R SPÉCIAL CLIMAT DOSSIER 1 - Les prévisions pour la France p. 31 2 - L’eau convoitée du Rhône p. 38 3 - L’été sera-t-il chaud ? p. 42 4 - Principales zones à risque p. 46 5 - Les espèces changent de pré carré p. 48 Climat ce qui va changer 30 | LA RECHERCHE | JUILLET-AOÛT 2006 | Nº 399 6 - Menaces sur la banquise arctique p. 54 10 - Des gagnants et des perdants p. 76 7 - Le Gulf Stream en perte de vitesse p. 60 11 - Ce que cachent les nuages p. 78 8 - Des îles en sursis p. 64 - Les premières victimes de la montée des eaux p. 68 9 - Comment reconstruire la Nouvelle-Orléans p. 74 12 - Entretien avec Paul Crutzen : « Et si l’on manipulait le climat ? » p. 82 13 - Bibliographie p. 87 EN DEUX MOTS Comme toute la Terre, informatiques adaptés à l’échelle régionale, 2050. Les fluctuations naturelles du climat nous la France sera touchée par le réchauffement planétaire en cours. À l’aide de programmes les climatologues s’attachent à déterminer les conditions qui régneront sur l’Hexagone en masquent l’essentiel des changements. Mais les phénomènes extrêmes seront plus nombreux. Les prévisions pour la France En 2050, effet de serre oblige, la température moyenne de la France aura augmenté d’environ 2 °C. Il pleuvra plus en hiver, moins en été. Ce sont les résultats des deux modèles français de simulation du climat, qui déclinent les changements globaux à l’échelle du pays. A Michel Déqué dirige l’équipe ArpègeClimat à Météo-France. © BRIGITTE MERLE/PHOTONONSTOP quoi ressemblera notre climat en 2050 ? Selon les spécialistes, c’est la date à laquelle nous commencerons à percevoir les premières conséquences du changement climatique en cours. En France, notre vie quotidienne sera peu modifiée (voir ci-contre), mais certaines activités, à l’évidence, devront s’adapter (p. 38). Et la végétation commencera, tout doucement, à se transformer (p. 48). Ailleurs, les changements risquent d’être plus radicaux (p. 46) : plus de banquise arctique l’été (p. 54) ; des îles régulièrement submergées par la mer (p. 64). Le changement climatique ne fera toutefois pas que des malheureux : il favorisera même certaines activités humaines dans plusieurs zones du Globe (p. 76). SOMMAIRE Q uel temps fera-t-il en France en 2050 ? Alors qu’au siècle dernier la température moyenne de l’Hexagone s’est élevée de 0,9 °C, la tendance va-t-elle se poursuivre ? Serons-nous soumis à un régime drastique de catastrophes naturelles telles que sécheresses, tempêtes ou crues intempestives ? La réponse à ces questions n’est pas triviale, car les prévisions climatiques évaluées à l’échelle mondiale ne s’appliquent pas forcément à celle d’un pays, voire d’une région. Du global au régional [1] IPCC, Climate Change 2001 : version française du rapport sur www.ipcc.ch Il est démontré que le changement climatique, dû à l’augmentation dans l’atmosphère des gaz à effet de serre tel que le dioxyde de carbone, est en cours. Malgré le discours de quelques irréductibles, ce lien de cause à effet est à présent bien établi. C’est ce que montrent, depuis vingt ans, les diverses analyses de l’air emprisonné dans les glaces sur des centaines de milliers d’années. C’est aussi la conclusion des scientifiques du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), à partir des simulations mondiales qu’ils ont effectuées sur le XXe siècle [1] . Les ingénieurs prévisionnistes et les climatologues sont en effet à même de prédire le climat futur du Globe. Ils utilisent pour cela de gros programmes informatiques validés sur les climats passés et présents. Ils calculent l’évolution de différents paramètres climatiques en fonction de valeurs actuelles de pression, de températures ou d’hygrométrie, mais aussi d’hypothèses que le modèle doit respecter, notamment la