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Les accélérateurs du GANIL
Eric Baron
I
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ON
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Un accélérateur est un outil qui permet de communiquer de très grandes vitesses à des
corpuscules atomiques. Ici, nous ne considèrerons que les ions, c'est-à-dire des atomes
auxquels on a arraché un ou plusieurs électrons. Toute expérience de recherche en physique
du noyau consiste à provoquer des collisions entre ces projectiles (c'est en fait seulement le
noyau de l'ion qui est intéressant) et les noyaux d'une cible fixe constituée généralement d'une
mince couche de matière. L'analyse des résultats de ces collisions n'est pas du domaine de cet
exposé : elle constitue l'expérience de physique nucléaire proprement dite, dont le but est
l'étude des noyaux. Notre sujet se limite ici à l'instrument qui permet l'accélération.
Il existe différents types d'accélérateurs d'ions : linéaires, cyclotrons, synchrocylotrons,
synchrotrons, bêtatron, mais tous passent par un vecteur commun: il faut un champ
électrique pour communiquer un accroissement de vitesse aux ions.
La figure 1 illustre ce phénomène simple : si un ion positif est placé entre deux électrodes
entre lesquelles existe une différence de potentiel V, il est naturellement attiré vers le potentiel
de signe opposé, donc il gagne de la vitesse.
Figure 1
Or, les vitesses recherchées, souvent de l'ordre d'une fraction de la vitesse de la lumière,
requièrent pour être atteintes des différences de potentiel considérables, du domaine des
milliards de volts, qu'aucun générateur n'est capable d'atteindre, au moins sur des longues
périodes de temps. Aussi, la méthode généralement adoptée consiste à communiquer des
petites accélérations successives en appliquant des champs électriques répartis le long de la
trajectoire des ions, jusqu'à la vitesse souhaitée. On imagine aisément que ce processus peut
être réalisé par exemple en faisant passer les ions dans des tubes cylindriques auxquels on
On ne traite pas ici de la partie SPIRAL qui est spécifique à l'accélération des ions exotiques
applique des tensions alternativement positives ou négatives : c'est le cas des accélérateurs
linéaires. La trajectoire pouvant ainsi atteindre plusieurs centaines de mètres, on a réalisé qu'il
est possible d'enrouler cette trajectoire en cercles ou en une spirale en opérant cette
accélération dans un champ magnétique, ce qui, outre le gain de place, permet de n'utiliser
qu'un seul système d'électrodes et un seul générateur de tension alternative. Lorsque la
trajectoire est en forme de spirale, on a affaire à un cyclotron.
La figure 2 illustre l'effet d'un champ magnétique B sur un ion animé d'une vitesse v de
direction perpendiculaire à B : l'ion est dévié avec un certain rayon de courbure r. Si le champ
magnétique est suffisamment étendu par rapport à r, la trajectoire est un cercle fermé et on a
réalisé un confinement. Sinon, on opère une simple déviation.
Dans ce qui suit, nous allons décrire succinctement les méthodes de production et
d'accélération des ions, en donnant des ordres de grandeur à la fois des caractéristiques
physiques des faisceaux d'ions et de l'accélérateur.
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Figure 2
L
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S
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UR
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S
La méthode la plus aisée permettant de porter un corpuscule atomique à la vitesse précise
nécessaire à l'expérience de collision consiste d'abord à lui donner une charge électrique, puis
à lui appliquer une force de même nature. Disposant au départ d'atomes (neutres) d'un élément
simple, il faut donc en premier lieu arracher un ou plusieurs électrons à chacun de ces atomes:
on transforme les atomes en ions. Le processus de base le plus généralement employé consiste
à bombarder ces atomes avec des électrons animés d'une vitesse adéquate. Cette étape nous
permet d'introduire une unité d'énergie un peu particulière utilisée en physique
microscopique: l'électron-volt ( eV, multiples : keV, MeV et GeV). Il s'agit tout simplement
de l'énergie cinétique acquise par n'importe quel corpuscule portant la charge d'un électron
(donc, ionisé une fois) lorsqu'il est soumis à une différence de potentiel de 1 volt. Exprimée
en unités rationalisées, une telle énergie vaut, puisque la charge électrique de l'électron vaut
1,6x10-19 coulombs : E = 1,6x10-19 joules, ce qui n'est pas très pratique.
Quelle énergie doivent avoir ces électrons pour ioniser plus ou moins nos atomes ? Celle-ci
doit être au moins égale (et plutôt deux à 3 fois supérieure) à l'énergie qui lie chaque électron
du cortège à son noyau. Quelques exemples :
Pour arracher le premier électron de l'atome d'hydrogène, il faut dépenser une énergie de 13,6 eV
Pour arracher le premier électron de l'atome d'argon, il faut dépenser une énergie de 16 eV
Pour arracher le 10ème électron de l'atome d'argon, il faut dépenser une énergie de 469 eV
Pour arracher le 18ème électron de l'atome d'argon, il faut dépenser une énergie de 4,264 keV
Pour arracher le premier électron de l'atome d'uranium, il faut dépenser une énergie de 5,4 eV
Pour arracher le 18 ème électron de l'atome d'uranium, il faut dépenser une énergie de 434 eV
Pour arracher le 92ème électron de l'atome d'uranium, il faut dépenser une énergie de 129 keV
Tableau I
La première tâche consiste donc à faire bouillir les atomes dans une soupe d'électrons agités
d'une vitesse (ou énergie) moyenne correspondant au degré d'ionisation que l'on veut
atteindre: pour obtenir de l'argon avec 10 charges électriques (on écrit Ar 10+ ), il faudra
plonger ces atomes dans un gaz d'électrons d'énergie moyenne au moins égale à 469 eV.
