Consentement informé signé - Société Française de Cardiologie

Consentement informé signé dans les pratiques de soins: Le médecin est-il préservé de
poursuites?
en est-on et quelles places respectives de l’oralité et de l’écrit dans la relation
médecin-patient en 2006?
Grégoire Moutel, MD, PhD
Laboratoire d’éthique médicale et de médecine légale, Faculté de médecine Paris 5 & Sffem,
Société française et francophone d’éthique médicale
www.inserm.ethique.fr
Travail ayant fait l’objet d’une communication aux dernières Journées Européennes de la
Société Française de Cardiologie. Janvier 2006. Palais des Congrès. Paris.
Historique et enjeux éthiques du consentement dans la relation médecin-patient.
La recherche du consentement éclairé est un acte banal et quotidien dans la pratique médicale,
que ce soit lors des soins, d'une exploration à visée diagnostique, d’un acte thérapeutique ou,
plus rarement, avant un protocole de recherche médicale. Pourtant, cette banalisation masque
une complexité croissante sur le fond et la forme que doit prendre ce consentement, et sur la
place qu’il doit tenir dans la relation que nous avons avec les patients. La compréhension de
ce rôle passe habituellement par une triple approche médicale, juridique, mais également
éthique et philosophique en regard de la notion de respect de la personne et de ses droits
fondamentaux. Le présent travail traitera des évolutions dans le cadre des démarches de soins,
le cadre de la recherche étant différent et faisant référence à d’autres règles.
Avec son corollaire, l’information du patient, le consentement constitue donc un des points
les plus sensibles de la relation médecin-patient. Comme le soulignait le Pr Jean Hamburger
dans l’ouvrage « l’Aventure humaine », publié en 1992, le consentement s’inscrit dans la
complexité d’une decine de plus en plus moderne et de plus en plus performante
confrontée à l’incertitude du progrès et de la maladie. Il souligne que la co-décision entre le
médecin et le patient est de plus en plus essentielle, le médecin devant accepter de se mettre à
la place du patient et réciproquement pour bien appréhender toutes les facettes des
choix:“ Art de réflexion et de conjecture en 1900, la médecine est devenue une discipline
d’action qui détient aujourd’hui mille pouvoirs de vie et de mort sur les malades qui lui sont
confiés. Puissance merveilleuse et salvatrice, mais aussi puissance qui va doubler chaque
problème technique d’un problème moral et contraindre le médecin à repenser toute
l’éthique de son métier à chacun des nouveaux gestes d’audace. “ Toute décision grave
doit être celle de deux hommes, chacun se mettant à la place de l’autre. Le médecin n’a pas à
imposer autoritairement ses propres vues ; les désirs profonds du malade comptent autant
que les impératifs techniques pour la stratégie du traitement. ”
Cette modernité de la relation médecin-patient désormais acquise par tout professionnel de
santé est une évolution notable de ces vingt dernières années et tranche notablement avec
certaines attitudes du passé. Ainsi on est loin des propos du Dr Louis Portes, Président du
Conseil de l’Ordre des Médecins, qui, dans sa communication à l’Académie des Sciences
Morales et Politiques dans les années 1950, exposait que: "Le consentement éclairé du
malade n’est, en fait, qu’une notion mythique. Le patient, à aucun moment, ne connaissant au
sens exact du terme, vraiment sa misère, ne peut vraiment consentir ni à ce qui lui est affirmé,
ni à ce qui lui est proposé, si du moins, nous donnons à ce mot de consentement sa
signification habituelle, d’acquiescement averti, raisonné, lucide et libre".
Ces propos qui, aujourd’hui, pourraient être qualifiés de paternalistes et excessifs,
préfiguraient néanmoins le bat d’aujourd’hui et avaient le mérite de poser clairement la
question: quelle est la nature réelle du consentement que formule un patient en état de
maladie, donc de vulnérabilité?
