Analyse du risque associé au déploiement d`un dossier patient

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Groupe de recherche
interdisciplinaire en santé
Secteur santé publique
Faculté de médecine
Analyse du risque associé au déploiement
d'un dossier patient partageable
Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable
L'expérimentation d'un dossier patient électronique
au sein d'un réseau de soins intégrés
Étude comparée de la collaboration interorganisationnelle et de ses effets :
Claude Sicotte
Guy Paré
André Paccioni
Pascale Lehoux
R05-03
Février 2005
Dépôt légal – 1er trimestre 2005
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
ISBN 2–921954–87–7
ANALYSE DU RISQUE ASSOCIÉ AU DÉPLOIEMENT
D'UN DOSSIER PATIENT PARTAGEABLE
Évaluation du Projet vitrine : Dossier Patient Partageable
L'expérimentation d'un dossier patient électronique au sein
d'un réseau de soins intégrés
Claude Sicotte 1 , PhD
Guy Paré 2 , PhD
André Paccioni 1 , PhD Candidat
P a sca l e L e h o u x 1 , PhD
(1) Département d’administration de la santé &
Groupe de recherche interdisciplinaire en santé (GRIS)
Université de Montréal
(2) Chaire de recherche du Canada en TI dans le secteur de la santé
HEC Montréal
Septembre 2004
TABLE DES MATIÈRES
1. Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2. Description du projet vitrine de Dossier Patient Partageable (DPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.1 Le cœur du projet : un entrepôt de données cliniques intra et interorganisationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3
2.2 L'infrastructure technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
2.3 L'échéancier du projet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5
3. Analyse de l'utilisation du Dossier Patient Partageable pendant la phase de pilotage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
3.1 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital Ste-Justine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
3.2 Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital St-Eustache . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
4. Analyse du risque associé au déploiement du Dossier Patient Partageable (DPP) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
4.1 Présentation du modèle d'analyse du risque . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
4.2 Analyse du risque associé au projet vitrine de DPP . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
4.2.1 Analyse du risque technologique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10
4.2.1.1
4.2.1.2
4.2.1.3
4.2.1.4
Réseau de télécommunications interorganisationnelles
Qualité et pérennité de la solution informatique de DPP
Performance technique – Temps-réponse du DPP
Intégration du DPP aux systèmes patrimoniaux sources
4.2.2 Analyse du risque humain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
4.2.2.1
4.2.2.2
4.2.2.3
Attentes des médecins lors de la phase de pré-pilotage du DPP
Satisfaction des utilisateurs du DPP lors de la phase de pilotage
Impact de deux stratégies classiques de minimisation du risque
4.2.3 Analyse du risque organisationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
4.2.3.1
4.2.3.2
Double source informationnelle
Un DPP : un système interorganisationnel ou intraorganisationnel?
4.2.4 Analyse du risque managérial . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
4.2.4.1
4.2.4.2
4.2.4.3
Taille et qualité de l'équipe de gestion
Volatilité des acteurs clés
Influence externe et escalade de la complexité du projet
4.2.5 Analyse du risque stratégique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 21
4.2.5.1
4.2.5.2
4.2.5.3
Stratégies organisationnelles individuelles et stratégie collective du réseau
Stratégies commerciales des partenaires privés
L'après-projet
4.2.6 Analyse du risque légal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
4.2.6.1
4.2.6.2
Architecture technologique et droit
Gestion du consentement et accumulation de données cliniques
5. Conclusion – Sommaire exécutif . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23
Références . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
1. Introduction
E
n janvier 2001 débutait un projet d'expérimentation
d'un nouveau système d'information et de communication au sein d'un réseau d'organisations
de santé partenaires comprenant un Centre hospitalier
universitaire pédiatrique, les départements de pédiatrie
de deux hôpitaux de soins aigus spécialisés pour adultes
et enfants ainsi que quatre cliniques médicales pédiatriques.
L'objectif de ce projet était «d'expérimenter l'intégration
de données cliniques pour améliorer le suivi des patients
et être capable d'offrir les soins appropriés, au moment
opportun et aussi près que possible des patients, le tout
à un coût le plus efficace possible». L'infrastructure
technologique permettant l'intégration des données
cliniques de ce réseau repose sur une solution proposée
par la compagnie IBM : le système Health Network
Solution (HNS). Ce système est une solution d'intégration
électronique pour le domaine de la santé qui permet
de fusionner en une base unique de données, les données
de systèmes hétérogènes tels les systèmes de laboratoire,
les systèmes d'admission, les systèmes de radiologie et
les systèmes de transcription de notes médicales.
En marge de ce projet, une recherche évaluative
a été menée de manière à produire une information utile
apte à cerner les enjeux professionnels, organisationnels et
technologiques associés au fonctionnement du Dossier
Patient Partageable (DPP) lors de la phase de pilotage
du nouveau dispositif. Les connaissances produites
visent à éclairer les décisions futures du déploiement
d'un DPP à plus large échelle au sein du système de santé
québécois. Ce document présente le troisième et dernier
rapport de cette recherche. Il comporte trois sections.
Une première section présente les principales caractéristiques de ce projet vitrine d'expérimentation d'un
Dossier Patient Partageable (DPP). La seconde section
dresse le portrait de l'utilisation du DPP lors de la phase
de pilotage du système. La phase de pilotage visait un
déploiement à petite échelle auprès d'un nombre réduit
de médecins / utilisateurs volontaires qui ont accepté
d'utiliser le DPP dans leur pratique médicale régulière
pendant quelques mois. Finalement, la troisième section,
le centre de ce rapport, présente une analyse du risque
du projet de DPP. Cette analyse, menée autour de six
catégories de risques spécifiques à ce type de projet,
permet de comprendre les facteurs qui favorisent ou
nuisent au succès de la gestion de tels projets. Cette analyse
du risque permet de tirer des leçons fort utiles qui pourront
aider les équipes responsables du déploiement à plus
large échelle d'un tel système.
2. Description du projet
vitrine de Dossier Patient
Partageable (DPP)
Le projet vitrine de Dossier Patient Partageable
est un projet d'expérimentation qui visait à déployer
un dossier patient électronique partagé au sein d'un réseau
d'établissements offrant des soins maternaux-infantiles
de 1ere, 2e et 3e lignes. Ces établissements sont un CHU
pédiatrique, l'Hôpital Ste-Justine ; les départements
de pédiatrie de deux hôpitaux de soins généraux spécialisés
adultes et pédiatriques, les hôpitaux St-Eustache et Cité
de la santé de Laval, situés au nord de Montréal ; ainsi
que quatre cliniques médicales spécialisées en soins
pédiatriques où pratiquent des pédiatres associés aux
hôpitaux St-Eustache et Cité de la santé.
2.1 Le cœur du projet : un entrepôt
de données cliniques intra
et interorganisationnel
Le but de ce projet était l'opérationnalisation et
le déploiement d'un dossier médical électronique intégrant
des données cliniques provenant des établissements
participants. Cette solution informatique vise à surmonter
les contraintes usuelles en matière de gestion et de communication de l'information clinique associées au dossier
médical de format papier. Le caractère novateur du présent
projet est de proposer un dossier patient développé sur
la base d'un concept récent en système d'information :
l'entrepôt de données (Data Warehouse). Cette solution
offre plusieurs avantages aux plans informationnel et
communicationnel. Le principal permet de mettre à profit
le potentiel des technologies issues de l'Internet afin de
s'affranchir des barrières spatiales usuelles présentes entre
des services d'une même organisation ou d'organisations
différentes. Cette solution surmonte l'incompatibilité
existant entre des systèmes informatiques différents.
Elle permet la récupération des données produites et
stockées sur les systèmes informatiques patrimoniaux
existants et leur intégration au sein d'une base de données
unique, l'entrepôt de données. Ainsi, grâce à des réseaux
de télécommunications sécurisées, la communication
rapide des données cliniques entre des lieux de soins
différents peut être réalisée sans contraintes de distance.
Le DPP peut donc être utilisé comme un dossier centralisé
et partagé donnant accès aux dossiers des patients
d'établissements différents. Ce dossier partagé permet
alors aux médecins, aux professionnels de la santé et
au personnel administratif autorisés de consulter les
données cliniques du patient en temps réel et à distance.
Appliqué à un contexte de soins hospitaliers et ambulatoires,
3
ce dispositif permet à des équipes localisées en des sites
différents de consulter, en utilisant les systèmes informationnels qui leur sont familiers, des données cliniques
d'un même patient saisies et entreposées sur un support
informatique commun:l'entrepôt de données cliniques.
Pour le lecteur intéressé, il est possible de consulter
le premier rapport de recherche évalutative réalisé
au début du projet vitrine qui permet de comprendre
en détails la logique à la base du déploiement d'un DPP
(Sicotte et coll., 2002).
Il convient de souligner deux caractéristiques
importantes du système d'entrepôt de données choisi
pour le projet vitrine. Premièrement, la solution informatique choisie est un système générique de DPP. Cette
solution peut donc être généralisée à tout genre de données
médicales, notamment les médicaments. Dans le cadre
du projet vitrine, un sous-ensemble des données cliniques
a été retenu de manière à réduire la complexité du projet.
