Commerce caravanier et traites transsahariennes Routes principales Alger Fès TA F I L A L E T Sidjilmassa Ouargla Mogador Océan Atlantique Les échanges transsahariens entre VIIIe et XVIe siècle Adjil Teghazza Djalo T I D I K E LT Sel Oualata Sénég al Arawan Bakai B A M B O U K Or Ségou païens par les commerçants musulmans et pouvaient donc être capturés et vendus. De nombreuses caravanes ont acheminé ces milliers d’esclaves à qui l’on faisait porter des charges afin de réduire le coût du portage animalier. à la fin du XVIe siècle, Jean Palerne Forésien, ex-secrétaire du duc d’Anjou, frère du roi de France Henri III, s’arrête au Caire sur le chemin de Jérusalem et y décrit un marché aux esclaves. Il observe avec pitié ses coreligionnaires capturés aux frontières du “royaume du Prêtre Jean” (l’Éthiopie). Les hommes sont utilisés dans les grandes plantations, du golfe Arabo-Persique notamment, dans les mines de sel, mais aussi dans les armées (les Mamluks d’Égypte ont ainsi constitué une armée essentiellement composée d’esclaves), ou encore dans les harems, comme eunuques. Les femmes sont recherchées pour les harems et la domesticité et font l’objet d’un examen particulièrement minutieux. Le prix de ces esclaves dépendait de l’âge, des capacités physiques, du sexe, et pouvait parfois être très important. Le commerce transsaharien a commencé à décliner dès le XVIe siècle, lorsque l’arrivée des Européens a peu à peu détourné l’essentiel du trafic, notamment d’esclaves, à destination des Amériques, vers les côtes et les comptoirs littoraux. Il a néanmoins subsisté jusqu’au XIXe siècle et l’abolition de la traite. Les grandes caravanes de sel restent, aujourd’hui, les seules à échanger entre le Sahara et le Sahel. Kong ENNEDI WADAI KANEM Lac Tchad Zinder Katsina Kumasi Salaga BORNU Abeche Kano Ilorin DARFUR Wara Ivoire Kola N il Souakin La Mecque BORKU Agadès Niamey Sokoto Ouagadougou Médine El Giof Sel Gao Esclaves BOURÉ KUFRA Hefuan AÏR er Nig Tombouctou Djenné Le Caire Principaux produits d’échange Assiout FEZZAN TIBESTI SAHEL Koumbi Saleh Ivoire Jaghbub Murzuk Ghat SAHARA Villes d’étape CYRÉNAÏQUE In Salah T U AT Villes de départ Benghazi Ghadamès Taoudenni Carte disponible sur transparent Tripoli e oug rR E commerce trans- les villes d’Afrique du Nord ou du saharien ne semble pas Sahel, avaient des représentants dans avoir été régulier avant le VIII e les villes d’étape (ainsi sur la route siècle. Il s’est développé d’abord entre Tripoli et Kano : Ghadamès, à partir de l’Égypte, puis entre le Ghat, Hefuan, Agadès ou Zinder), Maghreb et la boucle du Niger, où et employaient des serviteurs pour son essor est important à partir du conduire les dizaines, voire les cenXe siècle. Le Ghana est jusqu’au taines de dromadaires, bien adaptés XIe siècle la destination principale au désert, qui constituaient les aniau sud du Sahara, jusqu’à ce que le maux de bât des caravanes. Ibn BatTakrur (ou Tekrur, dans la vallée du tuta, au XIVe siècle, évoque des fleuve Sénégal) le remplace, détrôné caravanes comptant plus de 10 000 à son tour aux XIIIe-XVIe siècles chameaux ! Les gains réalisés étaient par les pôles économiques du Mali élevés, pouvant atteindre plusieurs et du Songhaï (Djenné, Tombouctou, fois les sommes investies. Gao). Les routes se modifient ainsi Le sel et des objets artisanaux, pendant toute la période, en fonction auxquels s’ajoutèrent peu à peu les des pouvoirs qui se succèdent, des chevaux pour le prestige, les étoffes rivalités et des conflits, mais aussi de – y compris européennes –, les perles la découverte ou du contrôle des mi- et le sucre, venaient du nord. Les esnes de sel. Certaines routes, comme claves, l’or, les noix de kola, l’ivoire, celle qui longeait l’Atlantique en les peaux, les bois et certainement du passant par la Mauritanie, n’existent cuivre, venaient du sud. quasiment plus