Entre déontologisme et utilitarisme : retour sur les enjeux éthiques

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Médecine
&
Droit
2015
(2015)
1–7
Bioéthique
Entre
déontologisme
et
utilitarisme
:
retour
sur
les
enjeux
éthiques
de
la
maîtrise
des
dépenses
de
santé
Health,
ethics
and
money
Eric
Martinez
(Directeur
des
affaires
juridiques,
Directeur
adjoint
de
la
recherche
et
de
l’innovation,
CHRU
de
Montpellier,
Docteur
en
droit,
H.D.R.),
Rodolphe
Bourret
(Directeur
général
adjoint,
Directeur
de
la
recherche
et
de
l’innovation,
CHRU
de
Montpellier,
Docteur
des
universités,
HDR
droit,
chercheur
associé
UMR
5815
«
Dynamique
du
droit
»,
université
de
Montpellier,
H.D.R.)
,
Franc¸ois
Vialla
(Professeur
de
droit
pri
à
l’université
de
Montpellier,
Directeur
du
Centre
européen
d’études
et
de
recherche
droit
&
santé
UMR5815,
université
de
Montpellier)
Centre
hospitalier
régional
et
universitaire,
centre
administratif
A.-Bénech,
avenue
du
Doyen-Gaston-Giraud,
34295
Montpellier
cedex
5,
France
Résumé
L’avis
101
(santé,
éthique
et
argent)
permet
au
CCNE
d’accorder
une
attention
particulière
à
la
confrontation
entre
utilitarisme
et
déontologisme1.
Si
le
Comité
reconnaît
que
la
démarche
utilitariste
permet
de
«
mettre
en
relief
les
intérêts
contradictoires
qui
traversent
la
société
»
et
éclaire
ainsi
le
débat
démocratique,
il
ne
confère
pas
à
l’utilitarisme
une
valeur
équivalente
au
déontologisme,
garant
de
la
valeur
inconditionnelle
de
la
personne
humaine.
©
2015
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e
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Masson
SAS.
Mots
clés
:
Utilitarisme
;
Tarification
à
l’activité
(T2A)
Abstract
Opinion
no101
Health,
ethics
and
money
allows
the
National
Consultative
Ethics
Committee
to
place
special
attention
to
confrontational
approach
between
utilitarianism
and
“deontologism”.
The
Committee
agreed
utilitarian
attitude
can
help
“to
highlight
the
contradictory
interests
that
pervade
society”
and
offered
some
clarification
to
democratic
debate.
However,
this
committee
doesn’t
give
to
utilitarianism
a
value
equivalent
to
“deontologism”,
guarantor
of
unconditional
value
of
the
human
person.
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2015
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Masson
SAS.
Keywords:
Utilitarianism
Pour
une
version
plus
complète
de
cet
article,
se
reporter
à
l’ouvrage
«
Les
grands
avis
du
Comité
consultatif
national
d’éthique
»,
sous
la
direction
de
F.
Vialla
et
d’E.
Martinez,
L.G.D.J.
-Lextenso
éditions,
2013,
page
200,
«
Éthique
déontologique
et
utilitarisme
».
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
e-martinez@chu-montpellier.fr
(E.
Martinez).
1CCNE,
Avis
no101,
28
juin
2007,
«
Santé,
éthique
et
argent
:
les
enjeux
éthiques
de
la
contrainte
budgétaire
sur
les
dépenses
de
santé
en
milieu
hospitalier
».
Note
7,
page
8
:
«
Dans
la
perspective
«
égalitariste
»
(inspirée
de
E.
Kant),
est
juste
l’action
qui
respecte
la
dignité
de
la
personne
humaine.
Le
concept
de
«
dignité
»
désigne
une
valeur
inconditionnelle,
à
la
différence
du
«
prix
»
qui
qualifie
une
valeur
relative
à
l’usage
d’un
bien
ou
à
l’utilité
d’un
service.
Dans
cette
conception
égalitariste
de
la
justice
(que
l’article
2
du
code
de
déontologie
médicale
fran¸cais
a
privilégié),
chacun
doit
être
soigné
en
fonction
de
ses
besoins,
sans
égard
à
ses
conditions
d’existence,
son
âge,
à
sa
position
hiérarchique
ou
son
degré
de
rentabilité
sociale.
Étrangère
à
l’apparence
physique,
à
la
santé
psychique
et
somatique,
la
dignité
a
le
sens
d’une
grandeur
morale
qui
impose
un
devoir
d’hospitalité
inconditionnel.
L’utilitarisme
à
l’inverse
fait
valoir
l’exigence
d’une
distribution
rationnelle
des
services
de
soin
en
fonction
des
besoins
à
l’échelle
collective.
De
ce
point
de
vue,
être
juste
c’est
être
équitable.
Par
conséquent,
il
n’est
pas
nécessairement
conforme
au
devoir
de
justice
d’investir
des
sommes
d’argent
considérables
sur
un
trop
petit
nombre
de
cas
».
http://dx.doi.org/10.1016/j.meddro.2014.12.002
1246-7391/©
2015
Publi´
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Masson
SAS.
