Sélectionner selon le type, est-ce encore « in » de nos jours?

De nos jours, les producteurs lai-
tiers se doivent d’être efficaces, parce
que les marges sont de plus en plus
petites et qu’il n’est pas toujours
possible de prendre de l’expansion.
Il faut donc produire plus de lait avec
moins de vaches. Il y a plusieurs façons
d’y arriver : améliorer le confort des
animaux, exercer un bon suivi de la
reproduction, augmenter la production
et les composantes, réduire la charge
de travail par l’automatisation de
certaines tâches, etc.
Sur le plan de la génétique, on
entend souvent parler de production,
de santé-fertilité, mais trop peu de la
conformation. Pourquoi la conforma-
tion ne serait-elle pas la première res-
source pour augmenter son efficacité
en matière de génétique?
Pour répondre à cette question, il
faut d’abord se pencher sur un grand
principe de base : on ne peut améliorer
ce qu’on ne mesure pas. Le service
de classification est surement l’outil
de gestion le moins dispendieux pour
mesurer ou quantifier la conforma-
tion fonctionnelle des troupeaux lai-
tiers. Le but de la classification est
de déterminer dès le premier vêlage
quels sont les animaux qui possèdent
la plus grande capacité à produire du
lait et qui auront une durée de vie plus
longue. Pour certains, cela n’est pas
suffisant comme explication, car ils ne
voient pas l’argent directement dans
leur portefeuille. Pourquoi? Parce que
les critères de conformation varient de
moyennement héritables à faiblement
héritables, tandis que les critères de
production sont hautement héritables;
lorsqu’on fait un accouplement uni-
quement basé sur le « lait », il est donc
presque garanti que la génération
suivante sera améliorée.
On peut comparer une vache à
une voiture de Formule 1 : si on veut
aller vite, on appuie plus fort sur la
pédale. Toutefois, si la voiture n’est
pas munie du meilleur moteur pour
obtenir le maximum de vitesse, les
chances de gagner la course sont plus
minces. C’est la même chose pour une
vache. On peut lui offrir la meilleure
alimentation possible pour produire
beaucoup de lait, mais si elle ne pos-
sède pas les fonctions corporelles pour
atteindre l’objectif de production, elle
a peu de chance d’y arriver. L’objectif
de la classification est de se prévaloir
du meilleur moteur pour durer le plus
longtemps possible dans l’étable et
produire du lait facilement.
Sélectionner
selon le type,
est-ce encore « in»
de nos jours?
Des vaches bien classifiées sont aussi synonymes de
production et de profitabilité.
Par MARIE-PHILIP BRISSON, agronome,
conseillère pour le territoire Ouest,
Holstein Québec
MAI 2015 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
38
GÉNÉTIQUE
-1,0
-0,5
0,0
0,5
1,0
1,5
2,0
2,5
3,0
3,5
85-8980-8475-7970-7465-6960-64 5
10
15
20
25
30
35
40
45
50
Profit
% de vaches ayant atteint
le 4evêlage
Score
GRAPHIQUE 1. PROFIT ET LONGÉVITÉ PAR VACHE EN RELATION
AVEC LE SCORE FINAL
LAIT_MAI-2015.indd 38LAIT_MAI-2015.indd 38 2015-04-16 09:172015-04-16 09:17
Une recherche conduite en
collaboration par Holstein Canada,
les agences de contrôle laitier et le
Réseau laitier canadien a mesuré le
profit/vache/jour grâce à la classifi-
cation en première lactation sur une
période allant de 2003 à 2007. Le profit
inclut le revenu de la production, les
périodes de tarissement, les dépenses
alimentaires liées à la maintenance et
à la production, les coûts d’élevage des
génisses ainsi que le coût d’opportu-
nité des quotas.
Le graphique 1 montre que les
vaches les mieux classifiées en pre-
mière lactation atteignent en plus
grande proportion le quatrième vêlage
et sont plus profitables. Les animaux
ayant un pointage final supérieur de
cinq points à la moyenne nationale,
qui est de 78 points, ont une renta-
bilité supérieure aux vaches qui se
trouvent en dessous de cette moyenne
nationale.