Lors d'éventuels déploiements, il sera alors possible
d'étendre la gamme des données cliniques. Deuxièmement,
la solution informatique choisie opère à partir de données
numériques. Cette solution technologique se démarque
d'une autre solution populaire:la numérisation qui permet
de produire par copie numérique des images électroniques
des données cliniques disponibles sous format papier
dans le dossier médical traditionnel. Grâce à la numérisation, il est possible, à distance, à partir d'un poste
informatique, de rechercher et de consulter rapidement
les données cliniques préalablement copiées numériquement. La manipulation de ces données numérisées est
toutefois limitée car les données demeurent des images
de documents papier. Il est impossible d'effectuer
des opérations informatiques sur les données cliniques.
La solution HNS repose, quant à elle, sur le traitement
de données numériques, capturées à la source, directement
à partir de systèmes informatiques patrimoniaux disponibles dans les établissements participants. Les données
numériques bénéficient du plein potentiel offert par
l'informatisation et possèdent un avantage important
sur des données numérisées. Chaque donnée peut être
traitée individuellement mettant alors à profit toute
la puissance de calcul et de traitement des données
de l'informatique. Une série d'avantages importants
découle de cette capacité :
• Validation informatique automatisée des données
assurant la qualité de l'information
• Transformation informatique améliorant la présentation visuelle de l'information
• Utilisation d'opérations mathématiques pour
produire divers types d'analyses statistiques et comparatives utiles à des fins cliniques ou administratives
• Analyse de contenu de manière à fournir
automatiquement et en temps réel des avis ou conseils
au personnel clinique : les aviseurs cliniques
• Analyse de contenu en temps réel permettant
la surveillance d'évènements pouvant représenter une
menace pour les patients comme le contrôle des allergies
et des interactions médicamenteuses.
En somme, des données numériques permettent
de tirer le plein potentiel de l'informatique en matière
de traitement et d'analyse de l'information pour soutenir
les professionnels dans leur processus de décision clinique (Ahmad et coll., 2002 ; Bates et coll., 2001 ; Bates
& Gawande, 2003; Lee et coll., 1996). Les systèmes de données numérisées sont beaucoup moins aptes à fournir
ces avantages.
Dans cette perspective, le projet vitrine de DPP
s'est fixé à plus long terme, en situation de déploiement
permanent à large échelle, une série d'objectifs ambitieux.
Ces objectifs sont au nombre de cinq :
1. Favoriser l'échange d'information entre les différentes organisations prestataires de soins de santé
dans le but d'améliorer le continuum de soins
2. Améliorer la présentation des données sur la santé
des patients et les interventions, à l'échelle de la communauté médicale
3. Diminuer la redondance en matière d'examens
de laboratoire, en facilitant l'accès aux diagnostics et
ainsi diminuer les coûts
4. Diffuser l'information via des protocoles de soins
afin de promouvoir l'adoption de normes
5. Faciliter la prestation du niveau de soins
adéquat, au bon endroit et en temps opportun, avec
les informations exactes.
Il importe de souligner que la présente évaluation
ne permet pas de vérifier la réalisation de tels objectifs
dans la mesure où le projet vitrine visait une expérimentation limitée du DPP. Ce dernier a été en effet déployé
sur une petite échelle et sur une courte période
de quelques mois, sans garantie quant à la pérennité
future du projet. L'évaluation a en fait porté sur deux
moments névralgiques au déploiement d'un tel dispositif : (a) la phase de pré-implantation qui porte
essentiellement sur la paramétrisation technique et
organisationnel du DPP à des établissements de santé
différents et la planification des liens de collaboration
entre ces établissements; et, (b) la phase initiale de pilotage
du DPP en contexte réel auprès d'un nombre réduit
de médecins / utilisateurs.
4
2.2 L'infrastructure technologique
Le cœur d'un système de DPP est le logiciel utilisé
par les médecins et le personnel associé pour consulter
et gérer les informations cliniques. L'application informatique, retenue à titre de DPP, était un logiciel
développé par une firme spécialisée en technologies de
l'information : le système HNS (Health Network Solution)
développé par la firme IBM. Les composantes principales du système HNS sont :
• Un index patient maître. Cet index permet
d'identifier parmi tous les établissements de santé
participant chaque patient par un numéro d'identification
unique éliminant les doublons. Il offre également un outil
de recherche permettant le recours à plusieurs autres
paramètres, comme la date de naissance, pour identifier
les patients.
• Un dictionnaire d'entités médicales. Ce dictionnaire constitue une des pièces maîtresses de la solution
HNS. Il agit comme un filtre permettant la normalisation
des appellations et des valeurs entre des établissements
différents.
• Des interfaces techniques. Ces interfaces permettent le transfert automatisé des données produites
par les systèmes patrimoniaux existants–radiologie (RIS),
laboratoires, admissions, transcriptions – vers l'entrepôt
de données de HNS.
• Des fonctions de sécurité. Ces fonctions permettent d'appliquer des règles de confidentialité et
de protection de l'information dont l'authentification
des utilisateurs et le contrôle des profils d'accès et d'utilisation (journal informatisé ou log book).
• Des fonctions administratives. Ces fonctions
assurent le traitement des épisodes de soins, l'enregistrement des nouveaux patients, la vérification de
l'admissibilité, ...
• La gestion des références. Cette fonction permet
de diriger un patient vers un spécialiste tout en faisant
suivre à ce médecin les données cliniques pertinentes.
• La communication des documents cliniques.
Cette fonction consiste à acheminer les nouveaux résultats
de tests de laboratoire ou radiologie au médecin traitant
sitôt qu'ils sont disponibles sur HNS.
• Les données cliniques. La présentation des
données peut être personnalisée en fonction du rôle
de l'utilisateur du système.
• Un système de gestion du consentement
du patient. Ce système vise à obtenir l'accord du patient
quant à l'intégration et l'échange d'informations cliniques le concernant entre les partenaires du réseau.
Au niveau de l'équipement informatique, un
environnement partagé a été mis en place entre les établissements participants. Cet environnement comprend
un serveur de configuration, un serveur de test,
un serveur de formation, un serveur de production et
une unité de prise de copie. Au plan logiciel, des engins
d'interface techniques, basés sur le protocole de communication standard HL7 font le pont entre les applications
réseau de HNS et les systèmes patrimoniaux maisons
des établissements, les systèmes sources qui fournissent
les données cliniques.
Dans le cadre de l'expérimentation du DPP,
un sous-ensemble des données cliniques contenues
dans le dossier médical traditionnel a fait l'objet d'une
inclusion dans le dossier électronique. Aux fins du projet
vitrine, la solution HNS visait à permettre la diffusion
aux médecins/utilisateurs des données-patients suivantes:
• Données démographiques du patient et historique de visites aux établissements participants
• Rapports de laboratoires
• Rapports médicaux transcrits dont la note
sommaire
• Rapports d'examens d'imagerie médicale
provenant du système PACS de l'Hôpital Ste-Justine.
Au plan du financement, la firme IBM Canada Ltée
a investi dans le projet l'équivalent du prix de la licence
de sa solution informatique HNS. Le Ministère de la santé
et des services sociaux du Québec investissait, quant à lui,
11 millions de dollars, pour financer la réalisation
du projet incluant principalement l'achat de l'équipement
et la rémunération des informaticiens d'IBM et
de son personnel cadre. La rémunération du personnel
des établissements participants, cadres, professionnels
de la santé et autres, provenait des budgets réguliers
de ces établissements.
2.3 L'échéancier du projet
L'échéancier initial du projet prévoyait une durée
totale de 28 mois et une date de fin d'expérimentation
en juin 2003. Cet échéancier a été prolongé de 12 mois
suite, notamment, à des retards subis dans le développement des interfaces techniques asssurant le transfert
des données cliniques des systèmes d'informations
patrimoniaux vers l'entrepôt de données de HNS.
5
Le projet s'est déroulé selon six phases. La première
phase, l'analyse des données, s'est déroulée au printemps
2001. La seconde phase, l'analyse fonctionnelle, s'est
étalée sur l'été et l'automne 2001. La phase suivante,
dédiée à la configuration du système, notamment
l'élaboration du dictionnaire d'entités médicales, fut
menée pendant l'année 2002. La quatrième phase,
une phase de test et de configuration de la solution
HNS, se déroula au printemps 2003. L'été et l'automne
2003 furent consacrés à la phase d'implantation technique. Cette période permit l'installation des postes
de travail destinés aux utilisateurs ainsi que la formation
des formateurs, du personnel d'assistance et des utilisateurs. Finalement, la phase de pilotage qui marque
la fin de l'expérimentation et qui devait initialement
compter 3 mois a été prolongée de 4 mois supplémentaires
pour favoriser une meilleure appropriation du nouveau
système par les utilisateurs / médecins. Pendant cette
dernière phase, un petit nombre d'utilisateurs volontaires
ont accepté d'utiliser l'application HNS en contexte réel.