2
E.
Martinez
et
al.
/
Médecine
&
Droit
2015
(2015)
1–7
Par
décision
no2013-682
DC
du
19
décembre
2013,
le
Conseil
constitutionnel
s’est
prononcé
sur
la
conformité
à
la
Constitution
de
la
loi
de
financement
de
la
sécurité
sociale
pour
2014,
adoptée
par
l’Assemblée
nationale
le
3
décembre.
Le
Conseil
a
écarté
l’essentiel
des
griefs
des
requérants2.
Le
dossier
de
presse
de
présentation
du
projet
de
loi3pré-
cise
que
«
respecter
l’objectif
d’une
augmentation
de
2,4
%
des
dépenses
d’assurance
maladie
nécessite
(.
.
.)
un
effort
d’économie
par
rapport
à
la
croissance
spontanée
des
dépenses,
qui
s’élève
à
2,4
milliards
d’euros
»4.
Le
dossier
de
presse
ajoute
que
«
pour
les
établissements
de
santé,
les
mesures
d’économies
représenteront
577
milliards
d’euros
[et]
résulteront
:
d’économies
sur
les
produits
de
santé
(.
.
.)
;
de
mesures
d’efficience
à
l’hôpital,
notamment
par
le
biais
de
la
politique
des
achats
et
du
renforcement
de
la
pertinence
des
prises
en
charge
».
Au
«
chapitre
»
consacré
à
la
réforme
du
financement
des
établissements
de
santé5,
le
dossier
de
presse
précise
que
:
«
Le
système
de
financement
des
établissements
de
santé
repose
aujourd’hui
en
grande
partie
sur
la
tarification
à
l’activité.
Si
la
T2A
a
permis
un
rééquilibrage
des
moyens
accordés
aux
établissements,
celle-ci
présente
un
certain
nombre
de
limites,
identifiées
dans
de
nombreux
rapports.
Ces
limites
invitent
à
réfléchir
plus
largement
à
l’ensemble
du
financement
des
éta-
blissements
de
santé.
Un
comité
de
réforme
du
financement
(CORETAH)
a
donc
été
installé
fin
2012
avec
pour
objectif
la
conduite
d’une
réflexion
autour
de
4
axes
:
faire
évoluer
le
financement
des
établissements
de
santé
en
lien
avec
la
réaffirmation
du
service
public
hospitalier
dans
la
loi
et
la
future
définition
d’un
service
public
territorial
de
santé
;
prendre
en
compte
dans
le
financement
des
établissements
la
promotion
du
parcours
de
soin
et
la
problématique
du
décloisonnement
en
lien
avec
la
Stratégie
nationale
de
santé
;
intégrer
dans
le
financement
des
établissements
des
critères
de
qualité
et
de
pertinence
et
favoriser
la
prise
en
compte
de
l’innovation
;
simplifier
et
rendre
plus
lisible
le
système
de
financement
et
faire
évoluer
les
règles
de
pilotage
de
l’ONDAM.
»
Les
mesures
proposées
consistent
à
:
2À
l’exception
d’une
réserve
d’interprétation
portant
sur
l’article
8
(taux
de
prélèvement
sur
les
contrats
d’assurance-vie
ayant
respecté
la
durée
de
conser-
vation)
et
de
certaines
dispositions
de
l’article
14
(méconnaissance
de
l’égalité
devant
les
charges
publiques).
3http://www.economie.gouv.fr/projet-de-loi-de-financement-de-la-
securite-sociale-pour-2014.
4Page
20
du
document.
5Page
28
du
document.
«
expérimenter
des
tarifications
au
parcours
pour
améliorer
les
prises
en
charge
:
mise
en
place
expérimentale
d’un
finance-
ment
innovant
en
radiothérapie
pour
le
traitement
des
cancers
du
sein
et
de
la
prostate
;
[conduire]
une
expérimentation
autour
de
la
prise
en
charge
de
l’insuffisance
rénale
chronique
(.
.
.)
;
assurer
un
financement
adapté
des
activités
isolées
afin
de
permettre
le
maintien,
lorsque
c’est
nécessaire,
d’une
offre
hospitalière
de
proximité
;
mettre
en
œuvre
une
dégressivité
tarifaire
pour
réguler
les
effets
inflationnistes
de
la
tarification
à
l’activité
(T2A).
»
Ce
contexte
légitime
un
retour
vers
les
réflexions
conduites
par
le
Comité
consultatif
national
d’éthique
dans
la
recherche
d’une
conciliation
entre
les
principes
éthiques
et
les
impé-
ratifs
économiques6.
En
particulier,
l’avis
no1017s’intéresse
aux
répercussions
des
contraintes
budgétaires
résultant
de
la
détermination
du
niveau
de
l’objectif
national
des
dépenses
d’assurance
maladie
par
le
Parlement
et
de
la
mise
en
œuvre
de
la
tarification
à
l’activité
sur
l’exercice
des
missions
de
l’hôpital.
