COURS DU 12 OCTOBRE 2010
Le sang est rarement versé, car la vie est chère, et des mois de trêve permettent la tenue de marchés et la vente du bétail.
L’opposition aux autres tribus donne un caractère guerrier à ces pasteurs mobiles qui s’abritent sous des tentes noires en peau de
chèvre.
2. Hospitalité
À l’« esprit nomade » se rattache la ḍiyāfa, l’hospitalité.
Cette institution se rapporte au droit coutumier des nomades et elle vise à assurer la protection au ḍayf ou dāḫil (l’« hôte ») qui la
requiert dans des formes traditionnelles.
Ce droit d’asile, probablement fort ancien, est attesté dans tout le monde sémitique.
Cette notion, qui ne s’est pas intégrée au droit musulman, reste encore très vivante.
Elle a souvent permis, malgré l’insécurité régnante, l’essor d’un négoce fondé sur une politique d’échanges entre les oasis et la steppe.
3. Honneur
Le rapprochement de la carte des structures familiales avec celle de l’expansion territoriale de la civilisation musulmane évoque
aussi des permanences anthropologiques.
La protection du groupe se traduit en effet dans le statut particulier des femmes, qui constituent le capital humain le plus précieux. Ce
n’est pas propre à l’islam : judaïsme et christianisme aussi (cf Sicile, Corse)
Les femmes doivent être conservées et protégées pour permettre la reproduction de l’espèce. Cette fonction originelle,
essentiellement biologique, des femmes dans les peuples du désert a profondément marqué la civilisation musulmane et se prolonge
aujourd’hui dans le statut particulier des femmes dans les mondes arabe, turc et irano-pakistanais.
La stratégie du mariage et du rapt vise à conserver ses jeunes mâles grâce à la ʿaṣabiyya/solidarité de sang. Il faut prendre les filles
des groupes inférieurs pour augmenter le nombre d’enfants entre les périodes de famine.
Milieu caractérisé par la rudesse, ḥamasa/courage guerrier, le ḥasab/noblesse personnelle, l’honneur ou la réputation, l’hospitalité. al-
ḥasab wa l-nasab, la noblesse de caractère et d’origine.
En outre les contraintes du milieu et la structure segmentaire de la population et du peuplement expliquent la diffusion de
l’endogamie dans toutes les sociétés tribales des déserts et des steppes, chauds et froids, d’Arabie, d’Asie Centrale et du Sahel. Dans
ces sociétés du harem et des cousins (Tillion, 1966), de la protection de l’honneur féminin et de l’endogamie, un individu épouse de
manière préférentielle la fille du frère de son père.
La femme est détentrice de l’honneur de la famille, elle est propriété du père, du frère, puis du mari.
Aujourd’hui encore, malgré de nombreuses évolutions, la femme passe, au cours de sa vie, d’une tutelle à une autre. La diffusion de
ce modèle de famille communautaire endogame est une spécificité des mondes arabe, berbère et turco-iranien, du Maghreb au
Tadjikistan, en passant par l’Afghanistan, l’Azerbaïdjan, le Turkménistan et l’Ouzbékistan, recouvrant une bonne partie des déserts
et des steppes d’Afrique et d’Asie.
Si le mariage endogame n’est pas une création musulmane, l’islam l’a organisé et réglementé en interdisant par exemple les pratiques
pharaoniennes ou zoroastriennes des unions entre frères et sœurs, entre oncle et nièce, ou tante et neveu.
La civilisation musulmane se serait ainsi étendue de manière privilégiée dans les régions où les obligations exogamiques n’étaient pas
trop fortes (Todd).
Aux femmes sont réservés l’intérieur de la maison, les activités domestiques et la gestion des biens.
Dans les campements et sous la tente, elles sont tenues éloignées du regard des autres hommes par une cloison.
L’espace des femmes et celui des hommes ne se recoupent qu’au sein de la famille proche, bref tous ceux avec qui le mariage est
impossible : les autres femmes, les parents, les frères et les oncles.
L’espace public et les relations avec les autres tribus sont réservés aux hommes. Quand les femmes apparaissent en public, c’est
cachées au regard des hommes par un voile qui projette à l’extérieur le cloisonnement domestique.
4. Lignages et patrilinéarité
À l’exception de certains groupes d’Afrique occidentale, le monde tribal est cloisonné en familles patriarcales.
Présentation traditionnelle de la société arabe, très patrilinéaire ; en fait, pour Yathrib et les Yéménites, des traces de matrilinéarité.
Le rôle structurant de la parenté paternelle a garanti un repli des groupes sur eux-mêmes, les a juxtaposés les uns aux autres,
individus ou clans, à l’intérieur de lignées ou de coalitions de lignées.
cohésion interne par des généalogies patrilinéaires
Un ancêtre éponyme donne souvent son identité au groupe.
Jusqu’à l’époque contemporaine, les généalogies ont fleuri dans tout le monde musulman.
EXEMPLE : Les rivalités entre tribus arabes ont été exportées dans la péninsule Ibérique aux VIIIe et IXe siècles ou en Asie Centrale.
Le rattachement à la famille du prophète, ou à un ancêtre musulman prestigieux, par une série plus ou moins longue
d’intermédiaires a été, du Maghreb à l’Indonésie, un puissant facteur de notabilité et de légitimité pour les souverains.
C’est là un faisceau d’interrelations dans lesquelles sont pris les individus et qui fonctionnent comme autant de pôles identitaires
2 Cours P. BURESI, Paris IV, L-1, mardi 8h-10h