Pour chaque augmentation de cinq
points du score final en première lac-
tation, on note une augmentation
moyenne de 0,58$ de profit par jour, ce
qui se traduit par une hausse moyenne
de 193 $ par vache annuellement.
Une comparaison peut également
être faite sur l’ensemble d’un trou-
peau, qui compte 100 vaches dans ce
MAI 2015 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS 39
1,00 $
1,20 $
1,40 $
1,60 $
1,80 $
2,00 $
2,20 $
1009080706050403020
Profit
% du troupeau classifié 78 points et +
Troupeau 1
Troupeau 2
TABLEAU 1. PROFIT ESTIMÉ D’UN TROUPEAU LORS D’UNE AUGMENTATION
MOYENNE DU SCORE FINAL
TROUPEAU X MOYENNE DE PROFIT PROFIT
(140 VACHES) CLASSIFICATION APPROXIMATIF ANNUEL MOYEN
DU TROUPEAU ($/VACHE/JOUR) ($/AN)
Actuel 78 1,30 $ 66 430 $
Objectif 80 1,50 $ 77 260 $
Une augmentation de 16 % du profit est anticipée (10 830 $) avec une augmentation de
2 points sur la moyenne de classification du troupeau.
GRAPHIQUE 2. RENTABILITÉ D’UN TROUPEAU SELON LAPARTITION
DU SCORE FINAL
cas-ci. Le troupeau 1 compte 40 % des
premiers veaux classifiés 78 points et
plus, ce qui lui permet de dégager un
profit moyen de 45 260 $ annuellement,
comparativement au troupeau 2 qui,
lui, comprend 90 % des premiers veaux
classifiés au-dessus de 78 points et
dégage un profit de 16 606 $ supplé-
mentaire au troupeau 1. Si on travaille
à améliorer la génétique fonctionnelle
du troupeau 1, celui-ci pourrait engen-
drer des profits supplémentaires de
5 475 $ seulement en augmentant de
20 % les animaux classifiés 78 points et
plus. Ce pourcentage peut être atteint
en ayant recours au service de classifi-
cation continue, en ciblant de meilleurs
croisements pour chacun des animaux,
en augmentant son intensité de sélec-
tion, en répertoriant des familles de
vaches rentables qui répondent bien
aux objectifs d’élevage définis et en
améliorant la régie, soit le confort des
animaux, la taille des onglons, etc.
LAIT_MAI-2015.indd 39LAIT_MAI-2015.indd 39 2015-04-16 09:172015-04-16 09:17
L’expérience a été réalisée avec un
troupeau de 140 vaches (tableau 1), et
l’objectif était d’augmenter la moyenne
de classification de deux points sur la
totalité du troupeau. Au départ, le trou-
peau rapportait un profit annuel moyen
de 66 430 $, ce qui représente une
estimation de 1,30 $ par vache par
jour. Grâce à de meilleures décisions
d’accouplements, à l’amélioration de
la régie, au recours à de meilleurs
taureaux pour l’obtention de gains
génétiques, les gestionnaires ont pu
augmenter le profit par jour par vache
de 0,20 $, ce qui s’est traduit par une
augmentation de 16 % de profit, soit
10 830 $ de plus annuellement pour
ce troupeau.
Il est important de noter qu’au
Québec, en 2013, les trois raisons
les plus fréquentes pour la réforme
involontaire ont été les problèmes
de reproduction, la mammite (haut
comptage cellulaire) et les problèmes
de pieds et membres. Les producteurs
qui s’engagent à faire une évaluation
continue de la conformation peuvent
réduire ces risques de réforme et
augmenter la productivité. En effet,
selon Sewalem
et al
. (2004), le risque
de réforme involontaire est deux fois
plus élevé pour une vache classifiée
à 70 points comparativement à une
vache classifiée à 80 points, et quatre
fois plus élevé comparativement à une
vache classifiée à 85 points.
Développer la longévité est en
étroite corrélation avec la production
de lait, la santé et la fertilité. Certains
suivante en parallèle avec une régie
étroite des pieds et membres et de
la santé des systèmes mammaires et
reproducteurs des vaches. Ensuite
viennent la conformation et la durée de
vie pour maximiser l’efficacité et la ren-
tabilité. Enfin, quand la production et
la conformation sont au rendez-vous,
on peut alors renforcer davantage la
santé du troupeau en améliorant le
potentiel génétique des critères de
santé-fertilité.
De nos jours, il est important de
produire le plus de lait possible par
stalle, mais on oublie souvent qu’il
faut également calculer les coûts de
remplacement par stalle. Si une vache
a une conformation non fonctionnelle
et qu’on doit la réformer avant même
qu’elle ne se rende à sa deuxième ou
troisième lactation, cela représente
d’énormes coûts pour la remplacer, et
ce, avant même qu’elle ait rapporté
assez pour payer ses frais d’élevage.
De là l’importance d’élever des vaches
solides sur leurs membres et qui ont un
bon système mammaire pour soutenir
l’épreuve du temps. Cela dit, la renta-
bilité est maximisée lorsqu’on parvient
à combiner production et longévité :
l’un ne va pas sans l’autre, sinon c’est
un divorce qui coûte cher!
Plusieurs éleveurs commerciaux
croient que ce sont les éleveurs élites
qui se concentrent sur la conforma-
tion. Toutefois, on réalise finalement
que ces derniers élèvent des animaux
qui seront les plus profitables pour le
producteur commercial.
À la fin de la journée, on aime tou-
jours mieux travailler avec des vaches
fonctionnelles sans problème. La clas-
sification demeure un outil de gestion
et de commercialisation incontour-
nable, car il s’agit de l’opinion impar-
tiale d’un expert qui analyse comment
se compare votre animal au modèle
type idéal propre au Canada. Grâce
à cette évaluation, il est possible de
prendre des décisions réfléchies pour
son entreprise. Ce même outil aide
également à fixer le prix des animaux
et à prendre de meilleures décisions
d’achat. Le but pour tous n’est pas
nécessairement de posséder que des
vaches classifiées « Très bonnes »,
mais de vouloir améliorer la confor-
mation de son troupeau et traire des
vaches présentant une bonne longé-
vité et une bonne production laitière.
MAI 2015 LE PRODUCTEUR DE LAIT QUÉBÉCOIS
40
GÉNÉTIQUE
Pour chaque
augmentation de
cinq points du score
final, on note une
augmentation moyenne
de 0,58 $ de profit
par jour.
0,00
0,50
1,00
1,50
2,00
2,50
3,00
Largeur de
l'attache
arrière
Texture
du pis
987654321
Score
Augmentation du profit
Cote idéale
GRAPHIQUE 3. AUGMENTATION DU PROFIT RELATIVEMENT À LA COTE
DE LA LARGEUR DE L’ATTACHE ARRIÈRE ET LA TEXTURE DU PIS
caractères sont à la fois très corrélés
à la longévité, mais également à la
rentabilité, comme le démontre le
graphique 3. C’est le cas entre autres
de la largeur de l’attache arrière du
pis, la texture du pis, la suspension
médiane et la vue arrière des membres
arrière. Une vache classifiée à 85 points
vs
une vache classifiée à 79 points peut
produire en moyenne jusqu’à 737 kg
de lait de plus, 33 kg de gras de plus
et 27 kg de protéine de plus, un gain
supplémentaire d’environ 570 $/an
avec un prix moyen du lait à 0,75 $/l.
C’est pour cette raison que l’améliora-
tion des performances exige d’abord
de travailler le potentiel génétique en
production. Il s’agit de critères à forte
héritabilité qui donnent des résultats
concrets à partir de la génération
LAIT_MAI-2015.indd 40LAIT_MAI-2015.indd 40 2015-04-16 09:182015-04-16 09:18
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !