CHAPITRE V QUANTIFICATION DE L`ÉNERGIE : LE PHOTON

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CHAPITRE V
QUANTIFICATION DE L'ÉNERGIE : LE PHOTON
I - LE RAYONNEMENT DU CORPS NOIR
1) Le corps noir
Nous savons tous qu'un corps porté à haute température rayonne de l'énergie : il dégage de la "chaleur" et de la
"lumière". Il s'agit là de la manifestation de ce que l'on appelle le rayonnement thermique : le corps chauffé émet des
radiations électromagnétiques dans le domaine infrarouge (→ sensation de chaleur) et optique (lumière). L'expérience
montre que la couleur de l'objet passe progressivement du rouge au blanc lorsqu'on augmente sa température : en
particulier, la couleur observée à l'intérieur d'un four est un indice certain de sa température.
Ce phénomène physique, qui de toute évidence mêle des aspects liés à la thermodynamique (température) et à
l'optique (émission d'ondes E.M.) a nourri de vives controverses du milieu du 19e siècle jusqu'au début du 20e siècle.
Afin de mieux étudier ce phénomène, on a imaginé un dispositif qu'on a nommé "corps noir" : c'est une
enceinte, maintenue à température constante et isolée optiquement et thermiquement de l'extérieur, l'ensemble
constituant un système isolé. A l'intérieur, le rayonnement émis par les parois du four est en équilibre thermique avec
ces parois. On peut, pour observer ce qui se passe à l'intérieur, percer un petit trou dans la paroi : si le trou est très petit,
la quantité de rayonnement perdue par le trou est négligeable.
2) Les études "classiques" du corps noir
La grandeur physique d'intérêt est ici la répartition spectrale de l'intensité lumineuse, ou encore de la densité
d'énergie U =
d2W
du rayonnement électromagnétique à l'intérieur de l'enceinte : cette densité spectrale d'énergie
dν dτ
U est ici non seulement fonction de la fréquence de l'onde ν (ou de sa longueur d'onde λ) mais aussi de la température
des parois.
- Kirchhoff fut le premier à démontrer (1859) qu'à l'équilibre thermodynamique, l'énergie émise par un élément
de paroi devant être égale à l'énergie absorbée pour toute direction et toute fréquence ⇒
•
U(T,ν) ne dépend que de T à ν fixé
- A l'aide des deux principes de la thermodynamique, d'autres lois furent démontrées, telles que :
•
la loi de Stefan (1879) (ou de Stefan-Boltzmann (1884))
∞
U(T) = ∫ U(T, ν)dν = aT 4
("pression de radiation")
0
1
JP Rozet 2007
•
la loi de Wien (1893)
⎛ν⎞
⎛ν⎞
U (T , ν ) = T 3 f ⎜ ⎟ = ν 3 g ⎜ ⎟
⎝T⎠
⎝T⎠
où f (ou g) est une fonction universelle
(on utilise la "compression adiabatique du rayonnement")
-
à partir de 1895, une étude expérimentale précise réalisée par Lummer et Wien donne les courbes de
répartition spectrale de la densité d'énergie pour diverses valeurs de la température :
On constate que ces courbes
présentent un maximum. Il doit être
⎛ν ⎞ ν
⎛ν ⎞
3g⎜ m ⎟ + m g' ⎜ m ⎟ = 0
⎝ T ⎠ T ⎝ T ⎠
de la forme :
⎞
⎟=0
⎠
où F est une fonction universelle
⇒
νm
est déterminé :
T
-1
J.m .Hz )
-3
T=2500
-16
⇒ νm est déterminé par :
Densité spectrale d'énergie (10
dU
⎛ ν ⎞ ν3 ⎛ ν ⎞
= 3ν 2 g⎜ ⎟ +
g' ⎜ ⎟ = 0
dν
⎝T⎠ T ⎝T⎠
⎛ν
F⎜ m
⎝ T
1
T=2000
0.5
T=1500
T=1000
0
νm
= cste ou λ m T = cste *
T
∗
Note : λ m ≠
Rayonnement du corps noir
1.5
obtenu pour :
0
100
200
12
300
400
Fréquence (10 Hz)
c
νm
Ceci constitue la loi du déplacement de Wien.