teneur en dioxyde de carbone attendue dans les années à venir. Plusieurs valeurs sont possibles, mais on peut, hélas, penser que ➩ Nº 399 | JUILLET-AOÛT 2006 | LA RECHERCHE | 31 SPÉCIAL CLIMAT © PRATTA/KR IMAGES I ➔ En France LE BARRAGE DE BARÈGES, DANS LES HAUTES-PYRÉNÉES, s’est presque asséché après la canicule de 2003, qui a été marquée par 9 jours consécutifs pendant lesquels la température maximale a dépassé les 28 °C normaux. En 2050, il y aura en moyenne plus de 15 jours caniculaires par an. augmentera d’environ 1 °C d’ici une quarantaine d’années. Toutefois, cette augmentation ne sera pas homogène. Or, pour connaître l’impact exact du réchauffement dans une région donnée, les modèles globaux ne suffisent pas. Prenant en compte les interactions entre l’océan et l’atmosphère, ceux-ci fonctionnent avec les équations de la mécanique des fluides et incluent les sources et les puits majeurs de chaleur, d’humidité ou de salinité pour l’océan. Le Globe terrestre y est découpé en boîtes de 250 kilomètres de côté, dans lesquelles les paramètres climatiques sont considérés comme constants. Compte tenu de ce large maillage, la résolution n’est pas le fort de ces modèles. L’Europe occidentale, par exemple, n’est pas crédible. Seules deux montagnes y sont représentées : une bosse de 1 000 mètres d’altitude sur l’Espagne et une bosse de 1 500 mètres sur la Suisse. Ces modèles ne permettent donc pas de décrire ce qui pourrait se passer en France. Une plus grande précision nécessiterait toutefois des temps de calcul et des coûts de stockage de données prohibitifs [2] . Surtout si l’on veut explorer tous les scénarios possibles et laisser à l’océan le temps de s’adapter aux changements de circulation atmosphérique. Résolution variable [2] J. F. Royer et al., C.R. Géosciences, 334, 147, 2002. [3] F. Giorgi, J. Climate, 3, 941, 1990. ➩ nos comportements actuels ne changeront pas beaucoup dans les décennies à venir. À moins de cataclysmes mondiaux, ce que personne ne souhaite, le développement industriel se poursuivra au cours du siècle, et la concentration en gaz à effet de serre augmentera nécessairement. Cette prospective correspond au scénario A2 élaboré par le GIEC (lire « Les différents scénarios », p. 36). La concentration en dioxyde de carbone atteindra en 2100 le triple de sa valeur observée avant l’ère industrielle, soit 860 millimètres cubes par litre d’air. Dans ce scénario, la température moyenne du Globe Fig.1 Différents maillages POUR SIMULER LE CLIMAT d’une région du Globe, deux méthodes sont utilisées : UN MODÈLE À RÉSOLUTION VARIABLE tel Arpège (à gauche) simule tout le Globe, mais la précision spatiale augmente à mesure qu’on se rapproche de la France. UN MODÈLE NIDÉ (à droite) calcule les variables climatiques sur un domaine restreint (ici l’Europe). Les données aux limites sont issues d’un modèle global de circulation générale. 32 | LA RECHERCHE | JUILLET-AOÛT 2006 | Nº 399 Pour pallier cet inconvénient, on simplifie le problème en utilisant des modèles atmosphériques de circulation générale, dans lesquels les interactions avec l’océan ne sont pas prises en compte. Les premiers sont nés au début des années 1970 dans le cadre de la prévision météorologique quotidienne, quand l’augmentation de la puissance de calcul a permis d’améliorer les modèles. Vingt ans plus tard, les climatologues purent réaliser des simulations, sur plusieurs années, du climat d’une région grâce à un découpage en boîtes de seulement 50 kilomètres de côté [3] . Cette échelle correspond au minimum nécessaire pour séparer les Alpes et le Massif central, ainsi Fig.2 Des canicules plus longues LE NOMBRE MOYEN DE JOURS DE CANICULE par été augmentera. Pour le climat de référence (1960-1989), il ne dépasse pas 3. Les scénarios Arpège et LMDZ en prévoient au moins 10 sur une bonne partie de la France en 2050. 3 3 1960-1989 100 km Nombre de jours de canicule 1à2 3 à 10 10 à 20 3 >20 que pour isoler la barrière des Pyrénées des hauts pression, les nuages, les pluies ou les vents, avec des plateaux espagnols. Elle est incontournable pour dif- pas de vingt minutes. Y sont extraites, pour chaque férencier le climat méditerranéen du sud-est de jour, les pluies cumulées ou les températures extrêmes. La plupart du temps, encore pour des raisons l’Hexagone du climat qui prévaut ailleurs. Aujourd’hui, pour obtenir cette précision à un coût de coût, ces valeurs sont calculées entre 2070 et 2099, de calcul raisonnable, deux méthodes sont utilisées mais nous avons aussi effectué deux simulations sur dans le monde. La plus répandue est celle des modè- la période 2000-2099 en prenant en compte deux les dits « nidés ». Leur principe est d’utiliser deux scénarios différents (A2, B2) proposés par le GIEC. modèles imbriqués. Un petit modèle fait son « nid » Que deux laboratoires français élaborent chacun ce à l’intérieur d’un domaine simulé par un modèle de type de modèles n’est pas un luxe superflu, car la circulation générale. Celui-ci fournit, pour des inter- comparaison permet de s’assurer que les résultats ne dépendent pas des choix des valles de six heures, les paraalgorithmes. Arpège (Action mètres météorologiques au Vers 2050, la température de recherche petite échellebord d’une région de 5 000 en France aura continué à grande échelle), conçu par x 5 000 kilomètres carrés, à Météo-France, tire une partie l’intérieur de laquelle un grimper de 1,9 °C à 2,3 °C de sa légitimité de la confronmodèle régional effectue des tation quotidienne des prévisions météorologiques calculs plus précis. En France, comme dans quelques laboratoires étran- à courte et moyenne échéance avec les observations. gers, nous utilisons une autre méthode. Nos modèles LMDZ, le modèle du Laboratoire de météorologie sont globaux, puisqu’ils concernent toute la Terre, dynamique est issu de travaux théoriques du CNRS mais à résolution variable [fig. 1] . La taille des boîtes commencés dans les années 1960 [5] . n’y est pas uniforme. Leurs côtés varient de 60 kilomètres sur la France à 450 kilomètres aux antipodes. Deux modèles, une tendance L’avantage de cette approche est qu’elle évite le conflit Pour le climat futur de la France, et selon le scénario entre les résultats intérieurs et extérieurs à la limite A2, les deux modèles dessinent une même tendance, du domaine, qui apparaît inévitablement dans les même si des différences sont notables. Ainsi, vers modèles nidés et n’est résolu que par des approxima- 2050, la température annuelle de l’Hexagone aura tions insatisfaisantes. Par contre, plus de 60 % des continué à grimper. Elle s’élèvera de 2,3 °C par rapcalculs sont effectués hors du domaine d’intérêt, donc port à la normale 1960-1989 selon Arpège, de 1,9 °C pour rien. Ce n’est pas très grave, car les laboratoires selon LMDZ. Il pleuvra plus en hiver (+ 13 % avec français ont plus de moyens de calcul que dans la Arpège, + 2 % avec LMDZ), moins en été (– 21 % plupart des instituts qui font de la régionalisation du avec Arpège, – 18 % avec LMDZ). Une baisse des préclimat. C’est pourquoi, outre les raisons purement cipitations est aussi prévue au printemps et en historiques, Météo-France [4] et le Laboratoire de automne, même si elle est moindre. météorologie dynamique de Paris ont préféré la Ces valeurs ne seront vérifiées qu’en moyenne sur modélisation du Globe dans son ensemble, même plusieurs années. Il est très peu probable que ce soit le cas justement durant l’année 2050, du fait dans le cas du climat régional. Le programme calcule sur