Qu’est-ce que le risque ?
La science et la médecine comprennent et définissent le risque de
façon assez différente par rapport aux personnes n’ayant aucune
formation médicale ou scientifique. Alors que la communauté
scientifique considère le risque comme une réalité objective qui
peut être mesurée, contrôlée et gérée, le risque est aussi une
construction mentale liée à la société et est généralement perçu
différemment en fonction du contexte socioculturel de chacun. Les
perceptions du risque et sa signification pour chaque individu
Le diabète est devenu un problème de santé de dimension mondiale, qui a pris des proportions
épimiques un peu partout, avec de graves implications pour la san et le bientre. La
Fédération Internationale du Diabète estime que dici 2025 près de 350 millions de personnes
seront atteintes de diate. Les plus vulnérables à cette condition chronique sont notamment
les personnes qui vivent dans les pays en veloppement et les membres des groupes
ethniques minoritaires ainsi que les populations socio-économiquement défavorisées des
pays développés. Leah Macaden nous présente une étude qui sest penchée sur les différences
de perception des risques associés au diabète entre les populations dorigine sud-asiatique
résidant au Royaume-Uni et leurs prestataires de soins.
Perceptions des risques
différentes : les Sud-asiatiques
résidant au Royaume-Uni
et leurs prestataires de soins
Leah Macaden
Les personnes d’origine sud-asiatique (provenant du Bangladesh,
d’Inde et du Pakistan) représentent environ 3 % de la population
du Royaume-Uni.1 Ce groupe hétérogène se caractérise par des
différences marquées d’ordre linguistique, religieux, social et
culturel. Les personnes d’origine sud-asiatique sont généralement
plus susceptibles de développer un diabète de type 2 que les
populations caucasiennes.2 Cette vulnérabilité semble due à une
insensibilité excessive à insuline, liée à des facteurs environne-
mentaux et/ou génétiques.3
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Toute condition chronique entraîne des conséquences pratiques
pour les personnes touchées et leur famille. Du temps doit être
consacré à la gestion des symptômes et au traitement ; les ha-
bitudes à la maison et au travail sont perturbées et la gestion à
long terme de la condition a des implications socioéconomiques
à long terme. En outre, les conditions chroniques tel le diabète
sont associées à de nombreuses incertitudes, par exemple en
termes de diagnostic et de symptômes. Une gestion efficace du
diabète implique plusieurs rituels complexes, comme le contrôle
glycémique, l’exercice physique quotidien, la perte de poids et des
restrictions alimentaires, qui provoquent un changement minime
mais perceptible chez la personne atteinte de la condition.
Les obstacles à la gestion stricte de la condition
Un certain nombre de facteurs concomitants rendent difficile le
respect du traitement, notamment sa complexité et les change-
ments de style de vie requis, les obstacles à l’accès aux services
de santé, un environnement social peu encourageant et la mesure
peuvent différer entre les pays en développement et les pays
développés et varier en fonction de l’âge, du sexe, de la foi, du
contexte culturel, des environnements urbains ou ruraux et de la
situation géographique.
Les conditions chroniques
impliquent souvent des troubles
physiques ou mentaux.
Exigences, rupture et incertitudes
Les conditions chroniques impliquent souvent des troubles physiques
ou mentaux et imposent une conception de la vie quotidienne qui
tienne compte de la gestion des symptômes. Les conditions chro-
niques représentent également une perte d’intégrité. Elles tendent
à perturber la routine quotidienne et les structures habituelles, des
éléments généralement considérés comme acquis, ainsi que les
connaissances pratiques sur lesquelles les expériences de chaque
individu sont basées.4
Les perceptions des risques associés au diabète de type 2 sont modelées par les influences d’ordre culturel.
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intéressant de constater qu’il y avait des divergences très spécifi-
ques dans la façon dont les risques associés au diabète de type 2
étaient perçus par les personnes atteintes de diabète et par leurs
prestataires de soins. Certaines sont détaillées ci-dessous.
