Groupe de recherche interdisciplinaire en santé Secteur santé publique Faculté de médecine Analyse du risque associé au déploiement d'un dossier patient partageable Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable L'expérimentation d'un dossier patient électronique au sein d'un réseau de soins intégrés Étude comparée de la collaboration interorganisationnelle et de ses effets : Claude Sicotte Guy Paré André Paccioni Pascale Lehoux R05-03 Février 2005 Dépôt légal – 1er trimestre 2005 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISBN 2–921954–87–7 ANALYSE DU RISQUE ASSOCIÉ AU DÉPLOIEMENT D'UN DOSSIER PATIENT PARTAGEABLE Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable L'expérimentation d'un dossier patient électronique au sein d'un réseau de soins intégrés Claude Sicotte 1 , PhD Guy Paré 2 , PhD André Paccioni 1 , PhD Candidat P a sca l e L e h o u x 1 , PhD (1) Département d’administration de la santé & Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS) Université de Montréal (2) Chaire de recherche du Canada en TI dans le secteur de la santé HEC Montréal Septembre 2004 TABLE DES MATIÈRES 1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2. Description du projet vitrine de Dossier Patient Partageable (DPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2.1 Le cœur du projet : un entrepôt de données cliniques intra et interorganisationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 2.2 L'infrastructure technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 2.3 L'échéancier du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 3. Analyse de l'utilisation du Dossier Patient Partageable pendant la phase de pilotage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6 3.1 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital Ste-Justine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7 3.2 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital St-Eustache . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 4. Analyse du risque associé au déploiement du Dossier Patient Partageable (DPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 4.1 Présentation du modèle d'analyse du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 4.2 Analyse du risque associé au projet vitrine de DPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 4.2.1 Analyse du risque technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 4.2.1.1 4.2.1.2 4.2.1.3 4.2.1.4 Réseau de télécommunications interorganisationnelles Qualité et pérennité de la solution informatique de DPP Performance technique – Temps-réponse du DPP Intégration du DPP aux systèmes patrimoniaux sources 4.2.2 Analyse du risque humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 4.2.2.1 4.2.2.2 4.2.2.3 Attentes des médecins lors de la phase de pré-pilotage du DPP Satisfaction des utilisateurs du DPP lors de la phase de pilotage Impact de deux stratégies classiques de minimisation du risque 4.2.3 Analyse du risque organisationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 4.2.3.1 4.2.3.2 Double source informationnelle Un DPP : un système interorganisationnel ou intraorganisationnel? 4.2.4 Analyse du risque managérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 4.2.4.1 4.2.4.2 4.2.4.3 Taille et qualité de l'équipe de gestion Volatilité des acteurs clés Influence externe et escalade de la complexité du projet 4.2.5 Analyse du risque stratégique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21 4.2.5.1 4.2.5.2 4.2.5.3 Stratégies organisationnelles individuelles et stratégie collective du réseau Stratégies commerciales des partenaires privés L'après-projet 4.2.6 Analyse du risque légal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 4.2.6.1 4.2.6.2 Architecture technologique et droit Gestion du consentement et accumulation de données cliniques 5. Conclusion – Sommaire exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 1. Introduction E n janvier 2001 débutait un projet d'expérimentation d'un nouveau système d'information et de communication au sein d'un réseau d'organisations de santé partenaires comprenant un Centre hospitalier universitaire pédiatrique, les départements de pédiatrie de deux hôpitaux de soins aigus spécialisés pour adultes et enfants ainsi que quatre cliniques médicales pédiatriques. L'objectif de ce projet était «d'expérimenter l'intégration de données cliniques pour améliorer le suivi des patients et être capable d'offrir les soins appropriés, au moment opportun et aussi près que possible des patients, le tout à un coût le plus efficace possible». L'infrastructure technologique permettant l'intégration des données cliniques de ce réseau repose sur une solution proposée par la compagnie IBM : le système Health Network Solution (HNS). Ce système est une solution d'intégration électronique pour le domaine de la santé qui permet de fusionner en une base unique de données, les données de systèmes hétérogènes tels les systèmes de laboratoire, les systèmes d'admission, les systèmes de radiologie et les systèmes de transcription de notes médicales. En marge de ce projet, une recherche évaluative a été menée de manière à produire une information utile apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et technologiques associés au fonctionnement du Dossier Patient Partageable (DPP) lors de la phase de pilotage du nouveau dispositif. Les connaissances produites visent à éclairer les décisions futures du déploiement d'un DPP à plus large échelle au sein du système de santé québécois. Ce document présente le troisième et dernier rapport de cette recherche. Il comporte trois sections. Une première section présente les principales caractéristiques de ce projet vitrine d'expérimentation d'un Dossier Patient Partageable (DPP). La seconde section dresse le portrait de l'utilisation du DPP lors de la phase de pilotage du système. La phase de pilotage visait un déploiement à petite échelle auprès d'un nombre réduit de médecins / utilisateurs volontaires qui ont accepté d'utiliser le DPP dans leur pratique médicale régulière pendant quelques mois. Finalement, la troisième section, le centre de ce rapport, présente une analyse du risque du projet de DPP. Cette analyse, menée autour de six catégories de risques spécifiques à ce type de projet, permet de comprendre les facteurs qui favorisent ou nuisent au succès de la gestion de tels projets. Cette analyse du risque permet de tirer des leçons fort utiles qui pourront aider les équipes responsables du déploiement à plus large échelle d'un tel système. 2. Description du projet vitrine de Dossier Patient Partageable (DPP) Le projet vitrine de Dossier Patient Partageable est un projet d'expérimentation qui visait à déployer un dossier patient électronique partagé au sein d'un réseau d'établissements offrant des soins maternaux-infantiles de 1ere, 2e et 3e lignes. Ces établissements sont un CHU pédiatrique, l'Hôpital Ste-Justine ; les départements de pédiatrie de deux hôpitaux de soins généraux spécialisés adultes et pédiatriques, les hôpitaux St-Eustache et Cité de la santé de Laval, situés au nord de Montréal ; ainsi que quatre cliniques médicales spécialisées en soins pédiatriques où pratiquent des pédiatres associés aux hôpitaux St-Eustache et Cité de la santé. 2.1 Le cœur du projet : un entrepôt de données cliniques intra et interorganisationnel Le but de ce projet était l'opérationnalisation et le déploiement d'un dossier médical électronique intégrant des données cliniques provenant des établissements participants. Cette solution informatique vise à surmonter les contraintes usuelles en matière de gestion et de communication de l'information clinique associées au dossier médical de format papier. Le caractère novateur du présent projet est de proposer un dossier patient développé sur la base d'un concept récent en système d'information : l'entrepôt de données (Data Warehouse). Cette solution offre plusieurs avantages aux plans informationnel et communicationnel. Le principal permet de mettre à profit le potentiel des technologies issues de l'Internet afin de s'affranchir des barrières spatiales usuelles présentes entre des services d'une même organisation ou d'organisations différentes. Cette solution surmonte l'incompatibilité existant entre des systèmes informatiques différents. Elle permet la récupération des données produites et stockées sur les systèmes informatiques patrimoniaux existants et leur intégration au sein d'une base de données unique, l'entrepôt de données. Ainsi, grâce à des réseaux de télécommunications sécurisées, la communication rapide des données cliniques entre des lieux de soins différents peut être réalisée sans contraintes de distance. Le DPP peut donc être utilisé comme un dossier centralisé et partagé donnant accès aux dossiers des patients d'établissements différents. Ce dossier partagé permet alors aux médecins, aux professionnels de la santé et au personnel administratif autorisés de consulter les données cliniques du patient en temps réel et à distance. Appliqué à un contexte de soins hospitaliers et ambulatoires, 3 ce dispositif permet à des équipes localisées en des sites différents de consulter, en utilisant les systèmes informationnels qui leur sont familiers, des données cliniques d'un même patient saisies et entreposées sur un support informatique commun:l'entrepôt de données cliniques. Pour le lecteur intéressé, il est possible de consulter le premier rapport de recherche évalutative réalisé au début du projet vitrine qui permet de comprendre en détails la logique à la base du déploiement d'un DPP (Sicotte et coll., 2002). Il convient de souligner deux caractéristiques importantes du système d'entrepôt de données choisi pour le projet vitrine. Premièrement, la solution informatique choisie est un système générique de DPP. Cette solution peut donc être généralisée à tout genre de données médicales, notamment les médicaments. Dans le cadre du projet vitrine, un sous-ensemble des données cliniques a été retenu de manière à réduire la complexité du projet. Lors d'éventuels déploiements, il sera alors possible d'étendre la gamme des données cliniques. Deuxièmement, la solution informatique choisie opère à partir de données numériques. Cette solution technologique se démarque d'une autre solution populaire:la numérisation qui permet de produire par copie numérique des images électroniques des données cliniques disponibles sous format papier dans le dossier médical traditionnel. Grâce à la numérisation, il est possible, à distance, à partir d'un poste informatique, de rechercher et de consulter rapidement les données cliniques préalablement copiées numériquement. La manipulation de ces données numérisées est toutefois limitée car les données demeurent des images de documents papier. Il est impossible d'effectuer des opérations informatiques sur les données cliniques. La solution HNS repose, quant à elle, sur le traitement de données numériques, capturées à la source, directement à partir de systèmes informatiques patrimoniaux disponibles dans les établissements participants. Les données numériques bénéficient du plein potentiel offert par l'informatisation et possèdent un avantage important sur des données numérisées. Chaque donnée peut être traitée individuellement mettant alors à profit toute la puissance de calcul et de traitement des données de l'informatique. Une série d'avantages importants découle de cette capacité : • Validation informatique automatisée des données assurant la qualité de l'information • Transformation informatique améliorant la présentation visuelle de l'information • Utilisation d'opérations mathématiques pour produire divers types d'analyses statistiques et comparatives utiles à des fins cliniques ou administratives • Analyse de contenu de manière à fournir automatiquement et en temps réel des avis ou conseils au personnel clinique : les aviseurs cliniques • Analyse de contenu en temps réel permettant la surveillance d'évènements pouvant représenter une menace pour les patients comme le contrôle des allergies et des interactions médicamenteuses. En somme, des données numériques permettent de tirer le plein potentiel de l'informatique en matière de traitement et d'analyse de l'information pour soutenir les professionnels dans leur processus de décision clinique (Ahmad et coll., 2002 ; Bates et coll., 2001 ; Bates & Gawande, 2003; Lee et coll., 1996). Les systèmes de données numérisées sont beaucoup moins aptes à fournir ces avantages. Dans cette perspective, le projet vitrine de DPP s'est fixé à plus long terme, en situation de déploiement permanent à large échelle, une série d'objectifs ambitieux. Ces objectifs sont au nombre de cinq : 1. Favoriser l'échange d'information entre les différentes organisations prestataires de soins de santé dans le but d'améliorer le continuum de soins 2. Améliorer la présentation des données sur la santé des patients et les interventions, à l'échelle de la communauté médicale 3. Diminuer la redondance en matière d'examens de laboratoire, en facilitant l'accès aux diagnostics et ainsi diminuer les coûts 4. Diffuser l'information via des protocoles de soins afin de promouvoir l'adoption de normes 5. Faciliter la prestation du niveau de soins adéquat, au bon endroit et en temps opportun, avec les informations exactes. Il importe de souligner que la présente évaluation ne permet pas de vérifier la réalisation de tels objectifs dans la mesure où le projet vitrine visait une expérimentation limitée du DPP. Ce dernier a été en effet déployé sur une petite échelle et sur une courte période de quelques mois, sans garantie quant à la pérennité future du projet. L'évaluation a en fait porté sur deux moments névralgiques au déploiement d'un tel dispositif : (a) la phase de pré-implantation qui porte essentiellement sur la paramétrisation technique et organisationnel du DPP à des établissements de santé différents et la planification des liens de collaboration entre ces établissements; et, (b) la phase initiale de pilotage du DPP en contexte réel auprès d'un nombre réduit de médecins / utilisateurs. 