Transport quantique à très basse température dans les mémoires résistives Projet de post-doc à PHELIQS/INAC – LETI/DCOS, Cea 17 rue des Martyrs, 38042 Grenoble Cedex 9, France Contact : Jean-Pascal Brison, [email protected] Tel : +33 (0)4 38 78 52 48 Cadre Général : Les effets quantiques observés dans les systèmes de très petite taille à basse température sont désormais bien connus et bien modélisés : quantification de la conductance, fluctuations universelles de conductance, blocage de Coulomb, réflexions d’Andréev multiples aux interfaces normal/supraconducteur… Ils sont même à ce point maîtrisés qu’on peut les utiliser, à l’inverse, comme signature d’anomalies physiques contrôlant le transport (contact tunnel, ponctuel, filament 1D…). Cette idée est le point de départ d’une nouvelle approche qu’on veut développer pour comprendre et peut-être résoudre la question de la variabilité dans des nano-dispositifs utilisés comme point mémoire, à la fois dans des dispositifs « classiques » et dans une nouvelle génération basée sur des systèmes à fortes corrélations électroniques (isolants de Mott). En effet, dans la course à des mémoires non volatiles rapides et basse consommation, un des favoris aujourd’hui est la classe des mémoires dites « résistives » (RRAM). Elles stockent l’information en changeant d’état de résistance (soit basse / soit forte), changement provoqué par la formation d’un filament conducteur (ou sa rupture) suite à l’application d’un pulse de tension. Le LETI/DCOS, maîtrise la réalisation de ces types de mémoires réalisées à l’échelle nanométriques (couches de 30nm d’épaisseur ou moins), notamment sous forme d’OxRAM (couche diélectrique rendue conductrice par la formation d’un filament de lacunes d’oxygène), ou de CBRAM (couche diélectrique rendue conductrice par la formation d’un filament conducteur métallique) à l’état de l’art. Mais comme partout ailleurs dans le monde, un enjeux technologiques majeur identifié pour les RRAM reste la maîtrise de leur variabilité, notamment celle des valeurs de résistances dans l’état de forte résistance (état off). Notre compréhension de l’origine de cette variabilité est qu’elle est intrinsèquement liée au régime de conduction filamentaire, commun aux CB-RAM et aux OXRAM. L’objectif principal de ce projet, très fondamental bien que s’intéressant à des systèmes à l’état de l’art en nanoélectronique, est de mieux comprendre ce mécanisme pour parvenir à le contrôler, ou le remplacer par l’intégration de nouveaux matériaux. Les nouveaux matériaux qui nous intéressent particulièrement sont les « isolants de Mott », qui présentent le même effet mémoire que les diélectriques, mais ont l’intérêt de posséder deux phases thermodynamiquement stables (suivant les conditions de pression, dopage, température…) métallique ou isolante. Une solution radicale au problème de variabilité serait de parvenir à contrôler la transition entre les deux états résistif non plus par une croissance filamentaire mais par une transition volumique. Mais même si ce graal n’est pas atteint, le mécanisme de formation, et la nature des filaments conducteurs dans ces isolants de Mott, pourraient être très différents de ceux présents dans les diélectriques, permettant d’attaquer le problème sous un nouvel angle. Projet : il est donc orienté principalement sur la réalisation et l’analyse de mesures de transport à très basse température (jusqu’à 10mK), éventuellement sous champ magnétique (test des effets de cohérence quantique comme la localisation faible qui conduit aux fluctuations universelles de conductances), sur 2 types de dispositifs : - - des CBRAM et OxRAM à l’état de l’art, fabriquées et sélectionnées au LETI, dans lesquelles on a de forts indices de la présence d’anomalies dans les filaments conducteurs : ces anomalies seront détectées par des tests simples au LETI (ratio Roff/Ron trop faible par exemple), puis caractérisées en détail au PHELIQS. des cristaux ou couches minces de matériaux « isolants de Mott », synthétisés au PHELIQS/INAC et SPINTEC/INAC, qui sont une alternative aux diélectriques (type HfO2) utilisés par le LETI jusqu’à maintenant, et dont l’intérêt serait que les mécanismes de formation des filaments conducteurs soient purement électroniques. Ces mesures seront réalisées à PHELIQS, dont les équipes maîtrisent et les mesures de transport quantique, et la physique des systèmes électroniques fortement corrélés. La famille de composés isolants de Mott choisie pour démarrer est celle des spinelles de type AM4X8 (GeV4S8, GaV4S8…). Elle présente l’avantage d’avoir une transition