LAFFAIRE
MAKROPOULOS
Dossier pédagogique
Saison 2015-2016
operanationaldurhin.eu
EN DEUX MOTS
Elina Makropoulos vit depuis 337 ans grâce à
un élixir de vie que lui a donné son père et qui
lui apporte la jeunesse éternelle. Mais les effets
de la magie s’estompent peu à peu et la jeune
femme doit rapidement en retrouver la formule
secrète…
JANÁCEK
ˇ
« L’opéra selon Robert Carsen »
Conférence par Thierry Santurenne
Strasbourg, Librairie Kléber
sa 6 février 17 h
entrée libre
Langue : tchèque surtitré en français et en allemand
Durée approximative : 1 h 35 sans entracte
Conseillé à partir de 9 ans
Direction musicale Marko Letonja
Mise en scène Robert Carsen
Réalisation de la mise en scène Laurie Feldman
Décors Radu Boruzescu
Costumes Miruna Boruzescu
Lumières Robert Carsen et Peter Van Praet
Dramaturgie Ian Burton
Emilia Marty Ángeles Blancas Gulín
Albert Gregor Raymond Very
Dr Kolenatý Enric Martinez-Castignani
Vitek Guy de Mey
Krista Sophie Marilley
Jaroslav Prus Martin Bárta
Janek Enrico Casari
Hauk-Šendorf Andreas Jaeggi
Le Machiniste Peter Longauer
Chœurs de l’Opéra national du Rhin
Orchestre philharmonique de Strasbourg
© 1926 by Universal Edition A.G. Wien
Opéra en trois actes de Leos Janácek
Livret du compositeur, d’après Karel Capek
Créé au Théâtre national de Brno
le 18 décembre 1926
STRASBOURG Opéra
di 7 février 15 h
ma 9 février 20 h
sa 13 février 20 h
ma 16 février 20 h
je 18 février 20 h
MULHOUSE La Filature
sa 27 février 20 h
CONTACTS
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Photo Nis & For
Argument
Acte I - Prague, 1922
Le rideau se lève sur le cabinet de Maître Kolenaty, dans lequel le clerc Vitek et Albert Gregor s’entretiennent à propos
du procès qui oppose sa famille à celle du baron Prus. Ce dernier aurait eu, voilà bientôt cent ans, un ls illégitime avec
la chanteuse Elliana MacGregor, dont descendraient tous les Gregor. Mais les origines de cette affaire sont si lointaines
qu’il n’est personne aujourd’hui pour s’en souvenir.
Entre Krista, la lle de Vitek. Elle est encore sous le choc d’avoir entendu la veille Emilia Marty, la plus grande cantatrice
au monde. Krista est d’autant plus bouleversée qu’elle est elle-même actrice et chanteuse. Lorsque l’avocat revient à son
bureau en compagnie de la célèbre cantatrice, celle-ci semble étrangement connaître les détails de cette histoire. Elle
afrme que le baron Prus a eu un ls, appelé Ferdinand MacGregor et que sa mère était bel et bien la chanteuse Elliane
MacGregor. Elle promet d’apporter la preuve du lien de parenté entre les deux hommes, à condition que Maître Kolenaty
accepte de lui retrouver de vieux documents auxquels elle semble beaucoup tenir.
Acte II
Jaroslav Prus monte sur la scène vide d’un théâtre d’opéra, accompagné de son ls Janek, de sa ancée Krista et de
Gregor. Celle-ci, en entendant une femme de ménage et un machiniste parler du talent d’Emilia Marty, assure à Janek
que la cantatrice est si fascinante que tout homme tombe amoureux d’elle au premier regard. La chanteuse fait alors
son entrée de fort méchante humeur. Elle refuse les bijoux que Gregor lui offre, se moque ouvertement de Janek, puis
évoque de manière étrange des cantatrices mortes depuis plus d’un siècle comme si elle les avait personnellement
connues. Alors qu’elle signe un autographe à Krista? intervient le Comte Hauk-Sendorf, qui croit reconnaître en Emilia
une gitane, Eugenia Montez, avec qui il a eu une liaison il y a bien longtemps. Emilia imite alors avec une ressemblance
troublante les gestes de cette femme, que pourtant elle n’a pu avoir connu. Tous les personnages sont ensuite congédiés
par la cantatrice à l’exception de Jaroslav Prus. Ce dernier lui parle de la mystérieuse Elliana MacGregor. Il est fasciné
par le mystère qui entoure cette femme et explique avoir retrouvé certaines de ses lettres dans lesquelles elle ne signait
que EM. Or, ces initiales pourraient tout aussi bien signier Elliana MacGregor, Eugenia Montez, Emilia Marty, ou
même Elina Makropoulos. Il a en effet découvert que c’est sous le nom de Makropoulos que la naissance d’un enfant,
Ferdinand, a été déclarée le même jour que celle du prétendu ls du baron Prus. Les documents découverts contiennent
également une enveloppe, qu’il n’a pas encore ouverte. Emilia propose de la lui acheter mais ce dernier refuse et se
retire, tandis qu’entre Gregor. La cantatrice repousse à nouveau ses avances et celui-ci menace de la tuer quand elle
lui demande de dérober la lettre de Prus. Puis Emilia s’endort et Gregor s’en va. À son réveil, Janek est auprès d’elle.