4 2.2 L'infrastructure technologique Le cœur d'un système de DPP est le logiciel utilisé par les médecins et le personnel associé pour consulter et gérer les informations cliniques. L'application informatique, retenue à titre de DPP, était un logiciel développé par une firme spécialisée en technologies de l'information : le système HNS (Health Network Solution) développé par la firme IBM. Les composantes principales du système HNS sont : • Un index patient maître. Cet index permet d'identifier parmi tous les établissements de santé participant chaque patient par un numéro d'identification unique éliminant les doublons. Il offre également un outil de recherche permettant le recours à plusieurs autres paramètres, comme la date de naissance, pour identifier les patients. • Un dictionnaire d'entités médicales. Ce dictionnaire constitue une des pièces maîtresses de la solution HNS. Il agit comme un filtre permettant la normalisation des appellations et des valeurs entre des établissements différents. • Des interfaces techniques. Ces interfaces permettent le transfert automatisé des données produites par les systèmes patrimoniaux existants–radiologie (RIS), laboratoires, admissions, transcriptions – vers l'entrepôt de données de HNS. • Des fonctions de sécurité. Ces fonctions permettent d'appliquer des règles de confidentialité et de protection de l'information dont l'authentification des utilisateurs et le contrôle des profils d'accès et d'utilisation (journal informatisé ou log book). • Des fonctions administratives. Ces fonctions assurent le traitement des épisodes de soins, l'enregistrement des nouveaux patients, la vérification de l'admissibilité, ... • La gestion des références. Cette fonction permet de diriger un patient vers un spécialiste tout en faisant suivre à ce médecin les données cliniques pertinentes. • La communication des documents cliniques. Cette fonction consiste à acheminer les nouveaux résultats de tests de laboratoire ou radiologie au médecin traitant sitôt qu'ils sont disponibles sur HNS. • Les données cliniques. La présentation des données peut être personnalisée en fonction du rôle de l'utilisateur du système. • Un système de gestion du consentement du patient. Ce système vise à obtenir l'accord du patient quant à l'intégration et l'échange d'informations cliniques le concernant entre les partenaires du réseau. Au niveau de l'équipement informatique, un environnement partagé a été mis en place entre les établissements participants. Cet environnement comprend un serveur de configuration, un serveur de test, un serveur de formation, un serveur de production et une unité de prise de copie. Au plan logiciel, des engins d'interface techniques, basés sur le protocole de communication standard HL7 font le pont entre les applications réseau de HNS et les systèmes patrimoniaux maisons des établissements, les systèmes sources qui fournissent les données cliniques. Dans le cadre de l'expérimentation du DPP, un sous-ensemble des données cliniques contenues dans le dossier médical traditionnel a fait l'objet d'une inclusion dans le dossier électronique. Aux fins du projet vitrine, la solution HNS visait à permettre la diffusion aux médecins/utilisateurs des données-patients suivantes: • Données démographiques du patient et historique de visites aux établissements participants • Rapports de laboratoires • Rapports médicaux transcrits dont la note sommaire • Rapports d'examens d'imagerie médicale provenant du système PACS de l'Hôpital Ste-Justine. Au plan du financement, la firme IBM Canada Ltée a investi dans le projet l'équivalent du prix de la licence de sa solution informatique HNS. Le Ministère de la santé et des services sociaux du Québec investissait, quant à lui, 11 millions de dollars, pour financer la réalisation du projet incluant principalement l'achat de l'équipement et la rémunération des informaticiens d'IBM et de son personnel cadre. La rémunération du personnel des établissements participants, cadres, professionnels de la santé et autres, provenait des budgets réguliers de ces établissements. 2.3 L'échéancier du projet L'échéancier initial du projet prévoyait une durée totale de 28 mois et une date de fin d'expérimentation en juin 2003. Cet échéancier a été prolongé de 12 mois suite, notamment, à des retards subis dans le développement des interfaces techniques asssurant le transfert des données cliniques des systèmes d'informations patrimoniaux vers l'entrepôt de données de HNS. 5 Le projet s'est déroulé selon six phases. La première phase, l'analyse des données, s'est déroulée au printemps 2001. La seconde phase, l'analyse fonctionnelle, s'est étalée sur l'été et l'automne 2001. La phase suivante, dédiée à la configuration du système, notamment l'élaboration du dictionnaire d'entités médicales, fut menée pendant l'année 2002. La quatrième phase, une phase de test et de configuration de la solution HNS, se déroula au printemps 2003. L'été et l'automne 2003 furent consacrés à la phase d'implantation technique. Cette période permit l'installation des postes de travail destinés aux utilisateurs ainsi que la formation des formateurs, du personnel d'assistance et des utilisateurs. Finalement, la phase de pilotage qui marque la fin de l'expérimentation et qui devait initialement compter 3 mois a été prolongée de 4 mois supplémentaires pour favoriser une meilleure appropriation du nouveau système par les utilisateurs / médecins. Pendant cette dernière phase, un petit nombre d'utilisateurs volontaires ont accepté d'utiliser l'application HNS en contexte réel. La liste des 39 médecins / utilisateurs était constituée de 22 médecins de l'Hôpital Ste-Justine, des 10 pédiatres de l'hôpital Cité de la santé et des 7 pédiatres de l'hôptial St-Eustache. Parmi les 17 pédiatres des deux derniers hôpitaux, 8 étaient également associés aux 4 cliniques médicales participant au projet vitrine. Les 22 médecins du CHU se répartissaient de la façon suivante : 13 médecins urgentistes travaillant à l'urgence, 7 chirurgiens (2 en chirurgie générale, 2 en urologie et 3 des services d'orthopédie, d'ORL et de chirurgie plastique), 1 pédiatre de médecine des adolescents et 1 pédiatre responsable de l'enseignement universitaire. Un deuxième système informatique névralgique pour la conduite de ce projet vitrine fut le système permettant de gérer le consentement des patients à participer au projet vitrine. Il a été décidé d'utiliser un système informatique autonome, indépendant de la solution HNS, pour effectuer la gestion du consentement des patients invités à participer au projet. La livraison d'une version opérationnelle de ce système de gestion du consentement a pris du retard et ne fut livrée que le 3 juin 2003, date tardive qui a marqué le début officiel du recrutement de patients qui acceptaient que les données cliniques les concernant soient transférées à l'entrepôt de données HNS. C'est donc à partir de ce moment tardif qu'a débuté l'accumulation des données cliniques dans l'entrepôt de données HNS ; c'est-à-dire à peine 4 mois avant le début de la phase de pilotage. Les médecins participant à la phase de pilotage du DPP, qui a démarré à la fin novembre 2003, n'ont donc pu consulter des données historiques qui ne remontaient qu'à quelques semaines. Il faut également indiquer que la livraison des interfaces techniques n'était pas encore achevée à cette époque à l'hôpital St-Eustache entraînant un retard supplémentaire dans l'accumulation des données cliniques. 3. Analyse de l'utilisation du Dossier Patient Partageable pendant la phase pilotage Dans ce chapitre, nous analysons l'utilisation du DPP observée parmi les 39 médecins s'étant porté volontaires à son expérimentation. Il s'agit ici d'analyser dans quelle mesure les médecins se sont appropriés ce nouvel outil informatique et d'en décrire l'usage. Dans le chapitre suivant, l'analyse visera à identifier les facteurs organisationnels, professionnels et techniques qui expliquent le niveau d'utilisation observé de manière à mieux cerner les conditions d'usage viable de cette technologie. La fréquence d'utilisation du DPP a été établie grâce aux données fournies par le journal de bord informatisé du DPP. Ce journal de bord est un mécanisme d'archivage automatisé qui note systématiquement l'identité des personnes accédant au DPP (login, logout) ainsi que les actions posées par chaque utilisateur, notamment le nombre de dossiers consultés et la nature des informations consultées dans chaque dossier. Cette mesure de l'utilisation est donc objective et systématique tout en étant peu intrusive ; ce qui en fait une excellente mesure de l'utilisation d'un système informatisé. Cette information est précieuse car elle permet de connaître précisément l'utilisation du système informatisé et la progression de l'adoption pendant le déroulement de la phase de pilotage. La phase de pilotage du DPP s'est déroulée pendant une période de 7 mois, du 28 novembre 2003 au 30 juin 2004 et, malheureusement, ce ne sont pas tous les médecins initialement identifiés qui ont participé. Seule une portion des médecins de l'Hôpital Ste-Justine a pu participer à la période complète de 7 mois. Plus de la moitié des médecins, à savoir les 13 médecins de l'urgence, ont attendu l'amélioration de fonctionnalités du système avant de commencer l'utilisation du DPP à la fin mars 2004. De même, la participation des pédiatres de l'hôpital St-Eustache a débuté avec quatre mois de retard, le 3 avril 2004, compte tenu de l'implantation tardive des interfaces techniques permettant le transfert des données de leurs systèmes de laboratoire. Et finalement, les médecins de l'hôpital Cité de la santé, quant à eux, n'ont pas pu expérimenter le nouveau système informatisé car les services informatiques de l'hôpital n'ont pu assurer l'implantation locale du système HNS, compte tenu de la surcharge de travail entraînée par la réalisation concomitante de plusieurs projets informatiques. 6 3.1 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital Ste-Justine Le Tableau 1 présente une série d'indicateurs décrivant l'utilisation du DPP à l'hôpital Ste-Justine pendant la phase de pilotage. Les indicateurs ont été calculés et sont présentés sur une base hebdomadaire. Le Tableau 1 présente pour chaque mois à l'étude les moyennes de ces indicateurs. La lecture de ces résultats permet de suivre la progression du niveau d'utilisation pendant le cours de l'expérimentation en terme du nombre de médecins utilisateurs et du nombre de fois qu'ils ont utilisé le DPP dans une semaine. Sur l'ensemble de la période de 7 mois, le nombre moyen hebdomadaire de médecins utilisateurs du DPP a été de 7 médecins ; ce qui représente un tiers des 22 médecins ayant initialement accepté de participer à l'expérimentation. Lors du dernier mois d'observation en juin 2004, le pourcentage des médecins de l'Hôpital Ste-Justine ayant utilisé le DPP atteignait 39 %. Le nombre hebdomadaire de médecins utilisateurs a atteint un maximum de 11 (50 % des médecins participants). Pour la même période, le nombre moyen d'accès hebdomadaire par médecin utilisateur de l'Hôpital Ste-Justine a été 3. Parmi les 22 médecins utilisateurs pressentis pour la phase de pilotage à l'hôpital Ste-Justine, 7 n'ont jamais utilisé le DPP, 2 l'ont utilisé une seule fois et 13 l'ont utilisé de façon régulière. Cette utilisation peut être qualifiée de modeste tant au plan du nombre de médecins que de l'intensité de leur utilisation calculée par la fréquence des dossiers consultés. Il est vrai que la capacité d'utiliser HNS comme un DPP était fortement handicapée, compte tenu du retard pris à l'Hôpital St-Eustache pour l'alimentation de l'entrepôt de données et l'absence complète du troisième hôpital, Cité de la santé. Afin de pallier à cet imprévu, l'équipe de gestion de projet a décidé de rendre disponible aux médecins de l'Hôpital Ste-Justine tous les résultats de laboratoire produits à l'hôpital. Dans ces cas, le consentement du patient via le nouveau système informatique n'était pas nécessaire ; ce qui a permis de rendre accessible aux médecins de l'Hôpital Ste-Justine via le DPP un nombre important de résultats maisons. Le Tableau 1 rapporte le volume hebdomadaire de résultats de laboratoires ainsi versés dans l'entrepôt de données du DPP ainsi que le nombre de patients concernés. Le volume hebdomadaire moyen était de 5824 résultats pour un nombre moyen de 1124 patients. Un tel volume de données montre que le DPP contenait une quantité appréciable d'informations pouvant intéresser les médecins participants même si ces informations concernaient rarement des données de patients traités dans un autre établissement. En théorie, cette information « interne » pouvait intéresser tout particulièrement les 13 médecins participants pratiquant à l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine. L'accès rapide aux résultats de laboratoire est un élément clé pour accélérer la prise de décision médicale à l'urgence. Malheureusement, ces médecins n'ont pas voulu utiliser le DPP lors des premières semaines de la phase de pilotage. Le système était alors jugé peu utile pour la pratique médicale d'urgence dans la mesure où la mise à jour des données de résultats de laboratoires n'était pas automatique et continue. Une mise à jour continue est particulièrement importante à l'urgence où les médecins attendent le résultat de tests avant de prendre une décision finale sur la gestion des cas. En l'absence d'une telle fonction, la seule option offerte aux médecins pour obtenir des résultats récents était de fermer complètement leur session de travail et de se rebrancher à nouveau au système. Cette solution impliquait une perte de temps entraînée par la nécessité de se resoumettre aux mesures Tableau 1 : Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital Ste-Justine entre le 28 novembre 2003 et le 1er juillet 2004. Déc. 2003 Janv. 2004 28/11 au 18/12 2/1 au 29/1 Fév. 2004 30/1 au 26/2 Mars 2004 27/2 au 1/4 Avril 2004 2/4 au 29/4 Mai 2004 30/4 au 27/5 Juin 2004 28/5 au 1/7 Moyenne hebdomadaire Nombre hebdomadaire de médecins utilisateurs 7,7 4,5 6,3 5,3 10,5 8,3 8,6 6,9 Pourcentage de médecins utilisateurs par semaine 35 % 21 % 22 % 24 % 48 % 38 % 39 % 32 % Nombre moyen d'accès hebdomadaire à des dossiers DPP par médecin utilisateur 2,3 3 2,9 2,9 3 3,3 3,8 3 Nombre moyen de patients pour lesquels des résultats de laboratoires ont été émis 1 055 1 087 972 1 286 1 095 1 118 1 196 1 124 Nombre moyen de résultats de laboratoires reçus 3 232 3 261 3 015 8 065 7 034 7 118 7 511 5 824 Note : Deux semaines à la période de Noël (19 et 26 décembre) ont été retirées du calcul des indicateurs compte tenu de cette période d'activités particulière et du très faible usage du DPP à cette époque. 