L'opération se déroule dans un volume presque fermé où ions et électrons sont confinés par un
champ magnétique (on dit "une bouteille magnétique") formée soit par des bobines
parcourues par de forts courants (1000 A), soit par des aimants permanents spéciaux . Les
champs magnétiques peuvent dépasser 1 tesla.
Les électrons peuvent être générés par une cathode portée à haute température, ou bien encore
sont eux-mêmes issus des ionisations précédentes. Dans ce second cas (sources à résonance
cyclotron électronique, dites ECR), l'énergie cinétique leur est apportée par une onde
électromagnétique hyperfréquence, du même type de celles employées dans les fours à micro-
ondes, mais avec des fréquences un peu plus élevées : 10, 14, 18, voire 28 GHz. Pour
certaines conditions de champ magnétique et de fréquence de l'onde électrique tournante, il
existe un phénomène de résonance qui porte les électrons à plusieurs centaines d'eV, voire des
keV. Les ions ainsi produits par collisions avec ces électrons sont extraits de la source à
travers un petit orifice, et attirés vers l'extérieur par une différence de potentiel qui est souvent
de l'ordre de 20 kV. On obtient donc un jet dirigé et continu d'ions qui ont une énergie
cinétique d'environ 20xQ keV pour des ions de charge Q+. Le processus d'ionisation dans la
source n'est malheureusement pas sélectif, de sorte qu'on extrait en fait de la source un spectre
de charges électriques qui peut s'étaler sur une dizaine de valeurs de charges Q.
Figure 3
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Disons enfin que, dans une source d'ions, il est très difficile d'obtenir en grandes quantités des
ions totalement dépouillés de leurs électrons : nous verrons l'impact de cette limitation plus
loin.
Il faudra donc ensuite trier ces ions pour sélectionner un seul état de charge, puis conduire ce
faisceau vers le cyclotron, car de telles sources sont trop volumineuses pour être installées à
l'intérieur de l'accélérateur. Comme il s'agit de charges électriques qui se déplacent, on
qualifie ce faisceau en termes d'intensité, l'unité la plus adaptée dans les cas décrits ici étant le
micro-ampère (µA). On utilise aussi le nombre de particules par seconde (pps).
Mais voyons d'abord comment est constitué l'accélérateur.
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On a vu sur la figure 2 l'action d'un champ magnétique sur un ion. Etablissons deux relations
simples entre les caractéristiques du projectile de masse m, de charge q et de vitesse v et celle
du champ B. Il suffit d'écrire que le long de la trajectoire, la forme centrifuge mv²/r exercée
sur l'ion est à chaque instant équilibrée par la force de rappel magnétique qvB :
(1) mv²/r = qvB,
d'où, en isolant au second membre les caractéristiques de l'ion :
(2) Br = mv/q
On voit que si le champ magnétique est homogène (B constant), la trajectoire est un cercle de
rayon r à condition que la vitesse de l'ion soit constante.
La relation (1) nous renseigne de plus sur la vitesse de rotation de l'ion ω :
(3) ω = v/r = qB/m
Toujours dans l'hypothèse de l'homogénéité du champ, cette vitesse de rotation est constante,
au moins tant que l'on n'observe pas de variation sensible de la masse par effet relativiste. Le
cyclotron est un accélérateur isochrone : quel que soit le rayon de l'orbite (et donc l'énergie
ou encore la vitesse de l'ion), ce dernier met toujours le même temps pour boucler un tour.
Notons qu'on a plutôt l'habitude de parler de fréquence de révolution : F = ω /2π ou:
(4) F = qB/2πm
Il suffit donc d'utiliser (figure 4) un jeu d'électrodes entre lesquelles on applique une tension
sinusoïdale ayant la fréquence (ou un multiple) de rotation des ions imposée par les 3
quantités q, m et B : les ions qui passent "au bon moment" seront accélérés et leur trajectoire
augmentera son rayon de courbure. Idéalement, ces électrodes sont constituées d'une sorte de
grosse boite cylindrique en cuivre, coupée selon le diamètre en deux parties appelées "Dees"
(D en anglais). La trajectoire spiralée des ions se trouve dans le plan de symétrie de
l'électroaimant, entre Nord et Sud.
Figure 4
En réalité, il n'est pas nécessaire que le champ magnétique soit constant sur toute la zone
d'accélération : il suffit que la valeur moyenne de ce champ sur un tour soit constante et les
relations précédentes restent valables en remplaçant B et r par leur valeur moyennée sur 2π.
La figure 5 montre que l'on fait des cyclotrons avec une modulation azimutale de champ,
voire avec des secteurs séparés (CSS), pour des raisons qui tiennent à la fois à des conditions
de focalisation verticale du faisceau ou encore à l'accessibilité à l'intérieur de la machine.
Enfin, signalons que lorsque les ions atteignent des vitesses "relativistes", c'est-à-dire quand
leur masse commence à augmenter de façon sensible selon la loi :
2
0
1
β
=m
m, il suffit de configurer la variation du champ magnétique moyen en fonction du
rayon selon la même loi.
Figure 5
U
UN
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Le champ magnétique est réalisé par de gros électro-aimants (figure 6) : autour de chacune
des deux pièces polaires en acier forgé, on enroule une bobine constituée d'un conducteur
creux, parcouru par un courant électrique continu de 1000 à 2000 ampères . Le nombre
maximum d'ampères/tours (190 000) permet d'atteindre une valeur de champ de 1,6 tesla dans
la zone interpolaire de 10 cm, dite "entrefer". Le flux magnétique se referme dans une énorme
culasse en acier laminé. Chaque secteur d'aimant pèse 430 tonnes. Les dimensions sont
indiquées sur la figure.
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