- Raleigh et Jeans tentent de retrouver la loi de répartition spectrale U(T,ν) mesurée.
En simplifiant, on peut dire que leur raisonnement est basé sur l'idée qu'on peut traiter le problème du corps noir
en supposant que l'enceinte se comporte comme un oscillateur linéaire harmonique (cf. modèle de l’électron
élastiquement lié) en interaction avec le rayonnement électromagnétique. En écrivant alors que à l'équilibre thermique,
l'énergie émise par cet oscillateur doit être égale à celle qu'il absorbe (et en utilisant la théorie de la dispersion de
l'électron élastiquement lié), ils trouvent que :
U (T , ν ) =
8πν 2
E (T )
c3
où E (T) est l'énergie moyenne d'oscillation.
2
JP Rozet 2007
Il résulte de la statistique de Boltzmann appliquée au cas des variables continues que :
⎡∞
⎤
E (T ) = ⎢ ∫ E e −E / kT dE ⎥
⎢⎣ 0
⎥⎦
d'où U(T, ν) =
⎡∞
⎤
⎢ ∫ e −E / kT dE ⎥ = kT
⎢⎣ 0
⎥⎦
8πν 2
8πk T
⎛ν⎞
kT = ν 3 .
= ν 3 g⎜ ⎟
c3
c3 ν
⎝T⎠
∞
en accord avec la loi de Wien, mais en désaccord formel avec l'expérience (en particulier,
∫ Udν → ∞
et U
0
diverge quand ν augmente, ce que l'on a appelé la "catastrophe ultraviolette").
3) La loi de Planck
Compte tenu de l'échec du calcul précédent, Planck a repris le calcul en 1900, et (sur les conseils de Boltzmann)
fit l'hypothèse que les échanges d'énergie rayonnement - oscillateur harmonique se font de manière discontinue. Il
s’agissait alors d’une idée un peu bizarre, mais qui, comme on va le voir, permet d’obtenir le bon résultat.
Le calcul de la valeur moyenne E de l'oscillateur harmonique doit se faire, dans le cas d’échanges discontinus,
en remplaçant l'intégrale continue par une somme discrète. En posant E = nε, on a alors :
∞
∑ nε e −nε / kT
E=
n =0
∞
∑ e −nε / kT
n =0
En posant x = e −ε / kT (⇒ x < 1) on a
∞
∑ x n = nlim
→∞
n =0
xn −1
1
=
x −1 1− x
∞
d ∞ n
1
x = ∑ n x n −1 =
⇒
∑
dx n =0
(1 − x ) 2
n =1
∞
∞
∞
n =0
n =1
n =1
x
∑ n x n (= ∑ n x n ) = x ∑ n x n −1 = (1 − x ) 2
d'où
∞
∑ nx n
E = ε n =0
=ε
∞
∑xn
x
e −ε / kT
=ε
1− x
− e −ε / kT + 1
n =0
E=
ε
e ε / kT − 1
U (T , ν ) =
8πν 2
ε
.
c 3 e ε / kT − 1
⇒
⎛
⎞
8πν 2
⎜→
kT si ε << kT ⎟⎟
⎜
3
c
⎝
⎠
Pour retrouver la loi de Wien, il faut alors admettre que ε est proportionnel à ν.
