Télécharger le document - ANAJ

publicité
1
2
La lettre d’information du
Comité Moyen-Orient
©KM
Janvier 2016
2
Sommaire
Editorial
Qui sont les
chrétiens
d’orient ?
Moment kurde,
percée électorale
et fin du cessez-le
feu : vers un
renouvellement de
la question kurde
en Turquie ?
Entretien avec
S.E.M
l’ambassadeur
d’Iran en France
Virus MERS Cov :
le cas d’une crise
sanitaire au
Moyen-Orient
P.3
P.4
P.10
P.17
P.22
L’Arabie saoudite :
un partenaire
judicieux de la
politique
française ?
P.26
5 questions à un
doctorant
spécialisé sur le
Moyen-Orient
P.35
Focus sur une
personnalité
marquante du
Moyen-Orient
P.38
1
2
3
3
Ô
Et enfin, une diversité
de foyers de crise qui
contribuent, pour nombre d’entre
eux, à une forte déstabilisation
de la région.
Editorial
Par Gaëlle Znaty
Séminaire Grandes Ecoles 2013
Responsable du comité Moyen-Orient
« Vers l’orient compliqué, je volais
avec des idées simples » Charles
de Gaulle, Mémoires de guerre.
L
e 26 février 2003, George W. Bush
alors président des Etats-Unis, évoque la
doctrine du « Greater Middle East » ou
Grand Moyen-Orient au cours d’une réunion
de
néoconservateurs
de
l’American
Entreprise Institute (AEI) pour évoquer une
grande région qui irait du Maghreb au
Pakistan, en passant par la Turquie, le golfe
Persique et le Machrek.
Si cette doctrine a l’avantage de mettre en
avant certains facteurs d’unité (linguistiques
et religieux) propres au Moyen-Orient, qui
ont d’ailleurs expliqué la création d’entités
panarabistes (Ligue Arabe en 1945,
République arabe unie entre 1958 à 1961)
ou panislamiques (Organisation de la
coopération islamique en 1969), elle ne
saurait représenter l’extrême diversité des
populations présentes dans cet espace.
Ô Une diversité ethnique par les peuples
qui y habitent (indo-européen, turc,
hébreu, arabe…) et qui représentent près
de 400 millions d’habitants.
Ô Une diversité économique et sociale,
où les écarts ne font que croître (en
2012, le Koweït a un PIB de 41 800
$/habitant, contre 6100$/habitant pour la
Jordanie).
Ô Une diversité religieuse, dans un
espace qui constitue le berceau des trois
religions monothéistes
Ô Une diversité de structures étatiques
et politiques
Par son histoire qui l’a vu
devenir un épicentre des
sciences et du commerce,
par son positionnement
géographique de carrefour
entre
trois
continents
(européen,
africain
et
asiatique), par l’importance
des ressources naturelles et
les tensions géopolitiques qui en
découlent (40% des réserves gazières
connues, près de deux tiers des réserves
pétrolières conventionnelles mondiales),
le Moyen-Orient est un espace hautement
stratégique qui suscite intérêts et
convoitises à l’échelle mondiale.
C’est cette approche d’un Moyen-Orient
présentant de multiples facettes qui
guidera l’ensemble de nos travaux.
Conscients de cette hétérogénéité, nous
tâcherons de clarifier, d’analyser et de
commenter les évolutions qui touchent
cette région, en gardant un regard
volontairement original et empreint de
jeunesse.
Les domaines d’étude porteront sur les
questions de défense et de sécurité ainsi
que
sur
les
enjeux
politiques,
économiques, culturels et religieux du
Moyen-Orient contemporain. Pour ce
faire, « Nouvelles orientales » donnera la
parole aux membres de l’ANAJ et de son
comité Moyen-Orient, à des intervenants
extérieurs, chercheurs, journalistes ou
diplomates.
Ce premier numéro de « Nouvelles
Orientales » propose un article consacré
aux chrétiens d’Orient, une analyse des
relations
franco-saoudienne,
une
problématique d’actualité sur la question
kurde en Turquie, un entretien avec Ali
Ahani, Ambassadeur de la République
islamique d’Iran en France ainsi qu’une
étude du Virus MERC-Cov en Arabie
saoudite.
4
Qui sont les
chrétiens
d’orient ?
CHRÉTIENS
D’ORIENT
è
MINORITÉS EN
TERRE
D’ISLAM
PAR PAULINE
BESSON
89ème Session Jeunes
Romorantin, 2015
La proclamation
d’un « califat
islamique » le 29
juin 2014 par
l’organisation
Daech, et la crise
des migrants qui
s’en est suivie a
projeté sur les
devants de la scène
le sort des
minorités
chrétiennes d’Irak
et de Syrie et les
persécutions
qu’elles encourent.
4
L
a proclamation d’un « califat islamique » le 29 juin 2014
par l’organisation Daech, et la crise des migrants qui s’en est suivie a
projeté sur les devants de la scène le sort des minorités chrétiennes
d’Irak et de Syrie et les persécutions qu’elles encourent. Au cours de
l’histoire, jamais les chrétiens situés dans l’actuelle Irak n’ont été une
majorité susceptible de gouverner et d’imposer leurs lois, contrariés,
avant l’islam, par la foi dominante zoroastrienne. Parfois utilisées par
l’envahisseur, les minorités chrétiennes du Moyen-Orient étaient
ensuite rejetées et de nouveaux discriminées. Tel a été le cas avec les Mongols qui, avant de se convertir à
l’Islam, se sont appuyés sur les minorités chrétiennes pour dominer.
De même, l’affirmation du pouvoir alaouite en Syrie s’est fondée sur le
soutien de minorités – en l’occurrence, chrétiennes. Pourtant, sous le
règne de l’Empire ottoman, ces minorités avaient un statut particulier
dans la hiérarchie établie entre les sujets de l’Empire, et leurs relations
avec le pouvoir central respectaient un pacte restrictif de droits (la
dhimma, ‫ )ةمذ‬1 . Contraintes, discriminées, persécutées, les
communautés chrétiennes d’Orient ont tout de même connu un âge
d’or dans la région avec la domination de l’Empire chrétien byzantin
courant de la fin du IIIe siècle ap. J.-C. jusqu’à la prise de
Constantinople par les Ottomans en 1453. Les grands conciles qui ont
marqué l’histoire de la chrétienté à cette époque se sont tenus dans
les grandes villes de l’Empire (Nicée, Constantinople, Antioche etc.).
L’histoire chrétienne au Moyen-Orient est donc riche et essentielle.
Environ un habitant sur quatre de l’Empire ottoman était encore
chrétien en 1900. Aujourd’hui les chrétiens représentent à peine un
dixième des populations de l’ancien Empire, et moins de 0,2% de la
population turque. Un retour historique sur la région s’impose pour comprendre la
naissance, la survie et le sort de ces communautés chrétiennes
d’Orient, ainsi que le rôle apporté par cette diversité dans un paysage
que certains veulent aujourd’hui exclusivement « islamique ».
5
La
notion
de
« chrétien s
« occiden talisme » ?
5
d’Orient » :
un
La réalité des « chrétiens d’Orient » est diverse et floue. Les chiffres exacts
sont difficiles à obtenir : il n’y a par exemple pas eu de recensement au
Liban depuis 19322. En 2008, l’historienne Catherine Mayeur-Jaouen3
estimait la proportion à 4%, soit l’équivalent de 6 millions de personnes,
dont presque 4 millions de Coptes en Egypte. Pourtant, un article de La
Croix4 daté de 2011 avançait l’existence de 11 millions de chrétiens installés
au Moyen-Orient, répartis dans 11 Eglises différentes. Cette contradiction
des chiffres révèle encore une fois la difficulté de connaître les statistiques
exactes d‘une réalité multiple, avec tous les problèmes de définition que cela
comporte. Mais cette difficulté s’explique peut-être davantage encore par
les risques liés à l’affirmation d’une identité chrétienne dans une région
souvent hostile à ce qui n’est pas musulman. La « fuite » des chrétiens
d’Orient, qui viennent grossir les rangs de la diaspora répartie dans le
monde, ne fait pourtant pas de doute : le nombre de chrétiens au Moyen
Orient chute. D’après un article de La Croix, en mars 2015, il restait environ 4
000 chrétiens en Irak, contre près de 1,4 million en 1987. 4
Selon Françoise Briquel-Chatonnet, identifier un chrétien comme « chrétien
d’Orient » renverrait à une définition « occidentaliste », qui comprendrait tout
ce qui est non-latin, et donc surtout ce qui est orthodoxe5. Selon Catherine
Mayeur-Jaouen, cette définition serait même « désuète »6 et « utilisé[e] par
des Européens surtout français inquiets de la montée de l’islam dans leurs
propres sociétés ». L’expression renvoyait négativement à l’Empire ottoman
et à ses minorités chrétiennes, dont la protection justifiait les ambitions de
démembrement de l’Empire. C’est pourtant la définition retenue aujourd’hui,
la plus « pratique » pour décrire la diversité des communautés chrétiennes à
laquelle la définition renvoie. Dans son acception géographique, elle désigne l’ensemble des chrétiens du
Moyen-Orient, en incluant la Turquie et l’Iran. Pourtant, un Chaldéen ayant
émigré aux Etats-Unis n’est alors pas reconnu comme chrétien d’Orient, de
même qu’un copte à Paris. La définition n’est donc pas entièrement
satisfaisante, de même que celle fondée sur les rites. Elle ferait apparaître les
chrétiens roumains, indiens ou russes et occulterait les nombreux chrétiens
de rite non-oriental dans la région du Moyen-Orient, comme les catholiques
latins ou les protestants. Les Philippins catholiques résidant dans les pays
du Golfe, pour leur part, viennent considérablement grossissent les rangs
des chrétiens dans certains pays : les oublier serait une erreur.
En mars
2015, il
restait environ
4000
chrétiens en
Irak, contre
près de 1,4
million en
19874
5
1
Eglises, fruit de6 schism es succ essifs
Les principales
lignes de
divergence sont
intervenues dans
les premiers
siècles après la
naissance du
Christ et ont été
officialisées lors
des premiers
conciles à Nicée
(325),
Constantinople
(381), Ephèse
(431) et
Chalcédoine
(451).
6
Les chrétiens, quelle que soit leur communauté, se retrouvent dans la
figure du Christ. C’est le fondement qui les unit, malgré les différents
schismes apparus au cours des âges. C’est en terre orientale (Palestine)
que le Christ serait né et que les premiers chrétiens sont apparus et ont
transmis la parole biblique. Mais c’est aussi sur cette terre que les
premières dissensions ont divisé les chrétiens en diverses communautés
dont les rites et fondements théologiques divergent encore aujourd’hui.
Les principales lignes de divergence sont intervenues dans les premiers
siècles après la naissance du Christ et ont été officialisées lors des
premiers conciles à Nicée (325), Constantinople (381), Ephèse (431) et
Chalcédoine (451). Aujourd’hui, les affirmations des premiers conciles sont encore utilisées
pour définir les différentes Eglises. Si tous les chrétiens reconnaissent
les deux premiers conciles, les principales ruptures sont intervenues
après, notamment avec le concile d’Ephèse et celui de Chalcédoine. « Eglises non-éphésiennes »
A l’issue du concile d’Ephèse (431), il a été proclamé que Marie était
mère de Dieu et le nestorianisme a été condamné. Les Nestoriens
croient en l’idée de deux natures parfaitement distinctes dans le Christ,
l’une divine et l’autre humaine. Selon eux, Marie serait donc la mère du
Christ homme, mais pas celle de Dieu. Les chrétiens dissidents sont
aujourd’hui regroupés dans ce que l’on appelle les « Eglises nonéphésiennes », composées de l’Eglise d’Orient et de l’Eglise
chaldéenne : cette dernière s’est finalement unie à Rome en 1533 et
s’est ainsi différenciée de la première. Les « Eglises non-chalcédoniennes »
Une deuxième rupture intervient avec le concile de Chalcédoine en 451,
dans lequel il est affirmé que le Christ est pleinement Homme et
pleinement Dieu. L’unitarisme et le monophysisme sont condamnés.
Diverses Eglises naissent du refus de cette thèse, regroupées sous la
dénomination d’« Eglises non-Chalcédoniennes ». Ce sont l’Eglise
syriaque d’Antioche (rite araméen, dont une partie est aujourd’hui
rattachée à Rome), l’Eglise copte (rite en langue arabe ou copte) surtout
présente en Egypte et l’Eglise apostolique arménienne. Les « Eglises chalcédoniennes »
A l’inverse, les partisans du concile de Chalcédoine sont regroupés au
sein de ce que l’on appelle les « Eglises chalcédoniennes ». Ce sont les
Eglises orthodoxes (rite byzantin) ou melkites (grecques-catholiques), et
l’Eglise maronite, surtout présente au Liban. Les Melkites et les
Maronites sont unis à Rome mais organisés en patriarcats autonomes.
2
7
7
Eglise latine et Eglises protestantes
Les Eglises latines et protestantes sont aussi présentes au Moyen-Orient,
bien que leur inclusion dans la catégorie « Eglises d’Orient » puisse prêter
à confusion. L’Eglise latine, héritage des Croisés, a cependant une
histoire ancienne et significative dans la région, et les communautés
latines implantées ne manquent pas. De même, le protestantisme
évangélique connaît des résultats relatifs mais indéniables en matière de
conversions de chrétiens comme de musulmans7.
Le christianisme face à l’islam
A partir du VIIe siècle et des conquêtes musulmanes, le christianisme fait
face en Orient à une nouvelle religion, l’islam. Ce n’est pas la première
fois que des chrétiens d’Orient sont confrontés à une religion autre : ils le
sont ainsi depuis leur naissance avec le judaïsme, mais ils le sont aussi
avec le zoroastrisme venu de Perse. Cependant, la relation musulmanschrétiens est particulièrement structurante pour les communautés
chrétiennes, en raison de l’influence que l’islam va développer au MoyenOrient. La question revêt une importance particulière au regard des
événements récents et des persécutions que subissent les chrétiens en
Orient.
