souffrent une bonne partie du temps.
Oui, car elle est dure, la vie humaine, et elle n’est pas devenue moins dure
chez nous , en pays de Raison, que dans les parties du monde « encore »
soumises aux superstitions monothéistes ou païennes. Affranchis des
croyances de leurs ancêtres, les individus modernes sont non moins obligés
de s’accommoder de ce fait désagréable, que la plupart de leurs désirs ne se
réalisent pas et ne se réaliseront jamais. Comme ils tiennent à ce que leur
souffrance ait du Sens, la lumière ne leur suffit pas ; ils ont besoin de
comprendre aussi les ténèbres. Ils tiennent non seulement à savoir mais à
croire » (p 102-104).
« Opium du peuple ? Si l’on veut. Sauf qu’il n’existe pas de peuple sans
opium. Drogue, religion, politique, amour… Innombrables, en vérité, sont les
« opiums » susceptibles de structurer de façon harmonieuse et convaincante
notre réalité intérieure… nous aidant, par là, à croire en nous-mêmes, à agir
dans le monde, à y supporter et à y déployer notre existence » (p 106-107).
« Il y a deux espèces de vérité : celle, objective, dont les résultats peuvent
être confrontés au réel (sciences, techniques, vie quotidienne) et celle,
subjective, à laquelle on n’accède que par l’expérience intérieure (mythes,
religions, littérature). Aucune religion ne peut fournir une réponse objective à
la question de savoir à quelle fin existent l’univers et l’homme. Toutes, en
revanche, proposent d’excellentes réponses subjectives. Le fait de croire en
des choses irréelles nous aide à supporter la vie réelle » (p 110-111).
Si on accepte l’hypothèse de Nancy Huston (2008) et si on estime avec les
responsables de ce colloque de l’Unesco que la philosophie a quelque chose à
voir avec « la médecine de l’âme », alors, peut-être que la philosophie ne
devrait plus ignorer la théologie ou la considérer comme un problème. La
théologie ne pourrait-elle pas être considérée comme un atout philosophique ?
A condition qu’elle se laisse interpeller par la démarche philosophique, le
questionnement philosophique, la critique philosophique.
Pour moi, philosophie et théologie ne s’opposent pas nécessairement.
Mais alors quelle relation entre les deux ? Je dirai d’abord que sans la
démarche philosophique, ma théologie ne serait pas aujourd’hui ce qu’elle
est ! Je dirais aussi que j’ai l’impression que ma théologie fait partie de ma
philosophie, dans le sens où mon discours sur Dieu repose sur mon discours
sur l’homme. Mais il faudrait prendre le temps d’expliciter cette impression !
Le deuxième auteur auquel je veux me référer dans cette première partie
s’appelle Maurice Bellet (2005), philosophe, théologien et psychanalyste, que
je considère comme un de mes maîtres à penser. Voici ce qu’il écrit dans un
article intitulé : « Si je dis Dieu » :
« On ne peut pas parler de Dieu.
C'est clair, net et définitif.
Car parler de, ou parler sur, c'est disposer d'un certain pouvoir sur la
chose dont on parle. C'est avoir le mot, le concept, l'image, les documents ou
la démonstration. C'est ramener la chose dans un espace humain de langage,
où nous savons et disposons.
Si Dieu est Dieu, il est ailleurs.
Et si donc, par plaisir ou par nécessité, quelqu'un se risque à dire quelque