l`enjeu de la liquidité de marche - Rencontres des Professionnels

AMAFI / 15-48
26 octobre 2015
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LENJEU
DE LA LIQUIDITÉ DE MARCHE
PRENDRE LA PLEINE MESURE DES EVOLUTIONS EN COURS
POUR AGIR EN CONSEQUENCE
Document de réflexion
de lAssociation française des marchés financiers
Une liquidité de plus en plus évanescente. Comme en témoigne la succession de rapports, études et
avis publiés ces derniers mois (v. notamment la bibliographie synthétique présentée en Annexe), la
question de la liquidité des marchés est aujourd’hui une préoccupation centrale de nombre d’acteurs et
d’observateurs des marchés financiers, et au premier chef des régulateurs et superviseurs de ces
marchés ainsi que des banques centrales.
Cette sensibilité nouvelle trouve sa source dans plusieurs « secousses » qui, au cours des derniers mois,
ont affecté les marchés, et dont l’un des symptômes a été une brutale réduction de leur liquidité, voire sa
disparition temporaire. En témoignent particulièrement le « mini flash crash » sur les bons du Trésor
américain du 15 octobre 2014, la forte perturbation du marché des changes causée par la flambée du
franc suisse à la suite de l’abandon, non anticipé par le marché, de son ancrage à l’euro par la Banque
nationale suisse le 15 janvier 2015, ou, plus récemment, les chocs de marché du 24 août 2015, induits
par les inquiétudes quant à l’état et aux perspectives de l’économie chinoise. Mais d’autres exemples, qui
peuvent paraître moins significatifs, attestent eux-aussi de l’ampleur acquise par cette problématique.
Ne pas reproduire la crise des subprimes. Heureusement momentanées, ces « secousses » ont
néanmoins constitué, par leur intensité, un signal d’alerte compte tenu de l’enjeu que représente la
liquidité pour le bon fonctionnement des marchés.
Par ailleurs, personne n’oublie que, même si la nature très particulière des produits en cause a joué un
rôle déterminant, la crise des subprimes a été déclenchée à la mi-2007 par la constatation que la liquidité
de ces produits, considérée comme acquise jusqu’alors, était en réalité presque inexistante, d’où un
risque majeur sur la représentativité des prix auxquels s’échangeaient ces produits. Cette vélation a
entraîné de fortes incertitudes sur la valeur du bilan des acteurs qui les avaient acquis, et notamment des
banques, déclenchant alors la crise systémique que l’on sait.
Renforcer la résilience du système par celle des établissements. Depuis lors, l’objectif a été de
renforcer vigoureusement la résilience du système financier en général et des banques en particulier, via
notamment le durcissement des exigences prudentielles auxquelles les établissements doivent faire face.
Mais la résilience accrue des établissements n’a qu’une portée limitée si le bon fonctionnement du
marché, dont la liquidité est l’un des marqueurs importants, n’est pas simultanément assuré. Sans
liquidité assez stable et durable des marchés, c’est le processus de détermination des prix qui se trouve
affaibli, et avec lui la valorisation de nombreux actifs qui peut être mise en doute, mais aussi plus
généralement, la capacité des agents économiques à lever des financements ou à couvrir leur risque au
meilleur coût : le risque est alors d’enclencher la même spirale que celle qui, à l’automne 2008, a
entraîné les économies occidentales dans la crise dont nous subissons encore les conséquences La
fragilité que mettent en évidence les ruptures de liquidité constatées récemment doit donc
nécessairement retenir l’attention.
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Prendre en compte le rôle accru du marcà l’instar de l’UMC. Cette attention est naturellement
accentuée par le rôle croissant du marcdans le financement de l’économie, la gestion des risques et
l’allocation de l’épargne. En Europe particulièrement, le modèle de financement des entreprises est
appelé à poursuivre son évolution pour dépendre moins du crédit bancaire et davantage du marché.
Cette évolution paraît d’autant plus irréversible qu’elle est sous-tendue, d’une part, par la volonté des
entreprises de diversifier leurs sources de financement et, d’autre part, par l’impact des nouvelles
réglementations prises depuis 2008 qui contraignent la capacité du système bancaire européen à
dispenser des crédits.
Dans cet environnement en évolution profonde, la capacité à assurer une liquidité du marcassez
stable est critique pour le succès du projet d’Union des Marchés de Capitaux porté par la Commission
européenne et, au-delà, pour le bon financement de l’économie européenne sans lequel le retour de la
croissance et son maintien restent peu probables.
Le risque aggravé de crises en spirale. Mais les ruptures de liquidité que connaît aujourd’hui le marché
révèlent aussi une situation dont les conséquences ne doivent pas être mésestimées : il semble en effet
probable que, si rien n’est entrepris pour endiguer, sinon contrecarrer les forces à l’œuvre, des crises de
liquidité qui jusqu’ici, avaient des effets seulement passagers, puissent désormais plus facilement et plus
rapidement se transformer en crises majeures, faute d’apporteurs de liquidité pouvant répondre
suffisamment à la demande d’investisseurs dont les comportements sont toujours plus alignés.
La liquidité de marché apparaît ainsi comme la source potentielle d’un risque systémique accru par
rapport à la situation antérieure à la crise financière, situation d’autant plus paradoxale quelle résulterait
pour partie des nombreuses et importantes mesures de régulation prises en réponse à cette crise.
Apporter la contribution des professionnels de marché. Pour les acteurs de marché que l’AMAFI
représente, la question de la liquidité de marcet de sa gestion en situation de crise est centrale :
évidemment parce que c’est le cœur même de leur activité qui est en jeu, mais aussi, et beaucoup plus
fondamentalement, parce que l’importance prise par les marchés oblige à rechercher tous les moyens
d’optimaliser leur fonctionnement. Aussi, et dans le prolongement direct de la note qu’elle a consacrée en
début d’année aux problématiques de tenue de marché (v. Tenue de marché Un enjeu pour des
marchés efficaces au service du financement de l’économie, AMAFI / 15-03, 6 janvier 2015), et dont ce
document reprend d’ailleurs certains éléments, l’Association souhaite aujourd’hui apporter sa contribution
aux débats en cours sur la question de la liquidité de marché.
Elle considère que cette contribution peut être d’autant plus utile, qu’au-delà des données objectives
qu’elle réunit, l’AMAFI exprime le sentiment de professionnels de marché qui, par leur proximité avec ce
dernier, sont naturellement en mesure de percevoir avec acuité les modifications profondes en cours et
les tendances qui s’en dégagent.
Un constat de plus en plus partagé mais des solutions qui restent incertaines. Le travail mené en la
matière par l’AMAFI depuis plusieurs mois lui a permis de constater une certaine unité de ton quant au
constat. Ainsi, ce document s’appuie largement sur diverses réflexions menées en la matière pour, tout
en rappelant l’enjeu de la liquidité de marché et en observant la multiplication récente des situations de
stress de liquidité (A), fournir un éclairage assez synthétique sur l’effet de ciseau qui résulte de la hausse
continuelle de la demande de liquidité, conjuguée à une diminution notable de l’offre de liquidité (B.).
Dans un troisième temps, l’objectif est d’identifier un certain nombre d’éléments qui, du point de vue de
l’Association, lui paraissent devoir être examinés de manière approfondie (C.). Par nature, ces pistes de
solution sont très diverses et interagissent avec une multitude de parties prenantes avec lesquelles la
réflexion doit être poursuivie. En tout état de cause, la conviction de l’AMAFI est qu’il n’existe pas un
levier unique de solution, mais une multiplicité de leviers sur lesquels il faut agir de façon coordonnée.
