de faire évoluer la société dans la direc-
tion que l’on souhaite.
Oncomprend mieux ainsi l’attention méticuleuse que Charles Gide a
portée pendant sa vie à toutes les formes émergentes de pratiques ou
d’institutions relevant de l’économie sociale – au point que l’on pourrait
presque parler de « veille sociale », comme il existe aujourd’hui une « veille
technologique » (6) et à quel point son approche de l’économie sociale
est ouverte: tout ce qui a été, va ou est susceptible d’aller dans le sens de
l’amélioration des conditions de vie et de l’accroissement de la solidarité
entre les hommes doit être examiné. Et il ne s’agit pas seulement d’appré-
cier la contribution de cet élément au progrès, mais de voir quelles sont ses
potentialités et dans quelle mesure on peut l’investir, le développer et
éventuellement l’infléchir.
On observera également que l’économie sociale, pour Charles Gide, ne
relèvepas principalement d’une recherche théorique, mais d’une activité
pragmatique, ancrée dans le quotidien des hommes et des femmes de
l’époque, et il y a là aussi un aspect qui doit parler aux militants contem-
porains de l’économie sociale.
67
N° 301 RECMA REVUE INTERNATIONALE DE LÉCONOMIE SOCIALE
(4) « Pourquoi la société à venir
serait-elle simple ? Il y a toutes
raisons de croire qu’elle sera beau-
coup plus complexe que la société
d’aujourd’hui ! Tout va se compli-
quant, les machines, les institutions
et les sociétés humaines aussi. »
(5) Dans un très bref article de 1892
intitulé « Par où il faut passer…? »
(L’Emancipation, janvier 1892, in
Œuvres, vol. III, p. 66), Charles Gide
indique ainsi résister aux demandes
de ceux qui réclament la fixation
d’un plan précis pour résoudrela
question sociale, de la même façon
qu’ils demanderaient un itinéraire
précis pour se rendre d’un point à
un autre ; en réalité, « nous n’en
savons pas si long et le saurions-
nous que nous ne voudrions pas
vous tracer d’itinéraire : ce serait
le bon moyen de vous égarer. Nous
vous montrons du doigt la direction
àsuivre, le point vers lequel il faut
s’orienter et que nous appelons la
Solidarité – et cela fait que chacun
passe où il voudra. Toute mesure,
toute initiative, toute invention,
toute institution, toute loi qui aura
pour résultat de resserrer les nœuds
qui lient les hommes entre eux dans
une commune vie et une commune
destinée, est bonne, car elle conduit
au même but. Tout chemin mène
àRome. »
(6) D’innombrables articles en
témoignent, mais par-dessus tout
la publication des Institutions du
progrès social (Œuvres, vol. VI et
XI), que l’auteur rééditera plusieurs
fois en l’actualisant de 1900 à 1920
(l’édition de 1905 portant d’ailleurs
le titreEconomie sociale), et celle
des Colonies communistes et
coopératives, reproduction du
cours au Collège de France de 1923-
1924.
La démarche évolutionniste de Gide a été dénoncée par les marxistes
comme anti-révolutionnaire – et l’on peut effectivement la qualifier de
réformiste(7) –, mais Charles Gide a toujours prétendu qu’elle avait pour
but une transformation profonde de la société, une prétention que dénon-
çait d’ailleurs l’école libérale. Ainsi qu’il l’écrit en 1887, « tous ceux qui
ont donné l’impulsion au mouvement coopératif et tous ceux qui à cette heure
encore le soutiennent de leurs efforts et de leurs sympathies, sont des hommes
qui ont vu dans la coopération une transformation, progressive sans doute,
pacifique, cela va sans dire, mais radicale aussi de l’ordre social actuel. Pour
tous ceux qui l’ont étudiée de près, la coopération est une nouvelle forme d’or-
ganisation industrielle tendant à se substituer à l’organisation actuelle: – Si
elle n’est pas cela, elle n’est rien (IV)
Peut-être doit-on considérer qu’il s’est illusionné sur les capacités des inno-
vations sociales à transformer le monde : l’affirmation cent fois répétée
selon laquelle une expérience sociale qui réussit a plus de signification que
cent qui échouent est fort discutable; son modèle d’essaimage et d’extension
d’institutions fonctionnant selon une logique non capitaliste et finissant
par constituer le secteur dominant de la société n’a manifestement pas
fonctionné – ou en tout cas n’a pas donné le résultat qu’il en attendait ;et la
coopération de consommation n’a finalement pas été à la hauteur des espoirs
qu’il avait mis en elle. Mais peut-être estimerait-il, conformément à son
approche évolutionniste, que des transformations ont bien eu lieu même si
ce ne sont pas celles qu’il envisageait, que l’important est que nous ayons fait
quelques pas dans la bonne direction et que, si l’horizon recule à mesure que
nous avançons, il nous faut continuer à avancer dans cette même direction.
La question des critères permettant de reconnaître la direction à suivre et
les « bonnes » institutions est plus délicate. Charles Gide a tenté de les repé-
rer objectivement à partir de la notion de solidarité – le progrès se carac-
térisant par l’accroissement de la solidarité entre les hommes. Mais, malgré
un grand nombre d’écrits sur cette notion de solidarité(8), il n’a pas réussi
cette objectivation. Si la solidarité est un principe d’organisation de nature
physique et s’appliquant aussi bien aux choses qu’aux êtres et aux socié-
tés, elle est une loi naturelle qui peut produire des résultats aussi bien posi-
tifs que négatifs et ne fournit aucun critère de discrimination(9).Si elle est
l’un des sentiments de base de l’esprit humain, on comprend sans doute
qu’elle pousse à la création des institutions sociales (10) et l’on discerne la
direction dans laquelle elles peuvent se développer, mais d’une façon tel-
lement imprécise que l’on ne saurait s’en satisfaire. En fait, pour Charles
Gide, l’économie sociale ne peut se construire sans base éthique et celle-ci
n’est pas du ressort de l’analyse objective et scientifique. Nombre de mili-
tants actuels de l’économie sociale seraient sans doute d’accord avec lui sur
ce point et partageraient sans problème ses valeurs solidaristes et sa vision
des objectifs et des moyens à mettre en œuvre – même si la source de
leurs convictions n’est pas nécessairement celle, chrétienne, de Gide et si
le moralisme de ce dernier ne leur apparaissait dans beaucoup d’autres
domaines comme pesant et fortement daté.
