Dossier
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Objectif Formation n° 66 | Mars 2016
Les machines se substituent au travail humain routinier plutôt
que de le compléter, aucune activité nouvelle susceptible
d’accueillir une main-d’œuvre nombreuse ne semble émerger7.
Tant est si bien que ces technologies n’auraient que peu d’inci-
dences sur nos vies en termes de prospérité, à nouveau a contra-
rio des précédentes révolutions industrielles qui avaient amélioré
notablement le confort matériel des familles.
Le « paradoxe numérique » est celui d’une séparation
entre innovation technologique, croissance
économique et progrès social.
Vers un nouveau projet de société ?
Le numérique a pris son essor dans un contexte politique
et économique particulier, celui de la mondialisation des
échanges et de la libéralisation nancière, qui permet de
produire n’importe où dans le monde et de lever instantané-
ment les capitaux nécessaires pour satisfaire l’appétit nancier
énorme du GAFA et consorts (pour investir en recherche et
développement, faire face à la concurrence ou encore régler
les contentieux sans faire faillite). Les transformations qui se
sont engagées ont bouleversé de nombreux équilibres, notam-
ment en matière de répartition des emplois et des richesses à
l’échelle mondiale. Le déploiement du numérique est porteur
d’une nouvelle phase de transition, dont les eets déstabilisants
vont solliciter les « amortisseurs sociaux » le temps d’engager
les adaptations nécessaires. En tirant le « l du numérique »,
ce sont ainsi de nombreuses questions d’ingénierie sociale qui
se posent, en matière de chômage, de formation de la jeunesse
ou encore de reconversion de la main-d’œuvre et des territoires
qui vivent des activités tertiaires en passe d’être automatisées,
et probablement relocalisées dans les métropoles au bénéce de
la dématérialisation qui n’implique plus la proximité physique.
Dans une société de chômage de masse structurel, de dicul-
tés croissantes d’insertion des jeunes sur le marché du travail
et d’alternances de périodes d’emploi et de chômage plus fré-
quentes, le salariat pourrait ainsi perdre du terrain au prot d’une
expansion du travail indépendant, facilité par l’intermédiation
des plateformes (à l’image des chaueurs Uber). Or, une baisse
du salariat (qui concerne près de 9 travailleurs de métropole
sur 10 n 2014, selon l’Insee) entraînerait dans son élan une
nécessaire révision de notre système de protection sociale, au
moins pour deux raisons. Premièrement, du fait des diérences
de nancement des régimes actuels, les salariés bénécient d’une
couverture plus avantageuse que les indépendants, qu’il s’agisse
de l’assurance chômage, de la retraite ou de la couverture maladie.
Et deuxièmement, parce que le nancement de la sécurité sociale
repose à près de 60 % sur les cotisations sociales prélevées sur
les salaires versés8.
La mise en place du Compte Personnel de Formation en 2014 et
les débats actuels autour du projet de Compte Personnel d’Ac-
tivité, qui devrait voir le jour en 2017, illustrent le mouvement
engagé par le Gouvernement pour accompagner la transition en
cours. En proposant de rattacher les droits sociaux (pénibilité,
chômage, formation professionnelle, etc.) non plus au statut de
salarié, mais au travailleur lui-même, ces mesures apportent un
premier niveau de réponse visant à mieux sécuriser les parcours
professionnels.
Par Alexandre Parment / GIP LorPM
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Quelques écoles dédiées à l’enseignement du code existent déjà : MJC La Cantine, l’École 42, L’Epitech, Simplon.co, Coder-Dojo, Coding goûters, ainsi que des
plateformes d’apprentissage en ligne, telles que code.org, codeacademy, open classrooms ou encore khan academy. Source : #Code, une rupture culturelle program-
mée, Stéphane Distinguin, in L’industrie notre avenir, Pierre Velt et ierry Weil (dir.), éd. Eyrolles, 2015.
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L’ordinateur Watson d’IBM permet d’ores et déjà d’établir des diagnostics médicaux pour la détection de certains cancers et de proposer le traitement adéquat en
fonction du prol du patient.
6 Les classes moyennes face à la transformation digitale, cabinet Roland Berger, octobre 2014.
7 Voir par exemple l’ouvrage de Daniel Cohen : Le monde est clos et le désir inni, éd. Albin Michel, 2015.
8 Source : Structure des recettes du Régime général de la Sécurité sociale en 2012, www.securite-sociale.fr.
Conclusion
Pour aller plus loin :
- À quoi rêvent les algorithmes, Nos vies à l’heure des big data, Dominique Cardon, éd. Seuil-La République des idées, 2015.
- La vie algorithmique. Critique de la raison numérique, Eric Sadin, Paris, éd. L’Échappée, 2015.
- Pour tout résoudre cliquez ici. L’aberration du solutionnisme technologique, Evgeny Morozo, éd. FYP, 2014.
- Bienvenue dans le capitalisme 3.0, Philippe Escande et Sandrine Cassini, éd. Albin Michel, 2015.
- Ambition numérique, Rapport du Conseil National du Numérique remis au Premier ministre le 18 juin 2015.