4. Stress et maladie

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4. Stress et maladie
Le stress. Ce dernier est souvent décrit comme l’une des grandes maladies de notre époque,
surtout dans le travail. Il serait à l’origine de l’induction et de l’apparition des maladies
coronariennes et cardio-vasculaires, des ulcères à l’estomac, de la dépression nerveuse et de
diverses autres pathologies. La conception du stress a beaucoup évolué, sans qu’une définition
claire et mondialement acceptée soit établie. Le stress pourrait jouer un rôle que certains
qualifient de permissif, d’autres de déclencheur de la maladie.
1. Les aspects généraux du stress : liens entre stress et émotion
On ne peut pas aborder le stress sans évoquer le monde des émotions car on considère que le
stress est l’une des composantes de nos émotions.
1.1 Le concept de stress avant Selye
La théorie James-Lange
En 1884, l’Américain William James et le Danois, Carl Lange, toux deux psychologues, ont
élaboré la première théorie selon laquelle l’émotion traduirait la réponse aux modifications
physiologiques au niveau du corps: nos organes de sens informent le cerveau sur l’état de
notre corps, cela se traduit par une réponse du cerveau modifiant ainsi le fonctionnement de
nos organes, tels que le tonus musculaire, la fréquence du cœur etc. la réaction physiologique
de nos organes à cette commande du cerveau traduit une sensation que les auteurs ont définie
comme étant l’émotion. Les modifications physiologiques sont l’émotion, par conséquent
quand elles disparaissent, l’émotion disparait également.
La théorie Cannon-Bard
En 1927, Cannon, physiologiste américain a élaboré une nouvelle théorie sur les émotions.
Cette théorie qui a été développé en particulier par Philip Bard, s’oppose à la théorie JamesLange. Pour ces auteurs il n’y aucune corrélation fiable entre l’expérience émotionnelle et
l’état physiologique dans lequel se trouve le corps et les émotions peuvent être ressenties sans
percevoir de modifications physiologiques (exemple expérimentale : animaux dont la moelle
épinière avait été sectionnée et qui continuaient à avoir des réactions émotives).
Contrairement à la théorie de James-Lange « on est triste parce qu’on pleure, donc en
empêchant les pleurs la tristesse disparait », Cannon suggère qu’on n’a pas besoin de pleurer
pour éprouver de la tristesse, il suffit d’une activation du thalamus en réponse à la situation.
De plus, toujours d’après Cannon, les réactions physiologiques ne sont pas spécifiques à des
émotions, ainsi la peur peut-elle être associée à divers changements physiologiques et ces
mêmes changements physiologiques peuvent être associés à d’autres états que la peur.
Divers travaux
D’autres chercheurs ont tenté de déterminer les différentes parties du cerveau impliquées dans
les réactions d’émotion.
-
Les travaux du neurologue français Paul Broca (1878) : l’implication du lobe
limbique dans les comportements émotifs.
En 1930, le neurologue américain James Papez avance l’existence d’un système de
l’émotion, « le circuit Papez ».
John Harlow : l’implication des lobes frontaux dans les comportements émotifs.
MacLean (1952) : l’implication du système limbique dans la réaction émotionnelle.
Les travaux de Heinrich Klüver et Paul Bucy : l’apparition de trouble émotionnels
suite à l’ablation des lobes temporaux.
Schachter et Singer : implication des facteurs sociaux, physiologiques mais aussi
cognitifs dans l’émergence de la réaction émotive.
1.2 La conception de Selye
On lui attribue systématiquement un aspect négatif ; or le stress est avant tout une réaction
d’adaptation, à la manière dont la plante modifie sa physiologie en réponse à la sécheresse.
Si la contrainte ou la menace perdure trop longtemps, le stress devient négatif et peut être
responsable du déclenchement de certains dysfonctionnements.
C’est au début du 20e siècle que les recherches sur le stress se sont développées, initiées par
Walter Cannon et surtout Hans Selye, physiologiste canadien. A partir de 1936, Hans Selye
constate les effets du stress sur les réactions physiologiques des animaux de laboratoire. Il
définit d’abord séparément le stress, l’agent stresseur et la réaction au stress ; puis il
détermine la réaction de stress comme étant un syndrome général d’adaptation.
3 réactions qui caractérisent la réponse de l’individu à une situation de stress endogène ou
exogène :
-
Une réaction d’alarme
Une réaction de résistance et d’adaptation
Une phase d’épuisement, phase dite « pathologique ».