Comme le rappelle Bernard Lewis8, il convient d’éviter deux écueils :
considérer l’islam comme une religion intolérante et tyrannique, et céder à
l’utopie interraciale ou interreligieuse prônée par les musulmans. En effet,
les communautés chrétiennes d’Egypte (coptes) et de Syrie (jacobites),
considérées comme schismatiques par l’Empire byzantin et la doctrine
dominante, ont été mieux traitées sous la domination musulmane. C’est
ainsi que l’invasion musulmane a permis à l’Eglise syriaque orthodoxe de
se développer et de se propager des campagnes aux villes qui restaient
fidèles aux positions théologiques officielles de l’empire byzantin. Les « inégalités fondamentales » et le statut inférieur
Cependant, selon Bernard Lewis, les non-musulmans ont bénéficié d’un
statut inférieur à celui du musulman, du fait de la reconnaissance
d’inégalités fondamentales par l’islam. Ainsi, l’esclave, la femme et le
non-croyant n’ont pas le même rang que le maître, l’homme et le croyant.
Le chrétien qui refuserait de se convertir à l’islam n’est donc pas
persécuté, mais discriminé, car il a choisi (contrairement à la femme vis-àvis de l’homme et de l’esclave vis-à-vis du maître) de ne pas être croyant.
Ainsi, les trois inégalités fondamentales sont institutionnalisées et même
légalisées, de même qu’elles sont considérées comme utiles aux affaires
de la société. Bon nombre de chrétiens se convertissent à l’islam pour
éviter l‘humiliation et la différenciation. Progressivement l’islam devient
majoritaire et la prise de Constantinople en 1453 constitue une victoire de
l’Empire ottoman sur l’Empire byzantin, c’est-à-dire du monde musulman
La relation
musulmanschrétiens est
particulièrement
structurante
pour les
communautés
chrétiennes, en
raison de
l’influence que
l’islam va
développer au
Moyen-Orient.
7
3
sur le monde chrétien.8Ces derniers se voient ainsi conférer un statut
inférieur, avec notamment un impôt spécifique à payer (la djizia, ‫)ﺔﯾزﺟ‬. Les
persécutions sont rares, les minorités disposent d’une autonomie dans
l’organisation de leur religion et de leurs affaires, mais la discrimination
est évidente.
La protection des minorités chrétiennes par les puissances européennes
Au XIXe siècle, les grandes puissances européennes vont trouver des
justifications pour pénétrer l’Empire ottoman et chercher à le démembrer.
En effet, suite à des pogroms perpétrés contre des minorités chrétiennes,
les grandes puissances européennes, comme la France et l’Empire
russe, s’investissent de la mission de « protéger » les chrétiens d’Orient.
La France réagit ainsi aux pogroms perpétrés par les Druzes contre la
communauté maronite du Mont Liban en 1860 et envoie des missions
dans la région. Réminiscence de l’âge d’or des croisades ou volonté d’en
finir avec le « colosse aux pieds d’argile », il est clair que les puissances
chrétiennes européennes ont eu le désir de protéger les minorités
chrétiennes, considérées comme opprimées par l’Empire musulman. Les
Eglises du Moyen-Orient se sont peu à peu unifiées pour former en 1974
le Conseil des Eglises du Moyen-Orient, qui rassemble aujourd’hui les
Eglises orthodoxes, chalcédoniennes, coptes, arméniennes, syriennes,
protestantes et, depuis 1990, l’Eglise catholique. Une
conscience
chrétienne
face à un
islam
dominant s’est
développée,
sans que la
confrontation
entre les deux
religions ne
soit
nécessairement
conflictuelle
8
Une conscience chrétienne face à un islam dominant s’est donc
développée, sans que la confrontation entre les deux religions ne
soit nécessairement conflictuelle. Le souci européen de préserver les communautés chrétiennes
d’Orient d’un environnement musulman hostile existe encore
aujourd’hui, mais dans une moindre mesure. C’est dans le
cadre de la protection de l’ensemble des minorités d’Orient,
qu’elles soient kurdes, yézidies, mandéennes ou chrétiennes, que
le chef de la diplomatie française évoque le sort des chrétiens
d’Orient. Il a notamment pris la parole à cette occasion à la
tribune du Conseil de sécurité de l’ONU, le 27 mars 2015, et en
convoquant une conférence internationale, le 8 septembre 2015,
consacrée aux victimes de persécutions ethniques et religieuses
au Moyen-Orient.
Un aven ir porté par la diaspora ?
Aujourd’hui, la question de la survie des communautés
chrétiennes au Moyen-Orient est véritablement posée, en
témoigne le cri d’alarme lancé par Mgr Louis Raphaël Sako8. Leur
proportion dans les pays arabes est en chute libre, du fait de
l’émigration, d’une plus faible natalité chez les chrétiens ainsi
qu’en raison des persécutions. Les chrétiens d’Orient sont
nombreux à quitter leur pays d’origine pour trouver un lieu de vie
plus accueillant où les conditions sont meilleures, comme aux
Etats-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande ou en
Europe occidentale, et particulièrement en Allemagne et en
Suède.
4
9
Tandis que depuis quelques années la montée de l’islamisme en Egypte a
exacerbé le danger que courent les coptes, qu’en Arabie saoudite les
chrétiens sont proscrits et que ceux résidant dans les territoires désormais
contrôlés par l’organisation Daech ont été contraints de choisir entre
conversion, rançon ou exil : chaque jour, à travers le monde, de nouveaux
membres viennent grossir les rangs de la diaspora des chrétiens d’Orient. Ils
sont nombreux à tenter leurs chances, par voie terrestre ou maritime, de
manière clandestine ou légale pour rejoindre des membres de leur famille ou
simplement fuir un quotidien difficile. Il n’est pas rare de voir des églises
orientales dans les grandes villes du globe, comme l’église Notre-Dame-duLiban à Paris, ou à Détroit, aux Etats-Unis. Comme le montre Gérard-François
Dumont9, des villes américaines comme Chicago et Détroit comptent chacune
80 000 Assyro-Chaldéens venus pour la plupart d’Irak, du Liban, de Syrie,
d’Iran ou de Turquie. En 2005, plus de 150 000 chrétiens irakiens vivaient déjà
aux Etats-Unis et 50 000 au Canada. Leur nombre est bien évidemment en
constante augmentation, et particulièrement depuis l’arrivée de Daech.
Cette diaspora représente un avenir pour une partie de la population d’Orient,
dans le sens où elle peut constituer un soutien économique, financier ou
spirituel. Mais, dans le même temps, la fracture avec les communautés
restées dans le pays d’origine risque de se renforcer et une sorte de complexe
peut apparaître chez ceux qui ont réussi à émigrer. Le rôle de cette diaspora
est donc multiple et complexe, mais est assurément un gage de survie et de
rayonnement pour les chrétiens d’Orient.
9
Ils sont
nombreux à
tenter leurs
chances par
voie terrestre
ou maritime,
de manière
clandestine
ou légale,
pour
rejoindre des
membres de
leur famille
ou
simplement
fuir un
quotidien
difficile.
Références
1- Bernard Lewis, « L'islam et les non-musulmans », Annales, 1980, 35, 3-4, p. 784-880
(consultable en ligne : http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_03952649_1980_num_35_3_282668).
2- Lebanese Information Center. « La réalité démographique libanaise ». 2013. (consultable en
ligne : http://www.lstatic.org/PDF/demographfrench.pdf )
o
3- Catherine Mayeur-Jaouen, « Dans la tourmente », L'Histoire, n 337 « Les chrétiens d'Orient »,
décembre 2008, p. 62 http://www.histoire.presse.fr/dossiers/dans-la-tourmente-01-12-20088642http://www.histoire.presse.fr/dossiers/dans-la-tourmente-01-12-2008-8642
4- « Le christianisme d'Orient », La Croix.,2 octobre 2010 (consultable en ligne : http://www.lacroix.com/Actualite/Monde/Le-christianisme-d-Orient-_EP_-2011-10-02-718516).
o
5- Françoise Briquel-Chatonnet, « Tout commence à Édesse », in L’Histoire, n 337, décembre
2008, p. 43 (consultable en ligne : http://www.histoire.presse.fr/dossiers/tout-commence-aedesse-01-12-2008-6742).
o
6- Catherine Mayeur-Jaouen, « Dans la tourmente », L'Histoire, n 337 « Les chrétiens d'Orient »,
décembre 2008, p. 62 http://www.histoire.presse.fr/dossiers/dans-la-tourmente-01-12-20088642http://www.histoire.presse.fr/dossiers/dans-la-tourmente-01-12-2008-8642
http://www.histoire.presse.fr/dossiers/dans-la-tourmente-01-12-2008-8642
7- « Islam-Chritianisme : l'activité missionnaire évangélique dans le monde musulman », interview
de Fatiha Kouès par Olivier Moos, in Saphirnews, 19 juin 2013
(http://www.saphirnews.com/Islam-christianisme-l-activite-missionnaire-evangelique-dans-lemonde-musulman_a16974.html).
8- Laurence Desjoyaux, Ne nous oubliez pas ! Le SOS du patriarche des chrétiens d’Irak, Paris.
Broché 5 février 2015
Pour aller plus loin :
-
Laurence Desjoyaux, Ne nous oubliez pas! Le SOS du patriarche des chrétiens d’Irak, Paris.
Broché, 5 février 201
Marie de Varnay, Chrétiens d’Orient : voyage au bout de l’oubli. Paris. François Bourin. 2013.
Sous la direction d’Antoine Sfeir, coordonné par Leila et Bernard Godard, Chrétiens d’Orient : et
s’ils disparaissaient ? Paris. Bayard. 2009.
Les chrétiens d’Orient : histoire et identité. Actes de deux journées d’études, coordonnés par
Marie-Thérèse Urvoy. Versailles. Editions de Paris. 2014.
9
1
10
Moment kurde, percée électorale
et fin du cessez-le feu : vers un
renouvellement de la question
kurde en Turquie ?
KURDES
è
TURQUIE
L
a relation entre la minorité kurde de Turquie et le pouvoir
PAR GABRIEL
GROS
91ème Session Jeunes
Nîmes, 2015
La relation entre la
minorité kurde de
Turquie et le
pouvoir central
d’Ankara est
source de tensions
depuis la fondation
de la République
de Turquie.
10
central d’Ankara est source de tensions depuis la fondation de la
République de Turquie. Les dernières décennies ont été marquées
par une hésitation entre avancées pour les droits politiques et
culturels de la minorité et retours à une approche brutale et
sécuritaire. Cependant les évènements récents et le « moment
kurde »1 que connaissent le pays et la région semblent rebattre les
cartes de cette question kurde.
Depuis l’avènement de la Turquie moderne en 1923, le déni
officiel de l’existence d’une question kurde autre que sécuritaire a
conduit à la détérioration du dialogue national et à la formation d’un
conflit ouvert. Un nouvel épisode de cette lutte, souvent violente,
pour les droits de cette minorité s’est ouvert l’été dernier avec d’un
même mouvement l’entrée au parlement du parti pro-kurde HDP
(Parti démocratique des peuples) et la fin du processus de paix
avec le PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan, organisation
classée comme terroriste). Cette suite d’évènements à la fois
intérieurs et régionaux demande un nouvel examen des enjeux de
ce conflit qui semble souvent être contingent d’autres problèmes
politiques. Si, en apparence c’est la lutte indiscriminée de la
Turquie contre Daech et les rebelles kurdes en Syrie qui provoque
un regain de tensions avec l’organisation terroriste kurde, la
séquence insurrectionnelle qui s’est ouverte en juillet dernier est
tributaire des choix politiques de l’AKP (Parti de la justice et du
développement), le parti du président Erdoğan, au pouvoir depuis
2002. Ce dernier avait conclu un accord de cessez-le feu avec le
PKK en 2013 et opère donc ici un retour en arrière dans la gestion
des relations avec la minorité. Ce court épisode de paix est
désormais clos et pas moins de 300 civils, soldats et membres du
2
11
PKK, ont trouvé la mort pour la seule période de mi-juillet à fin septembre
20152. L’actualité et les enjeux de la question kurde nécessitent une
nouvelle attention et doivent être abordés au travers du prisme de la
politique globale de l’AKP. Il faut donc poser la question du renouvellement
de la revendication kurde en Turquie, tiraillée entre sa logique traditionnelle
d’opposition entre le PKK et l’Etat autoritaire, et la montée en puissance
d’un mouvement légal et progressiste.
La conception unitaire de la république turque
C’est en 1923 à la suite du démantèlement de l’Empire ottoman et de
la guerre d’indépendance qu’est fondée la République turque. Il s’agissait
alors pour Mustafa Kemal de faire naitre un pays moderne tourné vers
l’Occident. Les nombreuses réformes de modernisation ont amené, parfois
brusquement, le pays à s’occidentaliser aussi bien dans son alphabet, ses
vêtements que dans son droit civil. La refonte des institutions était construite
sur deux principes forts, le nationalisme et le sécularisme. L’ambition
kémaliste était de créer un État-nation pour le peuple turc conçu, non pas
comme communauté religieuse, mais en référence à la nation turque telle
qu’elle existait avant son islamisation au 12ème siècle. De là, c’est une
république laïque, unitaire et jacobine tournée vers la modernité occidentale
que Mustafa Kemal institue, et dans laquelle la nation est indivisible et ne
saurait être segmentée3. La révolution kémaliste pose donc les jalons du
problème kurde en centrant la nouvelle république sur la majorité turque et
en ne laissant aucune place pour la reconnaissance de droits spécifiques à
un groupe ethnique et linguistique minoritaire4. Cette composante
nationaliste de la république turque rencontre dès les années 30 une forte
résistance chez les Kurdes. Ce présent en Turquie, Irak, Iran et Syrie, est
d’une ethnie différente des majorités arabes, turques et perses de ces pays,
sans être pour autant un bloc religieux et linguistique homogène. Les
années 1937 et 1938 sont, par exemple, marquées par les massacres de
Dersim où entre 10 000 et 40 000 Kurdes trouvent la mort après que
certains chefs s’étaient opposés aux politiques de turquification.5 Dès cette
époque, c’est un rapport brutal qui domine avec le régime qui veut imposer
une identité culturelle à un peuple non-turc qui la refuse. Cette vision de la
question kurde dominée par une approche sécuritaire s’installe chez les
dirigeants politiques et reste encore aujourd’hui ancrée dans la politique
d’Ankara.6
11
La refonte des
institutions
était
construite sur
deux
principes
forts, le
nationalisme
et le
sécularisme.
