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Si l’option la plus répandue est, sans doute, de la considérer comme une FI à part entière,
mais hiérarchiquement dominée par les autres FI et conformée par des structures sociales plus
fondamentales, elle peut aussi être envisagée de manière plus horizontale, dispersée entre les
différentes formes structurelles (monnaie, rapport salarial, etc.) (Benassi, Boyer, Gelpi, 1979).
Enfin, elle s’avère, aussi, emboitée au sein de la FI « Etat » (André et Delorme, 1983,
Delorme, 1995). Elle est ainsi considérée comme un sous-ensemble constitutif d’une FI plus
vaste qui l’englobe. Dans tous les cas, elle est donc située soit en retrait, soit à un échelon
inférieur à celui des principales FI, comme par exemple au sein de « la nature ou des formes
de l’Etat », ou encore à un niveau plus orthogonal aux autres FI, qui relève plus globalement
d’un régime hétérogène de politiques publiques. Son statut n’est donc pas équivalent à celui
d’une FI « classique ».
Cette place secondaire vis-à-vis des autres FI est, cependant, contestée de manière implicite,
par le fait qu’elle occupe une position transverse par rapport aux principales structures
institutionnelles, ce qui lui confère un statut pour le moins spécifique. En effet, en étant
orthogonale aux autres FI, il n’est plus évident que son rôle soit aussi contraint que ne le
postule généralement la TR, car c’est depuis son espace particulier qu’elle est susceptible de
travailler en profondeur les déterminations des autres FI. Il apparaît alors une ambiguïté au
sujet de la place conférée par la TR à la politique économique qui est source de contradiction
et d’une tension logique au sein de son corpus théorique, dans la mesure où elle remet en
question le constat initial sur une place et donc une portée limitées. En effet, ces constats sur
l’absence de vision uniforme du mode d’insertion de la politique économique dans la
régulation et sur la singularité de son positionnement ont évidemment des conséquences
essentielles s’agissant de son degré exact d’influence et sur son rôle.
1.2. Quels rôles pour la politique économique ? Des divergences d’interprétation à l’origine
de difficultés théoriques et empiriques
F. Lordon (1994, 1995, p.200-202) ne recense pas moins de quatre positions régulationnistes
différentes en la matière. Celles-ci vont d’une posture d’arraisonnement de la politique
économique, qui représente le dénominateur commun régulationniste, en s’inspirant de
l’approche poulantzasienne de l’Etat
2
, jusqu’à son « exclusion » pure et simple
3
. Elles
s’opposent néanmoins à des approches moins radicales quant à son degré d’asservissement
structurel et social (Boyer, 1986) et plus classiquement programmatique mettant l’accent sur
la nécessité de politiques économiques structurelles dans la crise (Lipietz, 1984).
Cette diversité des positions qui s’articule partiellement aux différences de statut de la
politique économique dans la TR, est le signe d’une difficulté théorique rendant tout à fait
improbable la définition d’une « politique économique régulationniste » homogène.
En fait, l’hétérogénéité des rôle, place et statut de la politique économique doit être replacé
dans le cadre plus vaste des travaux sur les grandes crises et les changements institutionnels
de longue période, qui constituent le cœur du projet régulationniste. Ainsi la politique
économique est-elle vue, avant tout, sous l’angle des grandes transformations structurelles. A
ce titre, la TR questionne fondamentalement sa conformation à des déterminants historiques et
institutionnels qui sont situés en amont (Théret, 1992). Ce qui débouche, au mieux, sur des
réflexions portant sur les conditions de ses mutations et sur les modalités d’émergence de
nouvelles formes de politiques économiques en relation avec les FI et les régimes
d’accumulation (Boyer, 1986, p. 88-97).
En raison de la nature de son projet initial, qui consiste à prendre à contre-pied les théories
dominantes de la politique économique, la TR insiste principalement sur leurs limites dans la
mesure où celles-ci ne peuvent être pensées indépendamment de la grande crise structurelle
2
Pour quelques précisions sur le sujet, supra cf. 2.3.
3
Cf. infra, 1.3.