3
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Planck pose : ε = h ν
d'où
U (T , ν ) =
8πν 3
h
c 3 e hν / kT − 1
Cette formule rend parfaitement compte de l'expérience à condition de prendre
k = 1,38 10-23 JK-1 (et on retrouve k =
R
)
N
et
h = 6,6262 10-34 J.S
(constante de Planck)
Remarque : en intégrant U(T,ν) par rapport à ν, on obtient
∞
U = ∫ U ( ν , T ) dν =
0
∞
∞
ν 2 hν
8π
8πk 4 4 (hν / kT) 3 ⎛ hν ⎞
dν =
T ∫
d⎜
⎟
∫
hν / kT − 1 ⎝ kT ⎠
c 3 0 e hν / kT − 1
c3h 3
e
0
∞
soit, compte tenu de la valeur de l'intégrale :
π4
x3
∫ e x − 1 dx = 15 ,
0
U=
et on retrouve la loi de Stefan avec a =
8π 5 k 4 4
T
15h 3 c 3
8π 5 k 4
= 7,56 10 −16 Joules/(m3.K4), valeur théorique en bon accord
15h 3 c 3
avec la valeur expérimentale (relativement simple à mesurer).
L'étude du rayonnement du corps noir et son analyse par Planck a joué un rôle considérable dans les
développements ultérieurs de la physique corpusculaire. L'introduction du concept de quantum (élémentaire) d'énergie,
qui sera précisé par Einstein (paragraphe suivant), est la seule façon de rendre compte des observations expérimentales.
Cependant, ceci correspond à un retour à une conception corpusculaire de la lumière ("quanta d'énergie") analogue à
celle de Newton au 18e siècle, en contradiction flagrante avec sa nature ondulatoire mise en évidence par les
phénomènes d'interférence et telle qu'elle découle des équations de Maxwell. Cette contradiction (apparente, ainsi que
nous le verrons plus tard avec l'introduction des idées quantiques) fut la source des vives polémiques qui ont marqué la
naissance de la notion de photon.
4
JP Rozet 2007
II - L'EFFET PHOTOELECTRIQUE
1) Description
Cet effet, découvert par Hertz en 1887, sera interprété par Einstein en 1905 : son interprétation viendra renforcer
l'idée que les échanges d'énergie avec le champ électromagnétique se font de façon discontinue.
Rappelons les principales caractéristiques de l'effet photoélectrique :
- lorsqu'on irradie une plaque métallique avec
de la lumière ultraviolette, on constate que des
I
électrons sont arrachés (si la plaque métallique est la
Anode
cathode d'un tube à vide, on peut accélérer ces
électrons par la différence de potentiel cathode-anode
V
et mesurer l'intensité du courant d'électrons).
Photocathode
( Fe )
- lorsque, à longueur d'onde et puissance
lumineuse
données,
on
fait
varier
la
tension
accélératrice, on constate que le courant augmente
pour atteindre une valeur de saturation I
ν croissante
I
(celle-ci
s'interprète comme correspondant au cas où tous les
électrons arrachés de la cathode rejoignent l'anode). On
constate de plus que le courant de saturation I
augmente linéairement avec la puissance lumineuse (ce
qui s'explique facilement : le nombre d'électrons
V0 (ν1) V0(ν2) V0 (ν3)
V
arrachés varie linéairement avec l'énergie absorbée).
Si ces deux constatations sont donc faciles à expliquer, le reste des résultats est a priori plus étonnant :
- l'effet photoélectrique ne se manifeste que pour des longueurs d'onde de la lumière incidente suffisamment
⎛
c ⎞
⎟⎟ en dessous de laquelle le phénomène ne se produit pas. Cette
petites : il existe une fréquence seuil ν s ⎜⎜ =
λ
s⎠
⎝
fréquence seuil est caractéristique du matériau constitutif de l'anticathode.
- lorsque l'on diminue la tension accélératrice V au voisinage de la valeur zéro, le courant I diminue aussi :
cependant, il reste non nul pour V=0 et ne s'annule que pour une valeur négative V0 donnée, appelée contre-tension
maximale, au delà de laquelle I=0. Cette contre-tension V0 obéit à des lois difficiles à expliquer avec les lois de
l'électromagnétisme classique :
- la valeur de V0 est indépendante de la puissance lumineuse incidente et ne dépend que de la fréquence ν de la
lumière incidente, ainsi que de la nature du métal.