La liste des 39 médecins / utilisateurs était constituée
de 22 médecins de l'Hôpital Ste-Justine, des 10 pédiatres
de l'hôpital Cité de la santé et des 7 pédiatres de l'hôptial
St-Eustache. Parmi les 17 pédiatres des deux derniers
hôpitaux, 8 étaient également associés aux 4 cliniques
médicales participant au projet vitrine. Les 22 médecins
du CHU se répartissaient de la façon suivante :
13 médecins urgentistes travaillant à l'urgence, 7 chirurgiens
(2 en chirurgie générale, 2 en urologie et 3 des services
d'orthopédie, d'ORL et de chirurgie plastique), 1 pédiatre
de médecine des adolescents et 1 pédiatre responsable
de l'enseignement universitaire.
Un deuxième système informatique névralgique
pour la conduite de ce projet vitrine fut le système permettant de gérer le consentement des patients à participer
au projet vitrine. Il a été décidé d'utiliser un système
informatique autonome, indépendant de la solution HNS,
pour effectuer la gestion du consentement des patients
invités à participer au projet. La livraison d'une version
opérationnelle de ce système de gestion du consentement
a pris du retard et ne fut livrée que le 3 juin 2003, date
tardive qui a marqué le début officiel du recrutement
de patients qui acceptaient que les données cliniques
les concernant soient transférées à l'entrepôt de données
HNS. C'est donc à partir de ce moment tardif qu'a débuté
l'accumulation des données cliniques dans l'entrepôt
de données HNS ; c'est-à-dire à peine 4 mois avant
le début de la phase de pilotage. Les médecins participant
à la phase de pilotage du DPP, qui a démarré à la fin
novembre 2003, n'ont donc pu consulter des données
historiques qui ne remontaient qu'à quelques semaines.
Il faut également indiquer que la livraison des interfaces
techniques n'était pas encore achevée à cette époque à
l'hôpital St-Eustache entraînant un retard supplémentaire
dans l'accumulation des données cliniques.
3. Analyse de l'utilisation
du Dossier Patient
Partageable pendant
la phase pilotage
Dans ce chapitre, nous analysons l'utilisation du DPP
observée parmi les 39 médecins s'étant porté volontaires
à son expérimentation. Il s'agit ici d'analyser dans quelle
mesure les médecins se sont appropriés ce nouvel outil
informatique et d'en décrire l'usage. Dans le chapitre
suivant, l'analyse visera à identifier les facteurs organisationnels, professionnels et techniques qui expliquent
le niveau d'utilisation observé de manière à mieux cerner
les conditions d'usage viable de cette technologie.
La fréquence d'utilisation du DPP a été établie grâce
aux données fournies par le journal de bord informatisé
du DPP. Ce journal de bord est un mécanisme d'archivage
automatisé qui note systématiquement l'identité des
personnes accédant au DPP (login, logout) ainsi que
les actions posées par chaque utilisateur, notamment
le nombre de dossiers consultés et la nature des informations consultées dans chaque dossier. Cette mesure
de l'utilisation est donc objective et systématique tout
en étant peu intrusive ; ce qui en fait une excellente
mesure de l'utilisation d'un système informatisé. Cette
information est précieuse car elle permet de connaître
précisément l'utilisation du système informatisé et
la progression de l'adoption pendant le déroulement
de la phase de pilotage.
La phase de pilotage du DPP s'est déroulée pendant
une période de 7 mois, du 28 novembre 2003 au 30 juin 2004
et, malheureusement, ce ne sont pas tous les médecins
initialement identifiés qui ont participé. Seule une portion
des médecins de l'Hôpital Ste-Justine a pu participer
à la période complète de 7 mois. Plus de la moitié
des médecins, à savoir les 13 médecins de l'urgence, ont
attendu l'amélioration de fonctionnalités du système avant
de commencer l'utilisation du DPP à la fin mars 2004.
De même, la participation des pédiatres de l'hôpital
St-Eustache a débuté avec quatre mois de retard, le 3 avril
2004, compte tenu de l'implantation tardive des interfaces
techniques permettant le transfert des données de leurs
systèmes de laboratoire. Et finalement, les médecins
de l'hôpital Cité de la santé, quant à eux, n'ont pas pu
expérimenter le nouveau système informatisé car
les services informatiques de l'hôpital n'ont pu assurer
l'implantation locale du système HNS, compte tenu
de la surcharge de travail entraînée par la réalisation
concomitante de plusieurs projets informatiques.
6
3.1 Intensité de l'utilisation
du DPP à l'Hôpital Ste-Justine
Le Tableau 1 présente une série d'indicateurs
décrivant l'utilisation du DPP à l'hôpital Ste-Justine
pendant la phase de pilotage.
Les indicateurs ont été calculés et sont présentés
sur une base hebdomadaire. Le Tableau 1 présente pour
chaque mois à l'étude les moyennes de ces indicateurs.
La lecture de ces résultats permet de suivre la progression
du niveau d'utilisation pendant le cours de l'expérimentation en terme du nombre de médecins utilisateurs
et du nombre de fois qu'ils ont utilisé le DPP dans
une semaine. Sur l'ensemble de la période de 7 mois,
le nombre moyen hebdomadaire de médecins utilisateurs
du DPP a été de 7 médecins ; ce qui représente un tiers
des 22 médecins ayant initialement accepté de participer
à l'expérimentation. Lors du dernier mois d'observation
en juin 2004, le pourcentage des médecins de l'Hôpital
Ste-Justine ayant utilisé le DPP atteignait 39 %. Le nombre
hebdomadaire de médecins utilisateurs a atteint un
maximum de 11 (50 % des médecins participants).
Pour la même période, le nombre moyen d'accès
hebdomadaire par médecin utilisateur de l'Hôpital
Ste-Justine a été 3. Parmi les 22 médecins utilisateurs
pressentis pour la phase de pilotage à l'hôpital
Ste-Justine, 7 n'ont jamais utilisé le DPP, 2 l'ont utilisé
une seule fois et 13 l'ont utilisé de façon régulière.
Cette utilisation peut être qualifiée de modeste
tant au plan du nombre de médecins que de l'intensité
de leur utilisation calculée par la fréquence des dossiers
consultés. Il est vrai que la capacité d'utiliser HNS comme
un DPP était fortement handicapée, compte tenu du retard
pris à l'Hôpital St-Eustache pour l'alimentation de l'entrepôt de données et l'absence complète du troisième
hôpital, Cité de la santé. Afin de pallier à cet imprévu,
l'équipe de gestion de projet a décidé de rendre
disponible aux médecins de l'Hôpital Ste-Justine tous
les résultats de laboratoire produits à l'hôpital. Dans ces
cas, le consentement du patient via le nouveau système
informatique n'était pas nécessaire ; ce qui a permis
de rendre accessible aux médecins de l'Hôpital Ste-Justine
via le DPP un nombre important de résultats maisons.
Le Tableau 1 rapporte le volume hebdomadaire de résultats
de laboratoires ainsi versés dans l'entrepôt de données
du DPP ainsi que le nombre de patients concernés.
Le volume hebdomadaire moyen était de 5824 résultats
pour un nombre moyen de 1124 patients. Un tel volume
de données montre que le DPP contenait une quantité
appréciable d'informations pouvant intéresser
les médecins participants même si ces informations
concernaient rarement des données de patients traités
dans un autre établissement.
En théorie, cette information « interne » pouvait
intéresser tout particulièrement les 13 médecins participants
pratiquant à l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine. L'accès
rapide aux résultats de laboratoire est un élément clé pour
accélérer la prise de décision médicale à l'urgence.
Malheureusement, ces médecins n'ont pas voulu utiliser
le DPP lors des premières semaines de la phase
de pilotage. Le système était alors jugé peu utile pour
la pratique médicale d'urgence dans la mesure où la mise
à jour des données de résultats de laboratoires n'était
pas automatique et continue. Une mise à jour continue
est particulièrement importante à l'urgence où les médecins
attendent le résultat de tests avant de prendre une décision
finale sur la gestion des cas. En l'absence d'une telle
fonction, la seule option offerte aux médecins pour
obtenir des résultats récents était de fermer complètement
leur session de travail et de se rebrancher à nouveau au
système. Cette solution impliquait une perte de temps
entraînée par la nécessité de se resoumettre aux mesures
Tableau 1 : Intensité de l'utilisation du DPP à l'Hôpital Ste-Justine entre le 28 novembre 2003 et le 1er juillet 2004.
Déc. 2003
Janv. 2004
28/11 au 18/12 2/1 au 29/1
Fév. 2004
30/1 au 26/2
Mars 2004
27/2 au 1/4
Avril 2004
2/4 au 29/4
Mai 2004
30/4 au 27/5
Juin 2004
28/5 au 1/7
Moyenne
hebdomadaire
Nombre hebdomadaire
de médecins utilisateurs
7,7
4,5
6,3
5,3
10,5
8,3
8,6
6,9
Pourcentage de médecins
utilisateurs par semaine
35 %
21 %
22 %
24 %
48 %
38 %
39 %
32 %
Nombre moyen d'accès
hebdomadaire à des dossiers
DPP par médecin utilisateur
2,3
3
2,9
2,9
3
3,3
3,8
3
Nombre moyen de patients
pour lesquels des résultats
de laboratoires ont été émis
1 055
1 087
972
1 286
1 095
1 118
1 196
1 124
Nombre moyen de résultats
de laboratoires reçus
3 232
3 261
3 015
8 065
7 034
7 118
7 511
5 824
Note : Deux semaines à la période de Noël (19 et 26 décembre) ont été retirées du calcul des indicateurs compte tenu de cette période d'activités particulière et
du très faible usage du DPP à cette époque.
