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2 Problématique
Le théâtre suisse romand peine à s’exporter et en premier lieu les compagnies
indépendantes. Cette constatation n’est pas nouvelle et à vrai dire tend à se répéter depuis
quelques années. Pour quelques « élus » qui sont parvenus à sortir des frontières pour des
raisons que nous évoquerons plus loin, combien d’autres appelés sur le marché du théâtre
romand ont dû limiter la présentation de leurs créations dans le court circuit des théâtres
romands et souvent seulement dans leur canton, voire dans leur Ville ?
Le marché du théâtre en Suisse romande étant petit, le nombre de représentations
proposées dans les théâtres réduit, et les échanges entre les différentes régions
linguistiques rares, la durée de vie des spectacles est extrêmement courte, et tend même à
se rétrécir. Effet collatéral de cette réalité, le nombre de spectacles proposés par les
nombreuses compagnies de Suisse romande crée entre elles une concurrence toujours plus
intense.
Dès lors, seul le marché international pourrait permettre à ces créations de prolonger leur
existence, et aux compagnies de se développer sous d’autres auspices et d’autres cieux.
Mais les possibilités de s’exporter, sur le marché francophone notamment, sont loin d’êtres
évidentes et le chemin est semé d’embûches. Pourquoi un théâtre français ou belge
engagerait-il une compagnie suisse dans leur pays, alors que leur propre marché est déjà
saturé, pour des raisons similaires ?
La mise en place d’une tournée par ailleurs requiert en outre beaucoup d’énergie, des
moyens structurels et financiers importants, et un travail administratif assez complexe. Cela
pour quel bénéfice ? Pourtant, certaines compagnies y parviennent. Ont-elles plus de talent,
disposent-elles de relais plus efficaces, de moyens plus conséquents, ou ont-elles su être au
bon endroit, au bon moment ? Les voies du succès et de l’accès au marché international
sont-elles les mêmes pour tous ?
Lors de la création d’un spectacle par une jeune compagnie, la question de trouver un lieu
pour le réaliser et le présenter en ayant les fonds nécessaires est déjà primordiale. C’est la
première difficulté, la création en elle-même n’étant heureusement pas encore considérée
comme telle. Elle trouve sa solution dans un intense travail de relations publiques :
démarches auprès des autorités, des institutions, auprès d’autres organismes (fondations,
etc.) pour obtenir des soutiens financiers. Demandes auprès des théâtres, des centres
culturels, pour trouver des lieux de répétition voire de création, voire de représentation.
Une fois que ces conditions sont réunies, que les représentations ont suscité un écho
favorable de la part du public, de la presse et des professionnels (pour peu que ceux-ci se
soient déplacés) vient très naturellement l’envie de tourner, de montrer à d’autres regards,
sous d’autres cieux le résultat de tant de travail. Et cela déjà dans sa propre région, son
propre pays (ce qui ne va pas de soi dans un pays morcelé par le fédéralisme et le
cantonalisme en matière de promotion culturelle), puis en terre française, francophone, ou
même au-delà.
Une des questions de ma recherche est de découvrir pourquoi et comment une compagnie
de théâtre de Suisse romande parvient finalement à franchir ces frontières, ou pas. Est-ce un
objectif en soi, et quels en sont les difficultés, les écueils, les facilités, les critères ? Quels
sont les relais, les moyens, et sont-il suffisants ?
Ce questionnement passera par toute une série de problématiques liées au travail de
diffusion, à savoir la politique de soutien financier de la diffusion par les Villes et Cantons de
Suisse romande, la politique de soutien des autres organes de subventionnement (Pro
Helvetia, Corodis, Migros, Loterie Romande, mais aussi les fondations privées), la politique
également des théâtres de création ou d’accueil envers la création théâtrale romande.