L’ambition
kémaliste
était de créer
un État-nation
pour le
peuple turc
conçu, non
pas comme
communauté
religieuse,
mais en
référence à la
nation turque
telle qu’elle
existait avant
son
islamisation
au 12ème
siècle.
Revendications et rebellions kurdes
Face à cette politique nationaliste brutale, le peuple kurde se trouve
placé en marge du pays et de sa modernisation, voit ses demandes
ignorées et ses révoltes réprimées. C’est dans les années 60 que de
nouvelles vagues de contestation émergent, associant aussi bien leurs
revendications politiques et culturelles qu’économiques et sociales. Ce
rattachement de la question kurde à des problématiques économiques de
lutte des classes permettra dans les années suivantes au PKK, le parti des
travailleurs du Kurdistan alors d’orientation marxiste-léniniste, de recruter
ses membres et emporter l’adhésion de la population kurde.7 La
revendication principale est alors l’indépendance de la zone de peuplement
kurde au sud-est du pays.
11
3
12
«LesKurdes,unpeupledivisé»,PhilippeRekacewicz,LeMondeDiplomatique,octobre2002.
Si ce peuple
bénéficiait d’une
marge de
manœuvre assez
grande sous
l’Empire
ottoman,
l’avènement de la
république
turque
nationaliste va
ouvrir une
période de
répression et de
négation de leurs
droits culturels
et politiques.
12
Ce mouvement de revendication radical et violent doit, pour être compris,
être mis en reflet de l’attitude du régime envers sa minorité kurde. Si ce
peuple bénéficiait d’une marge de manœuvre assez grande sous l’Empire
ottoman, l’avènement de la république turque nationaliste va ouvrir une
période de répression et de négation de leurs droits culturels et politiques. Le
nom même de Kurde est absent de la vie politique qui ne reconnaît pas
l’existence de minorité au sein de sa nation. Mustafa Kemal parlait des
Kurdes comme des Turcs de la montagne, et cette pratique continua
officiellement jusqu’en 1991. Le domaine linguistique fut un terrain privilégié
de la politique de turquification. Ainsi dans le cadre de cette politique les
références à des noms kurdes sont supprimées, la toponymie est turquifiée
et les prénoms kurdes interdits. La pratique de la langue kurde fut même
interdite dans la vie publique entre 1980 et 1992. Aujourd’hui encore de
nombreux obstacles posés à cette époque s’opposent à la création d’écoles
et de programmes scolaires spécifiquement destinés à des élèves kurdes.
Cette politique d’assimilation est allée jusqu’au déplacement forcé de
population dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, vidant ainsi des
villages entiers8. Les droits politiques des Kurdes sont également réprimés.
Les partis politiques pro-kurdes et leurs membres sont régulièrement ciblés
par les autorités judiciaires et constitutionnelles pour intimider et dissuader
les activistes de défendre la cause kurde de manière trop dynamique. Ainsi
la Cour constitutionnelle procède régulièrement à la dissolution de ces partis
pour liens supposés avec le PKK et les députés pro-kurdes sont ciblés par la
justice pour la même raison. Les obstacles ne sont pas seulement le fait des
procédures juridictionnelles mais aussi de la violence populaire à leur égard,
la période récente a démontré que quiconque questionnerait la politique
gouvernementale à l’égard de la minorité kurde serait accusé d’atteinte à
l’unité du pays et pourrait être violemment pris à partie. Les grands journaux
nationaux, les partis politiques et comme l’actualité récente l’a rappelé, les
manifestants pacifiques, même non exclusivement kurdes9, font ainsi l’objet
d’attaques violentes.10
4
C’est donc d’une violence d’Etat, cautionnée13
par la Constitution, mais également
d’une violence ordinaire dont font l’objet les Kurdes en Turquie.
13
Quels progrès pour la situation des Kurdes en Turquie ?
Face à ce tableau sombre il faut cependant examiner les progrès réalisés sur le
temps long. L’arrivée au pouvoir de Turgüt Özal, d’origine kurde, a engagé à partir de
1989 une politique de réconciliation et d’ouverture envers la minorité kurde. Le mot
« kurde » est utilisé publiquement et en 1992 la pratique du kurde en public est de
nouveau autorisée. On voit alors se former un parti kurde dans la vie politique et par là
la reconnaissance d’une spécificité de la minorité kurde. Cette avancée permet
notamment de dissocier PKK et question kurde. Une alternative légale permet aux
Kurdes de revendiquer leurs droits sans être associés directement à la violence du
mouvement terroriste. Ce mouvement qui va aussi subir de profondes mutations. La
capture du leader Abdullah Öcalan en 1999 va marquer un tournant dans l’attitude du
PKK. Celui-ci change ses revendications violentes pour se tourner vers la négociation,
c’est dans ce contexte que les combattants du PKK quittent la Turquie pour le
Kurdistan Irakien. La revendication kurde opère une mutation et abandonne les idées
d’indépendance, de prise du pouvoir et, en partie, son idéologie communiste, les
demandes principales sont alors avant tout d’ordre culturel puis politique. C’est un
changement qui est payant puisque la décennie qui suit voit se réaliser un certain
nombre d’avancées en matière culturelle. Un facteur déterminant sera l’entrée de la
Turquie dans le processus d’adhésion à l’Union européenne qui implique la
soumission du gouvernement à une série d’exigences dont fait partie une plus grande
reconnaissance des droits des Kurdes notamment grâce à la Charte européenne des
langues régionales et minoritaires. Des avancées aussi diverses que l’autorisation de
donner des prénoms kurdes en 200311 ou que le retour des noms kurdes de villes
débaptisées12 sont permises par l’AKP au pouvoir. Ces avancées sur le terrain
linguistique dénotent une nouvelle posture du gouvernement mais restent symboliques
et marginales13.
Si la revendication des Kurdes pour leurs droits est aujourd’hui légale en Turquie, les
avancées en ce sens restent contingentes de la politique globale du
gouvernement.
Cet exemple d’ouverture est caractéristique de la politique de l’AKP envers
les Kurdes, elle n’est qu’accessoire et ne sert que d’instrument ou de
posture électorale. Les avancées permises dans le cadre de l’adhésion à
l’UE ne se poursuivent pas une fois ce processus dans l’impasse,
l’ouverture aux Kurdes était un gage de bonne foi pour l’UE et non le
résultat d’une volonté politique d’améliorer la condition kurde en Turquie.
La politique d’ouverture n’était que contingente d’une politique considérée
comme plus importante pour Ankara. De même l’ouverture affichée et
médiatisée envers le Kurdistan autonome d’Irak (GRK), n’a pas pour but
de se féliciter de l’autonomie de Kurdes aux portes de la Turquie mais
plutôt de saper le projet d’un Kurdistan indépendant et unifié.14 Cette
alliance avec le GRK permet en outre d’affaiblir le pouvoir irakien central
qui est un obstacle à l’affirmation de la Turquie en tant que puissance
régionale. Le GRK devient ainsi un pion d’Ankara dans sa politique
extérieure « confessionnalisée » qui vise au renforcement des puissances
sunnites au détriment des régimes voisins syriens, irakiens et iraniens15.
La leçon des 15 dernières années est qu’il n’y a pas de volonté politique
pour résoudre la question kurde et leur garantir des droits politiques et
culturels à moins que cela ne puisse aider Ankara dans sa politique
nationale et régionale. Aujourd’hui Erdoğan va plus loin en faisant de la
lutte contre les Kurdes un levier électoral.
La revendication
kurde opère une
mutation et
abandonne les
idées
d’indépendance,
de prise du
pouvoir et, en
partie, son
idéologie
communiste
13
5
Si la
revendication
des Kurdes pour
leurs droits est
aujourd’hui
légale en
Turquie, les
avancées en ce
sens restent
contingentes de
la politique
globale du
gouvernement.
Cet exemple d’ouverture est caractéristique de la politique de l’AKP envers
14
les Kurdes, elle n’est qu’accessoire et ne sert que d’instrument ou de
posture électorale. Les avancées permises dans le cadre de l’adhésion à
l’UE ne se poursuivent pas une fois ce processus dans l’impasse,
l’ouverture aux Kurdes était un gage de bonne foi pour l’UE et non le
résultat d’une volonté politique d’améliorer la condition kurde en Turquie. La
politique d’ouverture n’était que contingente d’une politique considérée
comme plus importante pour Ankara. De même l’ouverture affichée et
médiatisée envers le Kurdistan autonome d’Irak (GRK), n’a pas pour but de
se féliciter de l’autonomie de Kurdes aux portes de la Turquie mais plutôt de
saper le projet d’un Kurdistan indépendant et unifié.14 Cette alliance avec le
GRK permet en outre d’affaiblir le pouvoir irakien central qui est un obstacle
à l’affirmation de la Turquie en tant que puissance régionale. Le GRK
devient ainsi un pion d’Ankara dans sa politique extérieure
« confessionnalisée » qui vise au renforcement des puissances sunnites au
détriment des régimes voisins syriens, irakiens et iraniens15. La leçon des
15 dernières années est qu’il n’y a pas de volonté politique pour résoudre la
question kurde et leur garantir des droits politiques et culturels à moins que
cela ne puisse aider Ankara dans sa politique nationale et régionale.
Aujourd’hui Erdoğan va plus loin en faisant de la lutte contre les Kurdes un
levier électoral.
Si la revendication des Kurdes pour leurs droits est aujourd’hui légale
en Turquie, les avancées en ce sens restent contingentes de la politique
globale du gouvernement.
Entrée du parti pro-kurde au parlement, reprise
du conflit avec le PKK et élections législatives de
novembre 2015 : quels enjeux ?
L’objectif politique actuel de l’AKP est double. Sur le plan intérieur il
s’agit de s’assurer une majorité parlementaire suffisante pour réviser la
Constitution au profit du président16, et sur le plan régional de s’assurer de
l’affaiblissement de l’axe chiite en développement pour atteindre ce statut
de puissance régionale tant désiré. Les mois de juin et juillet derniers sont
décisifs sur ces deux plans, avec le 7 juin, la perte de la majorité de l’AKP
au parlement, et le 20 juillet le premier attentat de Daech sur le sol turc qui
met fin à la politique d’équilibriste de Erdoğan en Syrie17. Ce jour là, 31
personnes meurent à Suruç, une ville à fort peuplement kurde, dans une
manifestation de soutien à la population de la ville de Kobané, bastion de
résistance kurde en Syrie. Il y a une double conséquence à ces
évènements. D’une part le PKK, frustré du peu d’avancées dans le
processus de paix, rompt le cessez le feu en reprenant ses attentats et
accuse le régime de complicité avec Daech contre les Kurdes. D’autre part
la Turquie intègre la coalition de l’OTAN contre Daesh, dont elle ne peut
tolérer l’action sur son sol, malgré l’utilité que trouvait Ankara dans les
actions terroristes de l’organisation à l’encontre de ses rivaux kurdes et
chiites. Le 25 juillet la Turquie commence à bombarder non seulement les
djihadistes mais aussi le PKK et la branche syrienne du mouvement kurde,
le YPG. Depuis c’est un affrontement brutal auquel se livrent les trois
parties avec de nombreux attentats rebelles et des bombardements turcs
sur les positions des ces deux groupes. La lutte contre Daech reste
cependant nettement secondaire dans l’engagement militaire turc avec
14
6
15
seulement quelques bombardements et pas de lutte contre les flux frontaliers
de combattants et de contrebande. En Turquie cet affrontement a largement
débordé dans la sphère civile avec des attentats comme celui du 10 octobre
faisant 102 morts dans une manifestation organisée par le HDP. C’est surtout
une violence moins médiatisée mais plus régulière qui illustre ce débordement
et qui affecte les journaux, partis ou militants qui s’opposent au gouvernement
sur sa position à l’égard de la rébellion kurde.
Le retour à un tel niveau de violence permet au PKK de faire à nouveau
pression sur le gouvernement alors que le processus de paix stagne et que le
gouvernement n’est, en réalité, pas prêt à faire des avancées substantielles.
Le PKK joue également sa survie en voulant lier intimement la question kurde
au PKK comme c’était le cas dans les années 1980. Depuis le cessez-le feu
de 2013 malgré son statut d’interlocuteur du gouvernement, il avait perdu dans
l’opinion publique l’ascendant sur la revendication kurde. Un affaiblissement
particulièrement marqué depuis juin dernier date à laquelle le HDP est parvenu
à franchir le seuil des 10% lui permettant ainsi de remporter des sièges au
parlement. Le retour de la violence témoigne donc de cette lutte pour le
monopole de la revendication kurde.
15
Le PKK joue
également sa
survie en
voulant lier
intimement la
question
kurde au PKK
comme
c’était le cas
dans les
années
1980.
Pour le pouvoir en place, l’enjeu de cette lutte est avant tout électoral.
Le discours nationaliste et unitaire affiché par Erdoğan correspond à sa
stratégie de conquête des voix de droite, celles captées par le MHP (le parti
d’action nationaliste) d’extrême droite arrivé 3ème aux élections de juin. Cette
quête pour la majorité, outre son atout politique évident, permettrait à Erdoğan
d’affaiblir la résistance parlementaire à sa réforme constitutionnelle visant à
instaurer un régime présidentialiste. L’enjeu de cette lutte est aussi sécuritaire.
Après l’attentat commis par l’EI en juillet dernier sur son sol, Ankara ne pouvait
plus tenir sa ligne de laisser-faire envers les djihadistes. Cette politique qui
consistait à ne pas agir contre Daech pour affaiblir les Kurdes syriens du YPG
et le régime de Bachar el-Assad, s’est en fin de compte retournée contre le
gouvernement. Cet échec est lui même exploité à son tour pour adopter une
posture d’autorité et de puissance en rejoignant la coalition. Les raids aériens
turcs permettent également à Ankara d’attaquer directement les forces du
YPG, alliées de circonstance des forces loyalistes. Ces objectifs politiques et
sécuritaires se font, à nouveau, aux dépens des Kurdes envers lesquels
l’attitude du gouvernement s’est largement dégradée laissant entrevoir un
retour à la situation de guerre civile des années 8018 19. L’analyse des enjeux
de la lutte contre les kurdes pour l’AKP, révèle en fin de compte la fragilité du
pouvoir d’Erdoğan. Celui-ci agit pour sa survie alors qu’il est menacé d’une
part dans la région par le « moment kurde » et en Turquie par la remise en
cause de son modèle politique. Dans cette lutte Erdoğan apparaît comme
dépassé par les évènements et voulant à tout prix revenir sur le devant de la
scène pour ne pas être éclipsé ni par les Kurdes dans la lutte contre Daech ni
par ses rivaux politiques au Parlement.20
On ne peut pas aujourd’hui parler d’un renouvellement de la
revendication kurde. Si le « moment kurde » a réellement su apporter un
nouveau souffle à la revendication kurde et à son image dans l’opinion
publique des pays étrangers, la question kurde reste avant tout en Turquie une
problématique interne. Les évènements récents ont certes créé un regain de
tension mais ce sont des logiques préexistantes qui sont aujourd’hui à l’œuvre.
15
7
1
2
Les partis pro-kurdes existent depuis les années 1990 et s’ils affichent des
résultats prometteurs, ils 16
ne parviennent pas à éclipser la revendication
violente et de ce fait pas plus encore l’approche sécuritaire de l’Etat. On
ne doit pas attendre une rupture dans un sens ou dans l’autre, dans les
conséquences des élections législatives du 1er novembre dernier qui ont
rendu la majorité parlementaire à l’AKP mais plutôt la confirmation des
tendances existantes. D’une part la performance électorale renouvelée du
HDP donne un meilleur ancrage de la revendication kurde légale dans la
vie politique et au sein de l’opinion, étape nécessaire pour transformer la
question kurde en enjeu politique de premier plan. Par la même occasion,
cela donne au HDP l’opportunité de porter une revendication alternative
au PKK et de quitter le paradigme sécuritaire pour obtenir des avancées
en matière de droits collectifs, politiques et culturels. Cet ancrage de la
question kurde dans la conscience nationale est également accentué par
les événements récents tels que l’attentat d’Ankara qui a rappelé au pays
et à sa capitale, la réalité du conflit qui se joue à l’est. Et d’autre part à la
victoire de l’AKP et la constitution d’une majorité absolue au Parlement
vont favoriser le renforcement des prérogatives présidentielles et la
poursuite de l’installation du pouvoir autoritaire d’Erdoğan. Cette tendance
n’est pas porteuse d’espoir pour la minorité kurde, encore à la merci d’un
régime qui cherche à minorer leur importance et discréditer leurs
revendications considérées comme secondaires. Il reste à espérer que le
régime démocratique demeurera en Turquie et ne poussera pas les
Kurdes à la révolte ou au reniement.
Références
1- « Introduction : le moment kurde », Politique Étrangère, 2014/2 (Eté), p. 10-13.
2- CrisisWatch Database, Turkey, International Crisis Group.
3- À propos de l’idéologie Kémaliste: Atatürk and the Modernization of Turkey, Ed. Jacob
Landau, Westview Press, Boulder, Colorado, 1984. Notamment: DUMONT Paul, « The
Origins of Kemalist Ideology », pp. 25-44. Et, OKYAR Osman, « Atatürk’s Quest for
Modernism », pp. 45-53.
4- BILLION Didier, « L’improbable État kurde unifié », Observatoire de la Turquie et de
son environnement géopolitique, IRIS, novembre 2014.
5- À propos du massacre de Dersim: KIESER Hans-Lukas, « Dersim Massacre, 19371938 », Online Encyclopedia of Mass Violence, Juillet 2011.
6- Hamit Bozarslan, « La question kurde à l'heure de l'« ouverture » d'Ankara », Politique
16
Étrangère, 2010/1 (Printemps), p. 55-64.
7- « Turkey – Kurds », World Directory of Minorities and Indigenous Peoples, Minority
Rights Group International.
8- Human Rights Watch, “Turkey’s failed policy to aid the forcibly displaced in the
southeast”, rapport de juin 1996.
9- COPEAUX Etienne, « Les approximations des médias français sur l’attentat
d’Ankara », Orient XXI, 13 octobre 2015.
10- Minority Rights Group, supra note 7.
11- CIGERLI Sabri, « La reformulation de l’idéologie officielle turque et la langue kurde:
L’autorisation d’un prénom kurde », Confluences Méditerranée, n°24, Été 2000.
12- Dépêche de l’AFP du 13 novembre 2009, Ankara.
http://www.institutkurde.org/info/depeches/le-gouvernement-turc-annonce-desmesures-pour-ameliorer-les-droits-des-kurd-2261.html
13- ORLANDINI Baptiste, « Entre Kurdes et politique régionale: la Turquie face à ses
ambiguïtés », blog Études Géostratégiques, 23 septembre 2015.
14- BILLION, supra note 4.
15- BILLION Didier, « Les défis de la politique régionale de la Turquie », Observatoire
de la Turquie et de son environnement géopolitique, IRIS, octobre 2014.
16- JEGO Marie, « Législatives en Turquie : Erdogan voit son rêve de sultanat lui
échapper », Lemonde.fr, 7 juin 2015.
17- BILLION, supra note 15.
18- Par exemple: DELORME Sandrine, « Turquie : "nous allons nettoyer le pays des
terroristes du PKK” », Euronews, 7 septembre 2015.
19- WRIGHT Robin, « The Explosions in Turkey », The New Yorker, 11 octobre 2015.
20- BALCI Bayram, « Les fragilités du pouvoir turc », Orient XXI, 26 août 2015.
1
17
17
Éviter le vide politique en Syrie :
entretien avec S.E.M. ALI AHANI,
ambassadeur d’Iran en France
IRAN
è
ENTRETIEN
PROPOS
RECCUEILLIS
PAR ROMAIN
DEWAELE
90ème Session Jeunes
Ile-de-France, 2015
EN PARTENARIAT
AVEC LE SITE
GLOBAL
DIPLOMATIE.COM
La République
islamique d’Iran
soutient le dialogue
et les consultations
politiques au
niveau régional,
car ils
représentent la
seule solution pour
favoriser la
stabilité au Moyen
Orient.
L’Iran, fort de son accord avec les puissances
occidentales, retrouve sa place stratégique au
« Grand Moyen-Orient », quel rôle voulez-vous jouer
désormais?
S.E.M Ali Ahani: Le développement de ses relations avec
l’ensemble des pays et en particulier les pays musulmans, les
pays voisins et les pays de la région, représente la politique
stable que veut mener de la République islamique d’Iran. Nous
avons toujours œuvré pour la sécurité et la stabilité de la région
et nous nous prononçons contre les actions qui peuvent
provoquer l’instabilité régionale et insistons, dans ce cadre, sur
une solution politique pour les crises tout en réfutant les
interventions étrangères. La République islamique d’Iran
soutient le dialogue et les consultations politiques au niveau
régional, car ils représentent la seule solution pour favoriser la
stabilité au Moyen Orient.
Vous insistez sur le rôle stabilisateur qu’entend jouer
l’Iran, mais on constate une image assez péjorative
de l’Iran en France, comment comptez-vous améliorer
votre soft power dans l’Hexagone?
S.E.M AA: En dépit des tentatives, particulièrement depuis la
révolution de 1979, pour noircir l’image de la République
islamique d’Iran, nous constatons qu’une image relativement
meilleure de l’Iran est véhiculée en France. Dans ce cadre, les
médias français ont un rôle important et efficace pour présenter
la véritable image de l’Iran au peuple français. En effet, au
17
2
3
18
cours des deux dernières années, plus de 250 journalistes français ont
visité notre pays, les articles et reportages de ces journalistes ont permis à
l’opinion publique française de mieux connaitre les réalités iraniennes et
nous soutenons la poursuite de ce processus. Sans aucun doute,
l’amélioration des relations entre l’Iran et la France, surtout après le
déplacement officiel de Monsieur Laurent Fabius, ainsi que les échanges de
délégations politiques, parlementaires, économiques et culturelles, à l’ordre
du jour grâce à la volonté politique commune des deux gouvernements,
seront extrêmement efficaces dans l’amélioration à la fois de l’image de
l’Iran en France et inversement.
Justement, on vient de parler d’image, mais quel est l’état des
relations entre nos deux pays?
S.E.M AA: Les relations politiques et culturelles de l’Iran et de la France
sont très anciennes et historiques, globalement les deux peuples ont une
vision positive l’un envers l’autre. De plus, la France n’ayant jamais eu de
passé colonial en Iran, le peuple iranien n’a pas de vision négative à l’égard
de votre pays. Certes l’attitude politique de la France au cours des dernières
années, surtout influencée par la question nucléaire, a véhiculé provoqué
une image négative et des interrogations dans l’opinion publique iranienne.
Or, après l’accord nucléaire du 14 juillet 2015 à Vienne et le déplacement
officiel de Monsieur Laurent Fabius en Iran, ainsi que les échanges de
délégations de haut niveau prévus entre les deux pays au cours des
prochains mois, le terrain redeviendra favorable pour que ces relations
enracinées dans l’histoire, retrouvent leur voie normale et que les relations
amicales historiques entre les deux peuples se renforcent à nouveau.
Si l’on revient à la brûlante actualité,
vous êtes depuis longtemps proches
diplomatiquement de la Russie, en outre
les accords sur le nucléaire vous
rapproche des États-Unis, cela change-t-il
la donne avec la Russie?
« Compte tenu
de nos places
sur la scène
régionale et
internationale,
nous pouvons
jouer un rôle
déterminant
dans la
création d’un
monde
multipolaire »
18
S.E.M AA: La République islamique d’Iran et la
Russie disposent de multiples intérêts
communs. Compte tenu de nos places sur la
scène régionale et internationale, nous pouvons
jouer un rôle déterminant dans la création d’un
monde multipolaire. Les peuples du monde et
spécifiquement les peuples du tiers monde ont
grandement souffert dans le passé d’un monde
bipolaire et des tentatives des États-Unis, après
l’effondrement de l’Union Soviétique de créer un
monde unipolaire. Assurément, les nouvelles
données géopolitiques du monde vont dans le
sens d’un monde multipolaire.
4
19
19
Si les relations sont encore froides avec les États-Unis, par le « bas »
comment les Iraniens voient les Américains?
« Nous
croyons qu’il
est
S.E.M AA: L’opinion publique iranienne n’a jamais eu le moindre problème avec indispensable
le peuple américain. Ce sont les attitudes et les agissements des d’empêcher
gouvernements successifs américains à l’égard de l’Iran dans le passé comme
sérieusement
le coup d’Etat contre le gouvernement de Mossadegh, la destruction de l’avion
que les droits
civil iranien dans le Golfe persique, soutien au régime de Saddam Hussein lors
de la guerre de 8 ans qu’il a imposé à l’Iran…ont provoqué une grande absence des peuples,
de confiance du peuple iranien envers les États-Unis. Si les Etats Unis quelque soit
d’Amérique corrigent leur attitude, cela pourra améliorer l’image des États-Unis leur
dans l’opinion publique iranienne.
convictions
ou religions,
L’Iran entend incarner un « Vatican » chiite, comment soutenez-vous ne soient
les chiites dans leur diversité (duodécimains, ismaéliens, zaydites…) lésés et il
hors d’Iran?
faut soutenir
leurs droits
S.E.M AA: La stratégie de la République islamique d’Iran est basée sur le légitimes ».
respect et la défense des droits des peuples et ne fait nullement de distinction
entre chiites et sunnites et les autres minorités religieuses. Nous croyons qu’il
est indispensable d’empêcher sérieusement que les droits des peuples, quelque
soit leur convictions ou religions, ne soient lésés et il faut soutenir leurs droits
légitimes. Les chiites et les sunnites sont tous musulmans et croient en un Dieu
unique, le Saint Coran et le Prophète. Essayer de jeter l’huile sur les différences
religieuses entre chiites et sunnites représentent une véritable trahison envers
l’Islam.
Justement, il y a en ce moment au Yémen un conflit qui tourne au
conflit confessionnel, quel est votre analyse de ce conflit?
S.E.M AA: La guerre contre le peuple yéménite représente une faute
stratégique dans la mesure où la résolution du conflit au Yémen dépend
uniquement des solutions politiques, du dialogue inter-yéménite et du soutien de
19
5
20
« Dès le
commenceme
nt de la crise
en Syrie, l’Iran
croyait en la
nécessité de
solutions
politiques.
Celles-ci,
fondées sur la
participation
du peuple et
des groupes
politiques
syriens dans
la
détermination
de leur destin
commun ».
20
tous les acteurs régionaux au dialogue. Nous insistons sur la fin des
attaques militaires contre le Yémen et la résolution des différends par le
biais du dialogue. Dans cette voie, nous soutenons les efforts du
représentant du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
pour le Yémen. Aussi, toutes les parties influentes sur le plan intérieur,
régional et international se doivent de soutenir le représentant de l’ONU
pour le Yémen afin d’aboutir à un accord politique équitable. De plus, le
silence devant des crimes perpétrés contre l’humanité au Yémen ne
fera que provoquer l’accroissement du terrorisme dans la région. Les
parties qui cherchent à provoquer le chaos et la guerre civile au Yémen,
ne comprennent nullement ses conséquences néfastes pour la sécurité
régionale. En effet la poursuite de l’utilisation de la force contre le
Yémen, ne mettra non seulement pas fin à la crise dans ce pays, mais
risque de provoquer l’extension de la crise et, en particulier, la
croissance continue du terrorisme.