Elle lui demande de voler les documents à son père et alors que le jeune homme, fasciné par Emilia, est sur le point
d’accepter, Prus qui a tout entendu le chasse de la pièce. Il promet à Emilia qu’en échange de ses faveurs, il lui remettra
l’enveloppe tant convoitée.
Acte III
Prus et Emilia sont dans une chambre d’hôtel. Ils viennent de passer la nuit ensemble et comme convenu, il lui remet
l’enveloppe, que la cantatrice s’empresse d’ouvrir. Il est fâché parce que le marché ne lui a pas apporté satisfaction et
se plaint qu’Emilia se soit donnée à lui à contre cœur. On apporte ensuite un message à Prus, lui apprenant que son ls
unique Janek s’est suicidé par amour pour Emilia. Prus est désespéré mais la jeune femme ne semble pas affectée par le
décès du jeune homme et refuse de se sentir responsable de son acte.
Le Comte Hauk-Sendorf entre et propose à la chanteuse, qu’il confond toujours avec son ancien amour, de fuir avec
lui. Entrent alors Gregor, Kolenaty, Vitek, Krista et un médecin qui emmène le vieil homme. Kolenaty révèle que la
lettre et l’autographe de Krista ont tous deux été écrits par la même personne. Il demande à Emilia une explication et si
celle-ci tente dans un premier temps de se soustraire à leurs questions, elle nit par raconter son histoire. Son nom est
en réalité Elina Makropoulos. Née en Crête en 1575, elle est la lle de Hieronymus Makropoulos, médecin à la cour de
Rodolphe II. Son père avait fabriqué un élixir de vie pour l’empereur, qui au dernier moment demanda au médecin de
faire boire la potion à sa lle, an d’en tester les effets. Mais Rodolphe II se rendit compte qu’il ne vivrait jamais assez
longtemps pour juger de son efcacité et, de rage, jeta Hieronymus Makropoulos en prison. L’homme mourut enfermé,
mais Elina, elle, avait fuit avec la formule du breuvage magique. Elle vécut ainsi pendant plusieurs siècles, changeant
régulièrement d’identité, mais conservant toujours les mêmes initiales : EM. Elle avait laissé la lettre contenant la
formule secrète chez le seul homme qu’elle n’ait jamais aimé : Ferdinand Prus. Mais les effets de l’élixir ne durant que
trois cents ans, il lui fallait retrouver la formule pour prolonger sa jeunesse. Alors que Kolenaty s’insurge contre cette
histoire invraisemblable, Emilia perd connaissance. Lorsqu’elle retrouve ses esprits, elle avoue que cette existence trop
longue ne lui convient plus, que la vie n’a plus de sens si elle est éternelle et que sa longévité lui a fait perdre son âme.
Elle remet le parchemin à Krista qui le jette au feu tandis qu’Elina Makropoulos s’effondre, morte.
Quelques mots sur l’œuvre
À la recherche d’un sujet d’opéra dont il puisse écrire lui-même le livret, notamment pour éviter de connaître à nouveau
des démêlés avec ses collaborateurs, Janáček assiste le 10 décembre 1922 à la dernière comédie de Karel Čapek, l’un des
inventeurs de la littérature de science-ction, au théâtre Vinohrady de Prague. Même si les deux hommes se connaissent
et se respectent le dramaturge ayant assisté, encore lycéen, à une représentation de Jenůfa à Brno en 1905 –, cela
n’empêche pas ce dernier de se faire un peu prier pour lui consentir le droit d’adapter son ouvrage, peu convaincu d’une
transposition à l’opéra. Janáček obtient nalement un accord en septembre 1923 au prix d’un contrat très avantageux
pour l’auteur – et se met au travail.
Comme à son habitude, il met près de deux ans à élaborer sa première ébauche, la laisse reposer plusieurs mois avant de
naliser la composition en décembre 1925. De nouvelles négociations avec les éditions Universal, son éditeur viennois,
cherchent à revenir sur l’accord passé avec Čapek an de défendre un peu mieux les intérêts du compositeur. Et une
version allemande est également envisagée pour assurer la diffusion internationale. Elle donne d’ailleurs lieu à de
longues tractations avec Max Brod, pourtant n connaisseur de l’œuvre du compositeur, qui se solde par une version
peu satisfaisante aux yeux de ce dernier et nit par brouiller les deux amis. Janáček s’étant permis un certain nombre de
libertés vis-à-vis de la pièce, Max Brod avait tenté d’inéchir quelque peu le livret notamment au dernier acte l’on
est plongé dans une vraie atmosphère de tragédie contrairement à la « comédie » originale.