Au niveau des concepts soulignons que le processus d’information et de consentement puise
sa légitimité dans les fondements philosophiques de notre société issus du siècle des lumières,
de principes démocratiques et du respect de la liberté de choix de chacun. Le concept
d'autonomie découle en effet de notre tradition politique puisant son origine chez Descartes
puis, entre autres, chez Rousseau (Du contrat social 1762) et chez Kant (Fondements de la
métaphysique des mœurs 1785). Pour le premier, le sujet pensant s'assure de son existence
personnelle; il en découvre la certitude au terme du doute méthodique; et dans l'action, le
sujet cartésien exerce son libre arbitre, cette liberté de la volonté. Pour le second, l'homme se
libère des lois divines ou des lois de la nature, en se soumettant à la contrainte de sa raison
législatrice universalisante, dans le cadre d’un contrat social. Chez Kant, l'autonomie forge la
personnalité du sujet moral, assure sa dignité, le rendant capable de se constituer législateur
de sa propre loi. Ces fondements vont amener peu à peu la médecine à considérer le patient
(qu’il soit psychiquement apte, ou non) comme un partenaire et un acteur du soin. Avant le
XXe siècle, la question n’est pas posée en terme de consentement, mais d’appel à
l’intelligence du sujet et à son activité d’être raisonnable (au sens d’être capable de raison et
de choix). C’est pourquoi la question de la relation est au cœur du rapport entre soignant et
soigné, relation faite d’explications cessaires, mais adaptées à chaque situation clinique.
Bien que non généralisée à l’ensemble de la médecine, des praticiens, dès la première moitié
du XXe siècle, développent une réflexion sur la nature des rapports avec les patients et sur le
degré d’implication de ces derniers dans les choix médicaux. Il faudra, cependant, attendre la
seconde moitié du siècle dernier et l'avancée fulgurante de la recherche médicale pour que ces
interrogations débouchent, effectivement, sur de nouvelles pratiques.
La seconde moitié du XXe siècle sera décisive : la recherche médicale et les pratiques de
soins avancent à grands pas. On découvre les antibiotiques, les psychotropes, la pharmacopée
recense un nombre croissant de médicaments efficaces, les techniques d’imagerie et de
chirurgie progressent. De nouveaux domaines sont explorés : la biologie moléculaire, la
cancérologie, la génétique, l’immunologie… La médecine devient de plus en plus efficace.
Les médecins soignent et guérissent un nombre croissant de maladies. Le médecin lui-même
apparaît comme un faiseur de miracle, symbole d’une société en pleine évolution socio-
économique. Mais parallèlement et très rapidement de nouvelles questions sont soulevées. La
collectivité et les patients prennent conscience des nouveaux enjeux de la médecine qui les
concernent directement : la nécessité de comprendre les avantages et les inconvénients des
choix thérapeutiques, le droit à accéder aux progrès en termes de prévention, de dépistage et
de soins, la possibilité de participer à la recherche clinique moteur essentiel du progrès mais
aussi source de risques et de nouvelles incertitudes. Par ailleurs, la médecine pose de
nouveaux problèmes qui dépassent largement le cadre scientifique et touchent directement à
la nature et au devenir de l'Homme : la procréation médicalement assistée, les greffes, les tests
génétiques, la prolongation de la vie... La société veut participer à des débats qui ont leur
prolongement au sein de la relation médecin-patient. Quelle est la place du malade dans la
décision ? Comment le médecin doit-il informer ses patients ? C'est-à-dire, in fine, quel est le
véritable rôle du médecin, acteur essentiel de la santé, dans la société de demain, dans les
processus d’information des patients ?
Cette évolution explique pourquoi désormais chacun souhaite légitimement pour lui ou un
proche, non seulement l’accès aux meilleurs soins, mais également à la meilleure
connaissance des choix qui sont offerts, à travers leurs avantages et leurs risques, à travers
une information individuelle de qualité. Dans le cadre particulier du débat sur le risque en
médecine, soulignons que les études montrent que les personnes ne refusent pas la notion de
risque (dont elles comprennent l’existence incontournable liée à certaines pratiques
médicales), mais refusent la notion de risque caché et de non dit. Elles souhaitent une
explication des risques afn de pouvoir faire un choix éclairé.