Le
Comité
constate
que
les
pressions
budgétaires
tendent
à
occulter
l’aspect
éthique
dont
la
dimension
politique
exclut
d’en
laisser
la
responsabilité
aux
seuls
acteurs
hospitaliers.
Il
en
appelle
à
un
débat
de
société
sur
l’évaluation
de
la
portée
et
des
conséquen-
ces
des
différentes
stratégies
possibles
d’amélioration
du
rapport
coût/efficacité,
à
la
lumière
des
missions
qui
sont
assignées
à
l’hôpital.
L’avis
s’interroge
sur
le
point
de
savoir
s’il
est
juste
de
limi-
ter
les
soins
à
une
personne
parce
que
sa
prise
en
charge
paraît
trop
élevée
par
rapport
aux
ressources
disponibles.
«
Faut-il
(.
.
.)
sacrifier
le
principe
de
l’égalité
de
tous
face
à
la
maladie
afin
de
répartir
plus
équitablement
les
biens
et
services
sani-
taires
?
»
C’est
ce
que
tendrait
à
justifier
une
approche
qualifiée
d’
«
utilitariste
»,
issue
de
la
pensée
de
J.S.
Mill8,
conforme
à
une
justice
distributive,
qui
semble
de
plus
en
plus
l’emporter
sur
une
conception
«
égalitariste
»
inspirée
d’E.
Kant
et
soucieuse
de
la
dignité
de
la
personne
humaine.
Pour
l’utilitarisme,
la
morale
d’une
action
dépend
de
sa
capa-
cité
à
conduire
au
plus
grand
bonheur
du
plus
grand
nombre
de
personnes
concernées.
Selon
le
Comité,
«
les
contraintes
éthiques
et
économiques
du
système
hospitalier,
comme
celles
du
cadre
plus
général
de
la
démocratie,
s’inscrivent
précisément
entre
ces
deux
concepts
apparemment
inconciliables
de
«
valeur
inconditionnelle
»
de
la
personne
et
de
«
satisfaction
du
plus
grand
nombre
».
Au
regard
de
la
notion
de
rentabilité,
il
estime
que
la
santé
publique
n’est
pas
un
bien
ordinaire
mais
constitue
«
la
pierre
angulaire
d’un
service
public
qui
maintient
un
lien
essentiel
avec
les
citoyens
».
6Raja
C.,
«
Économie
et
santé
:
principes
éthiques
et
impératifs
économiques
:
d’une
apparente
contradiction
vers
une
réelle
conciliation
»,
in ¨
Les
grands
avis
du
Comité
consultatif
national
d’éthique¨
,
sous
la
direction
de
F.
Vialla
et
d’
E.
Martinez,
L.G.D.J.
-
Lextenso
éditions,
2013,
page
713.
7Avis
no101,
28
juin
2007,
op.
cit.
8Mill
J.
S.,
«
L’utilitarisme
»
(trad.
G.
Tanesse),
Flammarion
«
Champs
»,
Paris,
[1861],
1988,
p.
48.
E.
Martinez
et
al.
/
Médecine
&
Droit
2015
(2015)
1–7
3
L’avis
souligne
la
nécessité
de
prendre
conscience
que
les
bénéfices
pour
la
collectivité
de
l’exercice
de
ses
missions
par
l’hôpital
«
ne
se
résument
pas
aux
actes
cotés
par
la
T2A
»
mais
s’étendent
à
l’innovation,
à
la
prévention
et
à
l’éducation
pour
la
santé,
susceptibles
de
réduire
à
terme
les
coûts
de
prise
en
charge.
Pour
le
Comité,
«
réintégrer
la
dimension
éthique
et
humaine
dans
les
dépenses
de
santé
»
permettrait
«
à
l’hôpital
de
remplir
de
manière
équilibrée
l’ensemble
de
ses
missions,
et
pas
uniquement
les
plus
techniques
ou
les
plus
spectaculaires
».
La
problématique
de
l’opposition
entre
le
déontologisme
et
l’utilitarisme
dépasse
le
domaine
de
la
seule
gestion
hospitalière
et
s’attache
à
la
santé
publique
et
aux
politiques
de
santé.
Or,
le
concept
de
santé
est
plus
aisé
à
cerner
lorsqu’il
concerne
un
individu
que
lorsqu’il
fait
référence
à
une
population9.
En
dépit
du
préambule
de
la
constitution
de
l’Organisation
mondiale
de
la
santé10,
il
est
admis
que
«
cette
belle
déclaration
de
principe
n’offre
pas
une
définition
juridiquement
opératoire
»11.
La
santé
«
est
un
état
et
non
une
catégorie
juridique
»12.
À
l’inverse,
la
santé
publique
désigne
l’intervention
des
pouvoirs
publics
qui
fixent
des
règles
d’organisation
et
de
financement
des
profes-
sions,
des
institutions,
des
soins
curatifs
et
de
la
prévention.