Si le conflit au Yémen, est assez occulté en France, le cas
syrien concentre toutes attentions, comment voyez-vous la
suite ?
S.E.M AA: Dès le commencement de la crise en Syrie, l’Iran croyait en
la nécessité de solutions politiques. Celles-ci, fondées sur la
participation du peuple et des groupes politiques syriens dans la
détermination de leur destin commun. Ainsi que sur la base du respect
de la souveraineté nationale et avec comme priorité de lutter contre le
terrorisme et les interventionnismes étrangers. Aujourd’hui les scénarios
sont nombreux, d’abord le pire avec le non-dialogue entre les acteurs
régionaux et internationaux. Cela renforcerait la situation d’usure
actuelle en Syrie, qui renforcera Daesh et fera basculer la Syrie dans
une situation semblable à celle de la Libye. Ou alors déraciner Daesh et
le terrorisme en Syrie, grâce à une volonté politique régionale et
internationale. Afin de préparer le terrain pour un dialogue inter-syrien,
pour trouver des solutions politiques et la mise en place d’une structure
étatique adéquate et acceptable pour le peuple syrien. Dans cette
dernière solution, Téhéran a procédé à des consultations avec le
gouvernement syrien, les différents groupes syriens, certains acteurs
régionaux et internationaux, pour présenter son plan politique pour
trouver une issue à la crise. Ce plan a pour particularité d’insister sur le
rôle du peuple, d’éviter le vide du pouvoir en Syrie, lutter contre le
terrorisme, aider les réfugiés et faciliter les envois d’aides
humanitaires. Nous considérons que ce plan représente une aide au
plan de l’ONU et nous effectuons des consultations permanentes avec
le Secrétaire général de l’ONU, son représentant spécial pour la Syrie et
tentons de favoriser encore plus que dans le passé à la concrétisation
de ce plan en se servant des instruments politiques. Pour nous
l’élément le plus important dans notre plan réside dans le fait qu’à la
sortie, la décision appartiendra au peuple syrien, sur la base des
accords qui seront signés. Téhéran soutient fermement le peuple et le
6
21
gouvernement syrien afin que le peuple soit en mesure de décider de leur
destin dans le cadre d’un processus démocratique. Ainsi les groupes
d’opposition qui croient aux solutions démocratiques, auront l’opportunité
de participer à l’avenir politique de la Syrie et, en même temps, les
terroristes seront privés de la possibilité de croître. La lutte sérieuse
débutera avec le fléau de terrorisme.
21
Pour finir plus légèrement, pouvez-vous nous définir ce qu’est
être Perse?
S.E.M AA : Les perses habitaient dans les temps anciens sur le territoire
aujourd’hui iranien. Actuellement la culture et la civilisation plusieurs fois
millénaires perses se sont conjuguées à la culture et à la civilisation
islamique. La langue persane représente non seulement la langue officielle
de tous les iraniens mais elle est également parlée dans certains autres
pays de la région.
21
1
22
Virus MERS-Cov :
Le cas d’une crise sanitaire
au Moyen-Orient
RISQUES
SANITAIRES
è
ARABIE
SAOUDITE
PAR HADRIEN
DIAKONOFF
90ème Session Jeunes
Ile-de-France, 2015
F
in janvier 2016, plus de 1625 cas ont été détectés dans 26 pays à
travers le monde, provoquant 586 morts2. A l’instar du virus Ebola ou du
SRAS3, cette pathologie remet en question la capacité des Etats à
contrôler une épidémie à l’échelle régionale et internationale.
Comment est apparu ce virus ? Quelle est la politique sanitaire de
l’Arabie Saoudite au regard de ce virus ? Quels sont les enjeux
économiques et politiques sous-jacents ?
Le virus MERS- COV : données actuelles4 5
Le Syndrome
respiratoire du
Moyen-Orient
(MERS) est une
maladie
respiratoire
d’origine virale1
identifiée pour la
première fois en
2012 en Arabie
Saoudite.
22
Le coronavirus du syndrome respiratoire du Moyen-Orient est un virus
zoonotique6 transmis de l’animal à l’homme. Pour autant, la source et le
mode de transmission ne sont pas totalement identifiés : de nombreux
articles scientifiques suggèrent que le virus est issu de la chauve-souris,
même si il n’a jamais été isolé chez cet animal.
Le dromadaire est désigné comme le vecteur principal de transmission
de la maladie à l’homme : elle aurait lieu lors d’une exposition aux
sécrétions de l’animal, lors d’une consommation de lait cru ou de viande
de dromadaire mal cuite. Les travailleurs de la filière du dromadaire
(tourisme, abattoirs, restauration) sont donc les plus exposés au virus.
La période d’incubation entre l’exposition au virus et le développement
de symptômes cliniques est estimée à 5 à 14 jours.
Le taux de létalité moyen est de 36% avec un risque de décès plus élevé
chez des patients présentant des pathologies lourdes que chez les
patients considérés en « bonne santé ». Aucun traitement vaccinal
n’existe à ce jour.
2
23
23
[Figure 1] : Nombre de cas déclarés au 20 janvier 2015 par pays (source : OMS)
Enjeux sanitaires : le Moyen-Orient,
intarissable de nouveaux cas.
source
En comparaison avec le virus du SRAS, le virus MERS-CoV est moins
létal mais plus contagieux. Pour autant, le taux de reproduction du
virus, qui mesure le nombre de cas secondaires d’infection à partir de
chaque personne infectée, est estimé à moins de 0,7, ce qui signifie
qu’une épidémie de grande échelle est peu probable.
A l’échelle mondiale, l’Arabie Saoudite est le pays comptant le plus
grand nombre de cas identifiés comme porteur du virus MERS-CoV
(plus de 1285 cas), suivie de la Corée du Sud (à cause de L’épidémie
de 2015) et d’autres pays du Moyen-Orient (Sultanat d’Oman, Emirats
Arabes Unis, Jordanie) et du Maghreb (Algérie, Tunisie).
Les épidémies de 2013 à Al-Hasa en Arabie Saoudite et celle de 2015
en Corée du Sud sont caractérisées par un fort taux de transmission
interhumaine au sein des établissements de santé : les patients
contaminés par le virus l’ont été parce qu’ils ont été soignés dans les
mêmes structures que le premier cas infecté alors que le diagnostic
n’avait pas encore été posé7. Dans le cas de la Corée du Sud, neuf
personnes de l’équipe de soins ont contracté le virus MERS-COV à
partir du patient index8 en l’espace de 27 minutes.
Afin d’éviter toute épidémie, il convient de mettre en place au sein des
structures de soin un certain nombre de mesures de précaution :
stratégies d’isolement et de quarantaine, port de protections médicales,
régulation stricte des contacts entre les patients et entre les patients et
des personnes étrangères aux unités de soins, et gestion de l’air
ambiant. Il convient également d’éviter les transferts entre hôpitaux des
A l’échelle
mondiale,
l’Arabie Saoudite
est le pays
comptant le plus
grand nombre de
cas identifiés
comme porteur
du virus MERSCoV (plus de
1285 cas)
23
3
24
patients potentiellement atteints par le virus.
Enjeux économiques et politiques : les leçons de
l’épidémie de 2015 en Corée du Sud
Les crises sanitaires récentes liées aux virus SRAS, Ebola et, à présent,
MERS-COV mettent en lumière l’impact du transport aérien comme
vecteur de dissémination mondiale rapide de maladies transmissibles.
Le cas récent de la Corée du Sud - 4ème économie asiatique - permet
d’observer les conséquences économiques qu’une épidémie de virus
MERS-COV peut engendrer : impact sur le tourisme (plus de 20 000
étrangers ont annulés leur voyage en Corée du Sud après le début de
l’épidémie bien que la situation semble revenir à la normale fin
septembre 20159) et impact sur la consommation des ménages (baisse
de fréquentation des centres commerciaux, baisse des achats). Les
secteurs les plus touchés sont les secteurs de la vente au détail et les
services.
Afin de faire face aux retombées économiques de l’épidémie, le
Parlement a débloqué 17,8 milliards d’euros et la Banque centrale
coréenne a maintenu un taux d’intérêt bas (1,5 %) 10. Sur le plan
politique, le gouvernement a été pointé du doigt tant par l’OMS que par
l’opposition pour la mauvaise gestion de l’épidémie. Des plaintes pour
Les risques de
contamination
estimés en
début d’année
sont :
1cas par Hajj
(grand
pèlerinage) et
3 cas par
Oumrah (petit
pèlerinage)
24
En ce qui concerne le Moyen-Orient et notamment les
pèlerinages à la Mecque, les risques de contamination estimés
en début d’année sont d’un cas par Hajj (soit le grand
pèlerinage, dont la durée moyenne de séjour par pèlerin est de
21 jours) et de trois cas pour l’Oumrah (soit le petit pèlerinage,
dont la durée moyenne de séjour par pèlerin est de sept jours),
avec une probabilité de contamination faible pour un pèlerin
européen12. Cependant, la plupart des cas de contamination
en lien avec un pèlerinage sont identifiés au retour des pèlerins
dans leur pays d’origine et non sur le territoire saoudien.
Par mesure de précaution, le gouvernement saoudien a
dépêché, en 2015, 25 000 professionnels de santé
supplémentaires à la Mecque pendant la durée du Hajj, il a
également interdit la présence de dromadaires sur place13 et il
a incité la population à ne pas consommer de viande de
dromadaire. Le ministère de la santé d’Arabie Saoudite
déconseille aux personnes âgées, à celles souffrant de
maladies chroniques, aux femmes enceintes et aux enfants,
d’effectuer le petit pèlerinage (Oumrah) et le grand pèlerinage
(Hajj) à la Mecque cette année.
4
25
25
préjudice moral et physique ont également été déposées à l’encontre
des hôpitaux et du gouvernement par des personnes mises en
quarantaine ou infectées lors de leur séjour à l’hôpital11.
Conclusion
Les craintes exprimées par les organisations sanitaires nationales et
internationales au sujet du Syndrome respiratoire du Moyen-Orient se
justifient par le manque de connaissances médicales et par la
persistance de cas mortels dans une région du monde où se
produisent régulièrement des rassemblements de masse.
L’exemple de la Corée du Sud montre qu’un cas isolé peut conduire à
une épidémie à grande échelle aux conséquences économiques et
politiques notables.
Références
1 - Maladie d’origine virale : maladie provoquée par un virus.
2 - Organisation Mondiale de la Santé (en ligne)
3 - SRAS : Syndrome respiratoire aigu sévère lié au coronavirus est une
maladie infectieuse des poumons, apparu pour la première fois en Chine en
novembre 2002.
4 - Wortmann GW. “Middle East respiratory syndrome: SARS redux?” Cleve
Clin J Med. 2015 Sep;82(9):584-8.
5 - Gostin LO, Lucey D. “Middle East Respiratory Syndrome: A Global
Health Challenge ». JAMA. 2015 Aug 25;314(8):771-2.
6 - Une zoonose est une maladie virale, microbienne ou parasitaire
affectant les animaux.
7 - Chowell G, Abdirizak F, Lee S, Lee J, Jung E, Nishiura H, Viboud C.
“Transmission characteristics of MERS and SARS in the healthcare setting:
a comparative study”. BMC Med. 2015 Sep 3;13(1):210.
8 - Le patient index (ou patient zéro) désigne la première personne à avoir
été contaminée par une épidémie.
9 - Foreign tourist numbers rebound in Sept. Yonhap News Agency. 26 sept
2015
10 - MERS Coronavirus : la Corée du Sud annonce la fin de l’épidémie. Le
Monde. 28 août 2015
11 - MERS victims file lawsuits against gov’t, hospitals. Yonhap News
Agency. 10 sept 2015
12 - Soliman T, Cook AR, Coker RJ. “Pilgrims and MERS-CoV: what’s the
risk?” Emerg Themes Epidemiol. 2015 Feb 18;12:3
13 - Saudi Arabia bans hajj camel slaughter, Al Arabiya, 12 sept 2015.
25
1
26
L’Arabie Saoudite, un
partenaire judicieux de
la politique française ?
ARABIE
SAOUDITE
è
FRANCE
PAR VINCENT
BLANC
MEMBRE ASSOCIÉ DE
L’ANAJ-IHEDN
Face à la
décomposition de
la carte des Etatsnations au MoyenOrient et les
poussées
djihadistes qui
embrasent la
région, il est plus
que jamais
nécessaire
d’évaluer la
pertinence des
positionnements
diplomatiques et
stratégiques du
gouvernement
français.
26
«
L
a France a-t-elle encore une politique au Moyen-
Orient 1 ? » Cette question ouverte fut l’intitulé d’un colloque
organisé au Sénat, le 2 octobre 2015, par le magazine Orient XXI
et l’IReMMO2. Cette rencontre avait pour objet la cohérence de
l’action française au Moyen-Orient, composante centrale de notre
politique internationale, plus de cinquante ans après la naissance
du concept gaullien de « politique arabe de la France ». Face à
la décomposition de la carte des Etats-nations au Moyen-Orient
– Afghanistan, Irak, Syrie, Libye, Yémen –, et les poussées
djihadistes qui embrasent la région, il est plus que jamais
nécessaire d’évaluer la pertinence des positionnements
diplomatiques et stratégiques du gouvernement français.
Ayant coûté la vie à près de 130 civils sur le sol français,
les attentats de Paris du 13 novembre 2015 nous rappellent
douloureusement combien la question du Moyen-Orient demeure
brûlante et essentielle pour la France. En dépit des signes
extérieurs de religiosité ou de mysticisme qui semblent avoir
motivé le passage à l’acte des terroristes, les victimes du 13
novembre ont été frappées pour des raisons politiques, à savoir
la stratégie de notre gouvernement au Moyen-Orient ainsi que
son engagement militaire contre l’organisation de l’Etat islamique
(OEI). Cette violence aveugle n’est pas le fruit du seul fanatisme
religieux, elle est également la conséquence de notre politique
internationale.