métal-isolant sans changement de structure (cubique), et donc très peu de déplacements atomiques1. Le gap de Mott est petit (200 à 400meV), permettant des transitions à faible champ électrique (1 à 10kV/cm) même sur des cristaux massifs, et les couches minces sont réalisables par pulvérisation cathodique. La première étape du projet sera une étude expérimentale du transport électrique à très basse température dans les CB-RAM OxRAM du LETI. L’idée simple mentionnée plus haut, est que la variabilité de ces systèmes, et notamment l’absence de retour à un régime très isolant, pourrait provenir de zone de conduction résiduelle de très petites tailles, avec des caractéristiques de conduction 1D, ou de conduction par un contact ponctuel qui se révèleront, à très basse température, par des signatures de transport quantique : blocage de Coulomb, résistance tunnel, fluctuations universelles de conductance... A noter que les effets quantiques de localisation faible, n’apparaissent qu’à basse température lorsque les effets de décohérence, notamment dus aux interactions électron-phonon et électron-électron, deviennent négligeables. Dans un deuxième temps, on réalisera les mêmes mesures sur des cristaux puis des couches minces d’isolants de Mott. Dans les deux cas, un travail en salle blanche sera nécessaire pour préparer les prises de contact sur ces systèmes. Ces mesures seront complétées par l’analyse théorique des effets quantiques observés, avec l’appui du groupe théorie de PHELIQS. Elle sera appliquée tant aux dispositifs CB-RAM / OxRAM existants, qu’aux isolants de Mott, pour déterminer les mécanismes physiques qui contrôlent le transport (et donc la variabilité). On veut ainsi pouvoir déterminer si les mécanismes en œuvre dans les systèmes à fortes corrélations électroniques, et notamment la transition métal/isolant, apportent réellement une nouvelle voie pour ces applications mémoire. Sur ces mêmes systèmes, avec les dispositifs réalisés pour les mesures très basse températures, on utilisera les techniques « gating » à base de liquide ionique pour contrôler le dopage électronique2 et tenter d’induire la transition métal isolant non plus dans un régime filamentaire, mais de façon homogène, comme ça a pu être réalisé dans des oxydes comme VO23. Le profil recherché est un(e) doctorant(e) avec une thèse expérimentale en recherche fondamentale, connaissant bien le transport quantique et les mesures basses températures, mais intéressé à travailler aussi avec des équipes en pointe en recherche plus appliquée sur la nano-électronique. Le (la) candidate pourra participer à l’encadrement d’une thèse qui devrait démarrer, à la rentrée 2016, sur les isolants de Mott pour ces applications mémoire (thèse en co-direction PHELIQS -LETI). 1 Janod et al., Resistive Switching in Mott Insulators and Correlated Systems Advanced Functional Materials, 2015, 25, 6287-6305 2 Hatano et al. Gate Control of Electronic Phases in a Quarter-Filled Manganite, Sci. Rep., 2013, 3, 1-5 3 Nakano et al., Collective bulk carrier delocalization driven by electrostatic surface charge accumulation, Nature, 2012, 487, 459-462 Quantum Transport at very low temperatures in resistive memories Post-doctoral project at the PHELIQS/INAC – LETI/DCOS, Cea 17 rue des Martyrs, 38042 Grenoble Cedex 9, France Contact : Jean-Pascal Brison, [email protected] Tel : +33 (0)4 38 78 52 48 General framework: Quantum effects observed at low temperature in low dimensional conductors are now well understood: conductance quantum, universal quantum fluctuations, weak localization effects, Coulomb blockade, multiple Andreev reflexions at normal/superconducting interfaces... They can even be used as the signature of physical singularities controlling electrical transport (tunnel or point contact, 1D filament...). This idea is the cornerstone of a new approach we want to use in order to shed light on the question of variability observed in nano-devices used as resistive memories (RRAM). This will be done both in "standard" dielectric RRAM, and in a new generation based on strongly correlated electron materials: Mott insulators. Indeed, resistive memories (RRAM) are in principle highly promising candidates for future memories combining non-volatility, speed and low consumption. They store information by changing their resistance state (low or high), which is obtained by the formation or breach of a conducting filament, induced by a voltage pulse. The LETI/DCOS is expert in the fabrication of such devices, realized with thin layers (between 5 and 30nm) of dielectric materials, driven in