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La lettre d’information du
Comité Moyen-Orient
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Janvier 2016
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©
KM!
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P.4
P.10
P.17
P.22
P.26
P.35
P.38!
Sommaire
Editorial
Qui sont les
chrétiens
d’orient ?
Moment kurde,
percée électorale
et fin du cessez-le
feu : vers un
renouvellement de
la question kurde
en Turquie ?
Entretien avec
S.E.M
l’ambassadeur
d’Iran en France
Virus MERS Cov :
le cas d’une crise
sanitaire au
Moyen-Orient
L’Arabie saoudite :
un partenaire
judicieux de la
politique
fraaise ?
5 questions à un
doctorant
spécialisé sur le
Moyen-Orient
Focus sur une
personnalité
marquante du
Moyen-Orient
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3!
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3!
1
L
e 26 février 2003, George W. Bush
alors président des Etats-Unis, évoque la
doctrine du « Greater Middle East » ou
Grand Moyen-Orient au cours d’une réunion
de néoconservateurs de l’American
Entreprise Institute (AEI) pour évoquer une
grande région qui irait du Maghreb au
Pakistan, en passant par la Turquie, le golfe
Persique et le Machrek.
Si cette doctrine a l’avantage de mettre en
avant certains facteurs d’unité (linguistiques
et religieux) propres au Moyen-Orient, qui
ont d’ailleurs expliqué la création d’entités
panarabistes (Ligue Arabe en 1945,
République arabe unie entre 1958 à 1961)
ou panislamiques (Organisation de la
coopération islamique en 1969), elle ne
saurait représenter l’extrême diversité des
populations présentes dans cet espace.
ÔUne diversité ethnique par les peuples
qui y habitent (indo-européen, turc,
hébreu, arabe…) et qui représentent près
de 400 millions d’habitants.
ÔUne diversité économique et sociale,
les écarts ne font que croître (en
2012, le Koweït a un PIB de 41 800
$/habitant, contre 6100$/habitant pour la
Jordanie).
ÔUne diversité religieuse, dans un
espace qui constitue le berceau des trois
religions monothéistes
ÔUne diversité de structures étatiques
et politiques
2
Ô
Et enfin, une diversité
de foyers de crise qui
contribuent, pour nombre d’entre
eux, à une forte déstabilisation
de la région.
Par son histoire qui l’a vu
devenir un épicentre des
sciences et du commerce,
par son positionnement
géographique de carrefour
entre trois continents
(européen, africain et
asiatique), par l’importance
des ressources naturelles et
les tensions géopolitiques qui en
découlent (40% des serves gazières
connues, près de deux tiers des réserves
pétrolières conventionnelles mondiales),
le Moyen-Orient est un espace hautement
stratégique qui suscite intérêts et
convoitises à l’échelle mondiale.
C’est cette approche d’un Moyen-Orient
présentant de multiples facettes qui
guidera l’ensemble de nos travaux.
Conscients de cette hétérogénéité, nous
tâcherons de clarifier, d’analyser et de
commenter les évolutions qui touchent
cette région, en gardant un regard
volontairement original et empreint de
jeunesse.
Les domaines d’étude porteront sur les
questions de défense et de sécurité ainsi
que sur les enjeux politiques,
économiques, culturels et religieux du
Moyen-Orient contemporain. Pour ce
faire, « Nouvelles orientales » donnera la
parole aux membres de l’ANAJ et de son
comité Moyen-Orient, à des intervenants
extérieurs, chercheurs, journalistes ou
diplomates.
Ce premier numéro de « Nouvelles
Orientales » propose un article consacré
aux chrétiens d’Orient, une analyse des
relations franco-saoudienne, une
problématique d’actualité sur la question
kurde en Turquie, un entretien avec Ali
Ahani, Ambassadeur de la République
islamique d’Iran en France ainsi qu’une
étude du Virus MERC-Cov en Arabie
saoudite.
«
Vers l’orient compliqué, je volais
avec des idées simples
» Charles
de Gaulle,
Mémoires de guerre.
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Editorial
Par Gaëlle Znaty
Séminaire Grandes Ecoles 2013
Responsable du comité Moyen-Orient
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4!
Qui sont les
chrétiens
d’orient ?
CHRÉTIENS
D’ORIENT
è
MINORITÉS EN
TERRE
D’ISLAM
PAR PAULINE
BESSON
89ème Session Jeunes
Romorantin, 2015
La proclamation
d’un « califat
islamique » le 29
juin 2014 par
l’organisation
Daech, et la crise
des migrants qui
s’en est suivie a
projeté sur les
devants de la scène
le sort des
minorités
chrétiennes d’Irak
et de Syrie et les
persécutions
qu’elles encourent.
