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DP 8075 HISTOIRE DE L’AFRIQUE ANCIENNE
LE commerce trans-
saharien ne semble pas
avoir été régulier avant le VIIIe
siècle. Il s’est développé d’abord
à partir de l’Égypte, puis entre le
Maghreb et la boucle du Niger,
son essor est important à partir du
Xe siècle. Le Ghana est jusqu’au
XIe siècle la destination principale
au sud du Sahara, jusqu’à ce que le
Takrur (ou Tekrur, dans la vallée du
fleuve Sénégal) le remplace, détrôné
à son tour aux XIIIe-XVIe siècles
par les pôles économiques du Mali
et du Songhaï (Djenné, Tombouctou,
Gao). Les routes se modifient ainsi
pendant toute la période, en fonction
des pouvoirs qui se succèdent, des
rivalités et des conflits, mais aussi de
la découverte ou du contrôle des mi-
nes de sel. Certaines routes, comme
celle qui longeait l’Atlantique en
passant par la Mauritanie, n’existent
quasiment plus à partir du IXe-Xe
siècle, alors que l’éventail des routes
arrivant au nord depuis la boucle du
Niger s’élargit, allant du Maroc à la
Cyrénaïque. Au XIIIe siècle, trois
espaces régionaux deviennent des
partenaires commerciaux essentiels :
le Maghreb, l’Ouest africain et le
monde méditerranéen occidental,
tant musulman (en Espagne) que
chrétien. Les échanges transsahariens
ont ainsi contribué à l’intégration
économique de zones variées, et
permis de mettre en relation le Sahel
et les zones plus méridionales ou
forestières de l’Afrique.
L’organisation du trafic saharien
est assez bien connue. La plupart des
grands commerçants ne quittaient
pas les villes de départ des pistes.
Ils investissaient leur capital dans
plusieurs caravanes pour répartir les
risques de pertes, toujours possibles
dans les traversées du sert. Ces
commerçants étaient installés dans
les villes d’Afrique du Nord ou du
Sahel, avaient des représentants dans
les villes d’étape (ainsi sur la route
entre Tripoli et Kano : Ghadamès,
Ghat, Hefuan, Agadès ou Zinder),
et employaient des serviteurs pour
conduire les dizaines, voire les cen-
taines de dromadaires, bien adaptés
au désert, qui constituaient les ani-
maux de bât des caravanes. Ibn Bat-
tuta, au XIVe siècle, évoque des
caravanes comptant plus de 10 000
chameaux ! Les gains réalisés étaient
élevés, pouvant atteindre plusieurs
fois les sommes investies.
Le sel et des objets artisanaux,
auxquels s’ajoutèrent peu à peu les
chevaux pour le prestige, les étoffes
y compris européennes –, les perles
et le sucre, venaient du nord. Les es-
claves, l’or, les noix de kola, l’ivoire,
les peaux, les bois et certainement du
cuivre, venaient du sud.
Le sel était extrait dans les mi-
nes sahariennes d’Adjil, puis de
Teghazza ou plus tard de Taoudenni.
Il constituait un produit de base dans
les échanges avec une Afrique au
sud du Sahara qui en était à peu près
complètement démunie. Indispensa-
ble pour compléter une alimentation
céréalière faible en sels minéraux, et
pour l’élevage, le sel était si impor-
tant qu’il servit parfois de monnaie.
Au XIVe siècle, Al Bakri évoque
même des échanges à poids égal
entre l’or et le sel ! On comprend
que les empires se soient disputés le
contrôle des salines. Ainsi, l’Askia
du Songhaï réussit au XVIe siècle à
occuper Teghazza et à l’exploiter à
son profit, mais il en fut chassé par
l’expédition marocaine de Djouder
dont les mines étaient l’un des prin-
cipaux objectifs.
Les esclaves provenaient des
territoires non islamisés, les
habitants étaient considérés comme
païens par les commerçants musul-
mans et pouvaient donc être capturés
et vendus. De nombreuses caravanes
ont acheminé ces milliers d’esclaves
à qui l’on faisait porter des charges
afin de réduire le coût du portage ani-
malier. À la fin du XVIe siècle, Jean
Palerne Forésien, ex-secrétaire du
duc d’Anjou, frère du roi de France
Henri III, s’arrête au Caire sur le
chemin de Jérusalem et y décrit un
marché aux esclaves. Il observe avec
pitié ses coreligionnaires capturés
aux frontières du “royaume du Prêtre
Jean” (l’Éthiopie). Les hommes sont
utilisés dans les grandes plantations,
du golfe Arabo-Persique notamment,
dans les mines de sel, mais aussi dans
les armées (les Mamluks d’Égypte ont
ainsi constitué une armée essentielle-
ment composée d’esclaves), ou encore
dans les harems, comme eunuques.
