La Lettre Dorsale Vol. 8
Participation française aux campagnes KN162
legs 7 et 9 (R/V KNORR, décembre 2000 janvier
2001) : Influence de la géométrie de la dorsale sur
l’accrétion crustale à des vitesses d’expansion
ultra-lentes, la dorsale sud-ouest indienne entre
9°E et 23°E
Marie Python
Université Paul Sabatier, Observatoire Midi-Pyrénées,
14, avenue Édouard Belin, 31400 Toulouse, France
(email : marie.python@cnes.fr)
Les campagnes KN162 legs 7 et 9 se sont déroulées du
9 décembre 2000 au 1er janvier 2001 pour la première puis
du 11 au 27 janvier 2001 pour la seconde. Elles avaient
pour objectifs l’étude géophysique et géologique d’une
partie encore très mal connue de la dorsale sud-ouest
indienne, entre 9°E et 23°E (figure 1). Ce tronçon de
dorsale est divisé en 2 supersegments allant, pour le
premier, de 9°E à 15°E et pour le second de 15°E à 23°E.
En 1996, la campagne KN 145 leg 16 avait permis de
cartographier le supersegment situé à l’est (entre 16°E et
25°E, voir figure 2) de la zone étudiée. Les données
obtenues - bathymétrie, gravimétrie et magnétisme
(Grindlay et al., 1998) - ont montré que cette partie de la
dorsale sud-ouest indienne, formée de plusieurs segments
tous plus ou moins perpendiculaires à la direction
d’expansion océanique (l’angle par rapport à la normale à
la direction d’expansion ne dépassant pas les 10°), est très
différente de la ride nord Atlantique. En particulier la
longueur moyenne des segments de dorsale sont plus
courts, la vallée axiale est plus large, les reliefs en bordure
de vallée axiale sont plus prononcés et la croûte est plus
fine que pour la dorsale nord Atlantique. Par contre, aucune
étude géophysique n’avait été réalisée sur le supersegment
situé à l’Ouest (entre 9°E et 15°E). Celui-ci est long de
400 km et fortement oblique (d’un angle de 53°) par
rapport à la normale à la direction d’expansion. Il présente
de plus plusieurs particularités intéressantes : il est à la fois
le segment le plus long (un segment ne présentant aucune
discontinuité majeure sur une longueur de 400 km) et le
plus oblique de la dorsale sud-ouest indienne et son taux
d’expansion (0.42 cm/an de demi-ouverture) est l’un des
plus faibles connu. De simples considération géométriques
permettent de déduire que l’effet conjugué de ce taux
d’expansion ultra-lent et de la forte obliquité induit une
vitesse de remontée du manteau de l’ordre de quelques mm
par an. Un taux de remontée aussi faible permet
certainement le développement d’un couvercle conductif
très épais, contribuant à duire le domaine de fusion
partielle par décompression adiabatique.
Septembre 2001 page 8
La Lettre Dorsale Vol. 8
Les rares d’échantillons dragués lors de campagnes
anciennes dans cette zone ont révélé une très grande
hétérogénéité dans la composition des basaltes, la présence
de basaltes alcalins et de péridotites "fertiles" riches en
clinopyroxènes (Le Roex et al., 1992, Dick et al., 1984). La
présence de basaltes alcalins et l’abondance de péridotites
fertiles associées à une croûte basaltique anormalement
fine trahissent l’extrême faiblesse du taux de fusion (<5%),
en accord avec les considérations structurales. Cette faible
productivité magmatique permettrait d’isoler les différentes
fractions de liquide produites dans le manteau et
d’exacerber l’effet des hétérogénéités de source, ce qui
pourrait expliquer l’hétérogénéité exceptionnelle de la
composition des basaltes de ce secteur. Cependant,
l’échantillonnage de ce segment de la SWIR restait très
faible (une dizaine d’échantillons en tout pour 1000 km de
dorsale !) tandis que parallèlement, suite à de nombreuses
campagnes océanographiques, il s’accroissait très
nettement sur d’autres dorsales. jusqu’à présent, toute
discussion concernant l’origine de l’hétérogénéité
pétrologique et géochimique de cette dorsale ultra-lente
n’était donc basée que sur des bases observationnelles
fragmentaires, sans fondement statistique en tout cas.