Elle
relève
par
conséquent
de
choix
démocratiques.
La
notion
de
santé
publique
n’est
pas
l’affaire
des
seuls
experts
mais
appartient
à
tous.
En
mettant
progressivement
l’accent
sur
la
réduction
des
risques
et
l’implication
des
usa-
gers,
les
textes
de
la
dernière
décennie13 contribuent
à
forger
une
conception
démocratique
de
la
santé.
Pour
autant,
cette
approche
conduit
à
arbitrer
entre
l’autonomie
individuelle
et
le
bien
public
qui
doit
être
celui
des
politiques
de
santé
publique14.
La
gestion
des
ressources
relève
bien
de
la
sphère
éthique.
Si
l’opposition
entre
déontologisme
et
utilitarisme
permet
de
fixer
de
nécessaires
repères
dans
la
pensée
éthique
(1),
elle
s’inscrit
au
cœur
des
conflits
de
valeurs
qui
constituent
son
moteur
(2)
et
permettent
son
dépassement
(3).
1.
Déontologisme,
utilitarisme
:
entre
deux
éthiques,
choisir
la
moindre
?
Au
détriment
de
l’éthique
utilitariste,
considérée
comme
essentiellement
tournée
vers
des
préoccupations
économiques
et
peu
soucieuse
de
l’humain,
l’éthique
déontologique
est
habi-
tuellement
perc¸ue
comme
plus
morale.
9Laplege
A.,
Fagot-Largeault
A.,
Spira
A.,
«
Santé
publique
»,
in
«
Diction-
naire
d’éthique
et
de
philosophie
morale»,
sous
la
direction
de
Canto-Sperber
M.,
P.U.F.,
Quadrige,
tome
2,
pages
1711
et
suivantes.
10 «
La
possession
du
meilleur
état
de
santé
qu’il
est
capable
d’atteindre
consti-
tue
l’un
des
droits
fondamentaux
de
tout
être
humain,
quelles
que
soient
sa
race,
sa
religion,
ses
opinions
politiques,
sa
condition
économique
ou
sociale
».
11 Truchet
D.,
«
Droit
de
la
santé
publique
»,
Mémento
Dalloz,
7eédition,
page
16.
12 Truchet
D.,
op.
cit.
13 Loi
no2002-303
du
4
mars
2002
relative
aux
droits
des
malades
et
à
la
qualité
du
système
de
santé,
J.O.
du
5
mars
2002,
page
4145,
loi
no2009-879
du
21
juillet
2009
portant
réforme
de
l’hôpital
et
relative
aux
patients,
à
la
santé
et
aux
territoires,
J.O.
du
22
juillet
2009,
page
12184.
14 Laplege
A.,
Fagot-Largeault
A.,
Spira
A.,
«
Santé
publique
»,
op.
cit.
1.1.
Le
déontologisme
:
l’impératif
catégorique
et
la
valeur
intrinsèque
des
actes
G.
Durand15 rappelle
que
«
le
déontologisme
et
l’école
déon-
tologique
désignent
(.
.
.)
la
doctrine
des
moralistes
anglais
de
la
fin
du
XXesiècle
qui
s’opposent
à
l’école
ontologique16
et
à
l’école
utilitariste
».
Ce
courant
est
directement
issu
de
la
philosophie
d’E.
Kant,
qui
fonde
la
morale
sur
la
raison
et
l’autonomie
du
sujet
et
non
sur
des
postulats
métaphysiques
ou
la
fin17.
A.
Berten
précise
qu’une
éthique
déontologique
pose
«
que
certains
actes
sont
moralement
obli-
gatoires
ou
prohibés,
sans
égards
pour
leurs
conséquences
dans
le
monde
»18.
Morale
de
l’action,
la
morale
de
Kant
considère
que
rien
ne
peut
être
conc¸u
comme
absolument
et
intrinsè-
quement
bon
à
l’exception
de
la
«
bonne
volonté
».
Cette
«
bonne
volonté
»
consiste
à
agir
par
devoir,
du
grec
«
deon-
deontos
»,
et
non
conformément
à
ses
intérêts
ou
à
une
fin.
L’«
impératif
catégorique
»
kantien
considère
qu’
«
une
volonté
libre
et
une
volonté
soumise
à
des
lois
morales
sont
(.
.
.)
une
seule
et
même
chose
»19.
Kant
définit
le
sujet
de
bonne
volonté
comme
«
celui
qui
essaie
de
faire
de
la
loi
subjective
de
sa
volonté
une
loi
qui
puisse
être
aussi
une
loi
universelle
»20.
Pour
Kant,
la
moralité
d’un
acte
suppose
qu’il
soit
accompli
«
par
devoir
»
ou
par
«
respect
pour
la
loi
»
qui
doit
«
prévaloir
sur
toute
considération
concernant
le
bien-être
ou
le
bonheur
de
l’agent
moral
ou
des
autres
per-
sonnes
»21.
La
«
valeur
intrinsèque
des
actes
»
distingue
radicalement
l’éthique
déontologique
de
l’éthique
conséquentialiste.
La
pre-
mière
considère
en
effet
que
certains
actes
sont
bons
ou
mauvais
en
eux-mêmes,
pour
ainsi
dire
par
définition,
indépendamment
des
fins
poursuivies.
La
prohibition
de
la
torture
et
du
mensonge
illustre
cette
position
morale.
Le
respect
des
droits
subjectifs
d’autrui
et
«
le
caractère
absolu
des
droits
de
l’homme
»
opposent
encore
de
manière
radicale
le
déontologisme
du
conséquentialisme.
Ces
droits
constituent
ainsi
des
contraintes
s’imposant
à
l’analyse
d’une
situation
concrète
et
non
des
éléments
variables
susceptibles
d’évoluer
en
fonction
du
but
recherché.
15 Durand
G.,
op.cit.,
page
363.
16 Le
courant
ontologique
est
centré
sur
la
recherche
de
la
fin,
«
la
visée
de
la
vie
bonne
»
comme
sens
de
la
vie
humaine.
La
moralité
des
actions
de
la
vie
humaine
s’apprécie
par
conséquent
au
regard
de
leur
orientation
vers
et
de
leur
contribution
à
cette
fin.
Pour
Aristote
et
Thomas
d’Acquin,
la
loi
morale
est
centrée
sur
les
vertus
(cf.
Durand
G.,
pages
359
et
suivantes,
op.
cit.).
17 Durand
G.,
op.cit.,
page
361
et
suivantes.
18 Berten
A.,
«
Déontologisme»,
in
«
Dictionnaire
d’éthique
et
de
philosophie
morale»,
sous
la
direction
de
Canto-Sperber
M.,
P.U.F.,
Quadrige,
tome
1,
pages
477
et
suivantes.
19 Kant
E.,
«
Fondements
de
la
métaphysique
des
mœurs
»,
Paris,
Vrin,
1987,
cité
par
Durand
G.
20 Durand
G.,
op.cit.
21 Berten
A.,
«
Déontologisme»,
op.cit.
4
E.
Martinez
et
al.
/
Médecine
&
Droit
2015
(2015)
1–7
Surtout,
l’éthique
déontologique
cultive
essentiellement
une
«
conscience
des
limites
»22.
Toutefois,
ces
contraintes
demeurent
formulées
négativement.
En
distinguant
une
formule
négative
tu
ne
mentiras
pas
»)
d’une
formule
positive
tu
diras
la
vérité
»),
le
déontologisme
laisse
à
chacun
une
large
marge
d’appréciation
dans
le
cadre
des
limites
imposées.
La
question
de
l’intention
occupe
également
une
place
essen-
tielle
dans
cette
théorie
morale.
Le
caractère
moral
de
l’intention
n’exclut
en
effet
pas
les
conséquences
non
voulues,
les
effets
secondaires
ou
le
double
effet.
Le
conséquentialisme
serait-il
moins
hypocrite
lorsqu’il
considère
l’acte
juste
comme
celui
qui
aboutit
à
un
meilleur
résultat
général
?
Abstrait,
rigoriste23,
le
déontologisme
n’échappe
pas
à
la
cri-
tique.
Son
abstraction
peine
à
définir
des
principes
propres
à
guider
l’action
dans
les
situations
concrètes.
Rigoureuses,
voire
rigides,
les
règles
absolues
qu’il
reconnaît
s’adaptent
mal
à
la
diversité
des
situations
réelles.
Le
caractère
absolu
des
principes
moraux
se
fonde
en
défini-
tive
sur
une
approche
«
intuitive
»
qui
conduit
à
désigner
les
doctrines
déontologistes
d’«
intuitionnistes
»24.
D’autres
pré-
fèrent
parler
de
«
sens
commun
»,
plus
tourné
vers
un
respect
des
«
traditions
morales
»
que
vers
une
conscience
innée
du
bien
et
du
mal.
Est-il
intellectuellement
satisfaisant
de
fonder
les
carac-
tères
absolu
et
impératif
de
principes
moraux
sur
l’intuition
ou
la
tradition
morale
?
Le
déontologisme
contemporain,
qualifié
de
«
modéré
»25,
a
évolué
vers
le
contractualisme,
avec
J.
Rawls26,
et
l’éthique
de
la
discussion,
avec
J.
Habermas27.
Pour
J.
Rawls,
les
obligations
morales
résultent
d’un
accord
des
volontés,
trouvé
après
une
discussion
entre
individus
«
rationnels
».
J.
Habermas
complète
cette
conception
en
posant
que
les
règles
morales
résultent
d’une
délibération.
Toutefois,
s’il
considère
bien
les
normes
morales
comme
contraignantes,
J.
Habermas
concilie
les
courants
déon-
tologiste
et
utilitariste
en
considérant
que
la
validité
d’une
norme
dépend
de
l’acceptation
de
ses
conséquences
par
les
personnes
concernées.
1.2.
L’utilitarisme
:
la
morale
des
conséquences
Rattaché
aux
philosophies
hédonistes
et,
à
l’origine
à
Épi-
cure,
le
courant
utilitariste
est
issu
de
D.
Hume
et
surtout
de
J.
Bentham
et
de
J.S.
Mill.
Pour
ces
auteurs,
la
moralité
consiste
à
maximiser
le
bonheur
et
à
minimiser
la
misère.
Une
action
est
qualifiée
de
bonne
si
elle
poursuit
cette
fin.
L’utilité
détermine
par
conséquent
le
jugement
moral
et
s’attache
aux
conséquen-
ces
d’un
acte,
d’où
la
dénomination
de
courant
conséquentialiste
pour
faire
référence
à
cette
école.
22 Berten
A.,
op.cit.
23 Berten
A.,
page
481,
op.cit.
24 Berten
A.,
page
481,
op.cit.
25 Berten
A.,
page
482,
op.cit.
26 Rawls
J.,
«
Théorie
de
la
justice
»,
Points
essais,
no354,
avril
2009.
27 Habermas
J., ¨
Théorie
de
l’agir
communicationnel¨
,
Paris,
Fayard,
1987, ¨
De
l’éthique
de
la
discussion¨
,
Paris,
Cerf,
1992.
Si
J.
Bentham28 a
élaboré
une
arithmétique29 des
plaisirs
individuels30,
J.S.
Mill31 élargit
la
notion
de
plaisir
et
y
ajoute
la
capacité
de
la
personne
à
faire
abstraction
de
ses
intérêts
par
pur
altruisme,
ce
qui
éloigne
radicalement
l’éthique
utilitariste
de
la
pensée
économique
libérale
et
néo-libérale32.
La
dimen-
sion
la
plus
altruiste
de
l’utilitarisme
se
traduit
par
le
principe
du
plus
grand
bonheur
pour
le
plus
grand
nombre.
En
l’absence
de
critère
a
priori,
comme
pour
le
déontologisme,
la
moralité
dépend
avant
tout
des
conséquences.
J.
Rawls
dans
sa
«
Théorie
de
la
justice
»33,
considère
que
le
conséquentialisme
ne
se
préoccupe
pas
des
questions
de
justice
et
d’équité
dans
la
répartition
des
biens
mais
vise
à
promou-
voir
une
conception
déterminée
du
bien
:
sa
maximisation.
Il
en
découle
la
possibilité
de
sacrifier
un
individu
dans
la
mesure
le
bien
global
s’en
trouve
maximisé.
Or,
un
tel
calcul
utilita-
riste
méconnaît
non
seulement
la
valeur
qui
s’attache
de
manière
irréductible
à
chaque
personne
mais
néglige
également
le
droit
de
chacun
aux
mêmes
droits
et
libertés34.
Pour
J.
Rawls,
les
autres
doivent
toujours
être
considérés
comme
des
fins
et
jamais
comme
des
moyens.
Le
principal
reproche
adressé
à
l’utilitarisme
concerne
sa
capacité
à
prendre
en
considération
la
personne
humaine,
dans
une
confusion
entre
«
impartialité
»
et
«
impersonnalité
»35.
L’utilitarisme
n’accorde
en
effet
aucune
importance
aux
projets
personnels.
Seule
importe
l’utilité
sociale.
Dès
lors,
les
droits
fondamentaux
eux-mêmes
pourraient
être
sacrifiés
sur
l’autel
de
l’augmentation
du
bien-être
global.
Le
véritable
danger
ne
serait-il
pas
de
fonder
les
décisions
individuelles
et
les
choix
collectifs
sur
un
unique
critère
?
2.
Les
conflits
de
valeurs,
moteurs
de
la
réflexion
éthique,
sont-ils
bons
pour
la
santé
?
Pour
P.
Le
Coz,
«
la
visée
du
questionnement
éthique
est
de
mettre
la
pensée
en
crise,
d’élucider
ses
contradictions
et
ses
apories,
sans
préjuger
qu’elles
sont
solubles
pour
autant.
Une
attitude
éthique
consiste
à
maintenir
l’acuité
de
notre
conscience
des
conflits
de
valeurs
en
présence,
en
résistant
à
la
tentation
de
«
décider
»
au
sens
étymologique
du
terme
(caedere,
«
couper
en
tranchant
»).
»36
28 1748–1832.
29 Malaurie
Ph.,
«
Anthologie
de
la
pensée
juridique
»,
Éditions
Cujas,
1996,
pages
147
et
suivantes.
30 «
L’idée
de
perfection
n’est
plus
une
chimère
(pour
celui
qui
a)
mis
en
ordre
les
notions
fondamentales
».
J.
Bentham
considère
«
les
actions
humaines
uni-
quement
par
leurs
effets
en
bien
et
en
mal
».
«
Je
passe
au
profit
pur
tous
les
plaisirs,
je
passe
en
perte
toutes
les
peines
»,
in
Malaurie
Ph.,
op.
cit.
31 1806–1873.
32 Genereux
J.,
«
La
dissociété
»,
Points
essais,
Éditions
du
Seuil,
no592,
3eédi-
tion
2011
;
Dardot
P.
et
Laval
C.,
«
La
nouvelle
raison
du
monde
»,
La
découverte,
Poche,
2010.
33 Rawls
J., ¨
Théorie
de
la
Justice¨
,
op.
cit.
34 Berten
A.,
op.cit.
35 Audard
C.,
«
Utilitarisme
»,
in
«
Dictionnaire
d’éthique
et
de
philosophie
morale»,
sous
la
direction
de
Canto-Sperber
M.,
P.U.F.,
Quadrige,
tome
2,
pages
2001
et
suivantes.
36 Le
Coz
P., ¨
L’exigence
éthique
et
la
tarification
à
l’activité
à
l’hôpital¨
,
Revue
de
philosophie
économique,
volume
10,
no1.
E.
Martinez
et
al.
/
Médecine
&
Droit
2015
(2015)
1–7
5
Selon
cet
auteur37,
«
les
conflits
de
valeur
qui
alimentent
une
réflexion
éthique
apparaissent
quand
le
décideur
est
le
siège
d’émotions
qui
l’inclinent
tour
à
tour
dans
des
direc-
tions
opposées
sans
qu’il
puisse
stabiliser
ce
processus
de
révision
émotionnelle
».
Or
si
«
la
visée
du
questionnement
éthique
est
de
mettre
la
pensée
en
crise,
d’élucider
ses
contradic-
tions
et
ses
apories,
sans
préjuger
qu’elles
sont
solubles
pour
autant38 (.
.
.)
en
voulant
éviter
d’absolutiser
une
émotion
au
détriment
d’une
autre
pour
sauvegarder
la
tension
entre
déon-
tologisme
et
utilitarisme,
nous
pouvons
aboutir
à
paralyser
la
décision
».
L’auteur
ajoute
que
«
l’avantage
du
mécanisme
de
tarification
à
l’activité
est
de
donner
une
impulsion
nouvelle
à
l’équité,
en
élargissant
le
spectre
des
émotions
ressenties
par
les
soignants,
du
champ
des
personnes
malades
à
la
sphère
des
établissements
de
santé
auxquels
appartiennent
les
décideurs.
Les
acteurs
hos-
pitaliers
peuvent
trouver
matière
à
de
nouvelles
expériences
émotionnelles
dans
le
fait
qu’ils
sont
impliqués
de
plus
près
dans
la
gestion
de
l’institution
sanitaire
à
laquelle
leur
destin
se
trouve
scellé
par
la
tarification
à
l’activité.
Ils
sont
acces-
sibles
à
de
nouvelles
émotions
telles
que
la
crainte
que
leur
structure
d’exercice
ne
tombe
en
faillite,
ou,
positivement,
la
gratification
de
favoriser
la
compétitivité
de
leur
structure
(pôle
ou
établissement)
».
Le
C.C.N.E.
met
en
exergue
l’incapacité
de
la
tarification
à
l’activité
à
rendre
compte
des
différents
aspects
de
la
mis-
sion
de
soigner.
Mettant
en
garde
contre
«
la
tyrannie
du
tout
quantitatif
»,
il
recommande,
dans
l’avis
101,
«
d’adapter
les
échelles
d’évaluation
des
activités
en
vue
de
traiter
de
manière
appropriée
les
différentes
missions
de
l’hôpital
»
(actes
tech-
niques,
prévention,
éducation
à
la
santé,
solidarité
et
lien
social,
recherche,
innovation.
.
.).
P.
Le
Coz
explique
que
«
le
risque
de
la
valorisation
abu-
sive
de
l’acte
technique
[est
d’]
entraîner
un
alignement
pur
et
simple
de
l’hôpital
sur
le
modèle
de
l’entreprise,
aboutis-
sant
à
faire
de
la
santé
un
produit
comme
un
autre
(.
.
.).
»
Le
danger
serait
de
payer
«
la
réduction
des
coûts
économiques
»
d’une
perte
de
la
«
signification
sociale
de
refuge
de
la
souf-
france
humaine
»
qui
est
celle
de
l’hôpital.
«
Plutôt
qu’à
une
diversification
des
émotions
capable
de
dynamiser
le
processus
révisionnel,
la
tarification
de
l’activité
pourrait
aboutir
à
sa
per-
version,
en
attaquant
à
sa
racine
les
émotions
de
base
comme
la
compassion
ou
la
crainte,
par
la
production
de
nouvelles
émo-
tions
telles
que
la
mauvaise
conscience
de
soigner
des
patients
coûteux
pour
l’hôpital
».