Ainsi, la médecine est très liée aux évolutions de la société et la maîtrise que le médecin a
acquise en terme de savoir et de technologie accroît le poids de ses responsabilités. Ainsi,
lorsqu’un médecin prend une décision, il doit en évaluer les avantages, les risques et les
dérives éventuelles. Il doit partager ce questionnement au sein de la relation médecin-patient.
Les choix se situent entre les risques présentés par la maladie et ceux que peuvent comporter
un traitement, une recherche ou une démarche de prévention. Il doit partager cela avec le
patient, mais en restant celui qui guide et qui rassure, sans laisser le patient choisir seul
surtout face à des états de fragilité et de vulnérabilité. Le médecin est en effet, à côté des
patients, un des premier à ressentir et à connaître les angoisses de ces derniers, leurs doutes et
leurs attentes. C’est raison pour laquelle, d’ailleurs, le decin sera le garant d’une
vigilance accrue et qu’il pourra parfois revendiquer de se substituer au libre choix du patient,
après discussion avec les proches, lorsqu’il estimera que le consentement du patient n’est pas
possible du fait de vulnérabilités physiques ou psychiques trop importantes.
Evolution médico-légale de l’information et du consentement dans les pratiques de soins.
Jusqu'en 1936, la relation médecin-malade était considérée comme une simple rencontre entre
deux particuliers et l’on en référait à deux articles du Code civil qui précisait que:
- "tout fait quelconque de l'homme qui a causé à autrui un dommage, oblige celui par la faute
duquel il est arrivé à la réparer ".
- " chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore
par sa négligence ou son imprudence ".
La notion de contrat en médecine n’apparaît en tant que tel d’un point de vue juridique qu’en
1936. A ce moment, la chambre civile de la Cour de cassation (arrêt du 20 mai 1936 dit arrêt
Mercier ) expose clairement que :
"Il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien,
l'engagement, sinon bien évidemment de guérir le malade du moins de lui donner des soins
non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite des circonstances
exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science. La violation même
involontaire de cette obligation contractuelle est sanctionnée par une responsabilité de même
nature, également contractuelle".
Du fait de la définition désormais contractuelle de la relation médecin-patient, la
responsabilité du médecin peut dès lors être engagée en cas de violation du contrat liant le
médecin à son malade. Dans les critères de validité du contrat définit par le code civil figurent
entre autres :
- Le consentement de la partie qui s'oblige
- La capacité de contracter (Médecin diplômé, inscrit au Conseil de l'Ordre d’une part, et
patient majeur juridiquement capable d’autre part)
- La cause licite dans l'obligation : le but thérapeutique qui légitime le pouvoir du médecin de
porter atteinte à l'intégrité physique du patient.
Evolution de la nature et de la forme de l’information à délivrer
En 1961 un arrêt de la Cour de Cassation précise que «dans la recherche du consentement, le
médecin doit employer une expression simple, approximative, intelligible et loyale,
permettant au malade de prendre la décision qui s’impose.»
Il s’agit d’une orientation sur la nature de l’information à délivrer dans le cadre de la
relation avec le patient, sans se prononcer sur sa forme orale ou écrite. Néanmoins, dans
l’esprit de cette décision, il faut entendre que cet arrêt qualifie l’information orale, ce qui
n’exclue pas qu’elle soit complétée par un support écrit (mais qui ne saurait remplacer ni se
substituer à l’échange verbal lors de la consultation).
Mais le terme « approximative » n’apparaissait pas satisfaisant. On comprend bien qu’il avait
état choisi par les magistrats pour ne pas imposer une information trop technique, trop
complexe, en laissant entendre qu’une information délivrée à un patient ne pouvait être
complète (au sens aucun patient ne peut atteindre un niveau de compétence médicale
suffisant pour comprendre une information de trop haute complexité). Néanmoins ce terme
« approximative », pouvait laisser planer un certain esprit de suspicion et de non-qualité.
C’est pourquoi en 1995, les médecins à travers ladaction du code deontologiedicale
(article 35) ont préféré le terme « approprié » plutôt que le terme « approximative » qui laisse
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