- V0 augmente linéairement avec la fréquence (au dessus de la fréquence seuil νS) :
5
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M1 M 2 M 3
V0
Contre - tension max. en fonction de ν pour
différents types de matériaux (M1, M2, M3)
νs νs νs
1
2
3
ν
Vs 1
Vs 2
Vs 3
- si la fréquence seuil dépend du matériau, la pente de la droite est indépendante de toutes les conditions
expérimentales (et en particulier du matériau).
2) Interprétation
Einstein reprend l'idée du quantum d'énergie introduit par Planck. En fait, il va plus loin que Planck : il postule
que les échanges d'énergie entre le rayonnement et la matière sont quantifiés parce que l'énergie transportée par un
faisceau lumineux l'est sous forme de "grains d'énergie" qu'il appelle "les photons". En accord avec la formule de
Planck, il postule que l'énergie de chaque photon est liée à la fréquence de l'onde E.M. par la relation
E=hν
•
puisque les électrons sont capables d'atteindre l'anode même lorsqu'un champ électrique les ralentit, il faut qu'ils
quittent la cathode avec une énergie cinétique minimum donnée par :
1
m e v 2 = eV0
2
•
(conservation de l'énergie)
lorsqu'un photon interagit avec la matière, la théorie de l'effet photoélectrique prévoit que celui-ci disparaît
totalement : toute son énergie est intégralement cédée à un électron. Les électrons étant de toute évidence liés au
métal (sinon ils s'échapperaient spontanément), il faut fournir de l'énergie pour les en arracher : on appelle travail
de sortie l'énergie WS nécessaire pour arracher les électrons. Cette énergie WS est caractéristique du métal ou
alliage utilisé. La conservation de l'énergie lors de l'extraction d'un photoélectron par un photon d'énergie hν
s'écrit :
E = hν = WS +
d'où eV0 =
1
me v2
2
1
m e v 2 = hν − WS
2
Pour ν = νS , V0 = 0
⇒
h νS = W S
Enfin, on voit que V0 s'écrit
V0 =
hν
1⎛1
⎞ h
− VS
⎜ m e v 2 ⎟ = (ν − ν S ) =
e
e⎝2
⎠ e
en posant VS =
hν S WS
=
e
e
(voir figure ci-dessus)
6
JP Rozet 2007
On voit que la pente de la droite donnant V0 en fonction de ν est égale à
h
. Entre 1905 et 1916, Millikan
e
effectua une série de mesures très délicates mais de grande précision. Toutes les valeurs de h/e qu'il a pu en déduire
sont en accord remarquablement bon avec la valeur de h déduite de la formule de Planck pour le rayonnement du corps
noir et la valeur admise pour e !
Remarque 1 : Dans ses mesures de VS et h/e pour différents métaux, Millikan eut à surmonter deux types de problèmes
:
-
il existe en général un effet photoélectrique parasite sur l'anode qui peut conduire à une inversion du courant
I. On peut supprimer cet effet en utilisant pour l'anode un matériau dont le travail d'extraction est très
supérieur à celui de la cathode.
-
cette technique conduit alors à un nouveau problème, lié au fait qu'il existe des différences de potentiel de
contact entre métaux de natures différentes : Millikan a été ainsi amené à mesurer ces différences de
potentiel de contact par référence à un même troisième.
Remarque 2 : On peut écrire :
νS =
WS e
= VS
h
h
(connaissant VS)
ou
o
12398,5 A
c
hc 1
12400 o
λS =
=
=
≅
A/ volt
νS
e VS VS (en volts)
VS
VS varie typiquement entre 2 et 5 volts, si bien que λS varie entre 6000 Å et 2400 Å : cette longueur d'onde est
dans le domaine visible pour les alcalins ou alcalino-terreux (V ≅ 2,1 à 2,4 volts) mais elle est dans l'ultraviolet pour les
métaux comme Zn, Fe, Ni (V ≅ 3,4 à 5 volts).
Remarque 3 : On peut aussi produire un effet photoélectrique non plus sur des solides, mais sur les atomes d'un gaz ou
d'une vapeur. D'autre part, dans le cas où les photons incidents appartiennent au domaine des rayons X (λ ≅ qq Å, hν ≅
qq keV), on peut arracher des électrons beaucoup plus liés que ceux envisagés ici.