Parmi les multiples causes susceptibles d’expliquer le
développement du terrorisme d’inspiration sunnite, la diplomatie
wahhâbite menée par l’Arabie saoudite apparaît comme l’une
des plus notables. En effet, depuis des décennies, de
nombreuses voix d’intellectuels et d’anciens membres des
services spéciaux dénoncent l’activisme saoudien en faveur du
wahhâbisme, faisant de ce royaume l’épicentre du djihadisme
2
3
que de sources de
mondial , tant en termes de production idéologique
27
financement. Partant de ce constat, le bien-fondé d’une alliance entre la France et
le royaume saoudien suscite des interrogations et, bien souvent, des contestations
de la part de certains Français.
Cet article propose de traiter des enjeux du récent rapprochement opéré
par la France avec l’Arabie saoudite. Ce partenariat « spécial » est-il judicieux
pour garantir à la France un rôle de grande puissance dans la région du MoyenOrient ? La politique extérieure d’un Etat constituant un des moyens, pour celui-ci,
de poursuivre ses intérêts stratégiques, un tel partenariat est-il réellement au
service des intérêts fondamentaux de notre pays ? Poser cette question suppose
de définir clairement ce qu’on entend par « intérêts fondamentaux », à savoir les
enjeux liés à l’économie, la sécurité, l’attraction (ou soft-power) sans oublier la
question des droits de l’homme.
Un partenaire économique nouveau et prometteur
L’Arabie saoudite joue un rôle charnière au Moyen-Orient grâce à plusieurs
facteurs favorables. Premièrement, loti entre la mer Rouge et le golfe Arabique
(appelé golfe Persique en Iran), le royaume jouit d’une position stratégique,
notamment du fait de sa proximité avec le détroit d’Ormuz. Deuxièmement, le
royaume dispose d’une aura exceptionnelle en ce qu’il abrite les lieux les plus
saints de l’islam, La Mecque et Médine. Troisièmement, l’Etat saoudien profite –
malgré de vives luttes internes – d’une stabilité politique rarement observée dans
la région et obtenue, notamment, grâce aux amortisseurs économiques issus des
revenus du pétrole et du pèlerinage. Les richesses pétrolières du royaume en font
un acteur central de l’OPEP4, capable d’influer sur le cours mondial du pétrole5.
Son ouverture aux capitaux étrangers, et notamment occidentaux, le rend très
attractif. L’économie saoudienne a enregistré un taux de croissance de 6,8 % en
20146, ce qui en fait l’une des plus performantes au sein du G207.
27
Le royaume
constitue, en
effet, un
important
pourvoyeur de
contrats et peut
par ailleurs
constituer une
aide décisive
dans les
négociations
commerciales
avec des
partenaires
tiers. La vente
des Rafale et des
Mistral au
gouvernement
égyptien aurait
ainsi été
permises par les
efforts
diplomatiques de
Riyad.13
Depuis la signature du pacte de Quincy, le 14 février 19458, entre
Abdelaziz Ibn Saoud et Franklin D. Roosevelt, les Etats-Unis ont continuellement
été l’allié privilégié de la dynastie saoudienne et de son rayonnement dans
l’ensemble du monde arabo-musulman. Nonobstant cet état de fait, la France
entend bien, aujourd’hui, faire du royaume saoudien un partenaire économique de
premier plan. Pour réaliser cet objectif, elle peut compter sur le récent
« rafraîchissement » des relations entre les Etats-Unis et la famille royale suite à
l’accord entre Washington et Téhéran sur le dossier nucléaire iranien. Troisième
investisseur en Arabie saoudite, la France a noué un « partenariat spécial » avec
Riyad lors du sommet du Conseil de coopération du Golfe, le 5 mai 20159. Ce
partenariat consacre une série d’accords dans les secteurs « de l'énergie, la
santé, l'agro-alimentaire, le maritime, l'armement, les satellites et les
infrastructures 10 ». Les 12 et 13 octobre 2015, le second forum d’affaires francosaoudien a regroupé près de 130 entreprises françaises dans la capitale
saoudienne. Ces initiatives traduisent un rapprochement bilatéral inédit entre les
deux pays, permettant un niveau de proximité jamais atteint11.
En filigrane, ce rapprochement a pour objectif de « bénéficier aux entreprises
françaises12 » dans un contexte de crise économique particulièrement aigue. Le
royaume et ses richesses suscitent l’appétit d’un gouvernement français qui
entend, par la signature de précieux contrats, contraster son bilan économique
assez mitigé. Le royaume constitue, en effet, un important pourvoyeur de contrats
et peut par ailleurs constituer une aide décisive dans les négociations
commerciales avec des partenaires tiers. La vente des Rafale et des Mistral au
gouvernement égyptien aurait ainsi été permises par les efforts diplomatiques de
Riyad.13 Trente patrouilleurs rapides devraient être commandés à la France d'ici
27
4
3
28
à la fin de l'année 201514. Toutefois, certains observateurs estiment que trop peu de
contrats ont été signés à ce jour. 15
L’Arabie saoudit e, un partenaire dans la lutte
anti-terrorist e ? En 2014, l’Arabie saoudite a classé l’organisation Etat islamique, Jabhat alNosra (affilié à Al-Qaïda) ainsi que les Frères musulmans dans la liste des
organisations terroristes16. Par ailleurs, elle a rejoint la coalition menée par les EtatsUnis contre l’OEI et constitue, à ce titre, un allié de la France dans la lutte contre le
terrorisme. C’est dans ce contexte que Mohamed Ibn Nayef, nouveau prince héritier et
ministre de l’Intérieur saoudien, a annoncé le partage des données concernant les
ressortissants saoudiens identifiés comme participant au financement du terrorisme.
En dépit de cet activisme manifeste, le royaume est souvent considéré comme le
soutien principal des mouvements djihadistes qui se développent aux quatre coins du
monde.17
Les liens entre l’islamisme radical et la péninsule arabique sont, en effet,
historiquement forts. La péninsule est le berceau du wahhâbisme, un des avatars du
salafisme18, doctrine sunnite puritaine que le royaume finance et exporte
mondialement en vertu du principe de la daawa wal irchad ou « prosélytisme et
propagation de la foi19 ». Erigeant l’apostasie en crime capital, la doctrine wahhâbite
cherche à imposer au sein de la Oummah (Communauté des croyants musulmans)20
une version rigoriste de la religion en vue de produire un islam prétendument « pur »,
expurgé de tout particularisme local ou de courants interprétatifs jugés déviants tel
que le soufisme. Cette doctrine littéraliste de l’islam, pouvant être imposée par tous
les moyens, y compris par la force, est consubstantielle à l’identité du royaume,
depuis sa fondation en 1926 par Abdelaziz Ibn Saoud. Au XVIIIe siècle, Mohammed
Ibn Saoud avait fondé la légitimité de ses conquêtes guerrières sur la péninsule grâce
à son alliance avec le théologien Mohammed Ibn Abdel-Wahhab. Par conséquent, le
territoire saoudien est progressivement devenu le berceau de courants salafistes dont
le substrat idéologique irrigue, aujourd’hui, les différentes guérillas djihadistes autour
des préceptes de théologiens tels que Mohammed Ibn Abdel-Wahhab,
En dépit d’un
activisme
manifeste, le
royaume est
souvent considéré
comme le soutien
principal des
mouvements
djihadistes qui se
développent aux
quatre coins du
monde.17
28
Ahmad Ibn Taymiyya ou Ahmad Ibn Hanbal21. Ces
auteurs sont à l’origine de doctrines fondamentalistes
auxquelles une part importante des fidèles et des
dirigeants saoudiens semblent manifestement adhérer22.
Le salafisme saoudien s’exporte par de nombreux
canaux, notamment les suivants :
§ les financements de riches mécènes saoudiens ou
« généreux donateurs privés23 », « source la plus
significative du financement du terrorisme sunnite à
travers le monde24 » à destination d’organisations
comme l’OEI et Al-Nosra, les talibans en Afghanistan
ou encore Lashkar-e-Taiba au Pakistan (les autorités
saoudiennes se prévaudraient, par ailleurs, d’avoir
quelque contrôle sur ce dernier)25;
§ l’Assemblée mondiale de la jeunesse musulmane
(WAMY), considérée comme un organe de
propagande saoudien ayant pour objectif affiché
d’enseigner à la jeunesse les préceptes de l’islam
« authentique », c'est-à-dire wahhâbite26;
§ les ONG et organisations caritatives saoudiennes,
soupçonnées « sous couvert d’aide humanitaire », de
constituer des plateformes de financements
destinées aux luttes armées djihadistes et
terroristes27;
5
29
§
29
28
la Ligue islamique mondiale, créée lors de la guerre froide arabe et dont
les principaux dirigeants, de nationalité saoudienne29, défendent et
exportent intérêts et salafisme saoudiens jusqu’en Europe30.
La compromission du royaume saoudien avec le terrorisme djihadiste a été
publiquement révélée par le vice-président des Etats-Unis, Joe Biden, lors
d’une allocution en 2014 : « L’EIIL31 a fait l’objet de financements de mécènes
wahhâbites car elle représentait un ennemi contre le régime alaouite – une
secte dérivée du chiisme – du président Bachar al-Assad en Syrie et du
gouvernement chiite pro-iranien de l’ancien Premier ministre Nouri al-Maliki en
Irak. […] Ils ont mené une guerre par procuration entre les Sunnites et les
Chiites et ils ont fourni des centaines de millions de dollars et des dizaines de
milliers de tonnes d'armes à [..] des militants du Front al-Nosra et d’Al-Qaïda
sans compter d'autres éléments extrémistes venant d'autres régions du
monde32 ».
Les ambivalences de la position saoudienne, et la complaisance des
gouvernements occidentaux à son égard, compromettent l’efficacité de la lutte
contre-terroriste mondiale et de la coalition contre l’OEI. Alain Chouet,
chercheur et ex-chef du Service de renseignement et de sécurité de la DGSE,
met en garde : « nous sommes à contre-emploi de manière systématique et
dans toutes les situations d’affrontement militaire puisqu’au Moyen-Orient, au
Sahel, en Somalie, au Nigeria, etc., nous sommes alliés avec ceux qui
sponsorisent depuis trente ans le phénomène terroriste. On s’épuise à
s’attaquer aux exécutants, c’est-à-dire aux effets du salafisme, mais pas à ses
causes33 ». En d’autres termes, combattre efficacement le terrorisme djihadiste
implique de lutter contre les moteurs idéologiques et financiers émanant
directement de l’Arabie saoudite34.
Riyad joue un
rôle
prépondérant
dans le
phénomène de
confessionnali
sation qui
semble se
dessiner au
Moyen-Orient,
et qui se
matérialise
dans la
fracture à
l’œuvre entre
musulmans
sunnites et
chiites
L’Arabie saoudite, catalyseur de la décomposition du
Moyen-Orient ?
Au sein des discussions internationales concernant la Syrie et l’Iran, les
chancelleries française et saoudienne ont adopté des positions communes.
Jusqu'à l’issue des négociations visant un accord sur le nucléaire iranien, la
France a adopté une position particulièrement sévère à l’égard de Téhéran. Au
vu des oppositions que la France émettait sur ce dossier, certains observateurs
ont été jusqu’à reprocher au gouvernement français de ne pas vouloir voir
aboutir les négociations35. La position du Quai d’Orsay était alignée sur celles
d’Israël et de l’Arabie saoudite, deux pays qui ont cherché à contrecarrer la
signature d’un accord définitif jusqu’à sa conclusion, le 2 avril 201536.
Concernant le dossier syrien, certains observateurs accusent la France de
souhaiter la destitution de Bachar el-Assad en vue de complaire au régime
37
saoudien .
L’opposition du royaume wahhâbite à tout renforcement du chiisme dans la
région ne doit rien au hasard. Riyad joue un rôle prépondérant dans le
phénomène de confessionnalisation qui semble se dessiner au Moyen-Orient,
et qui se matérialise dans la fracture à l’œuvre entre musulmans sunnites et
chiites. Le royaume mène une série de guerres par procuration à l’encontre de
communautés chiites qu’il considère comme mécréantes, car observant un
islam jugé dévoyé et impur. En cela, elles représenteraient une menace sur le
plan géopolitique38. Structurée autour d’un axe confessionnel, cette partition du
29
6
30
Le chercheur
Stéphane
Lacroix
prévient : « Une
large partie du
ressentiment
des populations
arabes à notre
égard tient à ce
discours. Il
nous discrédite
et rend
inaudible le
discours antiAssad tenu au
nom de la
démocratie49 ».
Moyen-Orient serait catalysée et instrumentalisée par le royaume saoudien,
dont l’objectif prioritaire est d’endiguer toute avancée de pouvoirs chiites dans
la région, par la diffusion de son wahhâbisme39. Ce prosélytisme
fondamentaliste, important vecteur de mobilisations communautaires,
constitue ainsi un outil au service des desseins géopolitiques du royaume. Les
dirigeants saoudiens ont ainsi activement soutenu des groupes djihadistes
contre les pouvoirs irakien et syrien, respectivement chiite et alaouite.
Parallèlement à leur implication sur ces théâtres de guerre civile, les Saouds
mènent une répression politique et militaire à l’encontre des communautés
chiites de Bahreïn et du Koweït40. Au Yémen, la violence des forces de
sécurité saoudiennes contre les populations chiites atteint son paroxysme,
avec le soutien passif de la France, pourvoyeur d’armements de l’Arabie
saoudite41. L’offensive contre les rebelles chiites houthis (5 700 morts, dont la
moitié constituée de populations civiles42) a, par ailleurs, semé un chaos
propice au développement de groupes armés djihadistes, notamment AlQaida et l’OEI43. Pour finir, le projet saoudien d'ériger un bloc sunnite contre le
chiisme se matérialise déjà dans la coalition militaire au Yémen, qui réunit,
sous l'égide du royaume saoudien, le Maroc, le Soudan, l'Égypte, la Jordanie
et les quatre autres régimes sunnites du Conseil de coopération du Golfe44.