a low resistance state by the formation of an oxygen-vacancy filament (so-called OXRAM), or by the formation of a metallic filament (CBRAM, with diffusion of metallic ions from one of the electrodes). However, the major challenge (worldwide) for these RRAM is to control their variability, notably in the high resistance (off) state. The common wisdom is that this variability is directly connected to the filamentary conduction regime, common to both OXRAM and CBRAM. The main target of this project, which is “basic research oriented”, is to shed some light on the mechanisms driving the variability, in order to find a way to lower the variability, or to replace the dielectric layer by new materials where the problem could be handled differently. The “new materials” of interest are Mott insulators, which present the same “memory effect” as the dielectrics, but have an intrinsic thermodynamically stable insulating or conducting state, controlled by pressure, doping, stress, temperature… Ideally, succeeding to induce the change of the resistive state in the bulk of the Mott insulator would certainly suppress the main cause of variability, but even if we stick to a filamentary mechanism, the nature of these filaments could be very different from those in the dielectrics. Project: it is mainly focused on the realization and the analysis of transport measurements at very low temperature (down to 10mK), and under magnetic field (test of the quantum coherent effects like weak localization or universal conductance fluctuations, appearing in low dimensional systems), on two kinds of devices: • On state of the art CBRAM and OxRAM, selected by the DCOS, where we suspect anomalies in the conducting filaments. • Single crystals and later thin films of Mott insulators, produced at PHELIQS/INAC and SPINTEC/INAC, where we hope to produce the conducting filaments by a purely electronic mechanism (without ion displacements like in the dielectrics). These low temperature measurements will be performed at PHELIQS, whose teams master both quantum transport in nanoscale devices and the physics of strongly correlated electron systems. We have targeted a first family of Mott insulators: spinels of type AM4X8 (GeV4S8, GaV4S8…), for which the metal-insulator transition happens without structural changes (it remains cubic), with a small Mott gap (200-400meV), and for which both single crystals and thin films can be grown. Owing to the small Mott gap, filamentary transitions are induced with low electric fields (1-10kV/cm)4. The first task of the project is to study low temperature transport in the CB-RAM and OXRAM devices from the LETI. The simple idea, mentioned above, is that the variability of the devices may arise from residual conduction path of very low dimensions (1D or 0D), which should be revealed by signatures on the quantum transport at low temperature: Coulomb blockade, tunneling resistance, 4 Janod et al., Resistive Switching in Advanced Functional Materials, 2015, 25, 6287-6305 Mott Insulators and Correlated Systems universal conductance fluctuations… Note that these last quantum effects, due to weak localization, appear only when decoherence effects due to electron-electron or electron-phonon interactions become negligible. In a second step, similar measurements will be realized on crystals and thin films of Mott insulators, to start comparison with the dielectrics. Contacts will be prepared in the clean room facility “PTA” shared by INAC, CNRS and UGA. The measurements will be analyzed with the help of the theoretical team of PHELIQS, to reveal which physical mechanism control transport and so, variability. This should also yield a first insight on the question of whether Mott insulators can bring a new route for ReRAM memories, or if it faces the same caveats as dielectrics. On the same Mott insulator devices, gating technics with ionic liquids will be used to control electronic doping, and try to induce the metal-insulator transition “homogeneously” in the film, as realized in oxides like VO25, and not only through conducting filaments. The candidate should have a PhD in experimental basic research, knowing well quantum transport and low temperature measurements. He should have an interest to work also in close collaboration with state of the art teams from applied nano-electronics. He could also strongly participate to the supervision of a PhD that could start late 2016 on Mott insulators, co-supervised by PHELIQS and DCOS. 5 Hatano et al. Sci. Rep., 2013, 3, 1-5 Gate Control of Electronic Phases in a Quarter-Filled Manganite,