7
de sécurité (identifiant et mot de
passe). Cette option, peu adaptée
au rythme de travail de l'urgence,
explique le délai dans l'utilisation de ce groupe de médecins
qui représentait plus de la moitié
des médecins participant à la phase
de pilotage. Le développement
de cette fonction de mise à jour
continue des données, n'avait
pas été prévu lors de la phase
de planification du système et
a donc été réalisé pendant la phase
de pilotage. La nouvelle fonction
a été mise en activité à la fin
du mois de mars 2004, alors que
plus de la moitié de la phase
de pilotage était écoulée.
Tableau 2 : Intensité de l'utilisation du DPP à l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine d'avril à juin 2004.
Avril 2004
26/3 au 29/4
Mai 2004
Juin 2004
30/4 au 27/5 28/5 au 1/7
Moyenne
hebdomadaire
Nombre hebdomadaire de médecins
de l'urgence utilisateurs
6
4,3
5,2
5,2
Pourcentage de médecins de l'urgence
utilisateurs par semaine
50 %
36 %
43 %
43 %
Nombre moyen d'accès hebdomadaire
à des dossiers DPP par médecin
de l'urgence utilisateur
4,1
3,9
4,8
4,3
Tableau 3 : Intensité de l'utilisation du DPP par le personnel clérical des quatre cliniques
médicales de mars à juin 2004.
Nombre hebdomadaire
de cliniques utilisant le DPP
Mars 2004
5/3 au 25/3
Avril 2004
26/3 au 29/4
Mai 2004 Juin 2004 Moyenne
30/4 au 27/5 28/5 au 1/7 hebdomadaire
2,3
3,6
3,5
3,4
3,4
Le Tableau 2 présente l'utiPourcentage de cliniques
lisation du DPP observée chez
68 %
90 %
88 %
85 %
82 %
utilisant le DPP par semaine
les médecins de l'urgence pour
les 3 derniers mois de la phase
Nombre moyen d'accès
de pilotage alors que la mise à
hebdomadaire à des dossiers
2,3
4,5
6,5
7
5,3
DPP par clinique
jour des données se réalisait
automatiquement. Durant cette
période, le service de l'urgence a
cette utilisation qui a la particularité d'avoir été exercée
enregistré un nombre moyen de médecins utilisateurs
par du personnel de bureau plutôt que par les médecins
de 5 médecins alors que l'accès hebdomadaire moyen
eux-mêmes. L'intérêt pour ce personnel–et les médecins
par médecin utilisateur s'élevait à 4,3 accès.
pratiquant dans ces cliniques–était d'obtenir rapidement
les résultats disponibles à l'Hôpital St-Eustache sans devoir
attendre et subir les délais associés au système traditionnel de transmission par télécopie et courrier régulier.
Un tel avantage s'inscrit précisément dans le type de bénéfice
que vise à offrir un DPP. L'utilisation, mesurée par le nombre
L'utilisation du DPP à l'Hôpital St-Eustache fut
hebdomadaire de cliniques ayant recours au DPP, a été
très réduite. Seul un pédiatre a occasionnellement utilisé
très élevée (82%) quoique la fréquence d'accès a été plus
le système HNS et ce, de façon très irrégulière. Il faut
modeste s'établissant à 5,3 accès par semaine par clinique.
reconnaître que, d'une part, le DPP a été mis en fonction
tardivement au début du mois de mars 2004 et que,
d'autre part, les pédiatres ont accès à une autre solution
informatique qui leur fournit des résultats de laboratoire et ce pour une plus longue période historique.
L'Hôpital St-Eustache possède effectivement un autre
système de dossiers patients électroniques numérisés.
Ce système est apprécié et utilisé par le corps médical
Le chapitre précédent a permis d'apprécier le niveau
de l'hôpital. Cette situation a diminué l'attrait du nouveau
d'utilisation du DPP observé lors de la phase de pilotage.
DPP qui offrait un faible horizon temporel et peu de
Cette phase, précédant un éventuel déploiement à large
données cliniques provenant des autres établissements,
échelle, est névralgique car elle a permis d'analyser
compte tenu du nombre de patients ayant donné leur
les facteurs qui ont eu une influence, positive ou négative,
consentement aux transferts des données les concernant
sur la volonté et la capacité des utilisateurs à adopter
dans le système HNS.
le nouveau système informatisé. Cette analyse offre
une série de leçons importantes qui doivent être prises
Ce sont en fait au sein des quatres cliniques
en compte si on veut assurer la prérennité future du DPP
médicales qu'a pu être observée une utilisation plus
et l'atteinte des bénéfices recherchés.
significative du système HNS. Le tableau 3 présente
3.2 Intensité de l'utilisation
du DPP à l'Hôpital St-Eustache
4. Analyse du risque associé
au déploiement du Dossier
Patient Partageable
8
Cette analyse du risque a porté sur la durée complète
de réalisation du projet vitrine depuis les tous débuts en
2001 jusqu'à la fin de la phase de pilotage en juin 2004.
Une analyse du risque en matière de technologies
de l'information vise un double objectif : d'abord, poser
un diagnostic sur la nature des risques auxquels
le déploiement du noveau système est confronté; et ensuite,
identifier des stratégies efficaces pour en assurer
l'adoption par les utilisateurs et l'atteinte des bénéfices
visés. Le choix de cette perspective analytique repose
sur la conviction que la qualité de la gestion du changement
organisationnel demeure un facteur névralgique au
déploiement des nouvelles technologies de l'information
dans les organisations (Orlikowski et Hofman, 1997 ;
Harrington et coll., 2000; Paré, 2002). Devant la complexité
de conduite de tels projets, particulièrement dans
les organisations de santé, il est important de bien comprendre le rôle des facteurs névralgiques influençant
le déploiement d'une solution technologique comme
le DPP de manière à s'assurer que ces facteurs sont
adéquatement pris en compte en fonction de la technologie et du contexte. En cette matière, la gestion du risque
demeure une approche reconnue dans le domaine
des systèmes d'information (Barki et coll., 2001).
4.1 Présentation du modèle
d'analyse du risque
les réactions des utilisateurs face à la nouvelle technologie,
les caractéristiques de l'organisation du travail où doit
s'insérer la technologie, la qualité de la gestion du projet,
les enjeux stratégiques et politiques et finalement les aspects
légaux. Selon cette perspective d'analyse du risque,
le succès du déploiement d'une nouvelle technologie,
comme le DPP, réside en la capacité à mettre en place
des stratégies de déploiement adaptées et dosées
en fonction de la nature des risques associés au projet
de manière à minimiser l'impact potentiel des risques
identifiés.
Formellement, les six types de risque pris en compte
dans notre analyse du risque sont les suivants :
1. Le risque technologique est lié aux caractéristiques technologiques, tant au niveau de l'équipement
que des logiciels, du nouveau dispositif déployé.
2. Le risque humain découle des réactions des
usagers face à la technologie.
3. Le risque organisationnel résulte de la qualité
de l'alignement entre les caractéristiques de la technologie
et de l'organisation du travail clinique.
4. Le risque managérial est associé à la qualité
de la gestion du projet.
5. Le risque stratégique est lié aux intérêts des
Notre grille d'analyse du risque se veut complète
différents partenaires internes et externes impliqués
et spécifique. Elle est complète car elle permet d'estimer
dans le projet.
tous les risques significatifs représentant une importance
névralgique au déploiement des technologies de l'infor6. Le risque légal découle des valeurs et règles
mation, tel le DPP, au sein des organisations de santé.
en vigueur quant à la diffusion, la sécurité et la confiElle est spécifique car chaque risque est analysé indidentialité des données.
viduellement et minutieusement
de manière à pouvoir élaborer
Figure 1 : Modèle d'analyse du risque
un ensemble de stratégies palliatives qui sauront minimiser chacun
de ces risques et assurer le succès
Risque légal
du projet. Notre grille d'analyse
Risque stratégique
comporte six risques différents
Risque managérial
organisés en couches successives
de zones d'incertitude prenant
Risque organisationnel
leur assise au coeur technologique
Risque humain
du projet pour ensuite englober
successivement les autres types
Risque
technologique
de risque.
Le premier type de risque
concerne la technologie elle-même.
Puis, suivent selon un ordre
progressif, du coeur du projet
vers sa périphérie, cinq autres
types de risques. Ces autres
risquent concernent dans l'ordre
9
A priori, il n'y a pas un type de risque qui soit
plus important que les autres. L'acuité des risques est
contextuelle en ce sens qu'elle est fonction de la technologie et de l'environnement organisationnel au sein
duquel la technologie est déployée.
4.2 Analyse du risque associé
au projet vitrine de DPP
4.2.1 Analyse du risque technologique
Les enjeux technologiques sont au cœur d'un projet
de déploiement de Dossier Patient Partageable dans
la mesure où un tel dossier médical électronique est
une nouvelle technologie de l'information qui représente
une innovation technologique importante pour les organisations de santé. De surcroît, cette innovation vise
une fonction névralgique: la production des soins. En effet,
un DPP vise à améliorer l'accessibilité aux soins, leur
coordination et leur continuité ; et ce dans les situations
où le patient consulte plusieurs intervenants différents.
La réalisation de ces bénéfices implique une solution
technologique très novatrice pour les organisations
de santé. Cette innovation vise à fusionner des capacités
informatiques à des capacités communicationnelles,
propres aux Technologies de l'Information (TI), afin
d'améliorer la circulation de l'information clinique
entre plusieurs organisations de santé. Le DPP doit
donc pouvoir compter sur une architecture informatique
en matière de données cliniques suffisamment développée
à la fois à l'intérieur de chacune des organisations de santé
appelées à partager des données et au niveau du réseau
de télécommunication réunissant ces organisations.
Dans les paragraphes qui suivent, nous analysons
la nature du risque technologique observé pendant
le déroulement du projet vitrine et nous apprécions
les stratégies adoptées pour y faire face. Nous rappelons
que l'intérêt n'est pas simplement de statuer ce qui a bien
fonctionné ou non. Le véritable intérêt est de tirer
des leçons utiles de l'expérimentation et de proposer
des stratégies aptes à favoriser le succès d'un déploiement
à large échelle. Selon cette perspective, notre analyse
nous a permis d'identifier quatre risques significatifs
dont nous allons maintenant présenter les différents
éléments et la gravité.
4.2.1.1 Réseau de télécommunications
interorganisationnelles
Un dossier patient partageable nécessite le recours
à un réseau de télécommunications à haut débit, fiable,
stable et sécuritaire afin d'assurer le transfert d'informations
entre des établissements différents. En cette matière,
le projet a bénéficié d'un atout important : la présence
d'un Intranet sécurisé et fonctionnel, le RTSS (Réseau
de Télécommunications Socio-Sanitaire). Il s'agit d'un
intranet propriétaire, sécurisé, desservant exclusivement
les établissements de santé du Québec. Ce système existe
depuis quelques années et son fonctionnement est
maintenant bien rodé. Par contre, il s'agit d'un réseau
public qui exclut, jusqu'à maintenant, les cliniques
médicales qui sont vues comme des organisations
externes. Un lien fonctionnel et sécurisé entre les cliniques
médicales participantes et le RTSS a donc dû être établi.
Cette responsabilité, confiée à des founisseurs d'Internet
commerciaux, ne représente pas une augmentation
significative du risque dans la mesure où la technologie
(Bastion protégé et réseau VPN (Virtual Private Network))
est connue et fiable et qu'elle a déjà été utilisée dans
le cadre du RTSS pour des projets similaires.
4.2.1.2 Qualité et pérennité de la solution
informatique de DPP
Le marché commercial des solutions informatiques en matière de dossier médical électronique et
de DPP n'est pas encore un marché mature. Plusieurs
solutions existent sur le marché. Elles sont à des stades
de recherche et développement (R&D) plus ou moins
avancés et plusieurs solutions ont été abandonnées par
le passé. Le choix d'un DPP représente donc une décision
risquée.
Dans le cadre du projet vitrine, le choix de la solution HNS fut un choix initial judicieux minimisant
le risque technologique normalement associé à ce type
de projet. Plusieurs facteurs militaient en faveur du choix
de HNS. Premièrement, IBM est une firme bien établie,
possédant les ressources pour développer ce type de produit. Deuxièmement, le système HNS bénéficiait d'une
certaine notoriété dans la mesure où il avait été déployé
dans quelques hôpitaux notamment au Canada. De plus,
HNS, un système récent, pouvait compter sur des développements récents au plan de la qualité technique et
de l'interface. La pertinence de ce choix a d'ailleurs fait
l'objet d'une expertise technique à l'automne 2002 afin
de valider les choix alors arrêtés. Cette expertise, menée
par le groupe Gartner, une firme spécialisée à la renommée
bien établie, fut concluante.
Malheureusement, malgré la qualité du choix
initial, le risque associé au choix de HNS s'est significativement aggravé pendant le déroulement du projet
vitrine. La cause de cette aggravation est indépendante
de la volonté de l'équipe de projet. Elle est issue d'une
décision commerciale de la firme IBM de se retirer
du marché des dossiers patients électroniques. Par voie
de conséquence, le système HNS a été confié à une filiale
10
canadienne qui n'assure maintenant qu'un appui technique. Cette décision stratégique de la firme IBM marque
l'arrêt des investissements en R&D dans le développement
de ce produit. Les développements futurs sont dorénavant
limités à l'investissement en R&D que voudront bien
consentir les clients actuels ou éventuels de HNS. Cette
nouvelle situation entraîne un accroissement du risque
technologique associé à HNS dans la mesure où cette
solution deviendra plus ou moins rapidement dépassée
selon les efforts de R&D menés par des firmes concurrentes.
Le second type de risque technologique qui caractérise HNS a trait à la nature même du système :
un entrepôt de données. Cette technologie est performante pour réaliser l'intégration de données provenant
de divers systèmes sources et assurer la consultation
des données ainsi intégrées. Par contre, HNS ne permet
pas au personnel clinique d'émettre électroniquement
des requêtes. Le système HNS n'est donc pas un système
de Requêtes / Résultats à part entière comme il en existe
sur le marché. Il s'agit essentiellement d'un système
de consultation de résultats. Par conséquent, les établissements intéressés au dossier patient électronique devront
à plus ou moins court terme se procurer un autre système
d'information pour combler ce besoin. Il faudra alors
prévoir une solution de dossier patient électronique
compatible avec HNS. Il ne faut pas perdre de vue que
c'est la double capacité à faire des Requêtes / Résultats
électroniquement qui représente un atout important
du dossier médical électronique comme en fait foi
la littérature spécialisée (Ahmad et coll., 2002 ; Bates et
coll., 2001 ; Bates & Gawande, 2003 ; Lee et coll., 1996).
4.2.1.3 Performance technique – Temps-réponse
du DPP
La performance, évaluée en terme de tempsréponse, est un élément névralgique de tout système
d'information clinique devant fonctionner en temps
réel. Le personnel clinique, les médecins notamment,
n'ont pas le choix. Ils doivent maintenir une cadence
élevée de travail compte tenu du nombre élevé de patients
à traiter. Les systèmes d'information cliniques qu'on
leur propose doivent pouvoir soutenir cette cadence.
Compte tenu du caractère limité de la phase
de pilotage du DPP en terme du nombre d'utilisateurs,
il n'a pas été possible d'apprécier la qualité du tempsréponse de HNS en contexte réel. Il est reconnu que
la performance de tels systèmes d'information cliniques
qui doivent fournir en temps réel l'information aux
cliniciens ralentit lors des périodes de fortes utilisations.
Le temps-réponse est vulnérable au nombre d'utilisateurs
et risque de varier selon les moments de la journée.
La matinée est une période particulièrement névralgique
dans les hôpitaux. Lors d'un déploiement à large
échelle, il sera important de planifier et de monitorer
minutieusement cet aspect qui a un effet direct
et immédiat sur la capacité des cliniciens à utiliser un
DPP. Ce type de risque sera important à monitorer
lors d'un déploiement à large échelle car une piètre
performance pourrait à elle seule freiner l'adoption
du nouveau système.
4.2.1.4 Intégration du DPP aux systèmes
patrimoniaux sources
L'avantage d'un dépôt de données, tel HNS, est
de pouvoir intégrer au sein d'une même base de données,
l'entrepôt de données, l'ensemble des données dispersées
dans les systèmes d'information existants, les systèmes
patrimoniaux. Idéalement, cette intégration est facilitée
par le recours à un langage machine commun permettant
le transfert des données entre des systèmes différents.
Il existe un standard reconnu en matière de transfert
de données dans le domaine de la santé, le langage
HL7, qu'offre HNS. Mais il s'agit d'un standard
relativement récent que ne supporte pas la grande
majorité des systèmes patrimoniaux de données
cliniques en place dans les hôpitaux québécois. Il a donc
fallu développer une série d'interfaces techniques aptes
à faire ce transfert des données entre chacun des systèmes
patrimoniaux et HNS. Cet aspect n'avait pas été prévu
lors de la planification initiale du projet. Il a donc fallu
planifier et réaliser ces nouvelles activités en cours
de projet. Cette situation a entraîné des délais importants
découlant de la nécessité de trouver un financement
supplémentaire, de tenir des négociations imprévues
avec différents fournisseurs des systèmes patrimoniaux
et de développer les interfaces en question.
Cette situation a entraîné une augmentation
du risque technologique. L'équipe de projet a dû consacrer
des efforts importants, tant au plan technique que politique,
pour mener à terme une série d'ententes commerciales
à l'intérieur d'un échéancier serré et dans un contexte
de concurrence commerciale. En effet, il ne faut pas
oublier que plusieurs des firmes devant développer
les interfaces techniques se percevaient en situation
concurrentielle face à l'arrivée d'un joueur important,
la firme IBM, sur le marché des systèmes d'informations
cliniques.
Malgré ces aléas, les interfaces techniques requises
ont été développées et le système HNS a pu rencontrer
les objectifs fixés en matière d'intégration de données
cliniques. Cependant la phase de pilotage du système
fut perturbée par des retards qui en ont gêné le déroulement. La phase de pilotage a débuté à l'Hôpital
Ste-Justine en novembre 2003 avec les résultats des
laboratoires mais en l'absence des résultats de radiologie
qui furent intégrées plus tardivement, au printemps 2004.
11
À l'Hôpital St-Eustache, le début de la phase de pilotage
fut retardée jusqu'au mois de mars 2004.
Sur la base de l'analyse du risque technologique
présentée ci-dessus, nous sommes en mesure de dégager
une série d'enseignements pouvant guider la réalisation
de projets déploiement de DPP.
Enseignement 1:Le déploiement d'un DPP représente
un risque technologique important compte tenu du caractère
à la fois novateur et complexe de cette technologie émergente.
Le risque technologique est présent à plusieurs niveaux:le choix
de l'application informatique elle-même, la compatibilité
de l'application avec les systèmes d'information patrimoniaux
en place, la fiabilité et la performance du réseau de télécommunications ainsi que le temps-réponse du DPP. De surcroît,
ces facteurs sont étroitement interreliées les uns aux autres
augmentant d'autant le niveau de risque.
Enseignement 2 : L'objectif de développer des réseaux
de soins intégrés exerce une certaine pression sur les établissements de santé en matière d'informatisation. Nous observons
toutefois qu'il semble difficile et périlleux de déployer un système
interorganisationnel d'échanges de données cliniques dans
un contexte où les établissements participants n'ont pas
ou très peu de systèmes informatisés de données cliniques
en place. Afin de maximiser les chances de réussite d'un projet
de DPP, les efforts d'informatisation devraient d'abord être
investis à l'interne pour ensuite être orientés vers la mise
en place du réseau intégré, de sorte à s'assurer que chaque
établissement puisse avoir atteint un niveau minimal de
sophistication technologique. Il semble judicieux à notre avis
de considérer en premier lieu l'intégration et le partage
des informations existant déjà sous forme numérique dans
les systèmes informatiques en place comme on l'a réalisé
dans le projet vitrine.
Enseignement 3:La capacité à transférer un ensemble
disparate de données cliniques au sein d'un même entrepôt
de données demeure un enjeu technique central de tout projet
d'implantation de DPP. En effet, la compatibilité, à la fois
technique (ex. plateformes et environnements) et clinique
(ex. nomenclature, dictionnaire de données) entre le DPP
et l'ensemble des systèmes patrimoniaux en cause est souvent
source de difficultés et d'embûches techniques majeures mais
demeure néanmoins une condition essentielle de réussite.
Ainsi, une planification minutieuse des besoins en matière
d'interfaces (passerelles) semble nécessaire en début de projet
afin de produire un échéancier réaliste.
4.2.2 Analyse du risque humain
Comme nous l'avons vu, l'analyse du risque
technologique nous a permis d'apprécier une série
de conditions essentielles au succès d'un DPP. Une
deuxième série de conditions sont toutes aussi, sinon
plus, névralgiques. Il s'agit de la transformation des habitudes de travail des utilisateurs qu'entraîne inévitablement
le recours à un dossier médical électronique. Un tel système
informatisé se situe au coeur même des pratiques cliniques
des médecins. Il implique nécessairement une transformation des habitudes et pratiques qui représente un
risque significatif au succès du déploiement. À ce titre,
l'analyse du projet vitrine a mis en lumière une série
de conditions que nous allons présenter en deux sections
distinctes : soit la phase précédant le pilotage du DPP et
la phase de pilotage elle-même.
4.2.2.1 Attentes des médecins lors de la phase
de pré-pilotage du DPP
L'utilité perçue d'un système d'information du point
de vue des utilisateurs est un élément-clé de l'adoption
de ce type de système. La nature de l'information clinique
disponible grâce à un DPP demeure une composante
essentielle à son adoption, notamment par les médecins.
Le défi premier ici consiste donc à proposer une information clinique utile et accessible aux futurs usagers.
Afin de pouvoir évaluer le niveau du risque
humain, nous avons, dans un premier temps, conduit
une enquête sur les perceptions et attitudes des
médecins visés par l'expérimentation vis-à-vis l'utilisation
du DPP. Cette enquête visait principalement à connaître
leurs attentes face au DPP et leurs intentions quant
à leur adoption éventuelle du nouveau système. Cette
démarche s'inscrivait dans la perspective des travaux
de Karahanna et al. (1999) relatifs aux comportements
pré et post adoption en matière de nouvelles technologies
de l'information. À cette fin, nous avons développé
un modèle de recherche ainsi qu'un questionnaire
fermé issus des recherches citées précédemment que
nous avons enrichis, afin de les adapter au contexte
particulier du projet vitrine, d'éléments d'analyse
découlant de la théorie du comportement planifié et
des travaux de Mathieson (1991).
Le questionnaire fut remis aux médecins utilisateurs
lors de la phase de pré déploiement, plus précisément
à l'issue des séances de formation. Les taux de réponse
ont oscillé entre 43 % pour l'Hôpital Saint-Eustache et
82 % pour l'Hôpital Sainte-Justine. L'échantillon final
fut constitué de 24 répondants.
En raison de la faible taille de l'échantillon, les
seules analyses statistiques rendues possibles furent
des analyses de corrélation. Le tableau 4 présente
les statistiques descriptives associées à chacune des
variables incluses dans le modèle de recherche. Chaque
variable a été mesurée à l'aide d'un ensemble d'énoncés
utilisant une échelle de Likert à 7 points où « 1 »
indique que le répondant est fortement en désaccord
12
avec l'item et « 7 » indique un fort
niveau d'accord avec l'énoncé.
Tableau 4 : Attentes et intentions initiales exprimées par les médecins à l'endroit du DPP
Statistiques descriptives.
Variables
Min
Max
Moyenne
Écart-type
Tel qu'indiqué dans le
tableau 4, les médecins réponCroyances quant aux effets anticipés du DPP
3,2
7,0
5,6
1,2
dants semblaient être relativement
optimistes quant aux effets
Croyances quant à la compatibilité du DPP
avec les processus cliniques
3,7
7,0
6,2
0,8
anticipés ou aux avantages relatifs
associés à l'usage du DPP
Croyances quant à la démonstrabilité
(moyenne de 5,6 sur 7). Ces
des impacts du DPP
3,5
7,0
5,9
0,9
bénéfices ont trait notamment
Croyances quant à l'image associée
à une meilleure accessibilité aux
à l'utilisation du DPP
1,0
7,0
4,3
1,6
dossiers des patients, à l'efficacité
Attitudes concernant l'utilisation du DPP
4,0
7,0
6,0
0,7
des médecins eux-mêmes ainsi
qu'à une plus grande qualité
Croyances normatives associées à l'usage du DPP 4,4
7,0
5,8
0,7
et continuité des soins prodigués
Normes ou pressions sociales quant
aux patients fréquentant les étabà l'utilisation du DPP
3,3
7,0
5,4
1,0
lissements mis en réseau. La
Croyances quant aux difficultés associées
démonstrabilité de ces mêmes
à l'apprentissage et à l'utilisation du DPP
2,5
7,0
5,8
1,1
impacts, soit le fait d'être en
mesure d'informer ses pairs
Contrôle perçu quant à l'utilisation du DPP
2,3
5,7
3,5
0,8
des impacts de la technologie,
Intention d'adopter le DPP dans le futur
1,0
7,0
4,3
1,6
a également été soulignée par
les médecins comme étant un
facteur déterminant (moyenne de 5,9 sur 7). De plus,
Les croyances quant aux effets anticipés et à la
les médecins ont indiqué qu'une condition préalable à
démonstrabilité du DPP s'avèrent ainsi importantes
leur adoption du DPP était l'alignement de la technolomais ne sont toutefois pas corroborées par celles liées
gie avec les pratiques et processus cliniques en place au
à la compatibilité du DPP avec les pratiques cliniques.
sein de leur établissement de santé respectif (moyenne
Ce dernier résultat paraît surprenant et s'explique
de 6,2 sur 7). Toutefois, les répondants semblent plus
probablement par les habitudes ancrées des médecins
ou moins d'accord pour dire que l'utilisation du DPP
concernant l'utilisation du dossier patient papier et
leur confèrerait plus de prestige et un plus haut statut
toute autre forme d'information clinique. De façon
au sein de l'hôpital (moyenne de 4,3 sur 7).
moins surprenante, les croyances des médecins quant
à l'image et au statut associés à l'utilisation du DPP
Enseignement 4 : L'adoption d'un DPP est principalene semblent pas constituer un facteur explicatif quant
ment influencée par le niveau d'utilité perçue de cette technologie.
à leurs attitudes personnelles vis-à-vis le DPP. Les médecins
L'utilité du DPP doit être clairement démontrée et communiquer
n'éprouvent donc pas le besoin de reconnaissance
aux médecins qui, suite à une certaine forme d'appropriation
professionnelle via une utilisation de la technologie.
de la technologie, pourront à leur tour jouer un rôle clé de leader
d'opinions auprès de leurs pairs.