La cause
Alors que les professionnels de la santé impliqués dans les soins
du diabète citaient un manque d’insuline et les altérations métabo-
liques dérivées comme étant les causes du diabète, les personnes
atteintes de la condition pensaient que le destin, le climat froid
et le manque de soleil au Royaume-Uni étaient à blâmer, ainsi
qu’une prédisposition familiale, l’abus de sucreries, les angoisses
ou le fait d’avoir vécu une situation stressante.
La gestion
Pour les professionnels de la santé, la clé d’une bonne gestion du
diabète réside dans le contrôle nutritionnel, la perte de poids si
nécessaire, de l’exercice physique régulier, le contrôle glycémique,
la prise régulière de médicaments et le suivi. Bien que les personnes
d’origine sud-asiatique étaient d’accord avec les professionnels
de la santé concernant la nécessité d’éviter de consommer trop de
sucre et d’éviter les aliments frits, la perte de poids et l’exercice
physique n’étaient pas souvent mentionnés.
La perception de la gravité du diabète
Parmi les participants atteints de diabète, le nombre de comprimés
pris et les services utilisés figuraient parmi les facteurs clés déter-
minant la gravité de la condition (les personnes qui se rendaient
dans un centre du diabète étaient considérées comme ayant une
‘forme de diabète plus grave’ que les personnes qui consultaient
simplement leur généraliste pour la gestion de leur diabète). La
fréquence des rendez-vous à l’hôpital et la prescription ou non
d’insuline étaient également des facteurs déterminants.
Peu de gens était sensibilisé
aux complications possibles
à long terme du diabète.
Les risques liés au diabète
Il était inquiétant de constater que la sensibilisation aux complica-
tions possibles à long terme (hypertension, troubles cardiaques,
accident cérébrovasculaire, cécité et néphropathie) et aux moyens
de les éviter était très faible. Les risques étaient calculés en termes
d’interférence avec les contraintes sociales et religieuses, comme
l’incapacité d’assister à des rassemblements sociaux à cause des
dans laquelle la vie quotidienne de chacun est altérée. Bien que
les professionnels de la santé éprouvent souvent des difficultés à
comprendre le non respect du traitement par les personnes attein-
tes de diabète, ce non respect se base souvent sur des éléments
rationnels du point de vue du patient. Par exemple, il est assez
fréquent que les personnes atteintes de diabète de type 2 ne se
sentent pas vraiment mal à part une faiblesse et une fatigue
généralisées – même lorsque le diagnostic est posé.
Lorsqu’elles commencent à prendre un hypoglycémiant, comme
la metformine, elles développent parfois des effets secondaires,
notamment des troubles gastro-intestinaux comme la diarrhée, et se
sentent donc moins bien. Il est compréhensible que ces personnes
associent souvent un médicament à leur manque de bien-être et il
n’est donc pas rare qu’elles décident d’interrompre le traitement.
Les personnes atteintes de diabète
associent souvent un médicament
à leur manque de bien-être et
interrompent le traitement.
La perception du risque au Royaume-Uni
Une étude récente a comparé les perceptions du risque des adultes
sud-asiatiques atteints de diabète de type 2 vivant au nord-est
de l’Angleterre à celles des professionnels de la santé travaillant
dans la même région. Ces données ont été collectées par le biais
de séances de groupe rassemblant des spécialistes de la santé
des groupes ethniques, d’entretiens individuels avec des profes-
sionnels de la santé (médecins, personnel infirmier spécialisé et
diététicien) et des entretiens avec des hommes et femmes d’origine
sud-asiatique atteints de diabète de type 2. Les participants à
l’étude étaient aussi bien des Sud-asiatiques anglophones que non
anglophones et représentaient les trois principales communautés
de l’Asie du Sud installées au Royaume-Uni : les Bangladais, les
Indiens et les Pakistanais.