7 de sécurité (identifiant et mot de passe). Cette option, peu adaptée au rythme de travail de l'urgence, explique le délai dans l'utilisation de ce groupe de médecins qui représentait plus de la moitié des médecins participant à la phase de pilotage. Le développement de cette fonction de mise à jour continue des données, n'avait pas été prévu lors de la phase de planification du système et a donc été réalisé pendant la phase de pilotage. La nouvelle fonction a été mise en activité à la fin du mois de mars 2004, alors que plus de la moitié de la phase de pilotage était écoulée. Tableau 2 : Intensité de l'utilisation du DPP à l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine d'avril à juin 2004. Avril 2004 26/3 au 29/4 Mai 2004 Juin 2004 30/4 au 27/5 28/5 au 1/7 Moyenne hebdomadaire Nombre hebdomadaire de médecins de l'urgence utilisateurs 6 4,3 5,2 5,2 Pourcentage de médecins de l'urgence utilisateurs par semaine 50 % 36 % 43 % 43 % Nombre moyen d'accès hebdomadaire à des dossiers DPP par médecin de l'urgence utilisateur 4,1 3,9 4,8 4,3 Tableau 3 : Intensité de l'utilisation du DPP par le personnel clérical des quatre cliniques médicales de mars à juin 2004. Nombre hebdomadaire de cliniques utilisant le DPP Mars 2004 5/3 au 25/3 Avril 2004 26/3 au 29/4 Mai 2004 Juin 2004 Moyenne 30/4 au 27/5 28/5 au 1/7 hebdomadaire 2,3 3,6 3,5 3,4 3,4 Le Tableau 2 présente l'utiPourcentage de cliniques lisation du DPP observée chez 68 % 90 % 88 % 85 % 82 % utilisant le DPP par semaine les médecins de l'urgence pour les 3 derniers mois de la phase Nombre moyen d'accès de pilotage alors que la mise à hebdomadaire à des dossiers 2,3 4,5 6,5 7 5,3 DPP par clinique jour des données se réalisait automatiquement. Durant cette période, le service de l'urgence a cette utilisation qui a la particularité d'avoir été exercée enregistré un nombre moyen de médecins utilisateurs par du personnel de bureau plutôt que par les médecins de 5 médecins alors que l'accès hebdomadaire moyen eux-mêmes. L'intérêt pour ce personnel–et les médecins par médecin utilisateur s'élevait à 4,3 accès. pratiquant dans ces cliniques–était d'obtenir rapidement les résultats disponibles à l'Hôpital St-Eustache sans devoir attendre et subir les délais associés au système traditionnel de transmission par télécopie et courrier régulier. Un tel avantage s'inscrit précisément dans le type de bénéfice que vise à offrir un DPP. L'utilisation, mesurée par le nombre L'utilisation du DPP à l'Hôpital St-Eustache fut hebdomadaire de cliniques ayant recours au DPP, a été très réduite. Seul un pédiatre a occasionnellement utilisé très élevée (82%) quoique la fréquence d'accès a été plus le système HNS et ce, de façon très irrégulière. Il faut modeste s'établissant à 5,3 accès par semaine par clinique. reconnaître que, d'une part, le DPP a été mis en fonction tardivement au début du mois de mars 2004 et que, d'autre part, les pédiatres ont accès à une autre solution informatique qui leur fournit des résultats de laboratoire et ce pour une plus longue période historique. L'Hôpital St-Eustache possède effectivement un autre système de dossiers patients électroniques numérisés. Ce système est apprécié et utilisé par le corps médical Le chapitre précédent a permis d'apprécier le niveau de l'hôpital. Cette situation a diminué l'attrait du nouveau d'utilisation du DPP observé lors de la phase de pilotage. DPP qui offrait un faible horizon temporel et peu de Cette phase, précédant un éventuel déploiement à large données cliniques provenant des autres établissements, échelle, est névralgique car elle a permis d'analyser compte tenu du nombre de patients ayant donné leur les facteurs qui ont eu une influence, positive ou négative, consentement aux transferts des données les concernant sur la volonté et la capacité des utilisateurs à adopter dans le système HNS. le nouveau système informatisé. Cette analyse offre une série de leçons importantes qui doivent être prises Ce sont en fait au sein des quatres cliniques en compte si on veut assurer la prérennité future du DPP médicales qu'a pu être observée une utilisation plus et l'atteinte des bénéfices recherchés. significative du système HNS. Le tableau 3 présente 3.2 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital St-Eustache 4. Analyse du risque associé au déploiement du Dossier Patient Partageable 8 Cette analyse du risque a porté sur la durée complète de réalisation du projet vitrine depuis les tous débuts en 2001 jusqu'à la fin de la phase de pilotage en juin 2004. Une analyse du risque en matière de technologies de l'information vise un double objectif : d'abord, poser un diagnostic sur la nature des risques auxquels le déploiement du noveau système est confronté; et ensuite, identifier des stratégies efficaces pour en assurer l'adoption par les utilisateurs et l'atteinte des bénéfices visés. Le choix de cette perspective analytique repose sur la conviction que la qualité de la gestion du changement organisationnel demeure un facteur névralgique au déploiement des nouvelles technologies de l'information dans les organisations (Orlikowski et Hofman, 1997 ; Harrington et coll., 2000; Paré, 2002). Devant la complexité de conduite de tels projets, particulièrement dans les organisations de santé, il est important de bien comprendre le rôle des facteurs névralgiques influençant le déploiement d'une solution technologique comme le DPP de manière à s'assurer que ces facteurs sont adéquatement pris en compte en fonction de la technologie et du contexte. En cette matière, la gestion du risque demeure une approche reconnue dans le domaine des systèmes d'information (Barki et coll., 2001). 4.1 Présentation du modèle d'analyse du risque les réactions des utilisateurs face à la nouvelle technologie, les caractéristiques de l'organisation du travail où doit s'insérer la technologie, la qualité de la gestion du projet, les enjeux stratégiques et politiques et finalement les aspects légaux. Selon cette perspective d'analyse du risque, le succès du déploiement d'une nouvelle technologie, comme le DPP, réside en la capacité à mettre en place des stratégies de déploiement adaptées et dosées en fonction de la nature des risques associés au projet de manière à minimiser l'impact potentiel des risques identifiés. Formellement, les six types de risque pris en compte dans notre analyse du risque sont les suivants : 1. Le risque technologique est lié aux caractéristiques technologiques, tant au niveau de l'équipement que des logiciels, du nouveau dispositif déployé. 2. Le risque humain découle des réactions des usagers face à la technologie. 3. Le risque organisationnel résulte de la qualité de l'alignement entre les caractéristiques de la technologie et de l'organisation du travail clinique. 4. Le risque managérial est associé à la qualité de la gestion du projet. 5. Le risque stratégique est lié aux intérêts des Notre grille d'analyse du risque se veut complète différents partenaires internes et externes impliqués et spécifique. Elle est complète car elle permet d'estimer dans le projet. tous les risques significatifs représentant une importance névralgique au déploiement des technologies de l'infor6. Le risque légal découle des valeurs et règles mation, tel le DPP, au sein des organisations de santé. en vigueur quant à la diffusion, la sécurité et la confiElle est spécifique car chaque risque est analysé indidentialité des données. viduellement et minutieusement de manière à pouvoir élaborer Figure 1 : Modèle d'analyse du risque un ensemble de stratégies palliatives qui sauront minimiser chacun de ces risques et assurer le succès Risque légal du projet. Notre grille d'analyse Risque stratégique comporte six risques différents Risque managérial organisés en couches successives de zones d'incertitude prenant Risque organisationnel leur assise au coeur technologique Risque humain du projet pour ensuite englober successivement les autres types Risque technologique de risque. Le premier type de risque concerne la technologie elle-même. Puis, suivent selon un ordre progressif, du coeur du projet vers sa périphérie, cinq autres types de risques. Ces autres risquent concernent dans l'ordre 9 A priori, il n'y a pas un type de risque qui soit plus important que les autres. L'acuité des risques est contextuelle en ce sens qu'elle est fonction de la technologie et de l'environnement organisationnel au sein duquel la technologie est déployée. 4.2 Analyse du risque associé au projet vitrine de DPP 4.2.1 Analyse du risque technologique Les enjeux technologiques sont au cœur d'un projet de déploiement de Dossier Patient Partageable dans la mesure où un tel dossier médical électronique est une nouvelle technologie de l'information qui représente une innovation technologique importante pour les organisations de santé. De surcroît, cette innovation vise une fonction névralgique: la production des soins. En effet, un DPP vise à améliorer l'accessibilité aux soins, leur coordination et leur continuité ; et ce dans les situations où le patient consulte plusieurs intervenants différents. La réalisation de ces bénéfices implique une solution technologique très novatrice pour les organisations de santé. Cette innovation vise à fusionner des capacités informatiques à des capacités communicationnelles, propres aux Technologies de l'Information (TI), afin d'améliorer la circulation de l'information clinique entre plusieurs organisations de santé. Le DPP doit donc pouvoir compter sur une architecture informatique en matière de données cliniques suffisamment développée à la fois à l'intérieur de chacune des organisations de santé appelées à partager des données et au niveau du réseau de télécommunication réunissant ces organisations. Dans les paragraphes qui suivent, nous analysons la nature du risque technologique observé pendant le déroulement du projet vitrine et nous apprécions les stratégies adoptées pour y faire face. Nous rappelons que l'intérêt n'est pas simplement de statuer ce qui a bien fonctionné ou non. Le véritable intérêt est de tirer des leçons utiles de l'expérimentation et de proposer des stratégies aptes à favoriser le succès d'un déploiement à large échelle. Selon cette perspective, notre analyse nous a permis d'identifier quatre risques significatifs dont nous allons maintenant présenter les différents éléments et la gravité. 4.2.1.1 Réseau de télécommunications interorganisationnelles Un dossier patient partageable nécessite le recours à un réseau de télécommunications à haut débit, fiable, stable et sécuritaire afin d'assurer le transfert d'informations entre des établissements différents. En cette matière, le projet a bénéficié d'un atout important : la présence d'un Intranet sécurisé et fonctionnel, le RTSS (Réseau de Télécommunications Socio-Sanitaire). Il s'agit d'un intranet propriétaire, sécurisé, desservant exclusivement les établissements de santé du Québec. Ce système existe depuis quelques années et son fonctionnement est maintenant bien rodé. Par contre, il s'agit d'un réseau public qui exclut, jusqu'à maintenant, les cliniques médicales qui sont vues comme des organisations externes. Un lien fonctionnel et sécurisé entre les cliniques médicales participantes et le RTSS a donc dû être établi. Cette responsabilité, confiée à des founisseurs d'Internet commerciaux, ne représente pas une augmentation significative du risque dans la mesure où la technologie (Bastion protégé et réseau VPN (Virtual Private Network)) est connue et fiable et qu'elle a déjà été utilisée dans le cadre du RTSS pour des projets similaires. 4.2.1.2 Qualité et pérennité de la solution informatique de DPP Le marché commercial des solutions informatiques en matière de dossier médical électronique et de DPP n'est pas encore un marché mature. Plusieurs solutions existent sur le marché. Elles sont à des stades de recherche et développement (R&D) plus ou moins avancés et plusieurs solutions ont été abandonnées par le passé. Le choix d'un DPP représente donc une décision risquée. Dans le cadre du projet vitrine, le choix de la solution HNS fut un choix initial judicieux minimisant le risque technologique normalement associé à ce type de projet. Plusieurs facteurs militaient en faveur du choix de HNS. Premièrement, IBM est une firme bien établie, possédant les ressources pour développer ce type de produit. Deuxièmement, le système HNS bénéficiait d'une certaine notoriété dans la mesure où il avait été déployé dans quelques hôpitaux notamment au Canada. De plus, HNS, un système récent, pouvait compter sur des développements récents au plan de la qualité technique et de l'interface. La pertinence de ce choix a d'ailleurs fait l'objet d'une expertise technique à l'automne 2002 afin de valider les choix alors arrêtés. Cette expertise, menée par le groupe Gartner, une firme spécialisée à la renommée bien établie, fut concluante. Malheureusement, malgré la qualité du choix initial, le risque associé au choix de HNS s'est significativement aggravé pendant le déroulement du projet vitrine. La cause de cette aggravation est indépendante de la volonté de l'équipe de projet. Elle est issue d'une décision commerciale de la firme IBM de se retirer du marché des dossiers patients électroniques. Par voie de conséquence, le système HNS a été confié à une filiale 10 canadienne qui n'assure maintenant qu'un appui technique. Cette décision stratégique de la firme IBM marque l'arrêt des investissements en R&D dans le développement de ce produit. Les développements futurs sont dorénavant limités à l'investissement en R&D que voudront bien consentir les clients actuels ou éventuels de HNS. Cette nouvelle situation entraîne un accroissement du risque technologique associé à HNS dans la mesure où cette solution deviendra plus ou moins rapidement dépassée selon les efforts de R&D menés par des firmes concurrentes. Le second type de risque technologique qui caractérise HNS a trait à la nature même du système : un entrepôt de données. Cette technologie est performante pour réaliser l'intégration de données provenant de divers systèmes sources et assurer la consultation des données ainsi intégrées. Par contre, HNS ne permet pas au personnel clinique d'émettre électroniquement des requêtes. Le système HNS n'est donc pas un système de Requêtes / Résultats à part entière comme il en existe sur le marché. Il s'agit essentiellement d'un système de consultation de résultats. Par conséquent, les établissements intéressés au dossier patient électronique devront à plus ou moins court terme se procurer un autre système d'information pour combler ce besoin. Il faudra alors prévoir une solution de dossier patient électronique compatible avec HNS. Il ne faut pas perdre de vue que c'est la double capacité à faire des Requêtes / Résultats électroniquement qui représente un atout important du dossier médical électronique comme en fait foi la littérature spécialisée (Ahmad et coll., 2002 ; Bates et coll., 2001 ; Bates & Gawande, 2003 ; Lee et coll., 1996). 4.2.1.3 Performance technique – Temps-réponse du DPP La performance, évaluée en terme de tempsréponse, est un élément névralgique de tout système d'information clinique devant fonctionner en temps réel. Le personnel clinique, les médecins notamment, n'ont pas le choix. Ils doivent maintenir une cadence élevée de travail compte tenu du nombre élevé de patients à traiter. Les systèmes d'information cliniques qu'on leur propose doivent pouvoir soutenir cette cadence. Compte tenu du caractère limité de la phase de pilotage du DPP en terme du nombre d'utilisateurs, il n'a pas été possible d'apprécier la qualité du tempsréponse de HNS en contexte réel. Il est reconnu que la performance de tels systèmes d'information cliniques qui doivent fournir en temps réel l'information aux cliniciens ralentit lors des périodes de fortes utilisations. Le temps-réponse est vulnérable au nombre d'utilisateurs et risque de varier selon les moments de la journée. La matinée est une période particulièrement névralgique dans les hôpitaux. Lors d'un déploiement à large échelle, il sera important de planifier et de monitorer minutieusement cet aspect qui a un effet direct et immédiat sur la capacité des cliniciens à utiliser un DPP. Ce type de risque sera important à monitorer lors d'un déploiement à large échelle car une piètre performance pourrait à elle seule freiner l'adoption du nouveau système. 4.2.1.4 Intégration du DPP aux systèmes patrimoniaux sources L'avantage d'un dépôt de données, tel HNS, est de pouvoir intégrer au sein d'une même base de données, l'entrepôt de données, l'ensemble des données dispersées dans les systèmes d'information existants, les systèmes patrimoniaux. Idéalement, cette intégration est facilitée par le recours à un langage machine commun permettant le transfert des données entre des systèmes différents. Il existe un standard reconnu en matière de transfert de données dans le domaine de la santé, le langage HL7, qu'offre HNS. Mais il s'agit d'un standard relativement récent que ne supporte pas la grande majorité des systèmes patrimoniaux de données cliniques en place dans les hôpitaux québécois. Il a donc fallu développer une série d'interfaces techniques aptes à faire ce transfert des données entre chacun des systèmes patrimoniaux et HNS. Cet aspect n'avait pas été prévu lors de la planification initiale du projet. Il a donc fallu planifier et réaliser ces nouvelles activités en cours de projet. Cette situation a entraîné des délais importants découlant de la nécessité de trouver un financement supplémentaire, de tenir des négociations imprévues avec différents fournisseurs des systèmes patrimoniaux et de développer les interfaces en question. Cette situation a entraîné une augmentation du risque technologique. L'équipe de projet a dû consacrer des efforts importants, tant au plan technique que politique, pour mener à terme une série d'ententes commerciales à l'intérieur d'un échéancier serré et dans un contexte de concurrence commerciale. En effet, il ne faut pas oublier que plusieurs des firmes devant développer les interfaces techniques se percevaient en situation concurrentielle face à l'arrivée d'un joueur important, la firme IBM, sur le marché des systèmes d'informations cliniques. Malgré ces aléas, les interfaces techniques requises ont été développées et le système HNS a pu rencontrer les objectifs fixés en matière d'intégration de données cliniques. Cependant la phase de pilotage du système fut perturbée par des retards qui en ont gêné le déroulement. La phase de pilotage a débuté à l'Hôpital Ste-Justine en novembre 2003 avec les résultats des laboratoires mais en l'absence des résultats de radiologie qui furent intégrées plus tardivement, au printemps 2004. 