Dans les deux cas précédents, on parle de photoionisation, un sujet sur lequel nous reviendrons plus tard à
propos de l'énergie de liaison des électrons d'un atome.
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JP Rozet 2007
III - EFFET COMPTON - QUANTITE DE MOUVEMENT DES PHOTONS
1) Quantité de mouvement du photon
La découverte de cet effet par Compton en 1923 achèvera d'asseoir sur des bases solides la notion de photon :
l'interprétation de l'effet Compton repose en effet sur l'idée que le photon, comme toute particule matérielle, possède
non seulement une énergie mais également une impulsion (ou quantité de mouvement).
Rappelons brièvement les conclusions tirées de l'application des formules de dynamique relativiste au cas du
photon :
•
vitesse de la lumière = c
⇒
⇒ γ = ∞ ⇒ E = γmc2 = hν impossible
vitesse du photon = c
sauf si m = 0 :
La "masse" du photon est nulle
•
E2 – p2 c2 = m2 c4 = 0 ⇒
(ou β =
E = hν = pc
⇒
p=
hν
c
v
pc
=1=
⇒ pc = E = hν )
E
c
L'impulsion du photon est égale à p =
hν
c
2) Description du phénomène
a) Diffusion des rayons X par les atomes
Barkla a étudié en détails la diffusion des rayons X par les atomes (à partir de 1909). Le résultat de ses
expériences pouvait s'interpréter à l'aide de la théorie classique de Thomson utilisant son modèle d'électron
élastiquement lié : l'onde incidente communique aux électrons de l'atome un mouvement d'oscillation forcé, qui dans le
cas des rayons X, se situe à une fréquence très supérieure à leur fréquence propre. Les électrons ainsi mis en régime
d'oscillation à la fréquence ν de l'onde incidente se comportent à leur tour comme des antennes (dipôle oscillant) et
réemettent une onde électromagnétique de même fréquence que l'onde incidente. Le diagramme de rayonnement d'un
dipôle permet de prévoir que, dans le cas d'une onde incidente non polarisée, la répartition spatiale du rayonnement
diffusé doit satisfaire à la loi :
I = I0 (1 + cos2θ)
où θ est l'angle entre la direction du rayonnement incident et celle du rayonnement diffusé.
On notera par ailleurs que l'atténuation du faisceau incident est directement reliée à l'intensité diffusée, et donc
au nombre d'électrons par unité de volume de la matière traversée.
Barkla observait en général un bon accord entre l'expérience et la théorie de Thomson : il put même en tirer une
estimation assez précise du nombre d'électrons oscillants, et donc du nombre d'électrons par atome : ses mesures
venaient confirmer (si besoin en était !) la neutralité électrique de l'atome, le nombre d'électrons trouvé correspondant
bien au numéro atomique Z.
8
JP Rozet 2007
b) Effet Compton
Barkla avait cependant noté des différences sérieuses entre le modèle de Thomson et l'expérience dans le cas
des rayons X "durs". [Avant les travaux de Laue (1912) et de Bragg (1914) sur la diffraction des rayons X par les
cristaux, qui permirent de montrer que ces rayonnements correspondent à des ondes électromagnétiques dont on put dès
lors mesurer la longueur d'onde (ou l'énergie...), on classait les rayons X en fonction de leur "dureté" (correspondant à
leur pouvoir de pénétration plus ou moins grand dans la matière).]
Barkla observait que :
- la diffusion des X (durs) semblait
plus importante vers l'avant que vers
l'arrière (en contradiction avec la loi en
1+cos2θ)
- la "dureté" semblait plus grande
pour le rayonnement diffusé vers
l'avant (longueurs d'ondes plus petites,
rayons plus durs) que vers l'arrière
(longueurs
d'ondes
plus
grandes,
rayons plus mous).
Compton reprit cette étude en 1923, en utilisant un spectromètre à cristal (spectromètre de "Bragg") pour
mesurer la longueur d'onde du rayonnement diffusé.