Ces trois phases (phase d’alerte ; phase de résistance ; phase d’épuisement) sont engendrées
par le stress.
Définition du stress : Hans Selye désigne le stress comme une pression extérieure susceptible
de modifier le fonctionnement de l’organisme.
En 1959, Jean Delay, psychiatre français, introduit la notion de stress dans le domaine de la
psychologie. Selon lui l’individu peut s’adapter à un stress et construire des modalités
adaptatives à des contraintes spécifiques. Chaque individu réagit différemment à une même
contrainte : soit l’individu parvient à faire face (coping) soit il succombe et développe une
pathologie particulière.
La phase d’alarme
1. le système sympathique et médullo-surrénalien (libération d’adrénaline
noradrénaline)
2. le système hypothalamo-hypophyso-surrénalien (sécrétion de glucocorticoïdes)
et
Ces deux systèmes sont actifs durant la phase d’alerte. Mais si c’est deux systèmes sont trop
actifs ou trop sollicités, il en découle des symptômes.
La phase de résistance
Elle constitue l’ensemble des réactions non spécifique provoquées par l’exposition prolongé
de l’organisme à des stimuli nocifs auxquels il s’est adapté au cours de la réaction d’alarme.
La phase d’épuisement
Elle constitue l’ensemble des réactions non spécifiques qui caractérisent le moment ou’
l’organisme ne peut plus s’adapter au stimulus auquel il est soumis. Au lieu de faire face et
d’activer ses défenses comme pour la première phase d’alarme, les phénomènes d’épuisement
l’emportent et le conduisent à la maladie, voire à la mort.
1.3 Les critiques faites à la théorie de Selye
Les critiques essentielles du concept se fondent sur le fait que :
-
le terme de stress désigne à la fois l’agent agresseur et la réaction de l’organisme à
l’agression ;
les médiateurs impliqués dans la réponse de l’organisme à l’agression sont nombreux
et demeurent mal connus, surtout sur le plan fonctionnel.
1.4 Les concepts actuels
La vie existe grâce au maintien d’un équilibre dynamique complexe, appelé homéostasie.
Chaque organisme doit maintenir un niveau d’homéostasie, ou’ les marqueurs physicochimiques, biologiques et physiologiques sont situés autour de valeurs dites « normales »,
indiquant un état qualifié d’équilibre (de bonne santé physique). Si cet équilibre est
interrompu, le sujet est affecté par un dysfonctionnement ou un trouble pouvant amener
l’apparition de pathologies.
A partir du concept de Selye, on peut constater que lorsqu’un individu est confronté à une
situation dite contraignante ou stressante (environnement menaçant), son organisme va devoir
répondre par une réaction dite d’alarme, qui consiste à faire déplacer le niveau d’équilibre de
l’homéostasie de sa base normale à un niveau plus élevé. Cette sollicitation se traduit par une
mobilisation biologique et physiologique, qui entraine un niveau énergétique plus important.
L’organisme puise son énergie dans une molécule dite ATP (adénosine triphosphate). Cette
première réponse est biologiquement normale. Différentes fonctions physiologiques (tension
artérielle, glycémie, rythme cardiaque, mobilisation musculaire etc.) vont aider l’organisme à
se confronter à la situation rencontrée et à répondre d’une manière adaptée.
Si l’environnement menaçant disparaît, l’organisme retrouve son niveau d’homéostasie
normal et reprend son fonctionnement habituel. Cette phase correspond à ce qu’on appelle
communément le stress positif, le stress bénéfique ou la réaction normale et naturelle au
stress.
Si le stimulus stressant perdure, le schéma de la réaction biologique et physiologique de
l’organisme est modifié. Le niveau élevé de l’équilibre homéostatique doit rester maintenu
tant que le stimulus est présent. Cette situation s’accompagne d’une importante dépense
énergétique et d’un niveau fonctionnel général élevé, aussi bien au niveau central que
périphérique. L’organisme humain ou animal ne pourra pas indéfiniment faire face à
l’environnement menaçant ou contraignant, et son adaptation, quelles que soient la durée
et/ou les stratégies, entraine l’organisme vers un épuisement de ses capacités énergétiques et
de ses fonctions viscérales et musculaires. Peut ensuite apparaitre des symptômes pouvant
aboutir à des pathologies, dont la nature dépend de facteurs inconnus et supposées en partie
génétique.
Les travaux de Bousta et coll. (2001) ont ainsi pu montrer qu’expérimentalement, pour que
l’organisme puisse atteindre un niveau de stress pathologique, la source de menace (agent
stresseur) doit être en même temps :
-
Inévitable
Indésirable
Répétitive (chronique)
Les stratégies d’adaptation (coping) varient selon les individus et dépendent de plusieurs
facteurs. La durée de résistance de l’organisme est très variable, pouvant aller de quelques
jours à plusieurs mois, selon les individus. Elle semble dépendre de facteurs également
génétiques, cognitifs et psychosociaux.
Si la source de stress ou de menace disparait pendant l’alarme ou la phase d’adaptation,
l’organisme retrouve son niveau normal sans conséquences néfastes.
1.5 L’adaptation au stress
Nous ne sommes pas tous égaux devant le stress. D’abord pour des raisons :
-
physiologiques et cognitive (on s’adapte beaucoup mieux à 25 ans qu’à 60 ans).
facteurs génétique : le rôle des gènes a été notamment mis en évidence dans l’anxiété
chez la souris par Chapouthier (1997) et Jouvent (1998)
l’influence de l’environnement
2. Les aspects neurophysiologiques du stress
Les mécanismes neurophysiologiques mis en jeu au cours du stress sont nombreux. Ils font
intervenir les composantes nerveuses, endocriniennes et immunologiques.
2.1 le rôle du système neuro-endocrinien
Les mécanismes qui interviennent lors d’une réaction de stress impliquent essentiellement les
systèmes nerveux et endocrinien.
L’hypothalamus est la principale région du cerveau impliquée dans la régulation des fonctions
physiologiques. Il régit notamment la sécrétion de facteurs chimiques (corticolibérine,
vasopressine, ocytocine), qui régulent la synthèse d’hormones telles que les corticoïdes. Il
régit également les fonctions du système nerveux autonome qui innerve les organes du corps
et règles ainsi la pression artérielle, la fréquence cardiaque etc.
En réponse à un stimulus de stress, la corticolibérine ou CRF (Corticotropin Releasing Factor)
est libéré. Ce peptide est connu pour son implication dans l’activation de l’axe corticotrope,
en stimulant la libération d’ACTH (corticotropine) par l’hypophyse, qui à son tour entraine
celle des corticoïdes (cortisol, corticostérone) par les glandes surrénales.
Toutefois, si la CRF est la voie principale d’activation de l’axe corticotrope, d’autres
hormones, telles que la vasopressine ou la thyréolibérine (TRH) sont également sécrétées en
réponse au stress. L’importance de cette réponse étant dépendante de la nature du stimulus. La
vasopressine exerce un effet aussi puisant sur l’axe corticotrope que la CRF, et elle est en
outre responsable des états nauséeux associés au stress.
La libération de catécholamine à la périphérie est rapide et n’est que partiellement liée à la
CRF hypothalamique, qui favorise également la libération de lipotropine (LPH) et
secondairement, par activation adrénergique, celle de β-endorphine et de la mélanotropine
(MSH). De plus la CRF est également susceptibles d’activer directement des voies nerveuses
afférentes, telle la voie afférente vagale, c’est-à-dire la composante parasympathique du
système nerveux autonome.
Seuls GABA et certains ligands opioïdes endogènes (dynorphine) sont inhibiteurs de la
libération de CRF. L’ACTH et le cortisol libérés au cours du stress exercent également un
rétrocontrôle inhibiteur sur la sécrétion de CRF.
Ces facteurs chimiques, hormones, vont agir sur différents organes pour modifier leur
fonctionnement.
Pour Bousta et coll. (2001), lorsque l’exposition au stress est inévitable, chronique et
indésirable, le sujet bascule vers une phase d’épuisement au cours de laquelle le système
d’adaptation n’a plus aucune efficacité et diverse pathologies peuvent apparaitre selon des
critères particulièrement génétique.
•
-
Les troubles des fonctions digestives
les ulcères gastriques et duodénaux
les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) : maladie de Crohn ;
recto-colite hémorragique.
troubles digestifs
•
-
La parodontite de l’adulte
Selon Miller et coll. (1986), le stress serait impliqué dans l’apparition de certaines
pathologies buccales, en particulier la destruction des tissus parodontaux.
•
-
Les déficits comportementaux
Différents travaux qui ont été réalisés ont tous mentionné la diminution de la mobilité
et des capacités d’exploration chez l’animal, en réponse à un milieu anxiogène et à une
situation de stress.
•
-
L’immunité et la réponse immunitaire
L’exposition à un environnement stressant modifie de nombreux paramètre de la
fonction immune, qu’il s’agisse de réponses non spécifiques (phagocytose par les
macrophages, prolifération lymphocytaire etc.) ou de réponses spécifiques (niveau
d’anticorps). Toutefois, la nature des réponses est variable selon la nature et l’intensité
du stress.
Certains médiateurs libérés au niveau périphérique pendant le stress sont susceptibles
d’affecter les réponses immunitaires cellulaires ou humorales : tel est le cas des
enképhalines, substance P et neuropeptide Y.
Un événement stressant altère ainsi les fonctions digestives et immunitaires de
l’organisme, ce n’est que très récemment que des progrès ont été réalisés dans la
connaissance des mécanismes et médiateurs impliqués.
Le cancer
La plupart des travaux n’ont pas réussi à établir d’une manière objective une relation directe
entre les événements stressants et l’apparition d’un cancer.
Comme nous l’avons évoqué précédemment, la confrontation de l’individu à des situations
stressante et menaçante entraine des modifications importantes du système immunitaire. Dans
le cas du cancer, le fait d’en prendre conscience devient en soi un agent stressant, qui va
contribuer à l’affaiblissement du système immunitaire et favoriser une évolution plus rapide
de la pathologie. On peut supposer que le cancer peut être induit ou aggravé par un événement
menaçant et stressant, indésirable, chronique et inévitable ; mais il n’est pas improbable que la
maladie devienne elle-même l’agent stresseur, obéissant à ces trois critères (« indésirable,
chronique et inévitable).
L’affaiblissement du système immunitaire par le stress, rend l’organisme vulnérable et plus
exposé à des agents cancérogènes ou à des processus de cancérogenèse.
Quelques études
-
-
-
Rowse et coll. (1995) ont montré chez la souris, que le stress psychologique affecte la
vitesse de croissance des tumeurs mammaires (SC115) et stimule différemment
l’activité des cellules NK. Ils ont mis aussi en évidence que l’isolement provoque une
augmentation de la taille de la tumeur et de l’activité des cellules NK, alors que la vie
en groupe entraine une diminution simultanée de la taille de la tumeur et de l’activité
des cellules NK ; et que l’activité des cellules NK joue un rôle important dans la
vitesse de croissance de la tumeur observée chez les animaux isolés.
Wu et coll. (2000) : injection des cellules cancéreuses chez la souris. Cette étude
montre qu’il y a une nette augmentation des cellules tumorales chez des animaux
isolés par rapport à ceux vivant en groupe.
Certaine études ont mentionné le lien qui existe entre certains attributs de personnalité
spécifiques et la probabilité de devenir cancéreux (Thomas et coll., 1979).
Les maladies infectieuses (VIH ou VHC)
De la même manière que pour le cancer, la plupart des travaux n’ont pas réussi à établir d’une
manière objective, une relation directe entre les événements stressants et l’évolution de
certaine maladie infectieuses, en particulier le VIH ou VHC. En outre comme pour le cancer,
dès lors qu’un individu prend conscience qu’il est atteint du VIH ou VHC, la maladie devient
un agent stressant, avec des répercussions sur les réponses au système immunitaires et
l’évolution de la maladie.
Quelques études
-
-
Lapierre et coll. (1997) ont réalisé des travaux chez des patients infectés par l’HIV. Ils
ont observé que l’exercice physique ramène le nombre des TCD4+ à la normale chez
les séropositifs qui sont dans les premiers stades de l’infection.
Nair et coll. (1995) se sont intéressés à l’impact des hormones de stress sur la
progression de l’infection par l’HIV. Ils ont développé un modèle in vitro pour évaluer
les effets des hormones de stress, tells que le cortisol, l’ACTH et la β-endorphine, sur
la progression de la maladie et notamment sur l’activité des cellules NK. Les résultats
montrent que la β-endorphine n’affecte pas l’activité des cellules NK, contrairement
au cortisol et à l’ACTH qui inhibent l’activité des cellules NK chez les patients
infectés par l’HIV. Cela démontre bien l’implication des neurohormones dans
l’évolution de la maladie du sida.
Les maladies cardio-vasculaires
On attribue généralement une grande importance au rôle des émotions et du stress comme
facteurs déclencheurs des crises cardiaques.
L’activation de l’axe hypothalamo-hypophysaire et des surrénales lors d’une confrontation
d’une situation stressante ou menaçante libèrent des hromones et des neuromédiateurs, tels
que l’adrénaline, la noradrénaline et le cortisol. Si la présence de ces différentes
neurohormones est chronique et répétitive, la fréquence cardiaque et la pression artérielle se
modifient, ce qui pourrait avoir un lien avec l’apparition de différents troubles, tels que
l’insuffisance coronaire, l’angine de la poitrine, l’infarctus du myocarde, les accidents
vasculaires cérébraux, l’hypertension artérielle chronique, l’insuffisance cardiaque, les
artérites.
Quelques études
-
Les études de Friedman et Rosenman (1959) ont déjà mentionné l’influence
différentes de deux modes de comportements (comportements de types A ou B) dans
l’apparition et la persistance des maladies cardiaques : cette dichotomie, bien qu’elle
soit grossière et que certains individus empruntent quelque chose à chacun des deux
profils, est majeure. Les individus de type A sont plus fréquemment et plus
généralement victimes de maladie cardiaques coronariennes que ceux du type B.
Conclusion
Le stress est un phénomène tout à fait normal et même vital, il permet à l’organisme de
développer des capacités d’adaptation rapide et efficace à toutes les exigences de
l’environnement. La réponse de l’organisme à l’ensemble des contraintes imposées par
l’environnement stressant s’effectuera par le biais d’une mobilisation générale, exigeant un
niveau d’homéostasie relativement élevé et couteux pour l’organisme. Chez l’homme, cette
réaction est indispensable et vitale pour son adaptation à son environnement. C’est au niveau
de la durée d’adaptation que les individus vont présenter des différences, car non seulement
les facteurs génétiques sont impliqués pour permettre à chaque individu de résister
différemment à l’exposition au stress, mais aussi d’autres éléments interviennent pour rendre
spécifique la réponse de chaque individu à ces contraintes.
Si l’individu est exposé à une source de stress et de contrainte au-delà de ses capacités
d’adaptation, il se trouve au début d’une phase durant laquelle commence à se manifester des
phénomènes de dysfonctionnement et de pathologies organiques et fonctionnelle. Cette phase
est spécifique à chacun et ne se traduit pas chez tous les individus, par l’apparition de la
même maladie (cela dépendrait de facteurs génétiques selon certains auteurs).
Deux niveaux :
-
Soit le stress est la cause principale et directe, donc inducteur de la maladie. De
nombreuse étude en cors tentent de confirmer cette hypothèse, bien qu’il semble très
-
difficile à démontrer expérimentalement, en raison de l’implication de nombreux
paramètres.
Soit le stress est un catalyseur, un potentialisateur ou un facilitateur de l’apparition et
de l’évolution de la maladie ; cette hypothèse semble être plus soutenue, car elle
intègre l’aspect pluricausal de la maladie.
5. La perception de la santé et de la maladie
La psychologie de la santé s’efforce de comprendre le comportement humain dans le contexte
de la santé, de la maladie, et des soins. Elle se penche ainsi à la fois sur les populations en
bonne et en mauvaise santé, tout en s’appliquant à expliquer l’importante variation que l’on
rencontre dans les comportements, variation qui influence les issus clés des problèmes de
santé.
Il existe de nombreux facteurs qui expliqueraient la variation dans les comportements de santé
-
Les facteurs situationnels (l’environnement, y compris le stress)
Les facteurs dispositionnels (la personnalité)
Les facteurs socio-culturels.
La majeure partie de la recherche en cours en psychologie de la santé étudie en premier lieu le
rôle des croyances et des cognitions.
Il est possible de comprendre la décision que va prendre l’individu et la manière dont il va se
comporter, en termes des perceptions et croyances qui sont les siennes par rapport au
problème de santé et au comportement en question, au moment ou’ il lui faut décider
d’actions, telles que se faire faire des examens ou porter une ceinture de sécurité.
1. Croyances et comportement de santé
Les premières études de promotion de la santé estimaient que la raison principale du peu
d’attention accordée aux comportements de santé provenait d’un manque d’information. Or
par la suite, il s’est avéré que les interventions dans lesquelles on fournissant de l’information
n’avaient pratiquement aucun effet sur la modification du comportement. On mit alors au
point des interventions incorporant des messages destinés à évoquer la peur, estimant qu’ils
parviendraient mieux à motiver une modification de comportement. Cependant les messages
évoquant la peur ne semblaient pas promouvoir une modification du comportement à long
terme (ils avaient que des effets à court terme). Cela incita les chercheurs à orienter leurs
études vers les croyances et les attitudes des individus pour expliquer la variation du
comportement de santé et mettre au point des interventions plus efficaces.
Les modèles de cognition sociale : ce sont des théories et modèles qui décrivent la manière
dont les individus perçoivent les questions de santé et de maladie.
Le fait d’accorder une grande valeur à la santé est une composante importante de la
motivation à faire preuve d’un comportement de santé performant.
1. Le modèle de croyance en matière de santé (Janz et Becker, 1984) : la disposition
des individus à faire preuve d’un comportement de santé spécifique (porter une
ceinture de sécurité, utiliser un préservatif) dépend de leur perception du risque en
question (accidents de la route, maladies sexuellement transmissibles), ainsi que de ce
dont ils estiment pouvoir bénéficier s’ils agissent de la sorte et ce qu’il peut leur en
coûter. Les perceptions de risques s’appuient sur ce que l’on croit être la gravité du
problème de santé qui en découle (Est-ce grave ?) et sa propre disposition ou
vulnérabilité (cela risque-t-il de m’arriver ?).
2. La théorie de la planification du comportement (Ajzen, 1991) : les intentons sont
déterminées par trois variantes clés de croyance et d’attitude.
-
-
-
Attitude envers le comportement (« faire de l’exercice est une bonne chose ») qui
s’appuie sur ce que l’on croit devoir être le résultat du comportement (« si l’on fait de
l’exercice on se sent bien, on est en forme etc. ») et sur l’évaluation de ces résultats
(« il est important pour moi d’être en forme »).
Norme subjective reflétant la perception de normes et de pressions sociales en œuvre
au niveau du comportement (« les personnes qui me sont chères pensent que je devrais
faire de l’exercice ») et s’appuyant sur ce que l’on croit que pensent d’autres individus
clés et le degré de motivation à s’y plier.
Ce que l’on perçoit comme étant le contrôle de comportement- le degré de contrôle
que l’individu croit avoir sur le comportement.
3. Les croyances relatives à l’efficacité du soi (Bandura, 1994) : Elles décrivent ce que
l’on croit quant à sa propre capacité à effectuer une action spécifique (« faire
régulièrement de l’exercice »). Ces croyances découlent de l’expérience que l’on a
faite antérieurement d’un comportement semblable ou associé, mais elles peuvent
également être influencées par l’observation d’autrui (« prendre autrui pour modèle)
ou par la persuasion verbale.
4. Les croyances relatives au locus of control (Norman et Bennett, 1996) : Elles
décrivent l’évaluation que fait l’individu des facteurs (lui-même, autrui, le hasard)
qu’il croit contrôler ou influencer les questions de santé. On trouvera d’une manière
générale des niveaux de comportements de santé plus élevés chez les individus
fermement convaincu que le locus of control de la santé est interne.
5. Les croyances d’attribution : Elles décrivent la façon dont les individus expliquent la
cause d’événements dans leur vie, en particulier les événements négatifs tels que la
maladie et les accidents. Une recherche considérables montre que non seulement les
individus expliquent ces événements de manières très différentes, mais également que
leurs croyances causales peuvent très directement influencer leur comportement et leur
adaptation. On a démontré, par exemple qu’à la suite d’un infarctus du myocarde, des
patients qui croient que leur mode de vie en a été la cause sont plus à même de suivre
le conseil de modifier leur façon de vivre que les patients qui sont persuadés que ce
sont le stress ou des facteurs génétiques qui en sont la cause (Weinman et coll., 2000).
6. Le modèle d’adoption de précaution (Weinstein, 1988) : ce modèle s’appuie sur
l’idée que les individus passent par un certain nombre de stades distincts dans la
modification de leur comportement :
-
Prendre connaissance du risque
Croire qu’autrui y est vulnérable
Reconnaitre propre vulnérabilité
Décider d’agir
Agir
Se tenir à la modification du comportement
Le modèle suggère que les individus seront à différents stades de préparation quant à
l’adoption d’un nouveau comportement de santé ou à la modification d’un
comportement de santé existant et qu’ils peuvent passer d’un stade à un autre dans une
période de temps donnée.
7. Le modèle transthéorique (Prochaska et Di Clemente, 1984) ; décrivent les stades
par lesquels passent les individus dans leur évaluation du problème de santé, à savoir :
en prendre connaissance, y réfléchir, planifier une modification du comportement et
s’y tenir.
Certains (comme la théorie de la planification du comportement) sont en passe d’être
reconnues comme étant d’une grande utilité pour expliquer de nombreux comportements de
santé et mettre au point des interventions.
Les modèles cognitifs de la maladie et du traitement
Les recherches ont montré que les patients s’efforcent activement de comprendre leurs
symptômes et leur maladie. A cet effet, ils créent des représentations cognitives ou modèles
de leur maladie, à partir desquelles ils formulent la manière dont ils vont la gérer ou les
procédés qui vont leur permettre de faire face aux risques encourus. L’individu construira sa
propre représentation, ce qui déterminera son comportement et d’autres réponses, telles que la
recherche d’aide et l’adhérence au traitement.
Leventhal, Nerenz et Steele, 1984 : les patients regroupent leurs idées concernant la maladie
autour de 5 thèmes ou éléments cohérents, que les psychologues de la santé ont dénommés
« perceptions de maladie ». Celles-ci fournissent un cadre permettant aux patients de donner
un sens à leurs symptômes, d’évaluer les risques et d’agir de manière appropriée dans la phase
de rétablissement. Les principaux éléments cognitifs sont :
-
L’identité qui comprend la manière de désigner la maladie et les symptômes que le
patient y associe ;
La cause : les idées personnelles quant à l’étiologie, qui peuvent inclure des causes
simples et uniques ou des modèles plus complexes à causes multiples) ;
La durée : ce que le patient croit être la durée probable de la maladie (crise aiguë,
condition chronique ou épisodique) ;
Les conséquences : les effets et résultats attendus de la maladie
La guérison/le contrôle : à quel point selon le patient il est possible de guérir ou de
contrôler la maladie.
Le modèle de régulation de la personne (du soi) mis au point par Leventhal (Leventhal,
Meyer et Neremz, 1980) : selon ce modèle, les perceptions d’une maladie guident de manière
critique les efforts du patient à gérer les symptômes, la maladie et les risques. Le modèle
comporte 4 processus :
-
La représentation cognitive de la maladie
La réponse émotionnelle à la maladie et au traitement
La gestion découlant de la représentation
L’évaluation effectuée par l’individu quant au résultat de sa gestion
Selon ce modèle, la réponse cognitive du patient aux symptômes et à la maladie et les
réponses émotionnelles qui y sont associées sont transformées selon des processus parallèles.
Chacun d’eux ayant trois stades : la représentation, les processus de gestion et les évaluations.
Considérés dans leur ensemble ils représentent un système de régulation de soi à deux
dimensions : l’objectif et l’émotionnel avec, dans les deux cas, des processus cognitifs tels
que l’attribution et la mémoire (cf. figure 5.3 page 124).
L’évaluation des perceptions de la maladie
Il semble que les patients répondent à leur traitement en termes de théories implicites (ou
schémas de maladie*) concernant leur maladie.
Les modèles cognitifs que les patients ont de leur maladie sont, de par leur nature, personnels.
Les patients hésitent souvent au cours de consultations médicales, à parler de ce qu’ils croient
quant à leur maladie, de peur qu’on les considère comme stupides ou mal informés.
L’évaluation des perceptions de la maladie se déroulait jusqu’à présent sous forme
d’entretiens, dans le but d’encourager les patients à élaborer les idées qu’ils se font de leur
maladie. Il existe actuellement une nouvelle méthode (questionnaires) mise au point pour
permettre au chercheur d’évaluer les perceptions de la maladie. De même, on a récemment
mis au point un système d’échelle pour évaluer les croyances des patients aussi bien sur la
médication en général que sur les médicaments.
*les modèles de maladie que le patient a lui-même formulés
Les perceptions des patients, la demande d’aide et le retard
Alors que les symptômes sont assez régulièrement ressentis, nombre d’entre eux sont ignorés
et de ce fait non traités. Bishop s’est aperçu que les individus tentent de comprendre leurs
symptômes en les rapprochant des prototypes (modèles) de la maladie qu’ils ont à leur
disposition. Les schémas de maladie offrent à l’individu les moyens de rechercher les
symptômes et de mettre au point des stratégies pour gérer son état. Des recherches de plus en
plus nombreuses suggèrent que l’interprétation des symptômes formulée par le patient peut
influencer la façon dont il se comportera pour chercher de l’aide (Baumann et coll., 1989).
L’identité de la maladie représente les symptômes que l’individu associe à son état. Ces
symptômes peuvent dans certains cas être différents du point de vue strictement médical
considéré. Matthews et coll. (1983) remarquent que certains patients ayant eu une crise
cardiaque mettent un certain temps à demander de l’aide, car leurs symptômes ne
correspondent pas à la conception qu’ils se font d’une crise cardiaque. Le facteur permettant
de prédire une arrivée rapide à l’hôpital est le fait de croire que les symptômes indiquent une
crise cardiaque.
Trois stades principaux précédant le début du traitement, chacun étant influencé par une
série différente de facteurs et de processus de décision (Andersen et Cacioppo, 1995) :
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Le premier stade se réfère généralement à l’attente d’évaluation : il s’agit de la
période de temps entre le moment ou’ l’individu a remarqué les symptômes et celui
ou’ il en déduit une maladie ; les principales influences sur cette période sont des
facteurs se rapportant à l’interprétation des symptômes.
Le deuxième stade, l’attente de maladie, est la période entre le moment ou’ l’individu
décide qu’il est malade et celui ou’ il prend la décision de faire appel à une aide
médicale
Le dernier stade, l’attente d’utilisation, est le temps qui s’écoule jusqu’au moment ou
l’individu arrive à l’hôpital ou a un contact avec le personnel médical.
Les perceptions des patients et l’adhérence au traitement
Il y a une variation considérable dans la manière dont les patients adhèrent au traitement
médical et suivent les conseils des médecins. La recherche sur l’adhérence s’est attachée au
cours de ces dix dernières années à mieux comprendre comment et pourquoi certains patients
décident de suivre certains traitements et pas d’autres. L’application de modèles de cognition
sociales dans la recherche indique que la non-adhérence à la prise de médicaments peut
provenir d’une décision rationnelle de la part du patient, et identifie, par ailleurs, certaines des
cognitions prépondérantes menant à ces décisions. En outres les décisions concernant
l’adhérence peuvent être influencées par une analyse de coût et de bénéfice. L’entourage, la
famille, les amis et les médecins peuvent également influencer l’adhérence. Le modèle de
régulation de soi proposé par Leventhal a été également appliqué à la recherche sur
l’adhérence.
Les modèles de la maladie formulés par les patients influencent leur adhérence au traitement.
Selon Leventhal et coll. (1984), l’adhérence au traitement semble être élevée quand le
médecin et la patient partagent les mêmes perceptions de la maladie, les mêmes critères
d’évaluation de résultat et s’accordent sur la marche à suivre. Des écarts entres les opinions
des patients et celles des médecins ont été trouvés dans deux domaines :
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Leurs représentations de l’hypertension différaient – celles des patients comprenaient
des symptômes, à la différence de celles des médecins ;
Ce qu’ils entendaient par traitement différait également – la réussite du traitement
signifiait pour le patient une amélioration des symptômes, alors que pour le médecin,
il s’agit de faire baisser le taux de tension (Meyer et coll., 1985).
Les médecins demandaient ainsi aux patients de suivre un traitement qui n’avait pour eux
aucun sens, puisqu’il ne changeait pas l’effet sur ce qu’ils ressentaient. Les patients sont plus
enclins à se soumettre aux recommandations médicales, s’ils perçoivent une relation entre le
traitement et les symptômes.
Les travaux de Hornes (1997) indiquent que 4 thèmes (ou facteurs) centraux sous-tendent les
croyances habituelles quant aux médicaments :
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La nécessité qu’ils perçoivent pour le maintien de la santé (nécessité spécifique).
Les soucis qu’ils se font quant à ce qu’ils estiment être le potentiel de dépendance ou
les effets à long terme néfastes et le fait que prendre des médicaments est une intrusion
(soucis spécifiques).
Les propriétés intrinsèques des médicaments et leur caractère de substances néfastes et
addictives (dommage général).
Les éventuels usages exagérés par les médecins (usage exagéré général).
Les patients les plus préoccupés quant au potentiel d’effets à long terme et de dépendance font
preuve de moins d’adhérence à leur traitement tandis que ceux qui croient davantage à la
nécessité des médicaments y adhèrent davantage.
Conclusion
Les perceptions qu’ont les patients de leur maladie apportent une explication importante pour
un ensemble de comportements se rapportant à la maladie, y compris le retard dans la
demande d’aide, la participation aux programmes de réhabilitation et l’adhérence au
traitement. Un certain nombre de modèles ont été mis au point pour décrire différentes
cognitions et la manière dont elles expliquent une diversité de comportements se rapportant à
la santé et à la maladie. Au fur et à mesure que les psychologues de la santé acquièrent une
meilleure compréhension des cognitions qui influencent ou déterminent de manière
consistantes les comportements se rapportant à la santé, ils seront en mesure d’élaborer des
interventions basées sur la cognition, afin de modifier les croyances et de changer ainsi le
comportement en vue d’améliorer les résultats.
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