11 À l'Hôpital St-Eustache, le début de la phase de pilotage fut retardée jusqu'au mois de mars 2004. Sur la base de l'analyse du risque technologique présentée ci-dessus, nous sommes en mesure de dégager une série d'enseignements pouvant guider la réalisation de projets déploiement de DPP. Enseignement 1:Le déploiement d'un DPP représente un risque technologique important compte tenu du caractère à la fois novateur et complexe de cette technologie émergente. Le risque technologique est présent à plusieurs niveaux:le choix de l'application informatique elle-même, la compatibilité de l'application avec les systèmes d'information patrimoniaux en place, la fiabilité et la performance du réseau de télécommunications ainsi que le temps-réponse du DPP. De surcroît, ces facteurs sont étroitement interreliées les uns aux autres augmentant d'autant le niveau de risque. Enseignement 2 : L'objectif de développer des réseaux de soins intégrés exerce une certaine pression sur les établissements de santé en matière d'informatisation. Nous observons toutefois qu'il semble difficile et périlleux de déployer un système interorganisationnel d'échanges de données cliniques dans un contexte où les établissements participants n'ont pas ou très peu de systèmes informatisés de données cliniques en place. Afin de maximiser les chances de réussite d'un projet de DPP, les efforts d'informatisation devraient d'abord être investis à l'interne pour ensuite être orientés vers la mise en place du réseau intégré, de sorte à s'assurer que chaque établissement puisse avoir atteint un niveau minimal de sophistication technologique. Il semble judicieux à notre avis de considérer en premier lieu l'intégration et le partage des informations existant déjà sous forme numérique dans les systèmes informatiques en place comme on l'a réalisé dans le projet vitrine. Enseignement 3:La capacité à transférer un ensemble disparate de données cliniques au sein d'un même entrepôt de données demeure un enjeu technique central de tout projet d'implantation de DPP. En effet, la compatibilité, à la fois technique (ex. plateformes et environnements) et clinique (ex. nomenclature, dictionnaire de données) entre le DPP et l'ensemble des systèmes patrimoniaux en cause est souvent source de difficultés et d'embûches techniques majeures mais demeure néanmoins une condition essentielle de réussite. Ainsi, une planification minutieuse des besoins en matière d'interfaces (passerelles) semble nécessaire en début de projet afin de produire un échéancier réaliste. 4.2.2 Analyse du risque humain Comme nous l'avons vu, l'analyse du risque technologique nous a permis d'apprécier une série de conditions essentielles au succès d'un DPP. Une deuxième série de conditions sont toutes aussi, sinon plus, névralgiques. Il s'agit de la transformation des habitudes de travail des utilisateurs qu'entraîne inévitablement le recours à un dossier médical électronique. Un tel système informatisé se situe au coeur même des pratiques cliniques des médecins. Il implique nécessairement une transformation des habitudes et pratiques qui représente un risque significatif au succès du déploiement. À ce titre, l'analyse du projet vitrine a mis en lumière une série de conditions que nous allons présenter en deux sections distinctes : soit la phase précédant le pilotage du DPP et la phase de pilotage elle-même. 4.2.2.1 Attentes des médecins lors de la phase de pré-pilotage du DPP L'utilité perçue d'un système d'information du point de vue des utilisateurs est un élément-clé de l'adoption de ce type de système. La nature de l'information clinique disponible grâce à un DPP demeure une composante essentielle à son adoption, notamment par les médecins. Le défi premier ici consiste donc à proposer une information clinique utile et accessible aux futurs usagers. Afin de pouvoir évaluer le niveau du risque humain, nous avons, dans un premier temps, conduit une enquête sur les perceptions et attitudes des médecins visés par l'expérimentation vis-à-vis l'utilisation du DPP. Cette enquête visait principalement à connaître leurs attentes face au DPP et leurs intentions quant à leur adoption éventuelle du nouveau système. Cette démarche s'inscrivait dans la perspective des travaux de Karahanna et al. (1999) relatifs aux comportements pré et post adoption en matière de nouvelles technologies de l'information. À cette fin, nous avons développé un modèle de recherche ainsi qu'un questionnaire fermé issus des recherches citées précédemment que nous avons enrichis, afin de les adapter au contexte particulier du projet vitrine, d'éléments d'analyse découlant de la théorie du comportement planifié et des travaux de Mathieson (1991). Le questionnaire fut remis aux médecins utilisateurs lors de la phase de pré déploiement, plus précisément à l'issue des séances de formation. Les taux de réponse ont oscillé entre 43 % pour l'Hôpital Saint-Eustache et 82 % pour l'Hôpital Sainte-Justine. L'échantillon final fut constitué de 24 répondants. En raison de la faible taille de l'échantillon, les seules analyses statistiques rendues possibles furent des analyses de corrélation. Le tableau 4 présente les statistiques descriptives associées à chacune des variables incluses dans le modèle de recherche. Chaque variable a été mesurée à l'aide d'un ensemble d'énoncés utilisant une échelle de Likert à 7 points où « 1 » indique que le répondant est fortement en désaccord 12 avec l'item et « 7 » indique un fort niveau d'accord avec l'énoncé. Tableau 4 : Attentes et intentions initiales exprimées par les médecins à l'endroit du DPP Statistiques descriptives. Variables Min Max Moyenne Écart-type Tel qu'indiqué dans le tableau 4, les médecins réponCroyances quant aux effets anticipés du DPP 3,2 7,0 5,6 1,2 dants semblaient être relativement optimistes quant aux effets Croyances quant à la compatibilité du DPP avec les processus cliniques 3,7 7,0 6,2 0,8 anticipés ou aux avantages relatifs associés à l'usage du DPP Croyances quant à la démonstrabilité (moyenne de 5,6 sur 7). Ces des impacts du DPP 3,5 7,0 5,9 0,9 bénéfices ont trait notamment Croyances quant à l'image associée à une meilleure accessibilité aux à l'utilisation du DPP 1,0 7,0 4,3 1,6 dossiers des patients, à l'efficacité Attitudes concernant l'utilisation du DPP 4,0 7,0 6,0 0,7 des médecins eux-mêmes ainsi qu'à une plus grande qualité Croyances normatives associées à l'usage du DPP 4,4 7,0 5,8 0,7 et continuité des soins prodigués Normes ou pressions sociales quant aux patients fréquentant les étabà l'utilisation du DPP 3,3 7,0 5,4 1,0 lissements mis en réseau. La Croyances quant aux difficultés associées démonstrabilité de ces mêmes à l'apprentissage et à l'utilisation du DPP 2,5 7,0 5,8 1,1 impacts, soit le fait d'être en mesure d'informer ses pairs Contrôle perçu quant à l'utilisation du DPP 2,3 5,7 3,5 0,8 des impacts de la technologie, Intention d'adopter le DPP dans le futur 1,0 7,0 4,3 1,6 a également été soulignée par les médecins comme étant un facteur déterminant (moyenne de 5,9 sur 7). De plus, Les croyances quant aux effets anticipés et à la les médecins ont indiqué qu'une condition préalable à démonstrabilité du DPP s'avèrent ainsi importantes leur adoption du DPP était l'alignement de la technolomais ne sont toutefois pas corroborées par celles liées gie avec les pratiques et processus cliniques en place au à la compatibilité du DPP avec les pratiques cliniques. sein de leur établissement de santé respectif (moyenne Ce dernier résultat paraît surprenant et s'explique de 6,2 sur 7). Toutefois, les répondants semblent plus probablement par les habitudes ancrées des médecins ou moins d'accord pour dire que l'utilisation du DPP concernant l'utilisation du dossier patient papier et leur confèrerait plus de prestige et un plus haut statut toute autre forme d'information clinique. De façon au sein de l'hôpital (moyenne de 4,3 sur 7). moins surprenante, les croyances des médecins quant à l'image et au statut associés à l'utilisation du DPP Enseignement 4 : L'adoption d'un DPP est principalene semblent pas constituer un facteur explicatif quant ment influencée par le niveau d'utilité perçue de cette technologie. à leurs attitudes personnelles vis-à-vis le DPP. Les médecins L'utilité du DPP doit être clairement démontrée et communiquer n'éprouvent donc pas le besoin de reconnaissance aux médecins qui, suite à une certaine forme d'appropriation professionnelle via une utilisation de la technologie. de la technologie, pourront à leur tour jouer un rôle clé de leader d'opinions auprès de leurs pairs. Enseignement 6 : Les médecins ayant la plus forte intention d'adopter le DPP sont ceux qui, notamment, ont Enseignement 5 : Le niveau de compatibilité entre développé et qui démontrent une attitude positive vis-à-vis les caractéristiques de la technologie (fonctionnalités) et les la technologie. Ces attitudes positives sont principalement processus cliniques en place semble constituer un facteur clé et largement influencées par le fait que les futurs utilisateurs de succès aux yeux des médecins utilisateurs. ont été exposés aux effets bénéfiques liés à l'usage du DPP et qu'il leur est possible de communiquer ces mêmes bénéfices Tel que présenté à la figure 2, deux des variables à leurs pairs (voir enseignement 4). discutées ci-dessus semblent avoir une influence notoire sur les attitudes des médecins à l'égard du DPP Les recherches empiriques dans le domaine de (moyenne de 6,0 sur 7). Plus spécifiquement, ce qui fait l'adoption des technologies de l'information démontrent en sorte qu'un médecin démontre une attitude positive que les normes ou pressions sociales exercées par l'influence vis-à-vis le DPP est intimement lié au fait qu'il croit que des proches (dans le présent contexte le chef d'unité la technologie aura des effets positifs (à divers niveaux) clinique, la direction de l'établissement de santé, les colet qu'il croit être en mesure de bien communiquer et lègues, etc.), représentent une variable prédictive expliquer à ses collègues pourquoi l'adoption du DPP du comportement des utilisateurs visés par une nouvelle serait bénéfique pour l'ensemble des utilisateurs visés technologie. Les croyances normatives associées à l'usage par le déploiement. du DPP expriment ainsi le phénomène d'émulation 13 Figure 2 : Modèle de pré-adoption du DPP. inhérent à la technologie et l'image de performance ou de modernité qui y est associée. Tel qu'indiqué au tableau 4, les médecins semblaient percevoir une influence plutôt modérée de leur entourage immédiat quant à leur adoption du DPP (moyenne de 5,4 sur 7). En ligne avec ce résultat, on note à la figure 2 que les normes ou pressions sociales exercées par les proches n'influent aucunement sur l'intention des médecins d'adopter ou non le DPP. répondants se sentaient plus ou moins en contrôle du DPP au moment de remplir le questionnaire, soit immédiatement après la courte séance de formation (moyenne de 3,5 sur 7). Néanmoins, nos résultats démontrent un lien statistique significatif et positif entre le niveau de contrôle perçu vis-à-vis l'utilisation du DPP et l'intention d'adopter la technologie. Enseignement 7:L'influence des chefs d'unités cliniques, de la direction du centre hospitalier, des pairs et des membres du comité directeur associé au projet DPP ne s'avère pas être prédictive des intentions des médecins à l'égard de l'adoption du DPP. Enseignement 8:Plus les médecins se sentent en contrôle ou perçoivent maîtriser les rudiments et les fonctionnalités du DPP, plus ils ont la ferme intention d'adopter l'outil dans le cadre de leur travail. Ce résultat met en lumière deux facteurs clés de succès des projets technologiques en santé, soit : 1) facilité d'utilisation du DPP et 2) qualité de la formation dispensée aux médecins. Un troisième facteur lié à l'intention d'adopter une nouvelle technologie, et souvent considérée dans les recherches empiriques sur le sujet, réfère au niveau perçu de contrôle des utilisateurs quant à l'apprentissage et à l'utilisation de l'outil technologique concerné. En d'autres mots, plus un utilisateur potentiel se sent parfaitement capable d'utiliser la technologie, malgré les efforts requis pour en maîtriser les rudiments, plus il sera enclin à adopter la technologie dans le futur. Tel que démontré au tableau 4, l'ensemble des médecins En conclusion, les résultats du Tableau 4 révèlent que les médecins ayant répondu au sondage ont, pour la plupart, une intention plutôt modérée quant à leur adoption éventuelle du DPP (moyenne de 4,3 sur 7). Néanmoins, notre étude indique clairement que ceux qui ont la ferme intention d'adopter le DPP sont ceux qui ont développé une attitude positive à l'égard de la technologie (ayant été exposé aux bénéfices nets associés à l'usage de la technologie) et qui se sentent en maîtrise de l'outil technologique suite à la séance 14 de formation. Contrairement aux résultats d'études antérieures portant sur l'adoption de technologies par des professionnels, il semble que les médecins ne se laissent aucunement ou du moins très peu influencer dans leur décision d'adopter ou non le DPP par les pressions exercées par les personnes les entourant, qu'il s'agisse de l'opinion des chefs d'unités cliniques, de celle des pairs ou encore de celle des membres de la direction de l'établissement. 4.2.2.2 Satisfaction des médecins lors de la phase de pilotage du DPP Tableau 5 : Satisfaction exprimée à l'endroit du DPP lors de la phase de pilotage. Échelle de réponses à cinq niveaux (Pas du tout satisfait à Tout à fait satisfait) Variables Types d'utilisateurs du DPP Moyenne Meilleur accès aux résultats concernant des épisodes antérieurs de soins Médecins / Urgence – CHU (n = 9) Autres médecins CHU (n = 7) Personnel clérical / Cliniques médicales (n = 4) 4,2 4,4 3,2 Accès plus rapide aux résultats de laboratoire de l'épisode de soins en cours Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 4,1 4,7 4,0 Facilité d'utilisation du DPP Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 4,0 4,6 4,7 Sécurité de l'accès au DPP Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 4,3 5,0 4,7 Confidentialité des données Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 4,1 4,6 4,7 Temps-réponse Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 3,7 3,4 3,2 Médecins / Urgence – CHU Autres médecins CHU Personnel clérical / Cliniques médicales 4,0 4,4 4,0 Suite à l'enquête menée auprès des médecins lors la phase Satisfaction globale de pré-déploiement du DPP, nous en avons conduit une seconde pour connaître le niveau de satisfaction de ces mêmes médecins vis-à-vis l'usage du DPP en contexte réel. Ce deuxième sondage a été réalisé lors de la fin de la phase de pilotage, soit entre le 31 mai et le 9 juin 2004. Les médecins visés par cette seconde enquête par questionnaire furent les plus grands utilisateurs du DPP à savoir ceux de l'Hôpital Ste-Justine. Dix-neuf médecins ont ainsi répondu à ce second questionnaire pour un taux de réponse de 86%. Également, le questionnaire a été complété par quatre secrétaires / commis travaillant chacune dans les quatre cliniques médicales participant au projet vitrine. Les résultats de cette enquête sont rapportés au Tableau 5 ci-dessous. Ce tableau présente les niveaux de satisfaction selon trois groupes d'utilisateurs:les médecins de l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine, les autres médecins de cet hôpital et le personnel clérical des cliniques médicales. Tel qu'indiqué au Tableau 5, les trois groupes d'utilisateurs du DPP étaient très satisfaits de l'usage du DPP tel qu'en témoigne la dernière variable du tableau rapportant un niveau élevé de satisfaction globale (moyenne égale ou supérieure à 4 sur 5). Cette évaluation est congruente avec les trois premières variables qui évaluent la facilité d'utilisation du système et la satisfaction à l'endroit de deux bénéfices recherchés:un meilleur accès et un accès plus rapide aux résultats. Chacune de ces trois variables atteint un niveau de satisfaction similaire à la satisfaction globale (moyenne égale ou supérieure à 4 sur 5). Seul le personnel clérical exprime un niveau plus bas (3,2 sur 5) pour la variable traitant d'un meilleur accès. Par ailleurs, le temps-réponse qui demeure un élément important, tel que nous l'avons souligné précédemment, a été bien évalué demeurant supérieur au point milieu de l'échelle. Là encore, le personnel clérical exprime un avis plus négatif (3,2 sur 5) que les médecins de l'Hôpital Ste-Justine (3,4 et 3,7 sur 5). Deux facteurs, la sécurité et la confidentialité, qui soulèvent souvent des inquiétudes lorsqu'il s'agit de systèmes informatiques contenant des données sensibles comme les données cliniques, sont très bien jugés tant que les médecins qui expriment une forte confiance au système (entre 4,1 et 5 sur 5) tout comme le personnel clérical (4,7 sur 5). Une deuxième section du questionnaire visait à évaluer la satisfaction en comparant le DPP au dossier patient papier traditionnel selon 4 dimensions:meilleure accessibilité, gain de temps dans la recherche des résultats, économie totale de temps et complexité de la tâche. Le tableau 6 rapporte ces résultats selon nos mêmes trois groupes d'utilisateurs. Ici encore, les résultats observés pour les trois premières variables montrent que la satisfaction à l'endroit du DPP est très élevée tant chez les médecins que le personnel clérical. Les médecins se montrent, comme précédemment, plus satisfaits (entre 4,2 et 4,7 sur 5) que le personnel clérical (entre 3,7 et 4,2 sur 5). La quatrième variable visait à évaluer la satisfaction sur la base d'une formulation négative. Elle corrobore les observations précédentes sur la satisfaction 15 en montrant un fort taux de désaccord des utilisateurs face à l'énoncé que le DPP complexifie le travail. Tableau 6 : Comparaison entre le DPP et le dossier patient papier traditionnel. Échelle de réponses à cinq niveaux (Tout à fait en désaccord à Tout à fait en accord) Variables Types d'utilisateurs du DPP Moyenne Comme on peut le constater, Meilleure accessibilité aux résultats Médecins / Urgence – CHU (n = 9) 4,6 le niveau de satisfaction des de laboratoire que le dossier papier Autres médecins CHU (n = 7) 4,9 médecins lors de l'expérimentation Personnel clérical / CH St-Eustache (n = 4) 4,2 du DPP a été très élevé. Ce résultat Diminution de la perte de temps Médecins / Urgence – CHU 4,3 positif paraît paradoxal en regard à chercher des résultats de laboratoire Autres médecins CHU 4,2 de la faible utilisation du DPP Personnel clérical / CH St-Eustache 3,7 rapportée au chapitre 3. Nos entreÉconomie de temps Médecins / Urgence – CHU 4,4 vues, menées avec les utilisateurs, Autres médecins CHU 4,7 permettent d'identifier les raisons Personnel clérical / Cliniques CH St-Eustache 3,7 expliquant cette situation. Celles-ci Utilisation du DPP complexifie le travail Médecins / Urgence – CHU 1,2 ne relèvent pas de la performance Autres médecins CHU 1,1 technique du système HNS qui Personnel clérical / Cliniques CH St-Eustache 2 s'est révélée pleinement satisfaisante lors de la phase de pilotage. Ces raisons résident plutôt dans la faible utilité du DPP médicaments, l'accès à l'imagerie diagnostique et la perçue par les médecins en regard des exigences de leur possibilité de faire des requêtes. pratique clinique. • Le volume des données cliniques disponibles Premièrement, le système HNS n'a pas vraiment était faible compte tenu du faible recul historique de l'entreété utilisé comme un dossier partageable dans le cadre pôt de données et du faible nombre de patients transférés de la phase de pilotage. Le nombre de résultats disponibles entre les établissements participants. pour des patients « externes », ceux provenant des établissements partenaires, était extrêmement faible. À titre • Peu d'efforts en matière de changement organisad'exemple, seuls deux médecins ont rapporté avoir eu tionnel ont été déployés lors de la phase de pilotage. l'occasion de consulter un seul dossier partageable Les médecins participants ont reçu une formation initiale pendant toute la phase de pilotage. Rappelons que le recul mais, par la suite, ils ont été laissés à eux-mêmes en ce qui historique des données rendues disponibles dans HNS concerne l'intégration du DPP dans leurs routines de travail était très limité. En effet, l'accumulation des données et les routines des autres professionnels. Hormis les efforts de résultats dans l'entrepôt de données a débuté en juin importants, mais isolés, d'un médecin identifié comme 2003 à l'Hôpital Ste-Justine et en mars 2004 à l'Hôpital champion du nouveau système, l'organisation des soins St-Eustache alors que le troisième hôpital n'a fourni est demeurée stable et n'a pas été modifiée pour recevoir aucune donnée à l'entrepôt de données. le DPP. Le plus souvent, la très grande majorité des médecins a donc poursuivi son utilisation usuelle Deuxièmement, la valeur ajoutée du DPP utilisé du dossier patient papier notamment en raison des comme un dossier médical interne s'est révélée relativement habitudes acquises et de l'accès facile à du personnel marginale. Consciente de la faible quantité de dossiers clérical dédié à la gestion des résultats cliniques grâce partageables, l'équipe de projet à l'Hôpital Ste-Justine aux systèmes en place. en est venue à promouvoir en cours de projet l'utilisation • L'absence d'une mise à jour continue des résultats du DPP comme un Dossier Patient Électronique (DPE) disponibles dans HNS a entraîné un faux départ lors interne. Cette stratégie n'a toutefois pas été suffisante de la phase de pilotage pour plus de la moitié des médecins pour susciter un intérêt et entraîner une forte utilisation de l'Hôpital Ste-Justine, soit ceux de l'urgence. Cette du DPP. Les médecins ont jugé que l'usage du système fonctionnalité, développée tardivement et implantée au HNS, utilisé à titre de DPE, était limité pour plusieurs milieu de la phase de pilotage, a retardé la participation raisons : des médecins de l'urgence de l'Hôpital de Ste-Justine. Ces derniers ont en effet boudé l'utilisation du DPP tant • La nature des données cliniques disponibles et aussi longtemps que cette fonctionnalité ne fut pas était limitée. HNS contenait principalement des résultats intégrée au nouveau système. de laboratoires. Les données provenant de la radiologie ont, pour leur part, été rendues disponibles plus tardiEn somme, la faible variété et la quantité des vement. Également, les médecins auraient souhaité informations cliniques disponibles dans HNS a été avoir accès à une gamme beaucoup plus large de foncun élément majeur expliquant la faible utilisation des tionnalités du genre de celles normalement retrouvées médecins malgré leur intérêt initial élevé. La littérature dans un DPE telles la gestion de la prescription des 16 scientifique est claire en la matière et confirme les observations faites lors de la phase de pilotage (Karahanna et al. 1999). Les attentes des cliniciens sont élevées et à la mesure de leurs contraintes d'exercice de la médecine. Conséquemment, l'accès rapide, au moment opportun, à de l'information utile et valide deviennent des conditions minimales. À ce niveau, le DPP n'a pas su réunir, lors de la phase de pilotage, un minimum de conditions en favorisant l'adoption. 4.2.2.3 Impact de deux stratégies classiques de minimisation du risque Une stratégie souvent mise de l'avant pour améliorer l'adoption d'un système d'information est la participation des utilisateurs à la conception et à la paramétrisation du système. Cette stratégie a été mise en pratique dans le cadre du projet vitrine mais elle aurait pu l'être de façon plus judicieuse en ce sens que le comité des utilisateurs a rendu ces avis sans connaître le contexte spécifique de déploiement du DPP. Ainsi, les médecins participants à ce comité ont émis des avis de façon générale sans référence concrète aux services cliniques où le système allait être déployé. Nous observons donc qu'un processus de consultation trop général peut entraîner la conception d'une solution technologique insuffisamment définie qui finalement ne convient à personne. Un processus de consultation visant à répondre aux besoins spécifiques d'utilisateurs bien identifiés aurait été plus utile. De surcroît, la familiarité des médecins impliqués sur ce comité avec le système HNS était plutôt théorique que pratique. Ces médecins n'ont pas expérimenté euxmêmes le DPP en contexte de simulation. Leurs avis sont donc là aussi demeurés très généraux. Finalement, le nombre de médecins participant à ce comité était relativement réduit. De plus, compte tenu de leur emploi du temps et de leur faible disponibilité, l'assiduité des médecins aux réunions du comité fut épisodique et discontinue ; ce qui a encore nuit à la pertinence de l'expertise normalement obtenue d'un tel comité. La phase de pilotage a éloquemment illustré ces insuffisances. Le cas du déploiement retardé au service de l'urgence, faute d'une fonction de mise à jour continue des données, constitue un bon exemple. Il s'agit d'un problème qui a d'emblée entraîné une forte réaction des médecins concernés. Ce type de problèmes, évidents du point de vue des utilisateurs, aurait normalement pu être identifié et solutionné plus tôt. Une seconde stratégie concerne la formation des utilisateurs. Celle-ci fut, pour une part, sous la responsabilité de quelques médecins et, d'autre part, sous celle d'archivistes médicales. À l'usage, il ressort que la formation offerte par un médecin était, du point de vue des médecins, de qualité supérieure à celle offerte par les archivistes. Les médecins formateurs avaient le double avantage d'utiliser un langage technique médical et de cibler les aspects pratiques et pertinents du DPP pour les médecins futurs utilisateurs. Les archivistes, quant à elles, ont eu tendance à couvrir l'ensemble des fonctions du système et, de cette manière, ont offert une formation moins spécifique et personnalisée en regard aux besoins des médecins. Enseignement 9:Le risque humain représente un risque important lors de l'implantation d'un DPP. Une telle application informatique est confrontée à de très fortes exigences en termes d'utilité, de validité, de convivialité et de performance technique (voir enseignements 1 et 4). De surcroît, il ne faut pas perdre de vue que tous les systèmes administratifs en place entourant le dossier papier traditionnel sont conçus et opérés pour minimiser le fardeau clérical du médecin. L'introduction d'une application informatique que le médecin doit opérer lui-même et intégrer de façon efficace à sa pratique médicale représente donc un défi de taille. Enseignement 10:L'adoption du DPP par les médecins est fonction de la variété et de la quantité de données cliniques disponibles dans l'entrepôt de données. Les données cliniques normalement retrouvées dans un DPE doivent être disponibles dans le DPP afin de maximiser l'intérêt des médecins et autres cliniciens. La proportion de patients dont les données figurent dans le DPP doit également être élevée pour créer une nouvelle habitude chez les utilisateurs. En somme, une masse critique de données (résultats de requêtes, imagerie diagnostic, prescriptions, etc.) et de patients doit être assurée afin de maximiser les chances d'adoption du DPP de la part des médecins. Enseignement 11 : La participation des usagers à la personnalisation de l'application informatique demeure une mesure importante permettant de diminuer le risque humain normalement associé à ce type de projet. Cette participation doit toutefois être menée de façon contextualisée puisque chaque spécialité médicale et chaque service clinique a ses exigences particulières en matière de personnalisation du DPP. L'objectif de réaliser une interface uniforme, sans prise en compte des particularités locales, augmente ainsi le risque de résistance vis-à-vis le DPP. Enseignement 12:Un des avantages reconnus d'un DPP, du point de vue des médecins, réside en la capacité de faire des recherches rapides permettant de trouver l'information clinique désirée ; un avantage que peu très difficilement offrir le dossier papier traditionnel. Dans cette perspective, il semble judicieux de réfléchir au contenu de l'entrepôt de données cliniques dès les tous débuts d'un projet. Cette stratégie permet de diminuer le risque humain en offrant aux médecins une valeur ajoutée recherchée. Cet aspect rejoint l'analyse du risque légal abordé plus loin dans ce texte. 17 4.2.3 Analyse du risque organisationnel L'analyse du risque humain porte sur les relations individuelles de chaque utilisateur avec la technologie. La gestion de ce risque représente, comme nous l'avons vu, un facteur névralgique au déploiement réussi d'un DPP mais les relations individuelles demeurent lacunaires si elles n'englobent pas un autre type de risque, le risque organisationnel. Ce risque permet d'élargir la notion des relations utilisateur – technologie en prenant en considération le fait que le travail professionnel en milieu clinique est fondamentalement un travail collectif. L'analyse de risque organisationnel permet de prendre en compte le fait que les cliniciens, incluant les médecins, sont dépendants les uns des autres dans la gestion de l'information clinique concernant les patients. À ce niveau, le DPP, tout comme le dossier papier, doit être conçu en fonction d'un mode collectif d'organisation. Ce mode comporte des exigences au plan de la gestion individuelle et collective des données cliniques ainsi que de leur partage entre des équipes et des organisations différentes. Cette adaptation du travail collectif au DPP doit également prendre en compte le caractère parcellaire du DPP. Le DPP, tant qu'il ne contiendra pas toutes les informations cliniques nécessaires à l'organisation des soins, demeure complémentaire au dossier papier. Dans ce contexte, le DPP et le dossier traditionnel papier doivent être conçu comme un et un seul système d'information. Ce système doit recueillir et présenter l'ensemble de l'information clinique nécessaire à tous les membres de l'équipe de soins, incluant le médecin traitant, les médecins consultants, les infirmières et autres professionnels. La minimisation du risque organisationnel implique la conception d'un dispositif informationnel où les deux systèmes d'information (format papier et format électronique) cœxistent et sont complémentaires. La gestion du risque organisationnel se situe au niveau de cette triple interdépendance : les besoins en information clinique, le dossier papier et le dossier électronique. L'articulation entre les deux systèmes d'information, papier et électronique, doit être planifiée et offrir au personnel soignant un environnement informationnel et communicationnel adapté à leurs besoins d'informations et à l'organisation du travail clinique. À cet égard, la phase de pilotage représentait un risque particulièrement élevé. Comme il ne s'agissait pas d'un réel déploiement du DPP et, compte tenu de la briéveté et du faible nombre de médecins concernés par la phase de pilotage, les efforts d'analyse du contexte organisationnel des unités de soins impliqués, les efforts de recherche de complémentarité avec le dossier médical papier et les efforts d'adaptation des processus de gestion de l'information à l'arrivée du DPP furent minimaux. La phase de pilotage n'a donc pas offert une harmonisation efficace entre les nouvelles pratiques exigées par le DPP et celles associées au système papier en place. Le principal du fardeau d'adaptation au DPP fut donc à la merci des efforts individuels des médecins volontaires. Il n'est donc pas étonnant de constater que l'analyse du risque organisationnel du projet vitrine a surtout mis en lumière des facteurs qui ont eu un effet démobilisant sur l'utilisation du DPP. Mais il n'en demeure pas moins que ces facteurs sont importants. La littérature spécialisée insiste sur leur importance qui, malheureusement, entraîne des effets néfastes sur plusieurs projets d'implantation de systèmes d'information, notamment dans le domaine de la santé. Ajoutons que cet aspect était d'autant plus névralgique pour le projet vitrine que les attentes exprimées par les médecins à l'égard de la compatibilité entre le DPP et les processus organisationnels étaient très élevées (6,2 sur une échelle de 7–voir tableau 4). Dans la suite de l'analyse du risque organisationnel, nous insistons sur le facteur principal qui fut à l'origine des principales difficultés rencontrées. Il s'agit d'un phénomène fréquent où l'on porte trop d'attention à l'innovation prise isolément sans prendre en compte le contexte plus large. 4.2.3.1 Double source informationnelle Le DPP était un entrepôt de données devant principalement contenir les résultats de laboratoires et d'imagerie médicale. Par conception, le DPP représentait donc une solution partielle de dossier qui ne pouvait en aucune façon se substituer complètement au dossier médical papier. Cette situation implique que les utilisateurs devaient recourir à deux systèmes différents, le système papier et le système électronique, pour obtenir l'information complète nécessaire à leurs activités cliniques. Dans un tel cas, l'harmonisation entre les deux systèmes représente un risque important. Une harmonisation réussie, celle où les deux systèmes apparaissent comme un seul système, favorise l'utilisation du système informatisé alors que, dans le cas contraire, une faible intégration augmente le risque d'une faible utilisation du DPP ; car l'utilisateur supporte lui-même alors le fardeau de l'intégration informationnelle entre les deux systèmes. Le risque est d'autant plus élevé que, compte tenu de la nature parcellaire du DPP, la tentation demeure grande chez l'utilisateur de se fier à un seul système. En cette matière, le système conventionnel papier bénéficiait de plusieurs avantages sur le DPP. Premièrement sa richesse informationnelle était supérieure. Le dossier papier contenait l'historique complet des résultats de laboratoire alors que la période historique du DPP était très courte et, de surcroît, 18 potentiellement fragmentaire selon le moment où le consentement du patient était donné. Du point de vue des médecins, les informations fournies par le DPP risquaient fort d'être tronquées et incomplètes. Deuxièmement, lors de la phase de pilotage, les médecins étaient les seuls professionnels visés par l'utilisation du DPP alors que les autres cliniciens maintenaient l'usage usuel du système papier traditionnel. Dans ce contexte, il était beaucoup plus simple et rapide pour les médecins de maintenir leurs habitudes surtout en situation de fortes activités cliniques; ce qui fut le cas notamment au service de l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine où oeuvraient la majorité des médecins participants. Enseignement 13:Tout comme le risque humain, le risque organisationnel représente un risque majeur lors du déploiement d'un DPP. Tout comme d'autres technologies émergentes telles le PACS et la dictée numérique centralisée, le DPP entraîne inévitablement des ramifications et des ajustements importants au niveau des processus administratifs et cliniques lors de son implantation sur le terrain. De tels changements doivent donc être planifiés soigneusement. La réussite d'un tel exercice de réingénierie requiert habituellement la collaboration de trois types de professionnels au sein de l'équipe de projet : un ou plusieurs représentant des médecins visés par le changement ; un ou plusieurs représentants du fournisseur d'application (volet TI) ; et un ou plusieurs spécialistes en développement / changement organisationnel. La complémentarité des expertises est nécessaire à l'atteinte d'une transformation organisationnelle réussie lors du déploiement du DPP. Enseignement 14 : Le DPP doit pouvoir s'intégrer harmonieusement aux processus usuels de gestion et de circulation de l'information clinique. En fait, les équipes de projet devraient modifier leurs perceptions et leurs façons de faire de manière à délaisser une vision unilatéraliste de déploiement d'applications informatiques pour élargir leur vision vers le déploiement de systèmes d'information hybrides combinant à la fois l'électronique et le papier. 4.2.3.2 Un DPP : un système interorganisationnel ou intraorganisationnel? Le projet vitrine demandait aux médecins d'utiliser un système électronique, le DPP, alors que l'utilisation de tels systèmes n'était pas pratique courante dans deux des hôpitaux participants. Seul l'hôpital St-Eustache possédait au début du projet vitrine un Dossier Patient Électronique. De plus, l'opportunité de pouvoir utiliser un DPP était limitée dans la mesure où le nombre d'échanges de patients entre les établissements participants était faible. Le recours au DPP était donc a priori un événement plutôt inconstant en comparaison de l'usage du dossier papier qui, lui, concerne systématiquement tous les patients. Afin de remédier à cette situation qui représentait un risque élevé de faible utilisation du DPP, il a été décidé en cours de projet de repositionner le DPP afin de le présenter comme étant également un dossier médical interne. Ce changement de cap visait à rehausser la valeur du DPP aux yeux des médecins participants à la phase de pilotage. Les médecins de l'Hôpital Ste-Justine ont ainsi eu accès à tous les résultats cliniques produits pour tous les patients de l'hôpital car la question de l'obtention d'un consentement pour le transfert de données entre établissements ne se posait pas dans ce cas. Ce virage n'a pas toutefois offert les bénéfices espérés. Deux éléments ont joué en sa défaveur. Le repositionnement du système est venu tard dans le projet et n'a pas remplacé le concept de partage de données entre des établissements différents. De plus, cette nouvelle vision n'a pas entraîné les ajustements requis à la conception du DPP. Un bon exemple de ce manque est le problème de l'absence d'une fonctionnalité de mise à jour continue des données qui a été constaté par les médecins de l'urgence pendant la phase de pilotage. Une vision initiale mieux adaptée au contexte aurait pu diminuer le risque en la matière. Enseignement 15 : La vision de l'équipe de projet constitue un facteur clé de succès lors du déploiement d'un DPP. Cette vision consiste à 1) identifier les objectifs poursuivis en matière d'accès à l'information, de redondance d'examens de laboratoire, d'adoption de normes cliniques, etc.; 2) anticiper les défis et / ou embûches techniques, humains et organisationnels qui surviendront tout au long du projet ; 3) identifier les stratégies à mettre en place afin de surmonter ces difficultés ; et 4) identifier les acteurs clés à impliquer aux moments opportuns afin de réaliser les stratégies de gestion du changement technologique. Bref, c'est la vision qui détermine en grande partie les décisions et choix ultérieurs, notamment au plan technique, humain et organisationnel. Enseignement 16:L'harmonisation du DPP aux modes opérationnels en usage est un élément important de gestion du changement. Cette préoccupation, mise en lumière tôt dans le projet, peut diminuer le risque d'échec en permettant une plus grande personnalisation de la solution et une meilleure harmonisation du DPP avec les systèmes conventionnels. Un choix précoce du ou des sites de déploiement, des usagers cibles et des clientèles visées permet d'ancrer la réalisation du projet et le déploiement du DPP dans une réalité bien concrète et ainsi faciliter le développement d'une vision essentielle à la réussite du projet (voir enseignement 15). 4.2.4 Analyse du risque managérial Tel que discuté dans la première section de ce rapport, le DPP constitue une innovation technologique d'envergure. Il touche le cœur de la pratique clinique et 19 entraîne, comme nous l'avons vu, des risques majeurs au plan technologique, humain et organisationnel. Le DPP concerne l'organisation et la qualité des soins, des domaines où la responsabilité et le pouvoir des professionnels sont grands. Aussi, le DPP implique une standardisation des pratiques de gestion de l'information entre des organisations différentes, autonomes et indépendantes. Par conséquent, le risque associé à la qualité de la gestion de tels projets représente un élément névralgique du succès attendu. Notre analyse du risque managérial nous a permis d'identifier plusieurs éléments qui ont eu un effet sur le niveau de ce risque. 4.2.4.1 Taille et qualité de l'équipe de gestion de projet Le projet vitrine de DPP a été victime d'un net décalage entre l'ampleur et la complexité du projet et l'amplitude de l'investissement managérial consenti par les hôpitaux participants. L'équipe, nommée responsable de la gestion du projet, était compétente et très motivée, mais sa taille était beaucoup trop réduite pour mener à terme un tel projet d'autant qu'il n'y avait aucune personne d'attitrée à temps plein au projet. De surcroît, le principal des efforts de l'équipe de gestion de projet est venu du personnel de l'Hôpital Ste-Justine. Les deux autres hôpitaux avaient des équipes encore plus petites et encore moins disponibles. Seule la firme informatique IBM avait du personnel en nombre suffisant et à temps plein ; ce qui était justifié pour un projet d'une telle complexité. Pendant ce temps, tous les membres de la petite équipe de gestion du projet, mobilisée par les trois hôpitaux participants, ont assumé la responsabilité du projet vitrine tout en assumant simultanément d'autres responsabilités importantes. Cette situation a accentué le risque managérial associé au projet. Le nombre réduit des ressources managériales des trois hôpitaux consacrées au projet vitrine a entraîné une situation où la majeure partie des efforts de ces ressources a été mobilisée par la gestion des ententes contractuelles avec la firme IBM et les fournisseurs des interfaces techniques. Ces efforts étaient essentiels mais ont entraîné une prépondérance trop forte des aspects techniques au dépend d'une gestion qui se devait d'être attentive aux risques humains et organisationnels. Il faut ajouter que ce problème a été avivé par une carence budgétaire au niveau du financement accordé au projet vitrine. Le budget accordé était maigre considérant l'ampleur et l'envergure du projet vitrine. Aucune réserve financière n'avait été prévue pour faire face aux aléas normaux d'un projet d'expérimentation d'une innovation technologique majeure. Le principal du financement a été accaparé par l'achat d'équipement informatique et la rémunération de l'expertise conseil en informatique. La part résiduelle offerte aux hôpitaux n'a pas permis de déployer une équipe de gestion à la hauteur des défis. 4.2.4.2 Volatilité des acteurs clés Le projet vitrine a vécu un fort roulement de personnel. Un nombre appréciable d'acteurs clés ont quitté le projet en cours de route tant au niveau des hôpitaux participants que du Ministère de la santé et des services sociaux. Il faut bien sûr s'attendre à un certain nombre de départs sur de tels projets de longue durée mais, dans le cas présent, le projet vitrine a joué de malchance compte tenu du taux particulièrement élevé observé qui a sérieusement rehaussé le niveau du risque managérial. Ce phénomène accentue le problème précédent de la faible taille de l'équipe de gestion de gestion. Cette observation milite en faveur de la mise en place d'équipes de gestion de projet de plus grande taille. Les départs seraient alors moins perturbateurs diminuant d'autant le risque associé. 4.2.4.3 Influence externe et escalade de la complexité du projet Le projet de DPP bénéficiait du statut de projet vitrine ; ce qui lui confère une envergure nationale et donc une visibilité élevée. Cette situation a entraîné une hausse du risque managérial de deux manières. D'abord, le projet a été d'emblé vu par plusieurs comme devant établir des standards uniformes pour l'ensemble du système de santé québécois. Cette vision a impliqué un recours à des critères conséquents pour plusieurs des décisions stratégiques du projet de DPP. Ainsi, des aspects importants et complexes, comme le développement des interfaces techniques, la question de la confidentialité des données cliniques ainsi que de la gestion du consentement sont devenus des enjeux qui ont dépassé le cadre d'un projet expérimental. Le caractère expérimental du projet a ainsi laissé place à une série de choix ministériels devant établir des standards pour l'ensemble du système de santé. Inutile de dire que ce contexte a complexifié le processus décisionnel et allongé le délai de prise de décision augmentant d'autant le risque managérial associé à la gestion du projet vitrine. Les décisions prises n'étaient plus des solutions locales au projet vitrine, sujettes à l'expérimentation de manière à tirer ultérieurement des enseignements sur des solutions nationales efficaces. Les solutions adoptées par le projet vitrine se devaient d'emblée d'être des solutions nationales devant satisfaire les besoins de tous et, conséquemment, rencontrer une série de critères également nationaux. Ainsi, l'accentuation des enjeux associés au projet vitrine ont entraîné une intervention importante d'acteurs 20 externes. Une influence externe forte s'est donc exercée sur le déroulement du projet. Le Ministère de la santé et des services sociaux et la Commission de l'accès à l'information ont ainsi eu une influence importante sur la prise de décisions stratégiques du projet. Somme toute, la notion de projet vitrine a été comprise et appliquée par plusieurs intervenants comme un cas exemplaire devant servir à établir des normes provinciales et des systèmes informatisés provinciaux (ex., la gestion du consentement du patient, les interfaces techniques) plutôt que d'être une expérimentation utile pour tirer des leçons provinciales pouvant guider l'établissement de normes et de systèmes standardisés. Cette situation a également entraîné une attention particulière à la gestion de l'image publique au niveau de l'ensemble du projet et chez chacune des organisations impliquées. Ce contexte a eu tendance à favoriser une gestion de projet conservatrice ; ce qui n'est pas un environnement le plus fertile pour susciter l'innovation et la transformation des façons de faire. En somme, alors que l'on observe habituellement une désescalade des objectifs pendant le déroulement dans de tels projets complexes en technologie de l'information, le projet vitrine de DPP a subi pour sa part une pression exactement contraire. Malgré les grandes difficultés inhérentes à ce projet, nous avons assisté à une escalade des objectifs visés. Inutile d'insister pour conclure que le niveau de risque managérial a subi une hausse exponentielle. Enseignement 17 : Les projets de déploiement de DPP au sein de réseaux de soins intégrés sont des projets ayant une portée stratégique. Il faut ainsi consentir un investissement conséquent dans la qualité et la taille de l'équipe de gestion de projet qui doit mener à terme de tels projets. En raison de la complexité et de l'ampleur de tels projets, la présence d'un noyau d'acteurs clés dédiés à temps plein à la planification, la gestion et la réalisation du projet est essentielle. Ce noyau d'acteurs doit représenter des expertises complémentaires pertinentes qui sont le volet clinique, le volet technologique et le volet développement / changement organisationnel (voir enseignement 13). Enseignement 18 : Il existe une tension forte entre le caractère expérimental d'un projet et le désir d'établir des normes provinciales. Compte tenu de la complexité de ce type de projet, l'expérimentation et l'évaluation apparaissent essentielles. Il serait toutefois souhaitable de laisser une plus grande marge de manœuvre au noyau d'acteurs clés (voir enseignement 17) dans le cadre de projets expérimentaux, et ce, afin de favoriser l'innovation. Une telle stratégie n'entre aucunement en conflit avec l'objectif de tirer des leçons donnant lieu à l'élaboration de normes et de standards nationaux. 4.2.5 Analyse du risque stratégique L'analyse des risques technologique, humain et organisationnel se situe au niveau de la production des soins et relève du niveau opérationnel. Les organisations et les acteurs impliqués dans ce type de projet entretiennent également des visions stratégiques qui sont liées à leurs intérêts propres. Le déploiement d'un DPP représente un type de projet qui requiert la collaboration de plusieurs organisations différentes dans un contexte où l'ampleur des changements organisationnels est majeure et où les besoins en ressources humaines et financières sont considérables. Dans un tel contexte, le niveau de participation et d'adhésion de chacun à l'objectif collectif est influencé par la valeur prêtée au projet en vertu de ses propres visées stratégiques. Cette situation commande une gestion stratégique au sens où il faut pouvoir intéresser tous les partenaires organisationnels tout en les rassemblant autour d'objectifs communs. 4.2.5.1 Stratégies organisationnelles individuelles et stratégie collective du réseau Au départ, le projet vitrine mettait en réseau des organisations aux missions divergentes : un CHU pédiatrique, deux hôpitaux pour adultes dotés d'une mission secondaire pour enfants et quatre cliniques médicales. Le DPP représentait ainsi un projet ayant des visées et des enjeux différents selon les organisations impliquées. Plus particulièrement, le projet de DPP représentait une valeur stratégique élevée pour le CHU alors qu'il était beaucoup moins central aux intérêts de deux autres hôpitaux chez qui la clientèle pédiatrique est moins volumineuse. Les bénéfices espérés de part et d'autres étaient donc différents et cela ne fut pas sans influencer les efforts humains et financiers consentis dans chacun des établissements participants. Dans un tel contexte, une gestion stratégique globale devient essentielle. L'équipe de projet doit analyser la valeur stratégique du projet du point de vue de chacun des partenaires et élaborer une série d'incitatifs qui sauront intéresser chacun des partenaires. Ce n'est que dans la mesure où l'on parvient à intéresser chacun des partenaires que le risque stratégique pourra être contrôlé. 4.2.5.2 Stratégies commerciales des partenaires privés Tel que décrit dans la première section de ce rapport, le DPP implanté dans le cadre du projet vitrine a pris la forme d'un entrepôt de données qui intègre des données produites par une série de systèmes patrimoniaux soutenus par diverses firmes privées. Le transfert des 21 données cliniques entre ces différents systèmes et l'entrepôt de données HNS a nécessité le développement de 18 interfaces techniques distinctes qui ont dû être développées par des firmes plus ou moins en concurrence commerciale à la fois entre elles et avec la firme fournissant la solution HNS. Un tel contexte entraîne une situation délicate où, à nouveau, une gestion stratégique du projet en fonction des intérêts individuels des participants est cruciale. 4.2.6 Le risque légal 4.2.5.3 L'après projet 4.2.6.1 Architecture technologique et droit Le projet vitrine était un projet autonome au plan des objectifs et du financement. Il bénéficiait donc d'un budget autonome et protégé permettant sa réalisation. Par contre, le devenir du DPP postérieurement au projet vitrine est demeuré inconnu jusqu'à la toute fin. Cette situation a eu un effet négatif sur la volonté de participation des cliniciens sollicités et des organisations partenaires. Le risque associé à cette situation est d'autant plus important que les efforts exigés pour la conduite d'un projet d'une telle complexité sont importants. Une architecture centralisée impliquant un serveur unique accueillant l'entrepôt de données est une solution avantageuse du point de vue technique (facilité entretien, sécurité, coût financier). Par contre, cette architecture, qui centralise les données cliniques provenant de plusieurs établissements, pose problème selon le cadre légal québécois actuel qui prescrit à chaque établissement de santé d'être le seul responsable de la conservation des données cliniques des patients qu'il traite. L'adoption d'une architecture technologique centralisé a impliqué un risque légal important qui a eu un impact important sur le déroulement du projet. Deux conséquences principales se sont manifestées. Enseignement 19:Les projets visant la mise en réseau de plusieurs établissements de santé, sous-jacents à des projets technologiques comme le DPP, requièrent une réflexion sur la collaboration interorganisationnelle qui va bien au-delà de la seule dimension technologique. La portée stratégique du projet constitue un élément clé qui a des impacts majeurs sur l'intérêt et la contribution de chacun des membres dans la réalisation du projet. Il est donc essentiel que chaque partenaire ait un intérêt stratégique élevé dans la poursuite du projet technologique afin de stimuler non seulement sa participation mais également son engagement et son implication. Enseignement 20 : Des efforts devraient être investis dès le début du projet afin d'étayer une analyse de la portée stratégique du projet qui permettra ultimement de répondre à des questions telles : Quels sont les intérêts stratégiques prioritaires de chacun des partenaires? Quels incitatifs peuvent être créés afin d'intéresser chacun des partenaires dont on sollicite la participation? Comment doit-on positionner un projet collectif de manière à ce qu'il représente une valeur stratégique pour chacun des partenaires organisationnels? Enseignement 21 : Compte tenu des efforts humains et organisationnels exigés par le déploiement de technologies de l'information complexes tel le DPP, il semble essentiel de planifier en cours de réalisation ce qu'il adviendra de la technologie implantée (et les changements organisationnels associés) une fois le projet expérimental terminé. Sans réassurance à ce niveau, il semble difficile de mener des expérimentations mobilisatrices pour l'ensemble des partenaires impliqués et pour l'ensemble du réseau de la santé. Les aspects déontologiques et légaux en matière de protection de la vie privée et de gestion du consentement des patients ont été un enjeu fondamental qui n'est pas sans avoir des effets importants sur la conception et le déploiement du DPP. Dans cette section, nous analysons l'impact qu'a eu ce phénomène sur le niveau de risque associé au projet vitrine. 4.2.6.2 Gestion du consentement et accumulation de données cliniques Les aspects légaux ont joué un rôle important dans le déroulement du projet vitrine. Une décision, prise au tout début du projet, selon une perspective légale, a effectivement eu un impact direct sur l'intérêt des cliniciens à utiliser le DPP lors de la phase de pilotage. Il fut décidé que l'obtention du consentement du patient était une condition essentielle pour effectuer le transfert de données cliniques vers l'entrepôt de données HNS. Cette décision, qui découlait d'une décision ministérielle de développer une solution informatique provinciale uniforme pour le système de gestion du consentement du patient, a entraîné une série de conséquences malheureuses. Le choix et l'opérationnalisation de l'application provinciale a subi un nombre important de retards associés à l'importance des enjeux pour l'ensemble du système de santé ; ce qui a eu pour effet de retarder la sollicitation des patients participants au projet vitrine. Par ailleurs, comme le consentement des patients était exigé préalablement à l'accumulation des données, l'historique des données disponibles dans HNS a été réduit à quelques semaines. Si l'archivage électronique des données avait débuté au début du projet, il aurait alors été possible de rendre disponible aux cliniciens un recul historique de près de trois ans. D'un point 22 de vue strictement technique une telle décision aurait été possible puisque les systèmes patrimoniaux étaient en place et traitaient électroniquement les données au moment d'amorcer le projet expérimental. Il aurait donc été possible d'accumuler les données tôt et de se donner le temps de trouver ultérieurement une solution acceptable d'un point de vue juridique. L'intérêt des données rendues disponibles par le DPP a ainsi été sérieusement miné du point de vue des médecins. Parmi les principaux désavantages, citons le fait que les médecins risquaient de disposer d'un historique tronqué du dossier du patient qui ne disposait des données produites avant l'obtention du consentement. De même, le dossier pouvait être tronqué ultérieurement dans la mesure où la durée du consentement était limitée à une période de 12 mois. Par la suite, il fallait reprendre les démarches pour obtenir à nouveau un consentement préalable. Dans un tel contexte, il n'est pas surprenant de constater que les médecins ont mis en doute l'utilité d'un DPP présenté comme un dossier médical interétablissement complet. Le niveau du risque légal aurait pu être minimisé en adoptant des mécanismes de consentement conformes à ceux du dossier médical papier ; ce qui aurait permis de respecter le cadre légal en place. Actuellement, un patient qui voit un médecin peut donner son consentement à la consultation d'une copie de son dossier médical conservé dans un autre établissement de santé. Une copie du dossier papier est alors acheminée. Le même mécanisme pourrait être appliqué au DPP. Il s'agit d'accumuler dans l'entrepôt de données, en continu, les données électroniques provenant des établissements partenaires (sur des serveurs distribués dans les établissements ou sur un serveur central où la juridiction exclusive de conservation des données demeure à l'établissement fournissant les données). Par la suite, lorsqu'un patient se présente dans n'importe quel établissement du réseau, il s'agit de solliciter son consentement au moment du traitement. Dès que le consentement du patient est acquis, le médecin obtient alors instannément l'accès à toutes les informations disponibles dans l'entrepôt de données. Le DPP devient alors, en temps réel et à distance, un dossier partagé réunissant toutes les données disponibles qui les rend accessibles à l'équipe de soins alors même que le patient est en traitement. Enseignement 22 : Sans dénier l'importance du droit, il est important d'évaluer l'effet sur les utilisateurs que peuvent avoir les règles de fonctionnement issues du cadre juridique qui sont utilisées pour opérer une technologie de l'information, comme le DPP. Ces règles ont un impact direct sur le fonctionnement des équipes de soins et sur la qualité des données cliniques tel que perçus par les professionnels de la santé. Ces facteurs ont un effet direct sur la propension des médecins et des cliniciens à adopter ou non un DPP. 5. Conclusion – Sommaire synthèse Ce rapport présente les résultats d'une recherche évaluative dont l'objectif premier était de tirer un ensemble d'enseignements liés aux enjeux technologiques, humains, organisationnels, managériaux, stratégiques et légaux entourant le déploiement d'un Dossier Patient Partageable (DPP) au sein d'un réseau de soins intégrés. Le déploiement d'un DPP représente une innovation complexe et il n'est pas étonnant de constater que le déroulement du projet fut semé d'embûches et d'aléas qui ont remis en question la planification initiale. L'important à la fin de cette expérimentation n'est pas de statuer ce qui a bien fonctionné ou non. Le véritable intérêt est plutôt de se pencher sur les enseignements que cette expérimentation nous offre pour l'avenir. Les connaissances produites doivent être utiles pour éclairer les décisions futures d'un éventuel déploiement à plus large échelle. De façon générale, il faut comprendre et retenir que le succès d'un projet de DPP, tel que celui décrit dans le présent rapport, réside dans la capacité de l'équipe de projet à résoudre simultanément plusieurs équations. Précisément, notre analyse révèle que le risque associé à ce type de projet est multidimensionnel et que les diverses composantes ou dimensions du risque sont, jusqu'à un certain point, mutuellement dépendantes (voir structure imbriquée à la figure 1). A leur tour, chacune des dimensions du risque comprend une série d'enjeux et de défis majeurs qui devront tous être anticipés et éventuellement surmontés afin de maximiser les chances de réussite. Une telle gestion requiert une vision holistique du projet et de ses enjeux. La participation d'acteurs clés ayant des connaissances et expertises complémentaires et qui sont dédiés à temps plein au projet prend alors tout son sens. Le défi de l'équipe de projet consiste à parvenir à maintenir le cap, en préservant le caractère fondamental du DPP, tout en demeurant flexible et imaginatif pour concilier de multiples logiques divergentes et fluctuantes selon les moments du projet. Incluant la logique novatrice, issue du DPP qui forme le cœur du projet, il faut parvenir à concilier d'autres logiques essentielles comme les logiques humaine, organisationnelle, stratégique et légale. Chacune de Àces logiques présentent à la fois des opportunités et des écueils qu'il faut savoir capturer ou surmonter. De surcroît, cette gestion du changement doit être exercée à l'endroit d'une innovation embryonnaire et complexe. Le DPP présente un caractère très novateur de développement d'une technologie de l'information méconnue dans le domaine de la santé. Le DPP propose un dossier patient développé sur la base d'un concept 23 récent en système d'information : l'entrepôt de données (Data Warehouse). Cette solution offre plusieurs avantages aux plans informationnel et communicationnel. Le principal permet de mettre à profit le potentiel des technologies issues de l'Internet afin de s'affranchir des barrières spatiales usuelles présentes entre des services d'une même organisation ou d'organisations différentes. Cette solution surmonte l'incompatibilité existant entre des systèmes informatiques différents. Elle permet la récupération des données produites et stockées sur les systèmes informatiques patrimoniaux existants et leur intégration au sein d'une base de données unique, l'entrepôt de données. Ainsi, grâce à des réseaux de télécommunications sécurisées, la communication rapide des données cliniques entre des lieux de soins différents peut être réalisée sans contraintes de distance. Le DPP peut donc être utilisé comme un dossier centralisé et partagé donnant accès aux dossiers des patients d'établissements différents. En terminant ce rapport, il nous paraît important d'en rappeler l'essentiel, à savoir les 22 enseignements que l'analyse du projet vitrine a permis d'identifier. Ceux-ci sont regroupés selon la nature des six risques qui ont été évalués. Risque technologique Enseignement 1:Le déploiement d'un DPP représente un risque technologique important compte tenu du caractère à la fois novateur et complexe de cette technologie émergente. Le risque technologique est présent à plusieurs niveaux : le choix de l'application informatique elle-même, la compatibilité de l'application avec les systèmes d'information patrimoniaux en place, la fiabilité et la performance du réseau de télécommunications ainsi que le temps-réponse du DPP. De surcroît, ces facteurs sont étroitement interreliées les uns aux autres augmentant d'autant le niveau de risque. Enseignement 2 : L'objectif de développer des réseaux de soins intégrés exerce une certaine pression sur les établissements de santé en matière d'informatisation. Nous observons toutefois qu'il semble difficile et périlleux de déployer un système interorganisationnel d'échanges de données cliniques dans un contexte où les établissements participants n'ont pas ou très peu de systèmes informatisés de données cliniques en place. Afin de maximiser les chances de réussite d'un projet de DPP, les efforts d'informatisation devraient d'abord être investis à l'interne pour ensuite être orientés vers la mise en place du réseau intégré, de sorte à s'assurer que chaque établissement puisse avoir atteint un niveau minimal de sophistication technologique. Il semble judicieux à notre avis de considérer en premier lieu l'intégration et le partage des informations existant déjà sous forme numérique dans les systèmes informatiques en place comme on l'a réalisé dans le projet vitrine. Enseignement 3 : La capacité à transférer un ensemble disparate de données cliniques au sein d'un même entrepôt de données demeure un enjeu technique central de tout projet d'implantation de DPP. En effet, la compatibilité, à la fois technique (ex. plateformes et environnements) et clinique (ex. nomenclature, dictionnaire de données) entre le DPP et l'ensemble des systèmes patrimoniaux en cause est souvent source de difficultés et d'embûches techniques majeures mais demeure néanmoins une condition essentielle de réussite. Ainsi, une planification minutieuse des besoins en matière d'interfaces (passerelles) semble nécessaire en début de projet afin de produire un échéancier réaliste. Risque humain Enseignement 4 : L'adoption d'un DPP est principalement influencée par le niveau d'utilité perçue de cette technologie. L'utilité du DPP doit être clairement démontrée et communiquer aux médecins qui, suite à une certaine forme d'appropriation de la technologie, pourront à leur tour jouer un rôle clé de leader d'opinions auprès de leurs pairs. Enseignement 5 : Le niveau de compatibilité entre les caractéristiques de la technologie (fonctionnalités) et les processus cliniques en place semble constituer un facteur clé de succès aux yeux des médecins utilisateurs. Enseignement 6 : Les médecins ayant la plus forte intention d'adopter le DPP sont ceux qui, notamment, ont développé et qui démontrent une attitude positive vis-à-vis la technologie. Ces attitudes positives sont principalement et largement influencées par le fait que les futurs utilisateurs ont été exposés aux effets bénéfiques liés à l'usage du DPP et qu'il leur est possible de communiquer ces mêmes bénéfices à leurs pairs (voir enseignement 4). Enseignement 7 : L'influence des chefs d'unités cliniques, de la direction du centre hospitalier, des pairs et des membres du comité directeur associé au projet DPP ne s'avère pas être prédictive des intentions des médecins à l'égard de l'adoption du DPP. Enseignement 8 : Plus les médecins se sentent en contrôle ou perçoivent maîtriser les rudiments et les fonctionnalités du DPP, plus ils ont la ferme intention d'adopter l'outil dans le cadre de leur travail. Ce résultat met en lumière deux facteurs clés de succès des projets technologiques en santé, soit : 1) facilité d'utilisation du DPP et 2) qualité de la formation dispensée aux médecins. Enseignement 9 : Le risque humain représente un risque important lors de l'implantation d'un DPP. Une telle application informatique est confrontée à de très fortes exigences en termes d'utilité, de validité, de convivialité et de performance technique (voir enseignements 1 et 4). De surcroît, il ne faut pas perdre de vue que tous les systèmes 24 administratifs en place entourant le dossier papier traditionnel sont conçus et opérés pour minimiser le fardeau clérical du médecin. L'introduction d'une application informatique que le médecin doit opérer lui-même et intégrer de façon efficace à sa pratique médicale représente donc un défi de taille. Enseignement 10:L'adoption du DPP par les médecins est fonction de la variété et de la quantité de données cliniques disponibles dans l'entrepôt de données. Les données cliniques normalement retrouvées dans un DPE doivent être disponibles dans le DPP afin de maximiser l'intérêt des médecins et autres cliniciens. La proportion de patients dont les données figurent dans le DPP doit également être élevée pour créer une nouvelle habitude chez les utilisateurs. En somme, une masse critique de données (résultats de requêtes, imagerie diagnostic, prescriptions, etc.) et de patients doit être assurée afin de maximiser les chances d'adoption du DPP de la part des médecins. Enseignement 11 : La participation des usagers à la personnalisation de l'application informatique demeure une mesure importante permettant de diminuer le risque humain normalement associé à ce type de projet. Cette participation doit toutefois être menée de façon contextualisée puisque chaque spécialité médicale et chaque service clinique a ses exigences particulières en matière de personnalisation du DPP. L'objectif de réaliser une interface uniforme, sans prise en compte des particularités locales, augmente ainsi le risque de résistance vis-à-vis le DPP. Enseignement 12:Un des avantages reconnus d'un DPP, du point de vue des médecins, réside en la capacité de faire des recherches rapides permettant de trouver l'information clinique désirée ; un avantage que peu très difficilement offrir le dossier papier traditionnel. Dans cette perspective, il semble judicieux de réfléchir au contenu de l'entrepôt de données cliniques dès les tous débuts d'un projet. Cette stratégie permet de diminuer le risque humain en offrant aux médecins une valeur ajoutée recherchée. Cet aspect rejoint l'analyse du risque légal abordé plus loin dans ce texte. Risque organisationnel Enseignement 13 : Tout comme le risque humain, le risque organisationnel représente un risque majeur lors du déploiement d'un DPP. Tout comme d'autres technologies émergentes telles le PACS et la dictée numérique centralisée, le DPP entraîne inévitablement des ramifications et des ajustements importants au niveau des processus administratifs et cliniques lors de son implantation sur le terrain. De tels changements doivent donc être planifiés soigneusement. La réussite d'un tel exercice de réingénierie requiert habituellement la collaboration de trois types de professionnels au sein de l'équipe de projet : un ou plusieurs représentant des médecins visés par le changement ; un ou plusieurs représentants du fournisseur d'application (volet TI) ; et un ou plusieurs spécialistes en développement / changement organisationnel. La complémentarité des expertises est nécessaire à l'atteinte d'une transformation organisationnelle réussie lors du déploiement du DPP. Enseignement 14 : Le DPP doit pouvoir s'intégrer harmonieusement aux processus usuels de gestion et de circulation de l'information clinique. En fait, les équipes de projet devraient modifier leurs perceptions et leurs façons de faire de manière à délaisser une vision unilatéraliste de déploiement d'applications informatiques pour élargir leur vision vers le déploiement de systèmes d'information hybrides combinant à la fois l'électronique et le papier. Enseignement 15:La vision de l'équipe de projet constitue un facteur clé de succès lors du déploiement d'un DPP. Cette vision consiste à 1) identifier les objectifs poursuivis en matière d'accès à l'information, de redondance d'examens de laboratoire, d'adoption de normes cliniques, etc.; 2) anticiper les défis et/ou embûches techniques, humains et organisationnels qui surviendront tout au long du projet; 3) identifier les stratégies à mettre en place afin de surmonter ces difficultés; et 4) identifier les acteurs clés à impliquer aux moments opportuns afin de réaliser les stratégies de gestion du changement technologique. Bref, c'est la vision qui détermine en grande partie les décisions et choix ultérieurs, notamment au plan technique, humain et organisationnel. Enseignement 16: L'harmonisation du DPP aux modes opérationnels en usage est un élément important de gestion du changement. Cette préoccupation, mise en lumière tôt dans le projet, peut diminuer le risque d'échec en permettant une plus grande personnalisation de la solution et une meilleure harmonisation du DPP avec les systèmes conventionnels. Un choix précoce du ou des sites de déploiement, des usagers cibles et des clientèles visées permet d'ancrer la réalisation du projet et le déploiement du DPP dans une réalité bien concrète et ainsi faciliter le développement d'une vision essentielle à la réussite du projet (voir enseignement 15). Risque managérial Enseignement 17 : Les projets de déploiement de DPP au sein de réseaux de soins intégrés sont des projets ayant une portée stratégique. Il faut ainsi consentir un investissement conséquent dans la qualité et la taille de l'équipe de gestion de projet qui doit mener à terme de tels projets. En raison de la complexité et de l'ampleur de tels projets, la présence d'un noyau d'acteurs clés dédiés à temps plein à la planification, la gestion et la réalisation du projet est essentielle. Ce noyau d'acteurs doit représenter des expertises complémentaires pertinentes qui sont le volet clinique, le volet technologique et le volet développement / changement organisationnel (voir enseignement 13). 25 Enseignement 18 : Il existe une tension forte entre le caractère expérimental d'un projet et le désir d'établir des normes provinciales. Compte tenu de la complexité de ce type de projet, l'expérimentation et l'évaluation apparaissent essentielles. Il serait toutefois souhaitable de laisser une plus grande marge de manœuvre au noyau d'acteurs clés (voir enseignement 17) dans le cadre de projets expérimentaux, et ce, afin de favoriser l'innovation. Une telle stratégie n'entre aucunement en conflit avec l'objectif de tirer des leçons donnant lieu à l'élaboration de normes et de standards nationaux. Risque stratégique Enseignement 19 : Les projets visant la mise en réseau de plusieurs établissements de santé, sous-jacents à des projets technologiques comme le DPP, requièrent une réflexion sur la collaboration interorganisationnelle qui va bien au-delà de la seule dimension technologique. La portée stratégique du projet constitue un élément clé qui a des impacts majeurs sur l'intérêt et la contribution de chacun des membres dans la réalisation du projet. Il est donc essentiel que chaque partenaire ait un intérêt stratégique élevé dans la poursuite du projet technologique afin de stimuler non seulement sa participation mais également son engagement et son implication. Enseignement 21 : Compte tenu des efforts humains et organisationnels exigés par le déploiement de technologies de l'information complexes tel le DPP, il semble essentiel de planifier en cours de réalisation ce qu'il adviendra de la technologie implantée (et les changements organisationnels associés) une fois le projet expérimental terminé. Sans réassurance à ce niveau, il semble difficile de mener des expérimentations mobilisatrices pour l'ensemble des partenaires impliqués et pour l'ensemble du réseau de la santé. Risque légal Enseignement 22 : Sans dénier l'importance du droit, il est important d'évaluer l'effet sur les utilisateurs que peuvent avoir les règles de fonctionnement issues du cadre juridique qui sont utilisées pour opérer une technologie de l'information, comme le DPP. Ces règles ont un impact direct sur le fonctionnement des équipes de soins et sur la qualité des données cliniques tel que perçus par les professionnels de la santé. Ces facteurs ont un effet direct sur la propension des médecins et des cliniciens à adopter ou non un DPP. Enseignement 20 : Des efforts devraient être investis dès le début du projet afin d'étayer une analyse de la portée stratégique du projet qui permettra ultimement de répondre à des questions telles : Quels sont les intérêts stratégiques prioritaires de chacun des partenaires? Quels incitatifs peuvent être créés afin d'intéresser chacun des partenaires dont on sollicite la participation? Comment doit-on positionner un projet collectif de manière à ce qu'il représente une valeur stratégique pour chacun des partenaires organisationnels? 26 Références Ahmad A, Teater P, Bentley TD, Kuehn L, Kumar RR, Thomas A, Mekhjian HS (2002) Key attributes of a successful Physician Order Entry system implementation in a Multihospital Environment. Journal of the American Medical Informatic Association. 9 : 16-24. Ash JS, Groman PN, Lavelle M, Payne TH, Massaro TA, Frantz GL, Lyman JA (2003) A cross-site qualitative study of Physician Order Entry. J Am Med Inform Assoc. 10:188-200. Barki, H, Rivard S, Talbot J (2001). An Integrative Contingency Model of Software Project Risk Management, Journal of Management Information Systems, 17, 4, 37-70. Bates DW, Cohen M, Leape LL, Overhage JM, Shabot MM, Sheridan T (2001) Reducing the frequency of errors in medicine using information technology. J Am Med Inform Assoc. 8, 4: 299-308. 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