Résultats
L’étude a révélé qu’un certain nombre de questions influençaient
la perception du risque chez les personnes d’origine sud-asiatique
plus âgées atteintes de diabète : la perception du vieillissement,
la dynamique familiale, la culture, l’importance de la nourriture
(en particulier en termes d’hospitalité), les croyances relatives aux
causes du diabète, la perception de sa gravité et de sa visibilité,
le manque de visibilité des risques, la religion et les croyances
relatives à un contrôle extérieur sur la durée de la vie. Il a été
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Cette étude a abordé en partie la nécessité ‘d’examiner atten-
tivement la façon dont les décideurs politiques, les prestataires
de soins et les utilisateurs des services de santé comprennent et
gèrent les risques dans des contextes spécifiques’.5 Il faut espérer
que ces conclusions convaincront les prestataires de soins de la
nécessité de planifier et de développer des services destinés aux
personnes d’origine sud-asiatique atteintes de diabète résidant
au Royaume-Uni en tenant compte des aspects culturels. En outre,
la portée plus large de ces conclusions pour les communautés
migrantes vivant dans d’autres pays ne doit pas être négligée.
restrictions alimentaires, l’impossibilité de jeûner et d’observer
les pratiques religieuses et les offenses sociales telles que de
refuser de la nourriture (en particulier les sucreries) proposée
en signe d’hospitalité lors de la visite de membres de la famille
ou d’amis.
Les participants pensaient que les
médecins, les médicaments, la chance
et Dieu ‘s’occuperont’ de leur diabète.
Le contrôle
Tandis que les professionnels de la santé mettaient l’accent sur la
prise en charge autonome et la nécessité pour chacun d’assumer
la responsabilité de la gestion de son diabète, les participants
citaient des facteurs externes : leur médecin, les médicaments, le
destin, la chance et Dieu ‘s’occuperont’ de leur diabète.
Les obstacles
Il est intéressant de signaler qu’un certain nombre de profes-
sionnels de la santé ont souligné leur mauvaise compréhension
de la culture sud-asiatique. Les personnes atteintes de diabète
regrettaient le manque de professionnels de la santé d’origine
sud-asiatique dans les services de soins du diabète, notamment
pour discuter de leurs préoccupations en terme d’alimentation.
Certains estimaient également que les ressources n’étaient pas
réparties de façon égale en matière d’accès aux soins.
Certains professionnels de la santé ont
souligné leur mauvaise compréhension
de la culture sud-asiatique.
Conclusion
Il existe des interactions entre les connaissances médicales et
non médicales des risques, particulièrement pour les conditions
chroniques, où la promotion de la santé fait partie intégrante de
la prévention ou de la gestion de ces risques. Pour les personnes
d’origine sud-asiatique, les perceptions des risques associés au
diabète de type 2 sont liées à un éventail de facteurs différents,
notamment les influences culturelles sur le rôle des hommes et des
femmes, la vie de famille et l’importance de la nourriture et de
sa préparation. Les perceptions par les prestataires de soins des
risques associés au diabète sont influencées par leur approche
technique, rationnelle et une vision purement médicale de la
gestion des risques, basée sur une approche occidentale de la
nourriture et de la famille.
Leah Macaden
Leah Macaden est professeur en soins infirmiers médicaux et
chirurgicaux auprès du College of Nursing, Christian Medical
College, Vellore, Inde ; elle prépare un doctorat auprès de la
Northumbria University, Newcastle upon Tyne, Royaume-Uni.
Références
1 Census 2001. Her Majesty’s Stationery Office. London, 2001.
2 Abate N, Chandalia M. Ethnicity and type 2 diabetes: focus on
Asian Indians. J Diabetes Complications 2001; 15: 320-7.
3 Philips D. Diabetes due to early nutritional deficiencies.
Prac Diabetes Int 1995; 12: 8-10.
4 Williams JW. Chronic illness as biographical disruption or biographical
disruption as chronic illness? Reflections on a core concept.
Sociol Health Illn 2000; 22: 40-67.
5 Heyman B. Guest editorial: Risk analysis and health practice.
Health Risk Soc 1999; 1: 149-50.
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