plusieurs années différen- des f luctuations naturelles et imprévisibles du clites variables climatiques telles que la température, la mat. Certains étés seront plus chauds ou plus ➩ [4] A. L. Gibelin et M. Déqué, Clim. Dyn., 20, 327, 2003. [5] R. Sadourny, J. Atmos. Sci., 32, 680, 1975. Nº 399 | JUILLET-AOÛT 2006 | LA RECHERCHE | 33 SPÉCIAL CLIMAT I ➔ En France Fig.4 Des hivers pluvieux LA COMPARAISON DU CLIMAT DE RÉFÉRENCE (à gauche) et du scénario Arpège (à droite) pour 2050 montre que le nombre moyen de jours d’hiver avec des précipitations supérieures à 10 millimètres augmentera dans toutes les régions. © LÉGENDES CARTOGRAPHIE SOURCE MÉTEO-FRANCE © DAMIEN MEYER/AFP lution spatiale est assez fine pour que les phénomènes violents de taille modeste puissent être pris en compte. D’autre part, parce qu’ils permettent de calculer un assez grand nombre de valeurs pour que l’estimation de la fréquence du phénomène soit de précision acceptable. En effet, contrairement aux modèles « nidés », i l s s u bi s s e nt l ’e f f e t « papillon » : une petite modification des conditions initiales conduit à deux simulations dont le comportement au jour le LA FORÊT DE HAGUENAU, dans le Bas-Rhin, a été dévastée lors de la tempête du 27 décembre 1999. En 2050, jour est complètement difce type d’événement sera un peu plus récurrent dans le nord, un peu moins dans le sud. férent, alors que leur climat est le même. En calculant ce qui se passe 90 jours ➩ secs, d’autres plus frais que la moyenne actuelle. par an, avec les trois simulations de trente ans Des hivers comparables à ce que nous venons de que nous avons réalisées sur la période 1960-1989, la vivre restent possibles. précision devient suffisante pour étudier la variation de la fréquence d’un phénomène qui survient en Affiner les prévisions moyenne une fois tous les trois ans. Ces moyennes ne suffisent donc pas pour décrire Reste un point épineux. Lorsque l’on applique le complètement les conséquences du changement cli- modèle au climat actuel, on doit retrouver une distrimatique. Un autre élément important est de savoir bution statistique des paramètres simulés la plus prosi les phénomènes extrêmes tels que les canicules, les che possible de la distribution effectivement observée tempêtes ou les pluies diluviennes seront plus fré- sur la même période. Cette condition est beaucoup quents et en quelles proportions. Ce n’est pas facile. plus difficile à satisfaire. Bien sûr, les modèles sont Pourtant, les modèles à résolution variable possèdent suffisamment au point pour que le climat moyen qu’ils un avantage certain. D’une part, parce que leur réso- prédisent soit assez proche du climat moyen observé. Fig.3 Des étés secs LE NOMBRE MAXIMAL DE JOURS CONSÉCUTIFS sans pluie l’été (moyenne sur toutes les années) augmente dans toutes les régions selon le scénario Arpège (à droite) pour 2050 par rapport au climat de référence 19601989 (à gauche). © LÉGENDES CARTOGRAPHIE SOURCE MÉTEO-FRANCE 34 | LA RECHERCHE | JUILLET-AOÛT 2006 | Nº 399 Mais cela ne garantit pas que la fréquence des phéno- nie sur l’autre. Ces fluctuations de températures ou mènes extrêmes soit bien reproduite. de précipitations sont naturelles et absolument Pa r e xemple, l a d i f férenc e moyen ne de s imprévisibles dans l’état actuel de la science. Or, pentempératures hivernales prévues par Arpège, et effec- dant la première moitié du XXIe siècle, l’amplitude tivement observées, est inférieure à 1 °C. Cela n’em- de ces fluctuations naturelles est supérieure à celle pêche pas que la température quotidienne la plus prévue à cause du réchauffement. Il est donc encore froide obtenue dans la région de Metz avec notre impossible de décrire avec précision la fréquence des modèle est – 14 °C, alors