Enseignement 6 : Les médecins ayant la plus forte
intention d'adopter le DPP sont ceux qui, notamment, ont
Enseignement 5 : Le niveau de compatibilité entre
développé et qui démontrent une attitude positive vis-à-vis
les caractéristiques de la technologie (fonctionnalités) et les
la technologie. Ces attitudes positives sont principalement
processus cliniques en place semble constituer un facteur clé
et largement influencées par le fait que les futurs utilisateurs
de succès aux yeux des médecins utilisateurs.
ont été exposés aux effets bénéfiques liés à l'usage du DPP
et qu'il leur est possible de communiquer ces mêmes bénéfices
Tel que présenté à la figure 2, deux des variables
à leurs pairs (voir enseignement 4).
discutées ci-dessus semblent avoir une influence
notoire sur les attitudes des médecins à l'égard du DPP
Les recherches empiriques dans le domaine de
(moyenne de 6,0 sur 7). Plus spécifiquement, ce qui fait
l'adoption des technologies de l'information démontrent
en sorte qu'un médecin démontre une attitude positive
que les normes ou pressions sociales exercées par l'influence
vis-à-vis le DPP est intimement lié au fait qu'il croit que
des proches (dans le présent contexte le chef d'unité
la technologie aura des effets positifs (à divers niveaux)
clinique, la direction de l'établissement de santé, les colet qu'il croit être en mesure de bien communiquer et
lègues, etc.), représentent une variable prédictive
expliquer à ses collègues pourquoi l'adoption du DPP
du comportement des utilisateurs visés par une nouvelle
serait bénéfique pour l'ensemble des utilisateurs visés
technologie. Les croyances normatives associées à l'usage
par le déploiement.
du DPP expriment ainsi le phénomène d'émulation
13
Figure 2 : Modèle de pré-adoption du DPP.
inhérent à la technologie et l'image de performance
ou de modernité qui y est associée. Tel qu'indiqué
au tableau 4, les médecins semblaient percevoir une
influence plutôt modérée de leur entourage immédiat
quant à leur adoption du DPP (moyenne de 5,4 sur 7).
En ligne avec ce résultat, on note à la figure 2 que
les normes ou pressions sociales exercées par les proches
n'influent aucunement sur l'intention des médecins
d'adopter ou non le DPP.
répondants se sentaient plus ou moins en contrôle
du DPP au moment de remplir le questionnaire, soit
immédiatement après la courte séance de formation
(moyenne de 3,5 sur 7). Néanmoins, nos résultats
démontrent un lien statistique significatif et positif
entre le niveau de contrôle perçu vis-à-vis l'utilisation
du DPP et l'intention d'adopter la technologie.
Enseignement 7:L'influence des chefs d'unités cliniques,
de la direction du centre hospitalier, des pairs et des membres
du comité directeur associé au projet DPP ne s'avère pas être
prédictive des intentions des médecins à l'égard de l'adoption
du DPP.
Enseignement 8:Plus les médecins se sentent en contrôle
ou perçoivent maîtriser les rudiments et les fonctionnalités
du DPP, plus ils ont la ferme intention d'adopter l'outil dans
le cadre de leur travail. Ce résultat met en lumière deux facteurs
clés de succès des projets technologiques en santé, soit :
1) facilité d'utilisation du DPP et 2) qualité de la formation
dispensée aux médecins.
Un troisième facteur lié à l'intention d'adopter
une nouvelle technologie, et souvent considérée dans
les recherches empiriques sur le sujet, réfère au niveau
perçu de contrôle des utilisateurs quant à l'apprentissage
et à l'utilisation de l'outil technologique concerné.
En d'autres mots, plus un utilisateur potentiel se sent
parfaitement capable d'utiliser la technologie, malgré
les efforts requis pour en maîtriser les rudiments, plus
il sera enclin à adopter la technologie dans le futur. Tel
que démontré au tableau 4, l'ensemble des médecins
En conclusion, les résultats du Tableau 4 révèlent
que les médecins ayant répondu au sondage ont, pour
la plupart, une intention plutôt modérée quant à leur
adoption éventuelle du DPP (moyenne de 4,3 sur 7).
Néanmoins, notre étude indique clairement que ceux
qui ont la ferme intention d'adopter le DPP sont ceux
qui ont développé une attitude positive à l'égard
de la technologie (ayant été exposé aux bénéfices nets
associés à l'usage de la technologie) et qui se sentent
en maîtrise de l'outil technologique suite à la séance
14
de formation. Contrairement aux
résultats d'études antérieures portant sur l'adoption de technologies
par des professionnels, il semble
que les médecins ne se laissent
aucunement ou du moins très peu
influencer dans leur décision
d'adopter ou non le DPP par
les pressions exercées par les
personnes les entourant, qu'il
s'agisse de l'opinion des chefs
d'unités cliniques, de celle des pairs
ou encore de celle des membres
de la direction de l'établissement.
4.2.2.2 Satisfaction
des médecins lors
de la phase de pilotage
du DPP
Tableau 5 : Satisfaction exprimée à l'endroit du DPP lors de la phase de pilotage.
Échelle de réponses à cinq niveaux (Pas du tout satisfait à Tout à fait satisfait)
Variables
Types d'utilisateurs du DPP
Moyenne
Meilleur accès aux résultats concernant
des épisodes antérieurs de soins
Médecins / Urgence – CHU (n = 9)
Autres médecins CHU (n = 7)
Personnel clérical / Cliniques médicales (n = 4)
4,2
4,4
3,2
Accès plus rapide aux résultats de laboratoire
de l'épisode de soins en cours
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
4,1
4,7
4,0
Facilité d'utilisation du DPP
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
4,0
4,6
4,7
Sécurité de l'accès au DPP
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
4,3
5,0
4,7
Confidentialité des données
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
4,1
4,6
4,7
Temps-réponse
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
3,7
3,4
3,2
Médecins / Urgence – CHU
Autres médecins CHU
Personnel clérical / Cliniques médicales
4,0
4,4
4,0
Suite à l'enquête menée
auprès des médecins lors la phase
Satisfaction globale
de pré-déploiement du DPP, nous
en avons conduit une seconde pour
connaître le niveau de satisfaction
de ces mêmes médecins vis-à-vis
l'usage du DPP en contexte réel. Ce deuxième sondage
a été réalisé lors de la fin de la phase de pilotage, soit
entre le 31 mai et le 9 juin 2004. Les médecins visés par
cette seconde enquête par questionnaire furent les plus
grands utilisateurs du DPP à savoir ceux de l'Hôpital
Ste-Justine. Dix-neuf médecins ont ainsi répondu à
ce second questionnaire pour un taux de réponse de 86%.
Également, le questionnaire a été complété par quatre
secrétaires / commis travaillant chacune dans les quatre
cliniques médicales participant au projet vitrine. Les
résultats de cette enquête sont rapportés au Tableau 5
ci-dessous. Ce tableau présente les niveaux de satisfaction
selon trois groupes d'utilisateurs:les médecins de l'urgence
de l'Hôpital Ste-Justine, les autres médecins de cet hôpital
et le personnel clérical des cliniques médicales.
Tel qu'indiqué au Tableau 5, les trois groupes
d'utilisateurs du DPP étaient très satisfaits de l'usage
du DPP tel qu'en témoigne la dernière variable du tableau
rapportant un niveau élevé de satisfaction globale
(moyenne égale ou supérieure à 4 sur 5). Cette évaluation
est congruente avec les trois premières variables qui évaluent
la facilité d'utilisation du système et la satisfaction à l'endroit
de deux bénéfices recherchés:un meilleur accès et un accès
plus rapide aux résultats. Chacune de ces trois variables
atteint un niveau de satisfaction similaire à la satisfaction
globale (moyenne égale ou supérieure à 4 sur 5). Seul
le personnel clérical exprime un niveau plus bas (3,2 sur 5)
pour la variable traitant d'un meilleur accès.
Par ailleurs, le temps-réponse qui demeure un
élément important, tel que nous l'avons souligné
précédemment, a été bien évalué demeurant supérieur
au point milieu de l'échelle. Là encore, le personnel
clérical exprime un avis plus négatif (3,2 sur 5) que les
médecins de l'Hôpital Ste-Justine (3,4 et 3,7 sur 5). Deux
facteurs, la sécurité et la confidentialité, qui soulèvent
souvent des inquiétudes lorsqu'il s'agit de systèmes
informatiques contenant des données sensibles comme
les données cliniques, sont très bien jugés tant que
les médecins qui expriment une forte confiance au système
(entre 4,1 et 5 sur 5) tout comme le personnel clérical
(4,7 sur 5).
Une deuxième section du questionnaire visait
à évaluer la satisfaction en comparant le DPP au dossier
patient papier traditionnel selon 4 dimensions:meilleure
accessibilité, gain de temps dans la recherche des résultats,
économie totale de temps et complexité de la tâche.
Le tableau 6 rapporte ces résultats selon nos mêmes
trois groupes d'utilisateurs. Ici encore, les résultats
observés pour les trois premières variables montrent
que la satisfaction à l'endroit du DPP est très élevée tant
chez les médecins que le personnel clérical. Les médecins
se montrent, comme précédemment, plus satisfaits
(entre 4,2 et 4,7 sur 5) que le personnel clérical (entre 3,7
et 4,2 sur 5). La quatrième variable visait à évaluer
la satisfaction sur la base d'une formulation négative.
Elle corrobore les observations précédentes sur la satisfaction
15
en montrant un fort taux de désaccord des utilisateurs face à l'énoncé
que le DPP complexifie le travail.