Charles Gide est-il toujours d’actualité ?
68 RECMA REVUE INTERNATIONALE DE LÉCONOMIE SOCIALE N ° 301
(7) « Non la révolution, mais l’évo-
lution » était, aux dires de Charles
Gide (L’école de Nîmes, Puf, 1947,
p. 74), l’une des formules favorites
d’Edouard de Boyve, l’un des trois
fondateurs de l’école de Nîmes.
(8) Depuis la conférence sur l’école
nouvelle jusqu’au cours du Collège
de France sur la solidarité.
(9) Même en distinguant, comme
le propose Ch. G., entredifférents
niveaux de solidarité, selon le
caractèreplus ou moins volontaire
de celle-ci et en posant que les
formes volontaires sont supé-
rieures aux autres (« L’idée de soli-
darité en tant que programme
économique », 1893, Œuvres,
vol. IV, pp. 177-180).
(10) Les institutions sociales « répon-
dent à un besoin aussi naturel, aussi
primordial, aussi permanent que
l’intérêt personnel, le self-help :
c’est celui de l’aide mutuelle, de la
solidarité, de la sympathie et,
pourquoi ne l’appellerions-nous pas
de son vrai nom, au risque de nous
faire traiter de mystiques, de
l’amour ? » « Si les institutions sont
un mal social », Revue d’économie
politique, janvier 1899.
L’économie sociale en recherche
La coopération de consommation: utopie et réalités
Le discours gidien sur la coopération de consommation doit être compris
par rapport aux conditions de l’époque et à la position de son auteur, et
replacé dans le cadre général de la pensée évolutionniste de celui-ci. Il
contient d’ailleurs des éléments qui restent d’actualité.
Réalités et perspectives des coopératives de consommation
des années 1880 aux années 1930
Dans le dernier quart du XIXesiècle, les coopératives de consommation
apparaissent à Charles Gide comme le type d’association le plus promet-
teur, et une grande partie de son activité et de ses écrits va être consacrée
àleur promotion.
Les coopératives de consommation ont alors l’avantage d’exister déjà et
l’exemple de l’Angleterre montre qu’elles sont susceptibles de prendre
une grande extension. Le principe rochdalien de la vente au prix courant
suivi d’une ristourne en fin d’année des trop-perçus (les bonis) leur confère
un caractèretrès attractif et leur permet de se développer rapidement. Leur
action, en faisant baisser le coût de la vie ou en permettant de se constituer
sans peine une épargne, paraît particulièrement bienvenue, notamment
pour améliorer le sortdes classes populaires – raison pour laquelle les éco-
nomistes libéraux ne sont pas apriori hostiles à la coopération, tant qu’elle
se limite à cette fonction que Charles Gide qualifiede «ménagère». Mais
pour lui, la coopération de consommation doit aller bien au-delà de cela.
« Laboratoires d’expérimentation sociale (V)», les coopératives introduisent le
principe démocratique (un homme, une voix) dans une économie domi-
née par le pouvoir du capital; elles créent un secteur où la recherche du
profit n’est plus le mobile d’action et où le principe d’organisation n’est
plus la concurrence, mais la solidarité;elles constituent des structures d’édu-
cation populaireoù les classes populaires peuvent se former à la gestion, se
préparant ainsi à prendreen main l’ensemble de l’économie (11).Comme
tout le monde est consommateur, l’action des coopératives de consom-
mation est favorable à tout le monde, et dans ce sens on peut parler d’une
conformité à l’intérêt général, récuser toute référence à la lutte des classes
et affirmer la supériorité de ce type de coopération sur la coopération de
production et la plupart des autres formes d’association qui développent
– ou au moins laissent s’exprimer – des égoïsmes de groupe(12).Enfin, selon
une conception économique classique, à laquelle Charles Gide adhère tota-
lement, la consommation est une variable économique stratégique, la pro-
duction ne devant travailler que pour elle; en pratique, toutefois, il n’en
va pas ainsi et la coopération de consommation permet de restaurer cette
subordination nécessaire–en même temps qu’elle offrela perspective d’un
pilotage de la production à partir de la consommation. La coopération
de consommation a d’ailleurs la possibilité de prendre le contrôle des
activités de production en transformant une partie des trop-perçus en un
69
N° 301 RECMA REVUE INTERNATIONALE DE LÉCONOMIE SOCIALE
(11) Cet argument est évidemment
servi en priorité aux socialistes.
Mais il n’est pas uniquement de
circonstance, car pour Charles Gide
qui fut l’un des acteurs du mou-
vement des universités populaires
l’éducation est une des clés du
progrès et ne se limite pas à
l’enseignement scolaire.
(12) Cet argument identifiant l’in-
térêt général à la coopération de
consommation, présenté comme
un syllogisme, est d’une faiblesse
insigne tant du point de vue logique
que du point de vue empirique et
l’on est surpris que Charles Gide,
dont l’esprit critique était pour-
tant bien aiguisé, ne semble jamais
s’en apercevoir. Il est difficile de ne
pas voir là un biais idéologique.
1 / 17 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !