Journal de L`AFP (Association Française des Polyarthrites) 2008

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Journal de L’AFP (Association Française des Polyarthrites) 2008
Les nouvelles biothérapies et l’avenir dans la polyarthrite rhumatoïde
Pr Bernard Combe
Immuno-Rhumatologie, Hôpital Lapeyronie – CHU de Montpellier
La prise en charge thérapeutique des rhumatismes inflammatoires et notamment de la
polyarthrite rhumatoïde (PR) a été transformée par l’avènement des biothérapies et
notamment des inhibiteurs du TNF. Les anti-TNF (etanercept, infliximab, adalimumab)
ont montré d’une part, leur grande efficacité clinique, notamment en association avec le
methotrexate, mais également leur capacité à bloquer la progression structurale de la PR. Plus
récemment, on a également montré la capacité de ces drogues à diminuer la morbidité
cardiovasculaire et probablement la mortalité de la maladie, à améliorer les capacités
fonctionnelles, la qualité de vie des patients et à réduire la corticodépendance.
Cependant, ces médicaments ont montré certaines limites dans la PR puisque 20 à 30 % des
malades sont considérés comme non-répondeurs et que des échappements thérapeutiques
peuvent être observés à moyen ou long terme. Enfin, ils présentent un certain nombre d’effets
indésirables et de contre-indications, notamment sur le plan infectieux.
Il est donc apparu important de pouvoir disposer d’autres alternatives thérapeutiques et c’est
ainsi que de nouvelles biothérapies ont été développées à partir des hypothèses
physiopathologiques de mieux en mieux connues sur la PR. Les cibles privilégiées de ces
nouveaux traitements biologiques restent les cytokines pro-inflammatoires et notamment
l’interleukine 6, mais aussi des cellules telles que le lymphocyte B et le lymphocyte T. Ceci a
permis de commercialiser deux médicaments : le rituximab (Mabthera) qui inhibe les
lymphocytes B et l’abatacept (Orencia) qui inhibe l’activation des lymphocytes T. Un
inhibiteur du récepteur de l’IL6 , le tocilizumab ( Ro-Actemra), très prometteur, est
également en voie de commercialisation.
1- Le rituximab
Le lymphocyte B joue un rôle important dans la pathogénie des maladies auto-immunes, et
en particulier dans la PR. Le rituximab est un anticorps monoclonal anti-CD20 qui est une
molécule spécifique du lymphocyte B mature. La fixation du rituximab sur le CD20 entraîne
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la lyse du lymphocyte B. Son efficacité dans la PR a été démontrée au cours de 3 principales
études cliniques randomisées contre placebo. La première étude a été réalisée chez 161
patients insuffisamment répondeurs au methotrexate et a permis de montrer que l’association
du rituximab au methotrexate était supérieure à la poursuite du methotrexate seul et que
l’association paraissait donner des résultats supérieurs au rituximab administré seul. Un
résultat supplémentaire très intéressant de cette étude est la constatation que l’administration
de ce médicament en perfusion intraveineuse de 1 g, au jour 1 et au jour 15, permettait
d’obtenir une réponse thérapeutique durable supérieure à 6 mois. On a constaté parallèlement
que le rituximab entraînait une disparition des lymphocytes B sanguins dans la majorité des
cas pendant plus de 6 mois. La deuxième étude administrée également chez des patients
insuffisamment répondeurs au methotrexate, a confirmé que deux perfusions de rituximab à
J1 et J15, de 1 g ou 500 mg par perfusion, permet d’obtenir deux fois plus de répondeurs que
la poursuite du methotrexate seul. Enfin, l’étude Reflex a montré que le rituximab administré
à 1 g à J1 et J15, en co-administration avec le methotrexate, permettait également une réponse
thérapeutique supérieure à la poursuite du methotrexate seul, dans une population de patients
insuffisamment répondeurs à au-moins un anti-TNF. Cette étude a également permis de
montrer que le rituximab diminuait la progression radiologique de la PR.
Retraitement par le rituximab
Après deux perfusions de rituximab, comme nous l’avons vu dans les études précédentes, les
patients ont eu une réponse thérapeutique durable, en moyenne de 8 mois, justifiant chez les
patients ayant répondu au traitement, la réadministration d’une cure de 2 perfusions de
rituximab. On ne dispose pas actuellement de données d’efficacité claires sur ces cures
successives de retraitement.
Tolérance du rituximab
La tolérance du rituximab est globalement bonne. L’évènement indésirable principal constaté
dans les études cliniques a été la réaction aux perfusions, notée dans 30 à 40 % des cas et qui
est diminuée par l’administration concomitante de corticoïdes. Des infections sévères ont été
également sensiblement augmentées, par rapport à un traitement de fond classique et cette
augmentation est du même ordre que ce que l’on observe avec les anti-TNF. De nouvelles
études seront prochainement disponibles, mais une surveillance à long terme du rituximab est
indispensable pour bien évaluer son rapport bénéfice/risque, notamment sur le plan infectieux.
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Le rituximab en pratique
Le rituximab a obtenu l’AMM en France en 1997 dans le traitement des lymphomes B . Ce
médicament est actuellement également indiqué « dans le traitement de la PR active en cas de
réponse inadéquate ou d’intolérance aux traitements de fond, dont au moins un anti-TNF ».
Cependant, compte-tenu de l’efficacité actuelle des anti-TNF, notamment sur la capacité à
bloquer la progression radiologique de la PR, de la possibilité d’avoir une efficacité en cas de
l’utilisation d’un deuxième anti-TNF et de la sécurité dont on dispose à moyen terme avec ces
médicaments, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande plutôt en pratique, d’utiliser le
rituximab après échec et/ou intolérance, et/ou contre-indication à deux anti-TNF. Cette
biothérapie s’utilise en co-administration avec le methotrexate ou à défaut avec un autre
traitement de fond. La posologie recommandée actuellement est de 1 g en 2 perfusions IV à
15 jours d’intervalle. Chaque perfusion de rituximab est précédée d’une administration de 100
mg IV de methylprednisolone afin de diminuer les réactions aux perfusions. Un antihistaminique et un anti-pyrétique peuvent également être administrés en même temps. Pour
envisager de réadministrer une cure de rituximab à un patient préalablement traité, il faut que
celui-ci ait répondu à la première cure de rituximab et que la tolérance soit satisfaisante. Il
n’est pas recommandé de retraiter les patients moins de 6 mois après la cure précédente.
2- L’abatacept
Le lymphocyte T a toujours été considéré comme jouant un rôle central dans la
physiopathologie de la PR. L’activation du lymphocyte T joue un rôle majeur dans la réponse
immunitaire et dans les réactions auto-immunes et inflammatoires. Cette activation entraine
notamment une prolifération cellulaire et la production de cytokines telles que des cytokines
pro-inflammatoires comme le TNF ou l’IL6.
L’abatacept inhibe l’activation du lymphocyte T en bloquant ce que l’on appelle la
costimulation du lymphocyte T.L’abatacept a fait l’objet d’un important plan de
développement dans la PR avec notamment au-moins 5 études randomisées contrôlées, dont 2
études de phase III, comportant une étude chez des patients insuffisamment répondeurs au
methotrexate , une étude chez des patients insuffisamment répondeurs aux anti-TNF et une
étude de tolérance .
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Ainsi, l’étude AIM a randomisé 403 patients atteints de PR, insuffisamment répondeurs au
methotrexate et a montré que l’administration de l’abatacept 10 mg/kg/perfusion réalisée tous
les mois, permettait à 6 mois et 1 an, d’obtenir une réponse thérapeutique 2 fois supérieure
dans le groupe abatacept par rapport au groupe contrôle poursuivant le methotrexate seul.
Cette étude a
montré également la capacité de l’abatacept à diminuer la progression
structurale de la PR sur un an L’étude ATTAIN a confirmé l’efficacité de l’abatacept chez des
patients insuffisamment répondeurs à un anti-TNF. A six mois, 50 % de patients recevant
l’abatacept étaient répondeurs contre seulement 19 % dans le groupe contrôle. Tous les
patients recevaient de manière concomitante, du methotrexate.
Tolérance de l’abatacept
Globalement, il semble qu’il y ait avec cette biothérape, une légère augmentation du risque
d’infections sévères, comme avec tout immuno-suppresseur et relativement proche des autres
biothérapies. Aucun autre effet indésirable significatif, en dehors de possibles maux de tête,
n’a été à ce jour rapporté. Dans l’étude ASSURE , étude portant sur 1400 patients dont les 2/3
recevaient de l’abatacept en association à différents traitements de fond, la tolérance a été
satisfaisante sauf en cas de co-administration avec un anti-TNF (risque infectieux). Cette
association ne sera donc pas recommandée.
L'abatacept en pratique
L’abatacept est donc commercialisé en France depuis un an dans la PR active chez les
patients ayant une réponse insuffisante ou une intolérance à d’autres traitements de fond
incluant au moins un anti-TNF. Comme pour le rituximab et pour les mêmes raisons, la
HAS recommande d’utiliser plutôt cette biothérapie en cas d’inefficacité, d’intolérance ou de
contre-indication à 2 anti-TNF. La posologie recommandée est de 10 mg/kg/perfusion,
réalisée à J0, J15, J30 puis tous les mois. La tolérance des perfusions qui se déroule sur 30
minutes est habituellement très bonne. Il est recommandé d’utiliser l’abatacept en association
au methotrexate ou à défaut à un autre traitement de fond conventionnel.
3- Les traitements d’avenir : Le tocilizumab
Le tocilizumab (TCZ) inhibe le récepteur de l’IL6 et devrait être la prochaine biothérapie
commercialisée dans la PR. Un plan de développement important à montré de façon claire,
l’efficacité de cette biothérapie dont les résultats d’efficacité paraissent extrêmement
intéressants. Ce traitement a montré son efficacité en association au methotrexate, d’une part
chez les patients insuffisamment répondeurs au methotrexate et d’autre part, chez les patients
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insuffisamment répondeurs à au-moins un anti-TNF. Une autre étude a montré l’intérêt de
l’association avec d’autres traitements de fond classiques que le methotrexate. Enfin très
récemment, il a été montré que le TCZ utilisé en monothérapie, avait une efficacité supérieure
au méthotrexate. Les données d’efficacité sur la progression radiographique et la destruction
articulaire devraient être connues à l’automne 2008.
Un certain nombre de questions restent posées quant à la tolérance de cette biothérapie.
Les études disponibles ont montré un taux d’infections sévères augmenté comparable à ce qui
a été rapporté avec les autres biothérapies. Il a été par contre montré une augmentation
fréquente du taux de cholestérol, une augmentation dans certains cas du taux des
transaminases et une possible baisse des leucocytes sanguins (leuco-neutropénie). Ces effets
indésirables potentiels qui ne sont pas a priori inquiétants, nécessitent néanmoins, des études
complémentaires en cours pour mieux situer le rapport bénéfice/risque de ce médicament et le
situer dans la stratégie thérapeutique de la PR.
Conclusion
Les biothérapies ont transformé la prise en charge thérapeutique de la PR et surtout le
pronostic et l’évolution de cette maladie. Actuellement, à côté du methotrexate, les anti-TNF
représentent le traitement de référence dans les PR actives et potentiellement sévères.
Le rituximab et l’abatacept ont montré une efficacité et une tolérance tout à fait intéressantes
et sont une alternative aux anti-TNF, en cas d’échec, échappement, intolérance ou contreindication à ces médicaments. Il n'y a pas actuellement de critères de choix entre ces 2
biothérapies.
Le tocilizumab qui devrait être commercialisé fin 2009-début 2010 est une molécule qui
parait avoir une grande efficacité, au moins du niveau des anti-TNF, mais dont le rapport
bénéfices/risque nécessite d’être encore évalué précisément pour situer la place de cette
nouvelle biothérapie dans le traitement de la PR.
A noter enfin que deux nouveaux anticorps monoclonaux anti-TNF devraient être
commercialisés dans les 2 ans à venir et que de nombreuses autres molécules sont
actuellement en développement dans la PR, avec comme objectif idéal de faire mieux sur le
plan clinique et radiographique, que les anti-TNF ou à défaut, de représenter des alternatives
thérapeutiques chez les patients en échec aux d’anti-TNF.
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