Les femmes sont recherchées pour
les harems et la domesticité et font
l’objet d’un examen particulièrement
minutieux. Le prix de ces esclaves
dépendait de l’âge, des capacités
physiques, du sexe, et pouvait parfois
être très important.
Le commerce transsaharien a
commencé à décliner dès le XVIe
siècle, lorsque l’arrivée des Euro-
péens a peu à peu détourné l’essentiel
du trafic, notamment d’esclaves, à
destination des Amériques, vers les
côtes et les comptoirs littoraux. Il a
néanmoins subsisté jusqu’au XIXe
siècle et l’abolition de la traite. Les
grandes caravanes de sel restent,
aujourd’hui, les seules à échanger
entre le Sahara et le Sahel.
Commerce caravanier
et traites transsahariennes
Les échanges transsahariens
entre VIIIe et XVIe siècle
Kano Esclaves
Cuivre
Ivoire
Esclaves
Esclaves
K o l a
Sel
O r
Sel
Artisanat, perles
chevaux, sucre
Ivoire
El Giof
Djalo
Fès
Mogador
Tindouf
In Salah
Alger
Gabès
Tunis
Taoudenni
Oualata Arawan
Ghat
Murzuk
Agadès
El Facher El Obeid Sennar
Souakin
La Mecque
Médine
Le Caire
Jaghbub
Tripoli Benghazi
Niamey
Gao
Tombouctou
Bakai
Ségou
Kong
Kumasi
Salaga
Djenné
Ilorin
Sokoto
Katsina
Zinder
Wara
Abeche
Hefuan
Routes principales
Routes secondaires
Principaux produits
d’échange
0 1 000 km
Assiout
Ghadamès
Villes de départ
Villes d’étape
Ouagadougou
Teghazza
Ouargla
Tichit
Sidjilmassa
Adjil
Koumbi Saleh
KUFRA
TIBESTI
FEZZAN
CYRÉNAÏQUE
TAFILALET
T U A T
KORDOFAN
DARFUR
WADAI
BORKU
ENNEDI
KANEM
BORNU
BOURÉ
SAHARA
SAHEL
N
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g
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TIDIKELT
AÏR
BAMBOUK
M
e
r
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ouge
Mer Méditerranée
Océan Atlantique
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S
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n
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Source : d’après Adu Boahen, 1981. © Dila, Paris, 2010.
Routes de l’or
Lac Tchad
Un marché aux esclaves noirs au Caire à la fin du XVIe siècle
Il y a deux ou trois rues près le dit Cancalli [quartier du Caire], se vendent les
pauvres esclaves chrétiens, j’en ai vu plus de quatre cents pour un coup, la plus-
part desquels sont noirs : qu’ils dérobent sur les frontières du Prêtre Jean. Ils les font
ranger par ordre contre la muraille, tous nus, les mains liées par derrière, afin qu’on
les puisse mieux contempler, et voir s’ils ont quelque défectuosité, et avant que de
les mener au marché, ils les font aller au bain, leur peignent et tressent leurs cheveux
assez mignardement, pour les mieux vendre, leur mettent bracelets et anneaux aux
bras, et aux jambes, des pendants aux oreilles, aux doigts et au bout des tresses de
leurs cheveux ; et de cette façon sont menés au marché, et maquignondés comme
chevaux. Les filles à la différence des garçons, ont seulement un petit linge autour
pour couvrir leurs parties honteuses : est permis à chacun de les visiter et manier
devant et derrière, de les faire marcher et courir, parler et chanter, regarder aux dents,
sentir si leur haleine n’est point puante : et comme on est prêt de faire marché, si
c’est une fille, ils la retirent seulement un peu à l’écart, qu’ils couvrent d’un grand
drap, où elle est amplement visitée en présence de l’acheteur par des matrones à
ce commises pour connaître si elle est pucelle. Cela étant, elle vaut davantage.
Pérégrinations du seigneur Jean Palerne Forésien, secrétaire de feu monseigneur François de Valois duc
d’Anjou, d’Alençon, etc., frère de feu Henri III, roy de France et de Pologne, Lyon, Pillehotte, 1606, réédi-
tion partielle par Serge Sauneron, collection Les voyageurs occidentaux en Égypte, sous le titre Voyage
en Égypte de Jean Palerne Forésien, 1581, Le Caire, Institut français d’archéologie orientale, 1971.
Carte disponible sur transparent
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