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SOMMAIRE
A. Le constat : essentielle à leur bon fonctionnement, la liquidité des
marchés connaît de plus en plus de ruptures .................................................... 7
A.1. La liquidité secondaire, élément fondamental du bon fonctionnement des
marchés ........................................................................................................................................ 7
A.1.1. De la liquidité dépend le coût du capital .............................................................................. 7
Encadré 1 : Apprécier la liquidité de marché .......................................................................... 7
A.1.2. Liquidité et intérêt général ................................................................................................... 8
Encadré 2 : Ne pas confondre liquidité de marché et liquidité monétaire ............................... 8
Illustration 1 : Pourquoi une liquidité résiliente est importante................................................ 9
A.1.3. Quels sont les facteurs d’une liquidité abondante et résiliente ? ........................................ 9
Illustration 2 : Contribution de différents facteurs à la performance en liquidité
d’obligations d’entreprises durant l’épisode du « taper tantrum » .................. 10
A.2. Un risque de liquidité qui s’accroît .......................................................................................... 10
A.2.2. Des indicateurs qui semblent rassurants … ...................................................................... 10
Illustration 3 : Des signaux rassurants aux US … ................................................................ 10
Illustration 4 : … Comme dans la zone euro ........................................................................ 11
A.2.2. … Mais sans masquer une réalité plus inquiétante ........................................................... 11
La vitesse de rotation des actifs a assez significativement baissé............................... 11
Illustration 5 : Baisse de la vitesse de rotation des stocks obligataires ................................ 11
Le coût relatif à traiter un ordre a augmenté pour les investisseurs............................. 12
Illustration 6 : Exprimés en jours de rendement, les spreads bid-offer obligataires
ont augmenté ................................................................................................. 12
Illustration 7 : Baisse du montant moyen d’une transaction sur obligations
d’entreprises US de catégorie investissement ............................................... 12
La taille moyenne des transactions a diminué.............................................................. 12
La profondeur des intérêts disposés à traiter a diminué, et l’impact des
transactions a augmenté .............................................................................................. 12
Illustration 8 : Impact de prix en augmentation et profondeur de marché en déclin
sur les valeurs US… ...................................................................................... 13
Illustration 9 : … comme sur les valeurs européennes ......................................................... 13
A.2.3. Un mécanisme de formation des prix fragilisé ................................................................... 13
Le « flash crash » sur le marché de la dette US le 15 octobre 2014, …. ..................... 14
Illustration 10 : Analyse par Citi du flash crash du 15 octobre 2014 ..................................... 14
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Le choc chinois du 24 août 2015 .................................................................................. 14
Illustration 11 : Le « choc chinois » du 24 août 2015, une volatilité implicite qui
explose .......................................................................................................... 14
Le cas Glencore entre le 25 septembre et le 6 octobre 2015 ...................................... 14
Illustration 12 : Rendement de l’obligation Glencore 3,625% 2016 entre le 25
septembre et le 6 octobre 2015 ..................................................................... 14
B. Les causes : l’effet de ciseau créé par l’augmentation de la demande
latente de liquidité face à la réduction de l’offre .............................................. 16
B.1. Une demande latente de liquidité en forte croissance, dans un contexte de
politiques monétaires ultra-accommodantes ......................................................................... 16
B.1.1. Les politiques monétaires actuelles disposent les investisseurs de manière
assez unanimement favorable ........................................................................................... 16
Illustration 13 : Evolution du bilan de la FED et de l’indice S&P ........................................... 16
Une raréfaction des actifs sûrs ..................................................................................... 17
Une recherche de rendements qui conduit au report vers des actifs plus
risqués .......................................................................................................................... 17
Encadré 3 : Le QE de la FED et de la BCE .......................................................................... 17
Des investissements de plus en plus unidirectionnels ................................................. 18
La création de bulles spéculatives ................................................................................ 18
B.1.2. Dans le même temps, le besoin d’immédiateté des investisseurs n’a jamais été
aussi grand, ni porté sur des actifs aussi divers ................................................................ 18
Illustration 14 : Évolution de la part des « redeemable funds » dans la détention
des actifs financiers ....................................................................................... 18
Une hausse du besoin d’immédiateté due à la montée en puissance des
