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1/ LA NOTION DE DÉVELOPPEMENT.
Il a tout d’abord été rappelé que, pendant la guerre froide, le critère d’excellence des deux
régimes dominants fut le taux de croissance auquel correspond un « mythe capitaliste »,
celui des trente glorieuses (croissance rapide socialement positive). Selon Ignacy
SACHS
, ces trois dernières décennies ont été marquées par un débat qui, sous des allures
et des terminologies diverses, n’a fait que stigmatiser, de manière assez improductive,
l'opposition entre deux positions extrêmes des modèles conceptuels de développement :
résoudre les problèmes soit par la croissance soit par son « degré zéro ». Selon le premier
modèle, qui se globalise depuis la chute du modèle soviétique, avec la généralisation de
la contre réforme néo libérale, c’est le marché, le « saint marché », qui est régulateur. Le
deuxième modèle réapparaît sous divers vocabulaires et concepts moteurs (zégistes,
simplicité volontaire, décroissance), que l’on pourrait faire relever globalement d’un
« paradigme de l’ascétisme ». Dans ce contexte, les débats qui ont été menés jusque là,
concernant la notion de développement semblent être des figures répétitives et peu
innovantes d’un même débat. L’impossibilité de poursuivre dans la voie de la croissance
des économies industrielles, la destructivité du modèle capitaliste de développement et de
consommation, la rupture du lien entre « plus » et « mieux » rendaient nécessaire un
changement. Dès lors, la notion de développement durable est un concept normatif, qui
ne cesse de dire et de répéter ce que nous voudrions faire, mais pas comment le faire. Les
solutions proposées par Ignacy SACHS sont de définir des stratégies inspirées du
« trépied » (objectifs sociaux, conditionnalité environnementale, viabilité économique). Il
est indispensable de refonder la politique : la remettre au centre et d’y réintroduire le long
terme. Il s’agirait dès lors, selon lui, de repenser le rôle de l’état développeur.
Le problème qui se pose concerne donc les modalités pratiques qui permettent la prise en
compte des exigences d’une rupture avec l’industrialisme dominant et sa « religion » de
la croissance. C’est ce que nous propose Jacques THEYS
à travers la notion de
développement durable selon trois perspectives, 1- sa forme médiatique et populaire,
montre une confusion entre développement durable et intégration de l’environnement, de
ce point de vue cette terminologie est « un amalgame », un concept normatif qui n’a pas
de norme fiables ; 2- en tant que concept spécifique, c’est un ensemble complexe fait de
stratégie globale de développement, de priorité aux générations futures, d’articulation
global/local, d’équité des relations internationales, de priorité aux besoins essentiels,
d’intégration sociale, économique et écologique. Cela a été un échec sur ces 20 dernières
années ; 3- en tant que concept procédural, il permet de mettre ensemble toute une série
de nouveaux concepts : principe de précaution, sociétés du risque, commerce équitable,
économie de l’environnement et entreprises citoyennes. De ce point de vue il a été la
réussite de ces 2 dernières décennies : il a rendu légitime la prise en compte de
l’environnement et des risques, a permis un infléchissement à long terme (« tout le
monde est vert »), un repositionnement de l’état et de certaines de ses administrations, et
suscite des décloisonnements et de la transversalité. La coexistence de ces trois
perspectives fait du développement durable une « illusion motrice ». Il s’agirait dès lors,
Ignacy SACHS, Directeur d’étude honoraire à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris.
Jacques THEYS, Centre de Prospective et Veille Scientifique, Paris.