C’est dans cette perspective que les campagnes KN162
legs 7 et 9 ont été organisées. Elles se sont déroulées en
deux temps : du 9 au 26 décembre 2000, le leg 7 a été
consacré à l’acquisition des données géophysiques
(bathymétrie, magnétisme et gravimétrie) sur le
supersegment de dorsale oblique, et du 26 décembre 2000
au 31 janvier 2001, la fin du leg 7 et le leg 9 ont édédiés
au dragage d’échantillons. Le plan de position des dragues
avait été tra dans le but de couvrir le plus de surface
possible dans des contextes tectoniques aussi divers que
possible, il avait donc é prévu une drague sur chaque
flanc de la vallée axiale et un au centre tous les 2 km
environ. Ce plan a é en grande partie respecté sur la
partie ouest de la dorsale, mais, pour des raisons
techniques, seul le centre de la vallée axiale a été dragué
dans la partie est. En plus de l’obtention d’un jeu très
complet de données géophysiques sur la partie de dorsale
comprise entre 9°E et 16°E, il a abouti à la récolte de
plusieurs milliers d’échantillons répartis sur une
soixantaine de sites.
Seule une description brève et macroscopique des
roches draguées a pu être faite à bord et de nombreux
travaux seront encore nécessaires pour comprendre la
pétrologie des roches de cette dorsale. Néanmoins quelques
conclusions préliminaires peuvent être tirées des études
réalisées à bord.
1. Les données bathymétriques confirment que les
morphologies des deux supersegments de dorsales
sont très différentes (voir figures 2 et 3). Le
supersegment ouest, long d’environ 500 km, est
divisé en une dizaine de segments d’une
cinquantaine de km de long présentant les
caractéristiques citées plus haut. A l’opposé, le
supersegment est ne semble pas nettement
segmenté, entre la faille transformante Shaka et
16°E, il ne présente que deux discontinuités
majeures qui apparaissent sous forme de volcans
sous marins.
2. La nature lithologique des roches draguées au
niveau des deux supersegment est très contrastée :
A une exception près, la totalité des dragues
effectuées au niveau du supersegment normal ont
ramené des basaltes, tandis que de nombreuses
péridotites, parfois très "fertiles" ont été récoltées
Septembre 2001 page 9
La Lettre Dorsale Vol. 8
le long du supersegment oblique. La proportion de
gabbros et autres roches de la croûte profonde est
faible pour les deux supersegments, indice d’une
croûte profonde globalement mince pouvant être
parfois inexistante.
3. La présence de sédiments et de roches couvertes
d'une épaisse couche de manganèse dans la vallée
axiale du supersegment oblique montre que, même
au cœur de la dorsale, les roches ont été mises à
l’affleurement depuis plusieurs millions d'années.
Cela est compatible avec un taux d'expansion très
lent et un magmatisme épisodique et peu
volumineux.
4. Enfin, les seules dragues ayant remonté
uniquement des basaltes le long du supersegment
oblique ont été effectuées au niveau des deux
volcans sous-marins cités plus haut, témoignant
d’une extrême focalisation de l’activité volcanique
dans ce contexte tectonique.
Remerciement.
Je remercie Henry Dick, chef scientifique de la mission
KN162 leg 7 à 9, Jian Lin, Hans Schouten, le capitaine George Da
Silva et l’équipage du R/V KNORR. Au cours de cette mission,
nous avons eu le malheur de perdre le marin Joseph Mayes, décédé
d’un accident cérébral malgré tous les efforts réalisés par
l’équipage pour le maintenir en vie pendant les 5 jours nécessaires
pour le retour à Capetown. En sa mémoire, le premier volcan sous
marin découvert à l’axe de la dorsale sur le supersegment oblique
(situé aux coordonnées approximatives 52°50’S et 11°20’E) porte
désormais son nom. Merci donc à Joe Mayes, à sa famille et surtout
à ses compagnons d’aventure qui ont eu le courage de continuer la
mission malgré tout et ce dans la bonne humeur !
Bibliographie.
Dick H. J. B., Fisher R. L. and Bryan W. B., 1984. Mineralogic
variability of the uppermost mantle along mid-ocean ridges.
Earth Planet. Sci. Lett. 69, 88-106.
Grindlay N. R., Madsen J. A., Rommevaux-Jestin C. and Sclater J.,
1998. A different pattern of ridge segmentation and mantle
Bouguer gravity anomalies along the ultra-slow spreading
Southwest Indian Ridge (15°30' to 25°E). Earth Planet. Sci.
Lett. 161, 243-253.
Le Roex A., Dick H. J. B. and Watkins R. T., 1992. Petrogenesis of
anomalous K-enriched MORB from the Southwest Indian
Ridge: 11°53' to 14°38'E. Contrib.Mineral. Petrol. 110, 253-
268.
Septembre 2001 page 10
1 / 3 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !