R . C . P. Assistance cardiaque externe : Masser mieux, mais surtout masser plus… Yves MAULE L’objectif de cette étude rétrospective est de démontrer la supériorité des systèmes d’assistance cardiaque externe en ce qui concerne la durée du massage lors d’une réanimation en comparant les ratios temps de massage et la durée totale de la Réanimation CardioPulmonaire (RCP). MÉTHODE EMPLOYÉE La firme Medtronic®, division Physio-control, a conçu une nouvelle édition de son logiciel d’archivage des données collectées par les défibrillateurs de la gamme Lifepak : CODE STAT. V7.0. De nouvelles fonctionnalités ont été implémentées dans ce logiciel dont une qui a attiré mon attention : la possibilité de générer des rapports sur la performance de la RCP. Le logiciel ajoutait au simple système d’archivage une analyse des données collectées. En effet, grâce à une analyse approfondie des tracés collectés en se basant sur l’impédance trans-thoracique mesurée par le défibrillateur tout au long de la RCP, le logiciel permet de déterminer avec précision les phases de massage. On obtient alors un ratio temps de massage sur durée totale de la RCP. Les balises de temps prises en compte sont celles de l’allumage du défibrillateur et de son extinction, mais peuvent être déterminées manuellement. Dans cette perspective, il semblait intéressant de comparer les ratios massages / durée RCP dans le cas d’une utilisation du LUCAS® et dans le cas d’un massage manuel. Ont d’abord été analysés une dizaine de dossiers récents, et il semblait y avoir une différence dans les ratios en faveur de l’utilisation d’un système d’assistance cardiaque externe. Mais, de multiples biais pouvant intervenir, nous avons créé aléatoirement deux cohortes de 200 patients et repassé les données enregistrées URGENCE PRATIQUE - 2011 No106 au travers du logiciel. Ce dernier est capable d’exploiter les données enregistrées même avant son implémentation. En effet, le logiciel exploite la base de données du Lifepak sans nécessiter d’enregistrement de données complémentaires spécifiques. Cela permet donc de réutiliser d’anciens enregistrements pour les inclure dans l’étude. Pour éviter tous problèmes dans la durée des enregistrements, chaque dossier a été revu pour s’assurer que la fin de la collecte des données correspondait bien à une fin de RCP, et que, par exemple, l’on n’avait pas laissé le défibrillateur fonctionner 10 min. après la fin RCP. On retrouve environ 7% des enregistrements ou le logiciel n’est pas à même de déterminer les phases de compressions suite à un défaut d’enregistrement de l’impédance trans-thoracique. Pour ces dos- Exemple d’utilisation du logiciel CodeStat : Figure 1 : Représentation d’une analyse RCP avec assistance cardiaque mécanique externe. Figure 2 : Représentation d’une analyse RCP sans assistance cardiaque mécanique externe. siers, une sélection manuelle a été nécessaire. Dans tout les cas, il s’agit de RCP en préhospitalier. Le défibrillateur est allumé au moment ou l’équipe médicale est au chevet de la victime, et éteint en fin de RCP. Dans les cas ou un ROSC (1) est constaté, le moment de survenue du ROSC est considéré comme la fin de la RCP. Dans la pratique quotidienne, il s’agit de l’enregistrement d’un rythme cardiaque compatible avec un débit cardiaque, et de l’arrêt de massages pendant plus de 3 minutes. Les épisodes suivants de massages sur un même enregistrement sont exclus de l’évaluation en raison de facilité de comptabilisation, mais ils auraient pu être retenus comme un nouvel épisode de RCP. VALIDATION DU LOGICIEL CODESTAT Il est évident qu’une des premières démarches a été de voir si cette fonctionnalité du logiciel avait été validée de manière scientifique. Cela avait été fait au travers de l’article suivant : Stecher FS, Olsen JA, Stickney RE, Wik L. Transthoracic impedance used to evaluate performance of cardiopulmonary resuscitation during out of hospital cardiac arrest. Resuscitation 2008; 79:432-7. Plus rien ne s’opposait donc à la réalisation de l’étude. 47 R . C . P. CRÉATION DES COHORTES : Deux cohortes reprenant chacune 200 enregistrements de RCP non traumatiques sélectionnés aléatoirement. Elles sont comparables en termes de durée totale de RCP : 41 minutes 20 sec. +/- 5 min 15 sec. C1 reprend les enregistrements de RCP avec l’utilisation d’un système d’assistance cardiaque externe en l’occurrence le Lucas. C2 reprend les enregistrements de RCP avec massage manuel. Résultats : Pour C1, on retrouve une moyenne de 93% +/- 4% de ratio temps de massage sur temps de RCP total. Pour C2, on retrouve une moyenne de 69% +/- 6% de ratio temps de massage sur temps de RCP total. CONCLUSIONS Quelques études ont déjà été menées sur l’apport de l’assistance cardiaque mécanique externe dans le domaine de la RCP. Les résultats de ces études sont parfois contradictoires, et ce probablement à cause de la mise en œuvre même du matériel d’assistance cardiaque externe. La Rédaction Ce que nous savions : Les recommandations internationales 2010 soulignent l’importance des compressions thoraciques dans la réanimation cardio-pulmonaire (RCP). De la qualité de ces compressions, tant sur le plan de leur fréquence que de la dépression qu’elles induisent, dépend la survie des victimes. Ce que cet article nous apporte : De nouveaux logiciels permettent d’optimiser la RCP réalisée. Ce travail souligne aussi l’intérêt d’une assistance mécanique externe. En effet, les protocoles d’utilisation différent d’un centre à l’autre, l’intervalle libre avant la mise en place de l’assistance cardiaque externe varient d’une étude à l’autre si bien qu’il est très difficile de se faire une idée sur la performance. Ce que l’on sait nous provient des Guidelines 2005 de l’ERC (2) qui focalise la RCP autour du massage. Cette étude démontre que l’utilisation d’une assistance cardiaque mécanique externe est un plus dans la RCP. Si on veut imager un peu plus le propos et que l’on prend comme référence une RCP de 40 minutes, sur base de notre étude on peut imaginer que dans le cas d’un massage manuel le patient sera massé 27 minutes et 36 secondes et que dans le cas de l’utilisation d’une assistance cardiaque mécanique externe patient sera massé 37 minutes et 12 secondes. Pourquoi de telles différences ? Changements de réanimateurs, stop et redémarrage en cas de défibrillations d’intubations, … sont autant de temps perdus en terme de massage dans le cas d’un massage manuel et cela explique les différences constatées. Il est donc dès lors évident qu’en se basant sur ces ratios, on peut conclure que l’assistance cardiaque mécanique externe (peu importe le type de machine employé) permet d’optimiser les temps de massages dans la RCP. Le logiciel permet aussi de mettre en évidence les plages de massages ou ce dernier a été effectué au rythme validé par l’ERC à savoir 100 compressions / minutes. En incluant ce critère en plus dans la comparaison, il apparaît dans ce cas que l’écart entre ces deux cohortes se creuse encore plus. Enfin, novembre 2010 a vu la publication des Guidelines ERC 2010 avec une focalisation encore accrue sur le MCE et sa durée. Cette étude va clairement dans le sens de l’utilisation de systèmes mécaniques externes pour obtenir l’objectif préconisé. n Yves MAULE Cadre de Santé - Responsable Urgences & SMUR Centre Hospitalier Universitaire Brugmann Bruxelles Courriel : [email protected] 1. Return Of Spontaneous Circulation 2. European Resucitation Council Bibliographie : - Stecher FS, Olsen JA, Stickney RE, Wik L. Transthoracic impedance used to evaluate performance of cardiopulmonary resuscitation during out of hospital cardiac arrest. Resuscitation 2008; 79: 432-7. - Ochoa et al. The effect of rescuer fatigue on the quality of chest compressions. Resuscitation 37 (1998) 149-152. - Quality of cardiopulmonary resuscitation during out of hospital cardiac arrest Wik et al, JAMA, January 19, 2005, Vol.293 N°.3. - Hightower et al; Decay in quality of closed-chest compression over time. Ann Emerg Med 1995;26:300-303. - Ashton et al; Effect of rescuer fatigue on performance of continuous external chest compressions over 3 min. Resuscitation 55 (2): 147-157. - Aufderheide et al; Incomplete chest wall decompression: A clinical evaluation of CPR; performance by trained laypersons and an assessment of alternative manual chest compression-decompression techniques. Resuscitation. 2006 Oct 26. - Abella, et al; Circulation Chest Compression Rates During Cardiopulmonary Resuscitation Are Suboptimal; February 1, 2005. - Paradis et al: Coronary perfusion pressure and the return of spontaneous circulation in human CPR. JAMA 1990; 263: 1106-1113. - Steen et al, The critical importance of minimal delay between chest compressions and subsequent defibrillations: a haemodynamic explanation. Resuscitation 58 (2003); 249-258. - Wik et al, Delaying defibrillation to give basic cardiopulmonary resuscitation to patients with out-of-hospital ventricular fibrillation. JAMA, March 19, 2003-vol 289 n°. 11. - Cobb et al; JAMA, 1999, 281:1182-8; Influence of CPR prior to defibrillation in patients with out of hospital ventricular fibrillation. - Edelson et al. Effects on compression depth and pre shock pauses predict defibrillation failure during cardiac arrest. ; Resuscitation 71 (2006) 137-145; - Kern et al. Limiting interruptions of chest compressions during cardiopulmonary resuscitation. ; Resuscitation 58 (2003) 273-274; - Rea et al. Increasing Use of Cardiopulmonary Resuscitation During Out-of-Hospital Ventricular Fibrillation Arrest. Circulation 2006 Dec 11. - Steen et al. Evaluation of LUCAS, a new device for automatic mechanical chest compression and active decompression for cardiopulmonary resuscitation. Resuscitation 2002; 55: 285-299. - Clinical consequences of the introduction of mechanical chest compression in the Axelsson et al, EMS system for treatment of out-of-hospital cardiac arrest - A pilot study Resuscitation (2006) 71, 47-55. - Increased restoration of spontaneous circulation after cardiac arrest with the Rubertsson et al LUCAS device compared to manual chest compressions - A pilot study. Resuscitation (2006) 69, 46 (Abstract). - Mechanical Chest Compressions in a Patient with Left Main Closure during PCI Olivecrona, Case Study - In : TCTmd.com 24th of Oct. 2006. 48 URGENCE PRATIQUE - 2011 No106