LE NOMBRE MOYEN
DE JOURS DE CANI-
CULE par été aug-
mentera. Pour le cli-
mat de référence
(1960-1989), il ne
dépasse pas 3. Les
scénarios Arpège et
LMDZ en prévoient
au moins 10 sur une
bonne partie de la
France en 2050.
[2] J. F. Royer et al., C.R.
Géosciences, 334, 147,
2002.
[3] F. Giorgi, J. Climate, 3,
941, 1990.
que pour isoler la barrière des Pyrénées des hauts
plateaux espagnols. Elle est incontournable pour dif-
férencier le climat méditerranéen du sud-est de
l’Hexagone du climat qui prévaut ailleurs.
Aujourd’hui, pour obtenir cette précision à un coût
de calcul raisonnable, deux méthodes sont utilisées
dans le monde. La plus répandue est celle des modè-
les dits « nidés ». Leur principe est d’utiliser deux
modèles imbriqués. Un petit modèle fait son « nid »
à l’intérieur d’un domaine simulé par un modèle de
circulation générale. Celui-ci fournit, pour des inter-
valles de six heures, les para-
mètres météorologiques au
bord d’une région de 5 000
x 5 000 kilomètres carrés, à
l’intérieur de laquelle un
modèle régional effectue des
calculs plus précis.
En France, comme dans quelques laboratoires étran-
gers, nous utilisons une autre méthode. Nos modèles
sont globaux, puisqu’ils concernent toute la Terre,
mais à résolution variable [fig. 1]. La taille des boîtes
n’y est pas uniforme. Leurs côtés varient de 60 kilo-
mètres sur la France à 450 kilomètres aux antipodes.
L’avantage de cette approche est qu’elle évite le conflit
entre les résultats intérieurs et extérieurs à la limite
du domaine, qui apparaît inévitablement dans les
modèles nidés et n’est résolu que par des approxima-
tions insatisfaisantes. Par contre, plus de 60 % des
calculs sont effectués hors du domaine d’intérêt, donc
pour rien. Ce n’est pas très grave, car les laboratoires
français ont plus de moyens de calcul que dans la
plupart des instituts qui font de la régionalisation du
climat. C’est pourquoi, outre les raisons purement
historiques, Météo-France [4] et le Laboratoire de
météorologie dynamique de Paris ont préféré la
modélisation du Globe dans son ensemble, même
dans le cas du climat régional.
Le programme calcule sur plusieurs années différen-
tes variables climatiques telles que la température, la
Vers 2050, la température
en France aura continué à
grimper de 1,9 °C à 2,3 °C
© PRATTA/KR IMAGES
POUR SIMULER LE CLIMAT d’une région du Globe, deux
méthodes sont utilisées :
UN MODÈLE À RÉSOLUTION VARIABLE tel Arpège
(à gauche) simule tout le Globe, mais la précision
spatiale augmente à mesure qu’on se rapproche de
la France.
UN MODÈLE NIDÉ (à droite) calcule les variables clima-
tiques sur un domaine restreint (ici l’Europe). Les don-
nées aux limites sont issues d’un modèle global de cir-
culation générale.
Fig.1
32 | LA RECHERCHE | JUILLET-AOÛT 2006 | Nº 399
pression, les nuages, les pluies ou les vents, avec des
pas de vingt minutes. Y sont extraites, pour chaque
jour, les pluies cumulées ou les températures extrê-
mes. La plupart du temps, encore pour des raisons
de coût, ces valeurs sont calculées entre 2070 et 2099,
mais nous avons aussi effectué deux simulations sur
la période 2000-2099 en prenant en compte deux
scénarios différents (A2, B2) proposés par le GIEC.
Que deux laboratoires français élaborent chacun ce
type de modèles n’est pas un luxe superflu, car la
comparaison permet de s’assurer que les résultats ne
dépendent pas des choix des
algorithmes. Arpège (Action
de recherche petite échelle-
grande échelle), conçu par
Météo-France, tire une partie
de sa légitimité de la confron-
tation quotidienne des prévisions météorologiques
à courte et moyenne échéance avec les observations.
LMDZ, le modèle du Laboratoire de météorologie
dynamique est issu de travaux théoriques du CNRS
commencés dans les années 1960 [5].
Deux modèles, une tendance
Pour le climat futur de la France, et selon le scénario
A2, les deux modèles dessinent une même tendance,
même si des différences sont notables. Ainsi, vers
2050, la température annuelle de l’Hexagone aura
continué à grimper. Elle s’élèvera de 2,3 °C par rap-
port à la normale 1960-1989 selon Arpège, de 1,9 °C
selon LMDZ. Il pleuvra plus en hiver (+ 13 % avec
Arpège, + 2 % avec LMDZ), moins en été (– 21 %
avec Arpège, – 18 % avec LMDZ). Une baisse des pré-
cipitations est aussi prévue au printemps et en
automne, même si elle est moindre.
Ces valeurs ne seront vérifiées qu’en moyenne sur
plusieurs années. Il est très peu probable que ce
soit le cas justement durant l’année 2050, du fait
des fluctuations naturelles et imprévisibles du cli-
mat. Certains étés seront plus chauds ou plus
Nº 399 | JUILLET-AOÛT 2006 | LA RECHERCHE | 33
nos comportements actuels ne changeront pas
beaucoup dans les décennies à venir. À moins de
cataclysmes mondiaux, ce que personne ne sou-
haite, le développement industriel se poursuivra
au cours du siècle, et la concentration en gaz à effet
de serre augmentera nécessairement. Cette pros-
pective correspond au scénario A2 élaboré par le
GIEC (lire « Les différents scénarios », p. 36). La
concentration en dioxyde de carbone atteindra en
2100 le triple de sa valeur observée avant l’ère indus-
trielle, soit 860 millimètres cubes par litre d’air.
Dans ce scénario, la température moyenne du Globe
augmentera d’environ 1 °C d’ici une quarantaine
d’années. Toutefois, cette augmentation ne sera pas
homogène. Or, pour connaître l’impact exact du
réchauffement dans une région donnée, les modè-
les globaux ne suffisent pas.
Prenant en compte les interactions entre l’océan et
l’atmosphère, ceux-ci fonctionnent avec les équa-
tions de la mécanique des fluides et incluent les
sources et les puits majeurs de chaleur, d’humidité
ou de salinité pour l’océan. Le Globe terrestre y est
découpé en boîtes de 250 kilomètres de côté, dans
lesquelles les paramètres climatiques sont consi-
dérés comme constants.
Compte tenu de ce large maillage, la résolution n’est
pas le fort de ces modèles. L’Europe occidentale, par
exemple, n’est pas crédible. Seules deux montagnes
y sont représentées : une bosse de 1 000 mètres d’al-
titude sur l’Espagne et une bosse de 1 500 mètres sur
la Suisse. Ces modèles ne permettent donc pas de
décrire ce qui pourrait se passer en France. Une plus
grande précision nécessiterait toutefois des temps de
calcul et des coûts de stockage de données prohibi-
tifs [2]. Surtout si l’on veut explorer tous les scénarios
possibles et laisser à l’océan le temps de s’adapter aux
changements de circulation atmosphérique.
Résolution variable
Pour pallier cet inconvénient, on simplifie le pro-
blème en utilisant des modèles atmosphériques de
circulation générale, dans lesquels les interactions
avec l’océan ne sont pas prises en compte. Les pre-
miers sont nés au début des années 1970 dans le cadre
de la prévision météorologique quotidienne, quand
l’augmentation de la puissance de calcul a permis
d’améliorer les modèles. Vingt ans plus tard, les cli-
matologues purent réaliser des simulations, sur plu-
sieurs années, du climat d’une région grâce à un
découpage en boîtes de seulement 50 kilomètres de
côté [3]. Cette échelle correspond au minimum néces-
saire pour séparer les Alpes et le Massif central, ainsi
[4] A. L. Gibelin
et M. Déqué, Clim. Dyn.,
20, 327, 2003.
[5] R. Sadourny, J. Atmos.
Sci., 32, 680, 1975.
Des canicules plus longues
Fig.2
SPÉCIAL CLIMAT
I ➔ En France
Différents maillages
LE BARRAGE DE BARÈGES, DANS LES HAUTES-PYRÉNÉES, s’est presque assé-
ché après la canicule de 2003, qui a été marquée par 9 jours consécutifs pen-
dant lesquels la température maximale a dépassé les 28 °C normaux. En
2050, il y aura en moyenne plus de 15 jours caniculaires par an.