Il utilise un rayonnement incident que l'on peut considérer comme monochromatique, et de direction incidente
bien définie. Il constate que le rayonnement diffusé comprend deux raies. Il subsiste toujours une raie de longueur
d'onde égale à la longueur d'onde λ0 du rayonnement incident, qu'on appelle composante Thomson : cette raie de
"diffusion Thomson" s'explique bien par la théorie classique de Thomson. Cependant, il existe également une raie
déplacée vers les grandes longueurs d'ondes (λ=λ0 +Δλ) qu'on appelle composante Compton et inexplicable par la
théorie classique. On constate que Δλ est toujours positif, qu'il croît avec θ, mais qu'il ne dépend ni de λ0 ni de la
nature du milieu diffuseur.
[L'intensité de la composante Compton est par contre fortement dépendante de la nature du diffuseur et surtout
de l'énergie du rayonnement incident : l'intensité relative de la composante Compton croît fortement lorsque λ0
diminue -c'est à dire lorsque l'énergie des rayons X augmente, alors qu'elle est très faible dans le domaine des X mous
(λ0 > qq Å).]
9
JP Rozet 2007
3) Interprétation
L'effet Compton s'interprète en supposant que le photon incident subit une diffusion élastique sur un électron
libre (signalons dès à présent qu'on peut en effet considérer comme "libres" des électrons dont l'énergie de liaison aux
atomes est faible devant l'énergie hν0 des photons incidents ; ex. : électrons de quelques eV d'énergie de liaison et
photons de quelques keV à quelques MeV - gamme d'énergies où l'effet Compton a une probabilité non négligeable
devant les autres processus).
On remarquera que contrairement au cas de l'effet photoélectrique, le photon ne disparaît pas dans l'effet
Compton !
Ecrivons les lois de conservation énergie-impulsion dans la collision photon-électron :
hν n
c
h ν' n
c
θ
ϕ
p
⎧ hν
r ⎪⎪ c =
conservation de P ⎨
⎪ 0=
⎩⎪
(e- )
hν'
cos θ + p cos ϕ
c
hν'
sin θ + p sin ϕ
c
⇒ p2c2 = (pc cosϕ)2 + (pc sinϕ)2
= (hν - hν'cosθ)2 + (hν'sinθ)2
p2c2 = h2(ν2 + ν'2 - 2νν' cosθ)
conservation de ETotal : hν + mec2 = hν' + E
avec E2 = p2c2 + m e2 c4
soit E2 = [mec2 + h(ν-ν')]2 = m e2 c4 + h2(ν2 +ν'2 - 2νν'cosθ)
m e2 c4+2mec2h(ν−ν')+h2(ν2+ν'2 -2νν') = m e2 c4+h2(ν2+ν'2-2νν'cosθ)
mec2(ν−ν') = h νν'(1 – cosθ)
1 1
h
⎛ λ' λ ⎞
− =
(1 − cos θ) = ⎜ − ⎟
2
ν' ν m e c
⎝ c c⎠
d'où Δλ = λ'−λ =
h
2h
θ
(1 − cos θ) =
sin 2
mec
mec
2
La vérification expérimentale de cette relation par Compton lui valut le prix Nobel en 1927 !
On appelle longueur d'onde Compton la quantité
h
qui a les dimensions d'une longueur
mec
10
JP Rozet 2007
longueur d'onde Compton : Λ =
(la fréquence correspondante est donnée par ν c =
h
= 0,02426 Å
mec
c
→ hν c = m e c 2 = 0,511 MeV, "masse" de l'électron).
Λ
On voit que pour des X mous, λ0 ≅ qq Å, Δλ/λ0 toujours << 1, alors que pour des X durs ou γ, hν ≅ 1 MeV → λ0
≅ 10 Å, Δλ ≅ qq λ0. A la limite λ0 << Λ, λ' ≅ Λ. Le photon diffusé a une énergie voisine de 511 keV et l'essentiel de
-2
son énergie est communiqué à l'électron (pour θ pas trop petit).
Remarque : si l'électron n'est pas initialement pas au repos mais a une vitesse v0 , on obtient
Δλ = Λ(1 − cos θ) ± λ 0
v0
c
θ⎤
⎡
⎢4 sin 2 ⎥
⎣
⎦
En général, l'électron a une vitesse initiale "aléatoire" (ex. : vitesses réparties entre 0 et v0). Le deuxième terme
de Δλ, très petit, contribue à élargir la raie Compton : on parle de "profil Compton" du rayonnement diffusé.
4) L'électron de recul
A partir des équations précédentes, on calcule l'énergie cinétique et l’angle ϕ d’émission de l'électron de recul :
⎛ ν' ⎞
T = E − m e c 2 = h (ν − ν ' ) = hν⎜1 − ⎟
⎝ ν⎠
On a vu que :
⇒
1 1
h
− =
(1 − cos θ)
ν' ν m e c 2
ν
hν
= 1+
(1 − cos θ)
ν'
mec2
⎛
⎞
⎜
⎟
1
⎟
⇒ T = hν⎜1 −
⎜
⎟
hν
(1 − cos θ) ⎟
⎜ 1+
2
mec
⎝
⎠
T = h (ν − ν ' ) =
hν
mec2
1+
hν(1 − cos θ)
hν '
sin θ
p sin ϕ
sin θ
c
tg ϕ =
=
=
hν
ν
p cos ϕ hν'
cos θ −
cos θ −
c
c
ν'
=
sin θ
sin θ
=
⎛
⎞
⎛
hν
hν
cos θ − ⎜⎜1 +
(1 − cos θ) ⎟⎟ (cos θ − 1)⎜⎜1 +
2
2
m
c
m
e
ec
⎝
⎠
⎝
tg ϕ = −
⎞
⎟
⎟
⎠
cot g θ / 2
hν
1+
mec2
11
JP Rozet 2007
Les électrons de recul ont été observés par Bethe et Wilson en 1923 (chambre de Wilson) et les formules
précédentes vérifiées en détails par Compton et Simon en 1925.
Remarque 1 : On retrouve le fait que l'énergie cédée à l'électron (soit celle perdue par le photon) reste faible tant que
hν << mec2.
Par ailleurs, on notera que pour θ variant de 0 à π, ϕ varie de π/2 à 0 : pour de faibles déviations du photon,
l'électron est émis à ≅ 90°, alors que pour des transferts d'énergie plus grands, l'électron est émis vers l'avant.
Remarque 2 : L'atome cible comporte en général non seulement des électrons peu liés mais aussi des électrons
fortement liés. Dans un choc élastique comme celui envisagé dans l'effet Compton, tout se passe pour ces électrons
comme si c'était l'atome entier qui jouait le rôle de cible. On peut continuer à utiliser les formules précédentes à
condition de remplacer me par M masse de l'atome, qui est de 10000 à 100000 fois plus grande : on voit qu'alors Δλ ou
Δν sont très faibles. Si l'atome est inclus dans un solide, il convient même de remplacer la masse de l'atome M par celle
du solide tout entier : Δλ devient alors insignifiant même pour θ=π, et il n'y a plus de différence entre le résultat de ce
calcul et celui de Thomson. C'est ainsi qu'on explique l'existence de la composante Thomson dans les spectres de
rayonnement diffusé.
Remarque 3 : Dans le cas des processus inélastiques (comme la photoionisation examinée au §II) il convient de
prendre également en considération la quantité de mouvement du photon incident. En particulier, dans le cas où l'atome
est excité par absorption d'un photon, il a également dans l'état final une énergie de "recul", conséquence de la
conservation de la quantité de mouvement, si bien qu'il existe une (petite) différence entre l'énergie du photon incident
et l'énergie d'excitation de l'atome. De même, au cours de l'émission d'un photon lors de la désexcitation d'un atome,
une partie de l'énergie disponible se retrouve sous forme d'énergie cinétique de recul de l'atome.
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JP Rozet 2007
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