organismes de placement collectifs … ......................................................................... 19
Illustration 15 : La concentration des actifs obligataires a cru depuis 2008 .......................... 19
… Amplifiée par la montée en puissance de la gestion indicielle................................. 19
Illustration 16 : Le marcdes ETFs a enregistré une forte croissance depuis la
crise financière .............................................................................................. 20
Un stock d’instruments financiers atteignant des sommets en valorisation … ............ 20
Illustration 17 : Un stock d’actifs obligataire US et européens en forte croissance .............. 20
… Mais aussi en diversité d’instruments en circulation ................................................ 21
B.2. La réduction de l’offre de liquidité, conséquence du retrait des apporteurs
traditionnels de liquidité............................................................................................................ 21
B.2.1. En matière d’apport de liquidité aux marchés, les banques ne jouent plus
aujourd’hui qu’une fraction du rôle qui était le leur avant la crise de 2008 ....................... 21
Illustration 18 : Évolution du bilan des banques d’investissement consacré à leurs
activités de marché ........................................................................................ 22
Illustration 19 : Taille et composition des portefeuilles de négociation ................................. 22
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B.2.2. Un désengagement des apporteurs de liquidité imputable au durcissement du
cadre réglementaire ........................................................................................................... 22
a. La réglementation prudentielle, cause première du désengagement ............................... 23
Bâle 3, des exigences de solvabilité et de liquidité fortement accrues ........................ 23
Encadré 4 : Bâle 3 où le renforcement des ratios prudentiels .............................................. 23
Illustration 20 : Effet de Bâle 3 sur le capital des banques ................................................... 24
Les réformes de structure bancaire .............................................................................. 25
Les réformes liées au redressement et à la résolution des banques ........................... 26
b. Un désengagement accentué par les réglementations de marché et la fiscalité .............. 27
Encadré 5 : Réformer la structure de marché ...................................................................... 27
B.3. Le déséquilibre entre demande et offre de liquidité induit une fragilité
inquiétante, surtout dans un contexte de normalisation attendue des politiques
monétaires .................................................................................................................................. 28
Illustration 21 : Évolution contradictoire de la taille des marchés financiers et des
inventaires ..................................................................................................... 28
Illustration 22 : Implications systémiques d’un choc de liquidité ........................................... 29
C. Quelles pistes de solution ? ............................................................................... 30
C.1. L’émergence d’apporteurs de liquidité alternatifs aux acteurs historiques ? ..................... 30
C.1.1. Que signifie exercer une fonction d’apporteur de liquidité ? ............................................. 31
La capacité à prendre activement et régulièrement des positions
« contrariantes » ........................................................................................................... 31
Connaître les marchés et savoir analyser les risques .................................................. 32
L’enjeu de l’effet de levier ............................................................................................. 32
C.1.2. Les acteurs de la gestion, une alternative au retrait des banques ? ................................. 32
Illustration 23 : Evolutions croisées de la détention d’actifs aux États-Unis par les
gestions et les BFI ......................................................................................... 32
Mais seuls des hedge funds sembleraient en capacité d’assumer une
véritable fonction d’apporteur de liquidité ..................................................................... 33
Illustration 24 : Les gérants recherchent des alternatives à la liquidité jusque
proposée par les market makers ................................................................... 33
Une capacité à hauteur de l’enjeu ? ............................................................................. 33
Encadré 6 : Les contraintes bilancielles de la gestion ......................................................... 33
Illustration 25 : Actifs sous gestion par les hedge funds ....................................................... 34
C.2. Un faisceau de mesures nécessaires, agissant sur les différents facteurs de la
liquidité........................................................................................................................................ 34
C.2.1. Le fonctionnement des marchés ........................................................................................ 34
Transparence et liquidité doivent être soigneusement arbitrées .................................. 34
L’électronisation des échanges, des effets limités ....................................................... 35
Le trading haute fréquence : mieux mesurer ses effets réels en termes de
liquidité .......................................................................................................................... 36
Encadré 7 : Caractéristiques du trading haute fréquence ................................................... 36
Illustration 26 : CAC 40 et résistance de la liquidité aux chocs de marché .......................... 37
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