JP Rozet 2007
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CHAPITRE V
QUANTIFICATION DE L'ÉNERGIE : LE PHOTON
I - LE RAYONNEMENT DU CORPS NOIR
1) Le corps noir
Nous savons tous qu'un corps porté à haute température rayonne de l'énergie : il dégage de la "chaleur" et de la
"lumière". Il s'agit là de la manifestation de ce que l'on appelle le rayonnement thermique : le corps chauffé émet des
radiations électromagnétiques dans le domaine infrarouge ( sensation de chaleur) et optique (lumière). L'expérience
montre que la couleur de l'objet passe progressivement du rouge au blanc lorsqu'on augmente sa température : en
particulier, la couleur observée à l'intérieur d'un four est un indice certain de sa température.
Ce phénomène physique, qui de toute évidence mêle des aspects liés à la thermodynamique (température) et à
l'optique (émission d'ondes E.M.) a nourri de vives controverses du milieu du 19e siècle jusqu'au début du 20e siècle.
Afin de mieux étudier ce phénomène, on a imaginé un dispositif qu'on a nommé "corps noir" : c'est une
enceinte, maintenue à température constante et isolée optiquement et thermiquement de l'extérieur, l'ensemble
constituant un système isolé. A l'intérieur, le rayonnement émis par les parois du four est en équilibre thermique avec
ces parois. On peut, pour observer ce qui se passe à l'intérieur, percer un petit trou dans la paroi : si le trou est très petit,
la quantité de rayonnement perdue par le trou est négligeable.
2) Les études "classiques" du corps noir
La grandeur physique d'intérêt est ici la répartition spectrale de l'intensité lumineuse, ou encore de la densité
d'énergie U τν
=dd Wd2 du rayonnement électromagnétique à l'intérieur de l'enceinte : cette densité spectrale d'énergie
U est ici non seulement fonction de la fréquence de l'onde ν (ou de sa longueur d'onde λ) mais aussi de la température
des parois.
- Kirchhoff fut le premier à démontrer (1859) qu'à l'équilibre thermodynamique, l'énergie émise par un élément
de paroi devant être égale à l'énergie absorbée pour toute direction et toute fréquence
U(T,ν) ne dépend que de T à ν fixé
- A l'aide des deux principes de la thermodynamique, d'autres lois furent démontrées, telles que :
la loi de Stefan (1879) (ou de Stefan-Boltzmann (1884))
=νν=
0
4
aTd),T(U)T(U ("pression de radiation")
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la loi de Wien (1893)
ν
ν=
ν
=ν T
g
T
fT),T(U 33 où f (ou g) est une fonction universelle
(on utilise la "compression adiabatique du rayonnement")
- à partir de 1895, une étude expérimentale précise réalisée par Lummer et Wien donne les courbes de
répartition spectrale de la densité d'énergie pour diverses valeurs de la température :
On constate que ces courbes
présentent un maximum. Il doit être
obtenu pour :
0
T
'g
TT
g3
d
dU 3
2=
νν
+
ν
ν=
ν
νm est déterminé par :
0
T
'g
TT
g3 mmm =
νν
+
ν
de la forme :
0
T
Fm=
ν
où F est une fonction universelle
T
m
ν est déterminé :
csteToucste
Tm
m=λ=
ν*
0 100 200 300 400
0
0.5
1
1.5
T=1000
T=1500
T=2000
T=2500
Rayonnement du corps noir
Fréquence (10 Hz)
12
Densité spectrale d'énergie (10 J.m .Hz )
-16 -3 -1
Note : m
mc
ν
λ
Ceci constitue la loi du déplacement de Wien.
- Raleigh et Jeans tentent de retrouver la loi de répartition spectrale U(T,ν) mesurée.
En simplifiant, on peut dire que leur raisonnement est basé sur l'idée qu'on peut traiter le problème du corps noir
en supposant que l'enceinte se comporte comme un oscillateur linéaire harmonique (cf. modèle de l’électron
élastiquement lié) en interaction avec le rayonnement électromagnétique. En écrivant alors que à l'équilibre thermique,
l'énergie émise par cet oscillateur doit être égale à celle qu'il absorbe (et en utilisant la théorie de la dispersion de
l'électron élastiquement lié), ils trouvent que :
)T(E
c
8
),T(U 3
2
πν
=ν
)T(E est l'énergie moyenne d'oscillation.
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Il résulte de la statistique de Boltzmann appliquée au cas des variables continues que :
kTdEedEeE)T(E
0
kT/E
0
kT/E =
=
d'où
ν
ν=
ν
π
ν=
πν
=ν T
g
T
c
k8
.kT
c
8
),T(U 3
3
3
3
2
en accord avec la loi de Wien, mais en désaccord formel avec l'expérience (en particulier,
ν
0
dU et U
diverge quand ν augmente, ce que l'on a appelé la "catastrophe ultraviolette").
3) La loi de Planck
Compte tenu de l'échec du calcul précédent, Planck a repris le calcul en 1900, et (sur les conseils de Boltzmann)
fit l'hypothèse que les échanges d'énergie rayonnement - oscillateur harmonique se font de manière discontinue. Il
s’agissait alors d’une idée un peu bizarre, mais qui, comme on va le voir, permet d’obtenir le bon résultat.
Le calcul de la valeur moyenne E de l'oscillateur harmonique doit se faire, dans le cas d’échanges discontinus,
en remplaçant l'intégrale continue par une somme discrète. En posant E = nε, on a alors :
=
ε
=
ε
ε
=
0n
kT/n
0n
kT/n
e
en
E
En posant kT/
ex ε
= ( x < 1) on a
x1 1
1x 1x
lim
xn
n
0n
n
=
=→∞
=
==
=
=2
1n
1n
0n
n)x1( 1
xnx
dx
d
2
1n1n
1nn
0n
n)x1( x
xnx)xn(xn
=== ∑∑
=
=
=
d'où
1e
e
x1 x
x
nx
EkT/
kT/
0n
n
0n
n
+
ε=
ε=ε= ε
ε
=
=
1e
EkT/
ε
=ε
1e
.
c
8
),T(U kT/3
2
επν
=ν ε
<<ε
πν
kTsikT
c
83
2
Pour retrouver la loi de Wien, il faut alors admettre que ε est proportionnel à ν.
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Planck pose : ε = h ν
d'où
1e h
c
8
),T(U kT/h3
3
πν
=ν ν
Cette formule rend parfaitement compte de l'expérience à condition de prendre
k = 1,38 10-23 JK-1 (et on retrouve N
R
k=)
et
h = 6,6262 10-34 J.S (constante de Planck)
Remarque : en intégrant U(T,ν) par rapport à ν, on obtient
ν
νπ
=ν
ννπ
=νν=
ν
ν
kT
h
d
1e
)kT/h(
T
hc
k8
d
1e
h
c
8
d)T,(UU
0kT/h
3
4
33
4
0kT/h
2
03
soit, compte tenu de la valeur de l'intégrale : 15
dx
1e
x4
0x
3π
=
,
4
33
45 T
ch15 k8
Uπ
=
et on retrouve la loi de Stefan avec 16
33
45 1056,7
ch15 k8
a
=
π
= Joules/(m3.K4), valeur théorique en bon accord
avec la valeur expérimentale (relativement simple à mesurer).
L'étude du rayonnement du corps noir et son analyse par Planck a joué un rôle considérable dans les
développements ultérieurs de la physique corpusculaire. L'introduction du concept de quantum (élémentaire) d'énergie,
qui sera précisé par Einstein (paragraphe suivant), est la seule façon de rendre compte des observations expérimentales.
Cependant, ceci correspond à un retour à une conception corpusculaire de la lumière ("quanta d'énergie") analogue à
celle de Newton au 18e siècle, en contradiction flagrante avec sa nature ondulatoire mise en évidence par les
phénomènes d'interférence et telle qu'elle découle des équations de Maxwell. Cette contradiction (apparente, ainsi que
nous le verrons plus tard avec l'introduction des idées quantiques) fut la source des vives polémiques qui ont marqué la
naissance de la notion de photon.
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II - L'EFFET PHOTOELECTRIQUE
1) Description
Cet effet, découvert par Hertz en 1887, sera interprété par Einstein en 1905 : son interprétation viendra renforcer
l'idée que les échanges d'énergie avec le champ électromagnétique se font de façon discontinue.
Rappelons les principales caractéristiques de l'effet photoélectrique :
I
V
Anode
Photocathode
( Fe )
I
V
ν croissante
V (ν )
01 V (ν )
02V (ν )
03
- lorsqu'on irradie une plaque métallique avec
de la lumière ultraviolette, on constate que des
électrons sont arrachés (si la plaque métallique est la
cathode d'un tube à vide, on peut accélérer ces
électrons par la différence de potentiel cathode-anode
et mesurer l'intensité du courant d'électrons).
- lorsque, à longueur d'onde et puissance
lumineuse données, on fait varier la tension
accélératrice, on constate que le courant augmente
pour atteindre une valeur de saturation I (celle-ci
s'interprète comme correspondant au cas où tous les
électrons arrachés de la cathode rejoignent l'anode). On
constate de plus que le courant de saturation I
augmente linéairement avec la puissance lumineuse (ce
qui s'explique facilement : le nombre d'électrons
arrachés varie linéairement avec l'énergie absorbée).
Si ces deux constatations sont donc faciles à expliquer, le reste des résultats est a priori plus étonnant :
- l'effet photoélectrique ne se manifeste que pour des longueurs d'onde de la lumière incidente suffisamment
petites : il existe une fréquence seuil
λ
=ν s
sc en dessous de laquelle le phénomène ne se produit pas. Cette
fréquence seuil est caractéristique du matériau constitutif de l'anticathode.
- lorsque l'on diminue la tension accélératrice V au voisinage de la valeur zéro, le courant I diminue aussi :
cependant, il reste non nul pour V=0 et ne s'annule que pour une valeur négative V0 donnée, appelée contre-tension
maximale, au delà de laquelle I=0. Cette contre-tension V0 obéit à des lois difficiles à expliquer avec les lois de
l'électromagnétisme classique :
- la valeur de V0 est indépendante de la puissance lumineuse incidente et ne dépend que de la fréquence ν de la
lumière incidente, ainsi que de la nature du métal.
- V0 augmente linéairement avec la fréquence (au dessus de la fréquence seuil νS) :
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