La création a lieu à Brno, ville d’adoption du compositeur, le 18 décembre 1926. C’est d’ailleurs la dernière création à
laquelle il assistera. Et c’est un vrai succès, conrmé par sa première pragoise en 1928. Čapek reconnaît sans difculté
l’excellente adaptation de son ouvrage. Mais la diffusion internationale peine à se propager : Berlin en 1929 sans aucune
reprise pendant trente ans, Vienne en 1938, Londres en 1946, San Franciso en 1966. Pas d’entrée au répertoire de
l’Opéra de Paris durant tout le XXe siècle mais tout de même une création française dans les années 1960.
Contrairement à ses autres ouvrages, ce qui frappe dans la partition de L’Affaire Makropoulos, c’est son austérité. On
assiste à une sorte de « parole chantée » la musique suit au plus près les dialogues. Comme une récitation rapide
et continue, la mélodie et le rythme cherchent à rendre compte des inexions du discours, le tout néanmoins porté
par une orchestration d’une grande richesse. Un procédé d’une vraie modernité. Seul le monologue nal d’Emilia
Marty semble renouer avec la tradition des grandes scènes lyriques et plonge subitement l’opéra dans une expressivité
inattendue qui perdure jusqu’à la tombée du rideau et la mort de l’héroïne.
L’ouvrage a été donné pour la première fois à l’OnR en 1994 sous la direction de Rudolf Krečmer et dans la mise en
scène de Bernard Sobel. Il a été repris en 2011 sous la baguette de Friedemann Layer et avec Robert Carsen comme
metteur en scène, dans le cadre du cycle Janáček initié par Marc Clémeur. C’est cette production qui est reprise.
À écouter, à voir
> Sir Charles Mackerras, Orchestre philharmonique de Vienne, Elisabeth Söderström (Emilia Marty), Peter Dvorsky
(Albert Gregor), Vladimir Krejcik (Vitek), Decca, 1979
> Christoph Marthaler (msc.), Esa-Pekka Salonen (dir.), Orchestre philharmonique de Vienne, Angela Denoke
(Emilia Marty), Raymond Very (Albert Gregor), Peter Hoare (Vitek), Unitel Classica, 2012, DVD
Lettre de Čapek à Janáček, le 27 février 1923
« J’ai une trop haute opinion de la musique et de la vôtre en particulier pour l’imaginer liée à une pièce au
style aussi familier, aussi peu poétique et aussi verbeux que mon Affaire Makropoulos. Je crains que vous
ne songiez à toute autre chose, quelque chose de mieux, que ce que ma pièce offre vraiment à part son
personnage de trois cents ans… Néanmoins, cher Maître, rien ne vous empêche, sans tenir compte de ma
pièce, d’imaginer une intrigue dont l’axe, le centre, serait, dans un cadre plus approprié, une vie de trois cents
ans et ses souffrances. Après tout ce n’était pas ma propriété : vous pourriez la baser sur Ahasvérus (le juif
errant), la sorcière du conte de Langer (dans la collection Assassins ou Rêveurs) ou même Mlle Makropoulos,
et aménager l’action complètement indépendamment, comme bon vous semble, exactement comme vous me
l’avez dit en fait. Vous n’auriez pas besoin alors de la longue discussion au sujet du procès, de la recette perdue
et de son emploi, etc. Mon texte devrait être réellement modié et il vaudrait peut-être mieux alors ne pas vous
y tenir et établir vos propres conditions. Je le répète : je ne considère pas l’histoire d’une personne éternelle,
ou de trois cents ans, comme ma propriété littéraire et je ne vous empêcherai donc pas de l’utiliser comme bon
vous semble. »
La définition musicale des émotions
L’Affaire Makropoulos ne comprend ni air, ni duo, ni ensemble, ni chœur, ni interlude orchestral développé, ni volonté
particulière d’effets. Janáček leur a préféré une orchestration très riche et a écrit des dialogues à la fois uides et
laconiques.
Le compositeur s’est attaché dans L’Affaire Makropoulos, et dans ses opéras de manière générale, à traduire le plus
précisément et justement possibles les émotions des personnages. Il a ainsi tenté avec succès de dénir musicalement
l’état psychologique de ses héros à travers l’intonation de leur voix. L’auteur assure d’ailleurs s’être tourné vers l’opéra
car cette forme est, selon lui, la plus à même de mettre la parole en musique et de montrer l’inuence qu’a l’état
psychologique du personnage sur l’intonation de la voix.
Ce travail musical et rythmique très élaboré n’a d’autre sens que celui de rechercher inlassablement un instant de vie,
une émotion. Janáček s’est ainsi longtemps tourné vers les pièces réalistes pour composer ses opéras, pensant que ce
genre dramatique l’aiderait à trouver l’émotion juste et vraie. Mais il décida plus tard d’écrire lui-même ses livrets, le
théâtre en prose lui semblant encore trop articiel.
La création en 2010 à l’OnR
© Alain Kaiser
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