fondée sur une idée de partage du pouvoir. L’individu va devenir sujet et non plus objet de l’histoire. Il
sera citoyen, avec la capacité de créer, proposer, de faire pression et de protester. Ce travail
d’éducation populaire poussera les administrations municipales à impliquer la population dans la
formulation et la décision des politiques publiques.
Une forte mobilisation autour des réformes sociales de base commence, une municipalisation de
l’éducation populaire se mettra en marche.
Cette culture participative embryonnaire fut très vite interrompue par la dictature militaire. Les centres
d’éducation populaire, adeptes de la méthode Paulo Freire, seront fermés. Les syndicats, les
associations de base, les mouvements sociaux seront interdits. Les intellectuels engagés, les leaders
des mouvements populaires seront persécutés, arrêtés, torturés. Une grande partie sera dans
l’obligation de quitter le pays.
Malgré la répression pendant la dictature, la pédagogie de l’opprimé de Paulo Freire continuera dans
la clandestinité, dans les favelas, dans les quartiers populaires. Se laisser éduquer mutuellement,
socialiser le savoir-faire de chacun au bénéfice d’un projet collectif de transformation sociale. Sous la
protection des factions progressistes de l’église catholique et protestante et avec l’appui de la
solidarité internationale, les organisations populaires continueront d’exister ainsi que les mouvements
d’éducation de base et les centres populaires de cultures.
Dans les années 80 de nouveaux mouvements sociaux apparaîtront (l’exemple du MST-Mouvement
des Sans Terre) et des ONG de développement se restructureront. Même dispersés, et parfois
fragilisés, ils mèneront le combat pour la démocratisation. Il ne s’agira plus d’instrumentaliser les
associations, les organisations populaires dans le champ politique traditionnel, mais de les concevoir
comme une autre manière de faire de la politique, une nouvelle démocratie.
Les exilés politiques à l’étranger s’organiseront aussi en petits groupes de réflexion sur les
alternatives politiques à construire lors du retour au Brésil. Certains vécurent dans des pays
communistes, mais à la fin des années 70, la majorité se trouvait dans des pays d’Europe occidentale,
principalement en France, à Paris. Une vision critique du socialisme réel et de la démocratie dans les
pays capitalistes alimentera de longues discussions. Quelle sera l’alternative pour la gauche ?
Reconnaître la démocratie comme une valeur universelle implique que la conquête du pouvoir et le
contrôle de l’Etat ne passe plus par la lutte armée. Il faudra bâtir une nouvelle culture démocratique
fondée sur la citoyenneté active et la participation populaire, valoriser le pluralisme des identités
sociales construites sur les multiples appartenances ethniques, géographiques, culturelles, politiques,
genre. Il faudra reconnaître le rôle joué par les nouvelles organisations sociales qui mènent alors dans
le pays une lutte contre la dictature et pour un développement solidaire, intégré et durable.
Dans ce contexte riche en discussions et polémiques le Parti des travailleurs (le PT) est né. Comment
réunir la diversité et respecter la différence? Les pluralismes idéologiques des mouvements, les
expériences et la maturité des exilés politiques, la nouvelle génération qui n’a connu que la dictature,
les déçus du socialisme réel, tous ensemble, ils essaieront de bâtir un programme politique ! Quel
défi !
La démocratisation – citoyenneté politique - décentralisation
La culture démocratique et participative s’enracinera tout d’abord dans les organisations et les
mouvements sociaux, chacun découvrira une utopie réalisable. Tous ensemble ils iront contribuer à
un bonheur commun ! Le slogan du P.T était : « sem medo de ser feliz »-il ne faut pas avoir peur
d’être heureux-.
La dictature est délégitimée par l’émergence d’une nouvelle société civile. Une grande campagne
nationale est organisée pour les élections au suffrage universel (mouvement pour les élections
directes) en 1985. La démocratie représentative traditionnelle se réorganise et la transition
démocratique se fera avec l’aval des militaires.
La mobilisation des mouvements sociaux, des ONGDs, des syndicats, des partis politiques
d’opposition pour la démocratisation de l’Etat se poursuivront. L’accord établi entre les représentants
de la politique traditionnelle et les militaires stipulait que l’ouverture politique serait lente et graduelle…
Pour la première fois une forte articulation se mettra en place entre les représentants des différentes
catégories sociales, des secteurs populaires jusqu’alors exclus en tant qu’interlocuteurs. Les ONGDs,
les syndicats, les mouvements sociaux, les pastorales, les associations de quartiers, des favelas, des
indigènes, des noirs, des femmes, des homosexuels, etc. se considèrent comme des acteurs de cette
nouvelle société civile. Ils joueront un rôle actif dans la participation à l’élaboration d’une nouvelle
constitution brésilienne, avec plus de 3000 propositions.