L’instruction
DGOS/RH3/2012/300
du
31
juillet
2012
rela-
tive
à
l’appel
à
candidatures
auprès
des
agences
régionales
de
santé
pour
l’accompagnement
de
projets
sur
l’évaluation
et
la
prévention
des
risques
psychosociaux
dans
les
établissements
publics
ou
privés
de
santé
se
réfère
au
rapport 39 Gollac
et
37 Le
Coz
P., ¨
L’exigence
éthique
(.
.
.)¨
,
op.
cit.
38 ¨Une
attitude
éthique
consiste
à
maintenir
l’acuité
de
notre
conscience
des
conflits
de
valeurs
en
présence,
en
résistant
à
la
tentation
de
«
décider
»
au
sens
étymologique
du
terme
(caedere,
«
couper
en
tranchant
»,
Le
Coz
P.,
op.
cit.
39 «
Mesurer
les
facteurs
psychosociaux
de
risque
au
travail
pour
les
maîtri-
ser
»,
rapport
du
Collège
d’expertise
sur
le
suivi
des
risques
psychosociaux
au
Bodier
pour
identifier
six
dimensions
de
risques
à
caractère
psychosocial
:
l’intensité
du
travail
et
le
temps
de
travail
;
les
exigences
émotionnelles
;
le
manque
d’autonomie
et
de
marges
de
manœuvre
;
la
mauvaise
qualité
des
rapports
sociaux
et
relations
de
tra-
vail,
;
les
conflits
de
valeur
;
l’insécurité
de
la
situation
de
travail.
Concernant
les
conflits
de
valeurs,
l’instruction
identifie
qu’une
«
souffrance
éthique
est
ressentie
par
une
personne
à
qui
on
demande
d’agir
en
opposition
avec
ses
valeurs
profes-
sionnelles,
sociales
ou
personnelles.
Le
conflit
de
valeurs
peut
venir
de
ce
que
le
but
du
travail
ou
ses
effets
secondaires
heurtent
les
convictions
du
travailleur,
ou
bien
du
fait
qu’il
doit
travailler
d’une
fa¸con
non
conforme
à
sa
conscience
professionnelle
».
Au
regard
des
exigences
émotionnelles,
l’instruction
précise
qu’elles
«
sont
liées
à
la
nécessité
de
maîtriser
et
de
fa¸conner
ses
propres
émotions,
afin
notamment
de
maîtriser
et
fa¸conner
celles
ressenties
par
les
personnes
avec
qui
on
interagit
lors
du
travail.
Devoir
cacher
ses
émotions
est
également
exigeant
».
Le
document
ministériel
ajoute
que
«
ce
qui
fait
qu’un
risque
pour
la
santé
au
travail
est
psychosocial,
ce
n’est
pas
sa
mani-
festation,
mais
son
origine
:
les
risques
psychosociaux
seront
définis
comme
les
risques
pour
la
santé
mentale,
physique
et
sociale,
engendrés
par
les
conditions
d’emploi
et
les
facteurs
organisationnels
et
relationnels
susceptibles
d’interagir
avec
le
fonctionnement
mental
».
Dès
2003,
P.
Canouï
attire
l’attention
sur
les
enjeux
éthiques
de
la
souffrance
des
soignants
:
«
10
à
48
%
(moyenne
25
%)
des
infirmières
actives
de
pays
occidentaux
présentent
un
niveau
élevé
d’épuisement
professionnel
(burn
out)
quels
que
soient
le
milieu
de
travail
et
la
spécialité.
Les
médecins
sont
aussi
en
difficulté
psychologique
avec
un
taux
de
dépression
et
de
sui-
cide
nettement
plus
important
que
dans
la
population
générale
(statistique
de
la
Caisse
de
retraite
des
médecins
fran¸cais).
»40
Parmi
les
manifestations
de
cette
souffrance,
l’auteur
met
en
évidence
«
la
déshumanisation
de
la
relation
à
l’autre
»,
qui
«
traduit
une
forme
de
sécheresse
relationnelle
ou
de
cynisme
»
et
«
correspond
à
un
mode
de
défense
psychologique
afin
de
se
protéger,
aboutissant
à
ce
que
nos
collègues
américains
ont
appelé
le
«
John
Wayne
syndrome
»
(cow-boy
solitaire
et
invul-
nérable
à
toute
émotion)
et
ce
que
les
éthiciens
nomment
la
«
réification
de
la
personne
».
Lorsque
la
relation
d’aide
«
tombe
elle-même
malade
»,
il
est
permis
d’interroger
sur
l’apport
et
les
risques
de
ces
émotions
nouvelles
mises
en
évidence
par
P.
Le
Coz.
travail,
faisant
suite
à
la
demande
du
ministre
du
Travail,
de
L’emploi
et
de
la
Santé
publié
le
11
avril
2011.
40 Canouï
P.,
«
La
souffrance
des
soignants
:
un
risque
humain,
des
enjeux
éthiques
»,
Revue
internationale
de
soins
palliatifs,
2003/2,
volume
18,
pages
101
à
104.
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