Du fait de son alignement, la France semble se prononcer tacitement
en faveur d’un front sunnite, dans l’hypothèse d’une partition confessionnelle
voulue et orchestrée par l’Arabie saoudite. Notre gouvernement participe
passivement à un jeu destructeur visant à attiser différents foyers de conflits
dans la région et qui, chaque jour, amenuise les chances de voir la paix
rétablie au Moyen-Orient. Le soutien de Paris à Riyad conforte le régime
wahhâbite dans ses différentes dynamiques destructrices.
La question des droits de l’homme en Arabie saoudite
Bien qu’appartenant à la liste des pays où les droits humains subissent
des violations régulières, l’Arabie saoudite s’est récemment vu attribuer la
présidence du groupe consultatif du Conseil des droits de l’homme des
Nations Unies45. A titre d’illustration, la justice saoudienne a prononcé 138
exécutions, dont 87 décapitations, pour la seule année 2014. Le 17 novembre
2015, un tribunal saoudien a condamné à mort un poète palestinien pour
crime d’apostasie46. Le régime ne tolère aucune forme de contestation
politique : en septembre 2015, ces mêmes instances ont prononcé la
décapitation, puis la crucifixion publique d’un manifestant chiite, âgé de 17 ans
au moment des faits. L’ONG Reprieve soutient que les aveux de l’accusé ont
été signés sous la torture47. De son coté, Manuel Valls assure défendre
« avec constance et cohérence » les droits de l’homme, notamment « en
faisant passer des messages48 ».
Contraint à un accommodant double discours, le gouvernement français
cherche à conserver une ligne « morale » tout en éludant les atteintes du
régime saoudien aux libertés individuelles. Le chercheur Stéphane Lacroix
prévient : « Une large partie du ressentiment des populations arabes à notre
égard tient à ce discours. Il nous discrédite et rend inaudible le discours antiAssad tenu au nom de la démocratie49 ». La France ne peut défendre avec
crédibilité les droits de l’homme si elle persiste ainsi à se montrer
30
7
31
complaisante à l’égard du régime saoudien. L’argument des droits humains aurait
sans doute été brandi avec plus de force, dans les négociations avec l’Iran ou à
l’égard du régime syrien, si la France n’occultait pas les manquements de son
propre partenaire envers les droits fondamentaux.
Conclusion : une position française ambivalente
Adopter une politique cohérente implique de définir des intérêts
fondamentaux. Avant même la survenue des attentats du 13 novembre 2015, la
sécurité de la population française constituait, bien évidemment, un des intérêts
fondamentaux de la Nation. La sécurité résultera de la neutralisation de la menace
terroriste, dont les causes sont multiples et profondes, et ne peuvent se résumer à
leurs seules dimensions fanatique et religieuse. Or, la nécessité de ne pas
contrarier notre partenaire « spécial » (au risque de se voir déposséder de précieux
contrats commerciaux) nous empêche d’exercer des pressions efficaces ayant pour
résultat de combattre les moteurs profonds, idéologiques et financiers, du terrorisme
sunnite.
puissance diplomatique, notre intérêt
fondamental consiste en la préservation de notre soft power), permettant de
convaincre sans contraindre, et contribuant à la diplomatie française d’être
opérante. Comme l’estime Hubert Védrine : « Il est nécessaire de maintenir des
liens bilatéraux avec chaque pays arabe mais il est impossible d’en faire une
synthèse. Malgré tout, l’affirmer écarte de facto toute posture radicalement
isolationniste50 ». Or la position saoudienne n’incite guère à la recherche de
compromis. Elle impose de procéder à un choix entre deux blocs, sunnite ou chiite.
Une position qui, si elle est suivie, risque d’isoler la France en l’obligeant à sacrifier
ses relations bilatérales avec des acteurs régionaux incontournables tels que l’Iran.
La position française vis-à-vis des droits de l’homme mérite également d’être
clarifiée. La France ne peut continuer à conforter le royaume dans sa dynamique
actuelle, consistant à bafouer les principes qu’elle prétend défendre
universellement. Le faire conduira à mettre en doute les valeurs que prétend
soutenir notre diplomatie, et qui constituent le fondement de notre rayonnement
international.
Concernant
notre
rôle
de
31
Concernant
notre rôle de
puissance
diplomatique,
notre intérêt
fondamental
consiste en la
préservation
de notre soft
power),
permettant de
convaincre
sans
contraindre,
et contribuant
à la diplomatie
française
d’être
opérante.
Au vu de ces différents éléments, la mise en place d’une politique
internationale cohérente apparaît comme incompatible avec les termes actuels de
ce partenariat franco-saoudien. Les fondements de cette relation doivent être
redéfinis car, en l’état, ils desservent les intérêts français plus qu’ils ne les
garantissent.. « Si ces opportunités (économiques) devaient prendre l’allure d’une
sorte d’alliance avec le « front sunnite » qu’appelle de ses vœux l’Arabie saoudite,
cela ne correspondrait à aucun des intérêts fondamentaux de la France », estime
Hubert Védrine51. Marc Trévidic, ex-juge au parquet anti-terroriste de Paris,
établissant un lien entre la position française et les attentats du 13 novembre,
estime pour sa part que « la France n’est pas crédible dans ses relations avec
l’Arabie saoudite52 ».
Une politique internationale ne peut se réduire à sa seule dimension
économique. Ces contrats de plusieurs milliards d’euros contribuent effectivement à
assurer, pendant une certaine période, un emploi à quelques milliers d’ouvriers et
d’ingénieurs français. Ils permettent également à notre base industrielle et
technologique de défense (BITD) de perdurer. Pourtant, la poursuite de l’intérêt
économique, grâce à ces quelques contrats, aussi opportuns et avantageux soientils à court-terme, ne doit pas supplanter l’ensemble de la politique française, au
risque que celle-ci se retrouve paralysée, précisément dans l’opportunisme et
l’absence de vision globale. La politique du gouvernement français, ainsi réduite à
un calcul commercial, porte les symptômes d’un syndrome généralisé et profond : la
suprématie de l’économique sur le politique.
31
1
32
Références
1- Françoise Feugas, « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? »,
OrientXXI.info, 12 octobre 2015, http://orientxxi.info/magazine/la-france-a-t-elle-encoreune-politique-au-moyen-orient,1049.
2- Institut de Recherche et d'Études Méditerranée Moyen Orient.
3- David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a
déstabilisé le monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3
novembre 2014, http://www.atlantico.fr/decryptage/wahhabite-connection-commentarabie-saoudite-destabilise-monde-en-exportant-islam-radical-depuis-40-ans-davidrigoulet-roze-1838403.html ; voir également L'Humanité, (2015). Alain Chouet : « Nous
sommes alliés avec ceux qui sponsorisent depuis trente ans le phénomène djihadiste ».
[online] Available at: http://www.humanite.fr/alain-chouet-nous-sommes-allies-avec-ceuxqui-sponsorisent-depuis-trente-ans-le-phenomene-djihadiste.
4- Organisation des pays exportateurs de pétrole.
5- Tresor.economie.gouv.fr, (2015). Arabie saoudite. [online] Available at:
https://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/arabie-saoudite. [Accessed 12 Oct. 2015].
6- diplomatie.gouv.fr, (2015). Présentation de l’Arabie saoudite. [online] Available at:
http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/arabie-saoudite/presentation-de-l-arabiesaoudite/ [Accessed 15 Oct. 2015].
7- Tresor.economie.gouv.fr, (2015). Arabie saoudite. [online] Available at:
https://www.tresor.economie.gouv.fr/pays/arabie-saoudite. [Accessed 12 Oct. 2015].
8- Anthony Samrani, « Le jour où Roosevelt et Ibn Saoud ont scellé le pacte du Quincy...
», L’Orient-Le Jour, 7 août 2015, http://www.lorientlejour.com/article/938052/le-jour-ouroosevelt-et-ibn-saoud-ont-scelle-le-pacte-du-quincy.html.
9- La Tribune, (2016). La France conclut 10 milliards d'euros d'accords avec l'Arabie
saoudite. [online] Available at: http://www.latribune.fr/economie/france/la-franceconclut10-milliards-d-euros-d-accords-avec-l-arabie-saoudite-513153.html.
10- Ibid.
11- Tresor.economie.gouv.fr, (2015). 2ème Forum d'Affaires Franco-Saoudien 1212/10/2015 Riyad. [online] Available at:
https://www.tresor.economie.gouv.fr/12469_2eme-forum-daffaires-franco-saoudien-1213102015-riyad [Accessed 29 Jan. 2016].
12- Ibid.
13- Françoise Feugas, « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? »,
OrientXXI.info, 12 octobre 2015, http://orientxxi.info/magazine/la-france-a-t-elle-encoreune-politique-au-moyen-orient,1049, et Cher-Leparrain, M. (2015). Des « Mistral russes »
aux « Mistral sunnites » - Les ambitions égyptiennes de l'Arabie saoudite. [online] Orient
XXI.info. Available at: http://orientxxi.info/magazine/des-mistral-russes-aux-mistralsunnites,1048 [Accessed 29 Jan. 2016].
14- Bauer, A. (2015). Les promesses de l’Arabie saoudite à Manuel Valls. [online]
lesechos.fr. Available at: http://www.lesechos.fr/industrie-services/airdefense/021402373433-les-promesses-de-larabie-saoudite-a-manuel-valls-1165142.php.
15 - Ibid. et La Tribune, (2016). La France conclut 10 milliards d'euros d'accords avec
l'Arabie saoudite. [online] Available at: http://www.latribune.fr/economie/france/la-franceconclut-10-milliards-d-euros-d-accords-avec-l-arabie-saoudite-513153.html.
16- Gouëset, C. (2015). La France doit-elle garder l'Arabie saoudite pour alliée?. [online]
Lexpress.fr. Available at: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/lafrance-doit-elle-garder-l-arabie-saoudite-pour-alliee_1738941.html.
17 - David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a
déstabilisé le monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3
novembre 2014, http://www.atlantico.fr/decryptage/wahhabite-connection-commentarabie-saoudite-destabilise-monde-en-exportant-islam-radical-depuis-40-ans-davidrigoulet-roze-1838403.html, Serge Halimi, « Dégringolade de la France », Le Monde
diplomatique, novembre 2015, http://www.monde-diplomatique.fr/2015/11/HALIMI/54131
et Hiault, R. (2015). Marc Trevidic : « D’autres attentats sont à prévoir ». [online]
lesechos.fr. Available at: http://www.lesechos.fr/politiquesociete/politique/021479598108-marc-trevidic-dautres-attentats-sont-a-prevoir1175316.php?sqzvyV4DqLlOfqCF.99.
32
2
33
33
18 - Voir la conférence de Stéphane Lacroix, « Frères musulmans et salafistes », IReMMO,
2013, https://www.youtube.com/watch?v=25HB1WN1v6M.
19 - Ibid., David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a
déstabilisé le monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3 novembre
2014, et Amghar Samir, « La Ligue islamique mondiale en Europe : un instrument de défense
des intérêts stratégiques saoudiens. », Critique internationale 2/2011 (n° 51) , p. 113-127.
20 - Ibid.
21 - Ces théologiens font aujourd’hui office d’idéologues auprès des différents groupes
djihadistes. Une distinction doit cependant être faite entre différentes formes de salafismes. En
effet, à l’inverse de l’islam observé par Al-Quaida ou l’OEI, souvent appelé « salafisme
djihadiste », le salafisme se projette, par nature, hors du politique. Il existe ainsi un courant
salafiste quiétiste, ou cheikhite, opposé à toute forme d’activisme politique ou guerrier. Antoine
Sfeir
(dir.), Dictionnaire
du
Moyen-Orient,
Bayard
Éditions,
2011,
964
p.
http://antoinesfeir.net/decryptages/salafisme/.
22 - Varende, A. (2015). Qui manipule l'organisation de l'État islamique ? - Le jeu trouble des
pays du Golfe et de la Turquie. [online] Orient XXI.info. Available at:
http://orientxxi.info/magazine/qui-manipule-l-organisation-de-l-etat-islamique,0801.
23 - David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a déstabilisé le
monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3 novembre 2014.
24 - « Le site Wikileaks avait ainsi divulgué un message de Hillary Clinton, classé document
secret, en date du 28 décembre 2009, et selon lequel elle qualifiait même l’Arabie Saoudite de
« cash machine du terrorisme » (dans David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection :
comment l’Arabie saoudite a déstabilisé le monde en exportant son islam radical depuis 40
ans », atlantico.fr, 3 novembre 2014).
25 - Ibid.
26 - Ibid.
27 - Ibid.
28 - « Alors que l’Égypte et l’Arabie Saoudite s’affrontaient pour imposer leur magistère moral
et politique respectif sur l’ensemble du monde musulman, la Ligue nouvellement créée a reçu
pour mission de contrer l’influence du régime nassérien dont la propagande était en partie
dirigée contre l’Arabie Saoudite.» dans Amghar, S. (2011). La Ligue islamique mondiale en
Europe : un instrument de défense des intérêts stratégiques saoudiens. Critique internationale,
51(2), p.113.
29 - David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a déstabilisé le
monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3 novembre 2014.
30 - « Outre le Conseil supérieur mondial des mosquées chargé de coordonner, gérer et
financer la construction des lieux de culte, et dont la branche européenne se situe à Bruxelles,
la Ligue dispose de plusieurs autres structures : le Conseil islamique du fiqh, l’organisation
humanitaire Islamic Relief, l’Organisation internationale islamique pour l’éducation et
l’Organisation internationale islamique pour la mémorisation du Saint Coran. Engagée dans
une stratégie d’encadrement associatif à l’échelle mondiale, elle est présente aujourd’hui dans
près de 120 pays et contrôle environ 50 lieux de culte, dont de très grandes mosquées », dans
Amghar, S. (2011). La Ligue islamique mondiale en Europe : un instrument de défense des
intérêts stratégiques saoudiens. Critique internationale, 51(2), p.113.
31 - Etat islamique en Irak et au Levant.
32 - David Rigoulet-Roze, « Wahhabite connection : comment l’Arabie saoudite a déstabilisé le
monde en exportant son islam radical depuis 40 ans », atlantico.fr, 3 novembre 2014.
33 - Recasens, O. (2015). Alain Chouet : "Il faut surtout s'attaquer aux parrains idéologiques et
financiers". [online] Le Point. Available at: http://www.lepoint.fr/politique/alain-chouet-il-fautsurtout-s-attaquer-aux-parrains-ideologiques-et-financiers-13-01-2015-1896100_20.php.
34 - Ibid.
35 - Serge Halimi, « Dégringolade de la France », Le Monde diplomatique, novembre 2015,
http://www.monde-diplomatique.fr/2015/11/HALIMI/54131.
36 - Hourcade, B. (2014). Accord sur le nucléaire iranien : ils ont signé ! - Cette entente
contribuera-t-elle à tirer le Proche-Orient du chaos ?. [online] Orient XXI.info. Available at:
http://orientxxi.info/magazine/accord-sur-le-nucleaire-iranien-ils-ont-signe,0858.
37 - Serge Halimi, « Dégringolade de la France », Le Monde diplomatique, novembre 2015.
38 - Ben Hubbard, Mayy El Sheikh, « WikiLeaks Shows a Saudi Obsession With Iran »,
NYTimes.com, 16 juillet 2015, http://www.nytimes.com/2015/07/17/world/middleeast/wikileakssaudi-arabia-iran.html?smid=fb-share&_r=2.
33
3
34
39 - Alexis Varende, « Qui manipule l’organisation de l’État islamique ? », OrientXXI.info, 29
janvier 2015, http://orientxxi.info/magazine/qui-manipule-l-organisation-de-l-etatislamique,0801.
40 - L'Humanité, (2015). Alain Chouet : « Nous sommes alliés avec ceux qui sponsorisent
depuis trente ans le phénomène djihadiste ». [online] Available at:
http://www.humanite.fr/alain-chouet-nous-sommes-allies-avec-ceux-qui-sponsorisent-depuistrente-ans-le-phenomene-djihadiste.
41 - Human Rights Watch, (2015). ONU / Yémen : Le Conseil des droits de l’homme a
manqué à son devoir envers les civils yéménites. [online] Available at:
https://www.hrw.org/fr/news/2015/10/02/onu/yemen-le-conseil-des-droits-de-lhomme-manqueson-devoir-envers-les-civils.
42 - Arabnews.com, (2015). Dozens of Houthis killed in Najran misadventure. [online]
Available at: http://www.arabnews.com/featured/news/84375.
43 - Courrier international, (2015). L’Arabie Saoudite abandonne le Yémen au chaos. [online]
Available at: http://www.courrierinternational.com/article/moyen-orient-larabie-saouditeabandonne-le-yemen-au-chaos.
44 - Cher-Leparrain, M. (2015). Des « Mistral russes » aux « Mistral sunnites » - Les
ambitions égyptiennes de l'Arabie saoudite. [online] Orient XXI.info. Available at:
http://orientxxi.info/magazine/des-mistral-russes-aux-mistral-sunnites,1048.
45 - Maurisse, M. (2015). Le rôle de l’Arabie saoudite au Conseil des droits de l’homme fait
débat. [online] Le Monde.fr. Available at:
http://www.lemonde.fr/international/article/2015/09/22/le-role-de-l-arabie-saoudite-au-conseildes-droits-de-l-homme-fait-debat_4767286_3210.html.
46 - Human Rights Watch, (2015). Arabie saoudite : Un poète condamné à mort pour
apostasie. [online] Available at: https://www.hrw.org/fr/news/2015/11/23/arabie-saoudite-unpoete-condamne-mort-pour-apostasie.
47 - Reprieve, (2016). Reprieve - Fears that Saudi Arabia is set to ‘crucify’ juvenile prisoner.
[online] Available at: http://www.reprieve.org.uk/press/fears-that-saudi-arabia-is-set-to-crucifyjuvenile-prisoner.
48 - Reuters, (2015). Valls rappelle les droits de l'homme à Riyad. [online] Le Figaro.
Available at: http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2015/10/13/97001-20151013FILWWW00227valls-rappel-les-principes-des-droits-de-l-homme.php.
49 - Gouëset, C. (2015). La France doit-elle garder l'Arabie saoudite pour alliée?. [online]
Lexpress.fr. Available at: http://www.lexpress.fr/actualite/monde/proche-moyen-orient/lafrance-doit-elle-garder-l-arabie-saoudite-pour-alliee_1738941.html.
50 - Ibid.
51 - Françoise Feugas, « La France a-t-elle encore une politique au Moyen-Orient ? »,
OrientXXI.info, 12 octobre 2015, http://orientxxi.info/magazine/la-france-a-t-elle-encore-unepolitique-au-moyen-orient,1049.
52 - Hiault, R. (2015). Marc Trevidic : « D’autres attentats sont à prévoir ». [online] lesechos.fr.
Available at: http://www.lesechos.fr/politique-societe/politique/021479598108-marc-trevidicdautres-attentats-sont-a-prevoir-1175316.php?sqzvyV4DqLlOfqCF.99.
34
1
35
35
5 QUESTIONS À UN DOCTORANT
SPÉCIALISÉ SUR LE MOYEN-ORIENT
Emma Soubrier, doctorante en
Science politique à l’université
d’Auvergne et rattachée à l’IRSEM
Peux-tu te présenter ?
Je m’appelle Emma Soubrier, je suis doctorante en Science politique à
l’Université d’Auvergne (Clermont I) et rattachée à l'Institut de recherche
stratégique de l'Ecole militaire (IRSEM). Avant de commencer ce
doctorat, j’ai suivi le Magistère de Relations internationales et action à
l’étranger de la Sorbonne, qui m’a donné toutes les clés et l’expérience
nécessaires pour me lancer dans la grande aventure de la thèse.
Pourquoi as-tu souhaité faire de la recherche et
pourquoi le choix du Moyen-Orient ?
J’ai découvert la recherche à travers mon mémoire de Master 1 en
Etudes anglophones en 2007-2008. Essayer de faire le tour d’une
question le plus en profondeur possible et donner forme, sur la base de
travaux existants, à une analyse et une réflexion personnelles m’a
passionnée. J’ai aussi eu la chance d’être encouragée dans cette voie
par deux spécialistes qui ont été mes mentors au cours de mes premiers
pas dans la recherche : Claire Sanderson et Nadine Picaudou. Je
travaille sur les problématiques moyen-orientales depuis 2008. Ce choix
vient d’un amour et d’un intérêt de longue date pour une région dont
j’admire la richesse d’histoire et de culture.
L’exercice sera sans doute difficile, mais peux-tu
synthétiser l’objet de ta thèse ?
Ma thèse porte sur l'évolution des politiques de défense et des stratégies
d’acquisitions militaires des Emirats arabes unis et du Qatar. Ma
question de recherche principale peut être synthétisée ainsi : les
modifications de l’environnement stratégique de ces pays sont-elles le
critère le plus déterminant dans l’élaboration et l’évolution de leurs
politiques de défense ? Le fil rouge de la thèse est l’expression de
35
2
36
besoins capacitaires de ces deux pays, que j’aborde dans une perspective
comparée, et j’interroge notamment la corrélation qui existe – ou non –
entre l’évolution de leur politique de défense et celle de leurs achats de
systèmes de défense et sécurité.
Est-ce difficile de travailler sur cette zone
géographique ? As-tu eu l’occasion de te rendre dans ta
zone d’étude ?
Je ne pense pas qu’il soit bien plus difficile de travailler sur cette zone
géographique plutôt qu’une autre. Certes, ses problématiques sont
complexes et fortement interconnectées, ce qui fait qu’il est presque
impossible de traiter une seule question en évacuant toutes les autres.
Mais c’est aussi cela qui rend l’exercice si passionnant. Il est néanmoins
particulièrement ardu de travailler sur les thématiques de défense et
sécurité de ces pays car la culture du secret prégnante chez eux rend
difficile l’accès aux sources – et l’on risque d’éveiller parfois la suspicion de
ses interlocuteurs. J’ai toujours eu la chance de pouvoir me rendre sur mes
terrains de recherche, que ce soit au Proche-Orient ou dans la région du
Golfe.
Un conseil à ceux qui s’intéressent au Moyen-Orient ou
à ceux qui voudraient entreprendre une thèse sur le
Moyen-Orient ?
Le premier conseil que j’aurais à donner à ceux qui s’intéressent au
Moyen-Orient est de lire des ouvrages de référence sur la région.
Aujourd’hui, il est devenu « à la mode » de se pencher sur cette aire mais
les analyses de courte vue et les amalgames sont malheureusement légion
dans la presse grand public et les débats à la télévision ou à la radio. Il est
primordial de faire partir ses réflexions d’un socle solide de connaissances
concernant l’histoire de cette région pour véritablement apprécier la
complexité de ses enjeux et analyser de manière juste les
rebondissements de son actualité. Un autre conseil utile à mon sens est de
ne jamais négliger l’importance de tisser des liens avec des chercheurs
chevronnés et experts travaillant sur les problématiques ou les pays
spécifiques qui nous intéressent. Ils sont souvent d’une aide précieuse
36
1
37
37
Focus sur une personnalité
marquante du Moyen-Orient
Naguib Mahfouz (1911-2006)
Premier romancier arabe à recevoir
le prix Nobel de littérature en 1988
H
omme de lettre égyptien et penseur politique libéral,
Naguib MAHFOUZ est le pionnier du roman moderne arabe.
Elevé dans une famille de la petite bourgeoise cairote, il est
profondément marqué, dès l'âge de huit ans par la répression
sanglante de 1919 du mouvement populaire contre les anglais.
Dès lors, Naguib aura à cœur de défendre ses idées politiques,
de lutter contre l'autoritarisme et pour le respect des
peuples ; il le fera à travers ses écrits et notamment en 1959
dans Awlâd hâratimâ (Les fils de la Médina). Dernier d'une fratrie,
et enfant tardif, Naguib est solitaire, s'intéresse très tôt à l'écriture
et entreprend des études de philosophie. Il écrit dès l'université
plus de quatre-vingt nouvelles et publie de nombreux articles pour
des revues littéraires. Dédaignant la carrière universitaire, il
occupe jusqu'à sa retraite des postes de fonctionnaires au
ministère de la culture.
Passionné de lettres, écrivain à l'avenir prometteur, Naguib
entreprend en 1939 l'écriture de l'histoire pharaonique.
Toutefois, devant l'ampleur du projet et l'absence de succès
immédiat, il est contraint d'abandonner son œuvre et de se
recentrer sur l'histoire contemporaine de l'Egypte qui offre un
palmarès important de sujets à traiter au vu de la situation
politique chaotique des années 1950. Les événements qui
secouent l'Egypte jusqu'à la chute de Farouk en 1952 constituent
le cadre idéal pour son œuvre majeure, La Trilogie du Caire,
publiée entre 1956 et 1957. Le réalisme transparait alors dans
ses écrits, il dépeint avec virtuosité la société égyptienne, de la
Première Guerre Mondiale à l'abolition de la monarchie. Le portait
d'une famille bourgeoise sur trois générations lui permet de
transporter le lecteur dans le Caire qui fût celui de son enfance et
de sa vie.
LITTÉRATURE
è
EGYPTE
PAR DOMITILLE
POIRIER
80ème Session Jeunes
Limoges, 2013
37
2
38
Nonobstant les obstacles et les critiques certaines, et extrêmement
touché par la répression de 1919, il entreprend des écrits plus engagés.
En 1959, il publie Awlâd hâratinâ, fiction allégorique qui offre une
vibrante critique du régime autoritaire de Nasser. Dans le contexte de
son engagement en faveur des accords de Camps David, son roman
fait polémique. Jugé blasphématoire il est interdit à la publication par les
autorités musulmanes. En 1989, suite à une nouvelle publication de son
roman, les Islamistes développent envers ce représentant des idées
libérales une haine farouche. L'auteur réchappe de peu à un assassinat
en 1994. Néanmoins il perdra dans cet attentat la faculté d'écrire
(paralysie da la main droite) et une partie de sa vue. Sa témérité n'en
est que confortée et poursuivant sa carrière, en rien entachée par les
évènements politiques et ses écrits, Naguib ne cesse de prendre
position à travers de nombreux écrits en faveur d'un régime plus
libéral.
Dictant ses pensées Naguib se fait le farouche défenseur de la
tolérance et de la paix. Dans ses œuvres, l'écrivain fait revivre l'histoire
de son pays, il le glorifie, loue ses célébrations (Le jeu du Destin,
Radubis, La lutte de Thèbes). Il décrit la société telle qu'il la ressent et
laisse transparaître son opinion à travers la critique. Ses œuvres
romanesques (Dérives sur le Nil, Saladin) adaptées au cinéma lui
permettent d'exposer ses idées au monde entier.
Critiqué en Egypte, boycotté dans de nombreux pays arabes, Naguib
Mahfouz est le premier romancier arabe à recevoir le prix Nobel de
la littérature en 1988. A sa mort en 2006, plusieurs personnalités et
même des Frères Musulmans, pourtant opposés en son temps à Awlâd
hâratinâ et à ses écrits, vient lui rendre hommage à la mosquée alHussein, au Caire.
38
39
39
©KarineMeunier
♦ DIRECTEURS DE PUBLICATION : François Mattens, Stéphane Cholleton
♦ RÉDACTRICE EN CHEF : Gaëlle Znaty
♦ EQUIPE DE RÉDACTION : Pauline Besson, Vincent Blanc, Hadrien
Diakonoff, Gabriel Gros
♦ CONTRIBUTEURS : Romain Dewaele, Isabelle Guillaume, Emma
Soubrier
♦ COMITÉ DE RELECTURE : Xavier Delattre, Karine Meunier, VictorManuel Vallin
♦ CONCEPTION GRAPHIQUE : Hadrien Diakonoff, Caroline Govin, Gaëlle
Znaty
RETROUVEZ TOUTES LES PUBLICATIONS DE L’ANAJ : http://anajihedn.org/category/actualites/publications-revues
POUR TOUTE QUESTION : [email protected]
Téléchargement