L
a proclamation d’un « califat islamique » le 29 juin 2014
par l’organisation Daech, et la crise des migrants qui s’en est suivie a
projeté sur les devants de la scène le sort des minorités chrétiennes
d’Irak et de Syrie et les persécutions qu’elles encourent. Au cours de
l’histoire, jamais les chrétiens situés dans l’actuelle Irak n’ont été une
majorité susceptible de gouverner et d’imposer leurs lois, contrariés,
avant l’islam, par la foi dominante zoroastrienne. Parfois utilisées par
l’envahisseur, les minorités chrétiennes du Moyen-Orient étaient
ensuite rejetées et de nouveaux discriminées. !
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Tel a été le cas avec les Mongols qui, avant de se convertir à
l’Islam, se sont appuyés sur les minorités chrétiennes pour dominer.
De me, l’affirmation du pouvoir alaouite en Syrie s’est fondée sur le
soutien de minorités en l’occurrence, chrétiennes. Pourtant, sous le
règne de l’Empire ottoman, ces minorités avaient un statut particulier
dans la hiérarchie établie entre les sujets de l’Empire, et leurs relations
avec le pouvoir central respectaient un pacte restrictif de droits (la
dhimma, ذمة)1. Contraintes, discriminées, persécutées, les
communautés chrétiennes d’Orient ont tout de même connu un âge
d’or dans la région avec la domination de l’Empire chrétien byzantin
courant de la fin du IIIe siècle ap. J.-C. jusqu’à la prise de
Constantinople par les Ottomans en 1453. Les grands conciles qui ont
marqué l’histoire de la chrétienté à cette époque se sont tenus dans
les grandes villes de l’Empire (Nicée, Constantinople, Antioche etc.).
L’histoire chrétienne au Moyen-Orient est donc riche et essentielle.
Environ un habitant sur quatre de l’Empire ottoman était encore
chrétien en 1900. Aujourd’hui les chrétiens représentent à peine un
dixième des populations de l’ancien Empire, et moins de 0,2% de la
population turque. !
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Un retour historique sur la région s’impose pour comprendre la
naissance, la survie et le sort de ces communautés chrétiennes
d’Orient, ainsi que le rôle apporté par cette diversité dans un paysage
que certains veulent aujourd’hui exclusivement « islamique ».!
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5!
La notion de « chrétiens d’Orient » : un
« occidentalisme » ?
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La réalité des « chrétiens d’Orient » est diverse et floue. Les chiffres exacts
sont difficiles à obtenir : il n’y a par exemple pas eu de recensement au
Liban depuis 19322. En 2008, l’historienne Catherine Mayeur-Jaouen3
estimait la proportion à 4%, soit l’équivalent de 6 millions de personnes,
dont presque 4 millions de Coptes en Egypte. Pourtant, un article de La
Croix4 daté de 2011 avançait l’existence de 11 millions de chrétiens installés
au Moyen-Orient, répartis dans 11 Eglises différentes. Cette contradiction
des chiffres révèle encore une fois la difficulté de connaître les statistiques
exactes d‘une réalité multiple, avec tous les problèmes de définition que cela
comporte. Mais cette difficulté s’explique peut-être davantage encore par
les risques liés à l’affirmation d’une identité chrétienne dans une région
souvent hostile à ce qui n’est pas musulman. La « fuite » des chrétiens
d’Orient, qui viennent grossir les rangs de la diaspora répartie dans le
monde, ne fait pourtant pas de doute : le nombre de chrétiens au Moyen
Orient chute. D’après un article de La Croix, en mars 2015, il restait environ 4
000 chrétiens en Irak, contre près de 1,4 million en 1987. 4!
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Selon Françoise Briquel-Chatonnet, identifier un chrétien comme « chrétien
d’Orient » renverrait à une définition « occidentaliste », qui comprendrait tout
ce qui est non-latin, et donc surtout ce qui est orthodoxe5. Selon Catherine
Mayeur-Jaouen, cette définition serait même « désuète »6 et « utilisé[e] par
des Européens surtout français inquiets de la montée de l’islam dans leurs
propres sociétés ». L’expression renvoyait négativement à l’Empire ottoman
et à ses minorités chrétiennes, dont la protection justifiait les ambitions de
démembrement de l’Empire. C’est pourtant la définition retenue aujourd’hui,
la plus « pratique » pour décrire la diversité des communautés chrétiennes à
laquelle la définition renvoie. !
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Dans son acception géographique, elle désigne l’ensemble des chrétiens du
Moyen-Orient, en incluant la Turquie et l’Iran. Pourtant, un Chaldéen ayant
émigré aux Etats-Unis n’est alors pas reconnu comme chrétien d’Orient, de
même qu’un copte à Paris. La définition n’est donc pas entièrement
satisfaisante, de même que celle fondée sur les rites. Elle ferait apparaître les
chrétiens roumains, indiens ou russes et occulterait les nombreux chrétiens
de rite non-oriental dans la région du Moyen-Orient, comme les catholiques
latins ou les protestants. Les Philippins catholiques résidant dans les pays
du Golfe, pour leur part, viennent considérablement grossissent les rangs
des chrétiens dans certains pays : les oublier serait une erreur.!
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En mars
2015, il
restait environ
4000
chrétiens en
Irak, contre
près de 1,4
million en
19874
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