à partir du IXe-Xe Le sel était extrait dans les misiècle, alors que l’éventail des routes nes sahariennes d’Adjil, puis de arrivant au nord depuis la boucle du Teghazza ou plus tard de Taoudenni. Niger s’élargit, allant du Maroc à la Il constituait un produit de base dans Cyrénaïque. Au XIIIe siècle, trois les échanges avec une Afrique au espaces régionaux deviennent des sud du Sahara qui en était à peu près partenaires commerciaux essentiels : complètement démunie. Indispensale Maghreb, l’Ouest africain et le ble pour compléter une alimentation monde méditerranéen occidental, céréalière faible en sels minéraux, et tant musulman (en Espagne) que pour l’élevage, le sel était si imporchrétien. Les échanges transsahariens tant qu’il servit parfois de monnaie. ont ainsi contribué à l’intégration Au XIVe siècle, Al Bakri évoque économique de zones variées, et même des échanges à poids égal permis de mettre en relation le Sahel entre l’or et le sel ! On comprend et les zones plus méridionales ou que les empires se soient disputés le forestières de l’Afrique. contrôle des salines. Ainsi, l’Askia L’organisation du trafic saharien du Songhaï réussit au XVIe siècle à est assez bien connue. La plupart des occuper Teghazza et à l’exploiter à grands commerçants ne quittaient son profit, mais il en fut chassé par pas les villes de départ des pistes. l’expédition marocaine de Djouder Ils investissaient leur capital dans dont les mines étaient l’un des prinplusieurs caravanes pour répartir les cipaux objectifs. risques de pertes, toujours possibles Les esclaves provenaient des dans les traversées du désert. Ces territoires non islamisés, où les commerçants étaient installés dans habitants étaient considérés comme Gabès Routes de l’or Mer Méditerranée Artisanat, perles Tindouf c h e v a u x , s u c r e Tichit L Routes secondaires Tunis Me DP 8075 HISTOIRE DE L’AFRIQUE ANCIENNE 28-29 El Facher KORDOFAN El Obeid Sennar Esclaves Cuivre Esclaves Source : d’après Adu Boahen, 1981. © Dila, Paris, 2010. Un marché aux esclaves noirs au Caire à la fin du XVIe siècle Il y a deux ou trois rues près le dit Cancalli [quartier du Caire], où se vendent les pauvres esclaves chrétiens, où j’en ai vu plus de quatre cents pour un coup, la pluspart desquels sont noirs : qu’ils dérobent sur les frontières du Prêtre Jean. Ils les font ranger par ordre contre la muraille, tous nus, les mains liées par derrière, afin qu’on les puisse mieux contempler, et voir s’ils ont quelque défectuosité, et avant que de les mener au marché, ils les font aller au bain, leur peignent et tressent leurs cheveux assez mignardement, pour les mieux vendre, leur mettent bracelets et anneaux aux bras, et aux jambes, des pendants aux oreilles, aux doigts et au bout des tresses de leurs cheveux ; et de cette façon sont menés au marché, et maquignondés comme chevaux. Les filles à la différence des garçons, ont seulement un petit linge autour pour couvrir leurs parties honteuses : là est permis à chacun de les visiter et manier devant et derrière, de les faire marcher et courir, parler et chanter, regarder aux dents, sentir si leur haleine n’est point puante : et comme on est prêt de faire marché, si c’est une fille, ils la retirent seulement un peu à l’écart, qu’ils couvrent d’un grand drap, où elle est amplement visitée en présence de l’acheteur par des matrones à ce commises pour connaître si elle est pucelle. Cela étant, elle vaut davantage. Pérégrinations du seigneur Jean Palerne Forésien, secrétaire de feu monseigneur François de Valois duc d’Anjou, d’Alençon, etc., frère de feu Henri III, roy de France et de Pologne, Lyon, Pillehotte, 1606, réédition partielle par Serge Sauneron, collection Les voyageurs occidentaux en Égypte, sous le titre Voyage en Égypte de Jean Palerne Forésien, 1581, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1971. 0 1 000 km