que les observations mon- phénomènes extrêmes en 2050 à l’échelle de la France. trent des minima jusqu’à – 22 °C. Il faut donc corri- La solution, qui verra le jour dans quelques années ger les résultats bruts du modèle. Dans l’exemple grâce à l’augmentation des moyens de calculs, consisprécédent, on force le modèle à prendre, pour la région tera à effectuer une dizaine de scénarios qui prende Metz, la température la plus froide observée, soit dront en compte les océans, car ceux-ci jouent un – 22 °C, les jours où le modèle rôle majeur dans la variabilité atteint son propre minimum Certains modèles ne de basse fréquence. Le chande – 14 °C. gement sera alors présenté prédisent pas correctement Ce traitement sert aussi à mesusous forme de probabilités. rer la confiance à accorder au des événements extrêmes En attendant, les fréquences modèle. Si la correction est de de phénomènes extrêmes sont moins de 2 °C pour la température ou moins de 1 mil- calculées pour la fin du XXIe siècle, où elles dépaslimètre par jour pour les précipitations, on juge plau- sent largement celles associées aux f luctuations sible la réponse du modèle. C’est le cas des précipita- naturelles. Mais comme une échéance aussi lointions les plus faibles et des températures les plus élevées taine laisse indifférents les populations et les décien toutes saisons, ainsi que des précipitations les plus deurs, nous avons interpolé les résultats pour 2050 fortes en hiver. En revanche, les corrections à appli- selon une technique statistique d’analyse de donquer aux précipitations estivales les plus fortes sont nées. Ce ne sont pas des prévisions, mais des inditrop grandes aussi bien pour Arpège que pour LMDZ. cations sur ce qui peut arriver. Heureusement, elles C’est aussi le cas des températures les plus froides, ne sont pas aussi spectaculaires que les réalisateurs puisque la correction est de – 8 °C dans la région de de certains films à grand spectacle voudraient nous Metz. On sait donc a fortiori que ces modèles ne don- le faire croire. neront pas de prévisions satisfaisantes pour ce type d’événements extrêmes à l’échelle des prochaines Jours de canicule décennies. On s’abstient ainsi de les étudier. Ainsi, en 2050, le nombre de jours de canicule en Un autre problème se présente lorsqu’on veut étudier été monte jusqu’à 20 sur la France avec Arpège et la fréquence de ces phénomènes extrêmes. Le climat dépasse 10 sur la moitié sud-est du pays avec LMDZ. possède un caractère chaotique qui conduit à des Ce nombre de jours pour lesquels la température variations d’une année sur l’autre, voire d’une décen- maximale diurne dépasse sa valeur normale d’au ➩ Nº 399 | JUILLET-AOÛT 2006 | LA RECHERCHE | 35 SPÉCIAL CLIMAT I ➔ En France ➩ moins 5 °C pendant les 5 jours suivants était en moyenne de 3 dans le climat de référence (19601989), avec un maximum dans la partie continentale. En comparaison, à Paris, en août 2003, il y a eu 9 jours pendant lesquels la température maximale diurne a dépassé 28 °C, soit 5 °C de plus que la normale. La canicule de la première quinzaine d’août 2003 a ainsi compté pour 4 jours. * Un régime de temps est une particularité du temps observé ou prévu, qui se retrouve plusieurs jours de suite. POUR EN SAVOIR PLUS ❚ http://medias .cnrs.fr/imfrex/ Le programme d’étude des impacts du changement climatique en France. ❚ http://prudence .dmi.dk/ La comparaison des différents modèles européens dans le cadre du programme européen Prudence. SOCIO-ÉCONOMIE de grande échelle. Les modèles ne sont pas fiables, car les vents, en surface, n’y dépassent jamais 100 kilomètres par heure, ce qui est contraire aux observations. On a alors recours à des méthodes indirectes, fondées sur les fréquences des régimes de temps* associés à des vents forts. Une comparaison de ces fréquences calculées entre les climats actuel et futur nous indique la tendance. Les résultats des deux modèles montrent une faible augmenHivers humides tation du risque sur la moitié nord et une faible Le problème de la sécheresse estivale se fera sentir diminution sur la moitié sud. plus âprement. Il se caractérise par la moyenne de Ces résultats ont été comparés aux modèles nidés la plus longue période consécutive sans pluie cha- des instituts des autres pays européens dans le que été. Le climat 1960-1989 comportait moins de cadre du projet Prudence financé par le 5 e provingt jours de sécheresse sur la moitié continentale, gramme-cadre de la Commission européenne. La et jusqu’à 30 jours sur le littoral sud-est. Pour comparaison n’a porté que sur les paramètres Arpège, en 2050, la durée augmente de 5 jours dans moyens, mais sur un domaine plus vaste puisqu’il ces mêmes régions. L’augmentation est un peu supé- inclut tous les pays de l’Union européenne. Il y a un assez bon accord entre les rieure avec LMDZ. résu ltat s d ’A r pège et de Une même tendance se des- Il y aura un peu plus LMDZ avec ceux des autres sine en ce qui concerne les de tempêtes au nord, modèles. Et ce, même si les pluies intenses en hiver. erreurs systématiques des Chaque année, en moyenne, et un peu moins au sud modèles sont dif férentes e nt r e 19 6 0 e t 19 89, l a Bretagne, les Pyrénées-Atlantiques et l’ouest du d’une région à l’autre. Il y a donc un consensus Massif central connaissaient dix jours pendant les- qualitatif entre les modèles en ce qui concerne les quels les précipitations dépassaient 10 millimètres. phénomènes extrêmes attendus en 2050. En 2050, selon Arpège, les régions où il y a plus de Cela ne signifie pas pour autant qu’ils se produi10 jours de pluies intenses s’étendent, tandis que ront obligatoirement. L’humanité peut encore choiles régions avec moins de quatre jours de fortes pré- sir son avenir selon qu’elle réduira ou accroîtra ses cipitations rétrécissent. Le scénario LMDZ confirme émissions de gaz à effet de serre. Si, à l’échelle de cette évolution pour la moitié nord, mais ne mon- quelques décennies, les impacts du réchauffement tre pas de changement pour la moitié sud. climatique ne seront sensibles qu’au niveau des La question des vents forts et des tempêtes requiert statistiques, l’horizon 2100 ne nous promet pas les une approche différente car, hormis les tornades, bonnes conditions des climats tempérés. Le futur ils sont associés à des phénomènes météorologiques est déjà aujourd’hui. M. D. Les différents scénarios ❚ LES SCÉNARIOS DE CHANGEMENT CLIMATIQUE sont construits sur des paramètres socio-économiques qui tiennent compte de la démographie, de la limitation des ressources naturelles et d’hypothèses sur le comportement de la société. La famille de scénarios A dans laquelle la priorité porte sur l’économie s’oppose à la famille B où la priorité est mise sur l’environnement. La famille 1 où les échanges mondiaux sont favorisés s’oppose à la famille 2 où le développement se fait sur une base régionale (comportement « égoïste »). Il 36 | LA RECHERCHE | JUILLET-AOÛT 2006 | Nº 399 en résulte quatre scénarios de base A1, A2, B1 et B2, mais des scénarios intermédiaires ont aussi été proposés. Pour chaque scénario, un modèle socio-économique simule l’évolution de la société année par année de 1990 à 2100 et permet de calculer des émissions en gaz à effet de serre (dioxyde de carbone, méthane, protoxyde d’azote et chlorofluorocarbones) et en aérosols (sulfates). Un modèle utilisant une représentation simplifiée de l’atmosphère et de l’océan permet de transformer les émissions en concentrations atmosphériques. Le cas du dioxyde de carbone