Tableau 6 : Comparaison entre le DPP et le dossier patient papier traditionnel.
Échelle de réponses à cinq niveaux (Tout à fait en désaccord à Tout à fait en accord)
Variables
Types d'utilisateurs du DPP
Moyenne
Comme on peut le constater,
Meilleure accessibilité aux résultats
Médecins / Urgence – CHU (n = 9)
4,6
le niveau de satisfaction des
de laboratoire que le dossier papier
Autres médecins CHU (n = 7)
4,9
médecins lors de l'expérimentation
Personnel clérical / CH St-Eustache (n = 4)
4,2
du DPP a été très élevé. Ce résultat
Diminution de la perte de temps
Médecins / Urgence – CHU
4,3
positif paraît paradoxal en regard
à chercher des résultats de laboratoire
Autres médecins CHU
4,2
de la faible utilisation du DPP
Personnel clérical / CH St-Eustache
3,7
rapportée au chapitre 3. Nos entreÉconomie de temps
Médecins / Urgence – CHU
4,4
vues, menées avec les utilisateurs,
Autres médecins CHU
4,7
permettent d'identifier les raisons
Personnel clérical / Cliniques CH St-Eustache
3,7
expliquant cette situation. Celles-ci
Utilisation du DPP complexifie le travail
Médecins / Urgence – CHU
1,2
ne relèvent pas de la performance
Autres
médecins
CHU
1,1
technique du système HNS qui
Personnel clérical / Cliniques CH St-Eustache
2
s'est révélée pleinement satisfaisante lors de la phase de pilotage.
Ces raisons résident plutôt dans la faible utilité du DPP
médicaments, l'accès à l'imagerie diagnostique et la
perçue par les médecins en regard des exigences de leur
possibilité de faire des requêtes.
pratique clinique.
• Le volume des données cliniques disponibles
Premièrement, le système HNS n'a pas vraiment
était faible compte tenu du faible recul historique de l'entreété utilisé comme un dossier partageable dans le cadre
pôt de données et du faible nombre de patients transférés
de la phase de pilotage. Le nombre de résultats disponibles
entre les établissements participants.
pour des patients « externes », ceux provenant des établissements partenaires, était extrêmement faible. À titre
• Peu d'efforts en matière de changement organisad'exemple, seuls deux médecins ont rapporté avoir eu
tionnel ont été déployés lors de la phase de pilotage.
l'occasion de consulter un seul dossier partageable
Les médecins participants ont reçu une formation initiale
pendant toute la phase de pilotage. Rappelons que le recul
mais, par la suite, ils ont été laissés à eux-mêmes en ce qui
historique des données rendues disponibles dans HNS
concerne l'intégration du DPP dans leurs routines de travail
était très limité. En effet, l'accumulation des données
et les routines des autres professionnels. Hormis les efforts
de résultats dans l'entrepôt de données a débuté en juin
importants, mais isolés, d'un médecin identifié comme
2003 à l'Hôpital Ste-Justine et en mars 2004 à l'Hôpital
champion du nouveau système, l'organisation des soins
St-Eustache alors que le troisième hôpital n'a fourni
est demeurée stable et n'a pas été modifiée pour recevoir
aucune donnée à l'entrepôt de données.
le DPP. Le plus souvent, la très grande majorité des
médecins a donc poursuivi son utilisation usuelle
Deuxièmement, la valeur ajoutée du DPP utilisé
du dossier patient papier notamment en raison des
comme un dossier médical interne s'est révélée relativement
habitudes acquises et de l'accès facile à du personnel
marginale. Consciente de la faible quantité de dossiers
clérical dédié à la gestion des résultats cliniques grâce
partageables, l'équipe de projet à l'Hôpital Ste-Justine
aux systèmes en place.
en est venue à promouvoir en cours de projet l'utilisation
• L'absence d'une mise à jour continue des résultats
du DPP comme un Dossier Patient Électronique (DPE)
disponibles dans HNS a entraîné un faux départ lors
interne. Cette stratégie n'a toutefois pas été suffisante
de la phase de pilotage pour plus de la moitié des médecins
pour susciter un intérêt et entraîner une forte utilisation
de l'Hôpital Ste-Justine, soit ceux de l'urgence. Cette
du DPP. Les médecins ont jugé que l'usage du système
fonctionnalité, développée tardivement et implantée au
HNS, utilisé à titre de DPE, était limité pour plusieurs
milieu de la phase de pilotage, a retardé la participation
raisons :
des médecins de l'urgence de l'Hôpital de Ste-Justine.
Ces derniers ont en effet boudé l'utilisation du DPP tant
• La nature des données cliniques disponibles
et aussi longtemps que cette fonctionnalité ne fut pas
était limitée. HNS contenait principalement des résultats
intégrée au nouveau système.
de laboratoires. Les données provenant de la radiologie
ont, pour leur part, été rendues disponibles plus tardiEn somme, la faible variété et la quantité des
vement. Également, les médecins auraient souhaité
informations cliniques disponibles dans HNS a été
avoir accès à une gamme beaucoup plus large de foncun élément majeur expliquant la faible utilisation des
tionnalités du genre de celles normalement retrouvées
médecins malgré leur intérêt initial élevé. La littérature
dans un DPE telles la gestion de la prescription des
16
scientifique est claire en la matière et confirme les observations faites lors de la phase de pilotage (Karahanna et al.
1999). Les attentes des cliniciens sont élevées et à
la mesure de leurs contraintes d'exercice de la médecine.
Conséquemment, l'accès rapide, au moment opportun,
à de l'information utile et valide deviennent des conditions
minimales. À ce niveau, le DPP n'a pas su réunir, lors
de la phase de pilotage, un minimum de conditions
en favorisant l'adoption.
4.2.2.3 Impact de deux stratégies classiques
de minimisation du risque
Une stratégie souvent mise de l'avant pour
améliorer l'adoption d'un système d'information est
la participation des utilisateurs à la conception et à
la paramétrisation du système. Cette stratégie a été
mise en pratique dans le cadre du projet vitrine mais
elle aurait pu l'être de façon plus judicieuse en ce sens
que le comité des utilisateurs a rendu ces avis sans
connaître le contexte spécifique de déploiement du DPP.
Ainsi, les médecins participants à ce comité ont émis
des avis de façon générale sans référence concrète aux
services cliniques où le système allait être déployé.
Nous observons donc qu'un processus de consultation
trop général peut entraîner la conception d'une solution
technologique insuffisamment définie qui finalement
ne convient à personne. Un processus de consultation
visant à répondre aux besoins spécifiques d'utilisateurs
bien identifiés aurait été plus utile.
De surcroît, la familiarité des médecins impliqués
sur ce comité avec le système HNS était plutôt théorique
que pratique. Ces médecins n'ont pas expérimenté euxmêmes le DPP en contexte de simulation. Leurs avis
sont donc là aussi demeurés très généraux.
Finalement, le nombre de médecins participant
à ce comité était relativement réduit. De plus, compte
tenu de leur emploi du temps et de leur faible disponibilité,
l'assiduité des médecins aux réunions du comité fut
épisodique et discontinue ; ce qui a encore nuit à la pertinence de l'expertise normalement obtenue d'un tel comité.
La phase de pilotage a éloquemment illustré ces
insuffisances. Le cas du déploiement retardé au service
de l'urgence, faute d'une fonction de mise à jour continue
des données, constitue un bon exemple. Il s'agit d'un
problème qui a d'emblée entraîné une forte réaction
des médecins concernés. Ce type de problèmes, évidents
du point de vue des utilisateurs, aurait normalement
pu être identifié et solutionné plus tôt.
Une seconde stratégie concerne la formation des
utilisateurs. Celle-ci fut, pour une part, sous la responsabilité de quelques médecins et, d'autre part, sous
celle d'archivistes médicales. À l'usage, il ressort que
la formation offerte par un médecin était, du point de vue
des médecins, de qualité supérieure à celle offerte par
les archivistes. Les médecins formateurs avaient le double
avantage d'utiliser un langage technique médical et
de cibler les aspects pratiques et pertinents du DPP
pour les médecins futurs utilisateurs. Les archivistes,
quant à elles, ont eu tendance à couvrir l'ensemble
des fonctions du système et, de cette manière, ont offert
une formation moins spécifique et personnalisée en
regard aux besoins des médecins.
Enseignement 9:Le risque humain représente un risque
important lors de l'implantation d'un DPP. Une telle application informatique est confrontée à de très fortes exigences
en termes d'utilité, de validité, de convivialité et de performance
technique (voir enseignements 1 et 4). De surcroît, il ne faut
pas perdre de vue que tous les systèmes administratifs en place
entourant le dossier papier traditionnel sont conçus et opérés
pour minimiser le fardeau clérical du médecin. L'introduction
d'une application informatique que le médecin doit opérer
lui-même et intégrer de façon efficace à sa pratique médicale
représente donc un défi de taille.
Enseignement 10:L'adoption du DPP par les médecins
est fonction de la variété et de la quantité de données cliniques
disponibles dans l'entrepôt de données. Les données cliniques
normalement retrouvées dans un DPE doivent être disponibles
dans le DPP afin de maximiser l'intérêt des médecins et autres
cliniciens. La proportion de patients dont les données figurent
dans le DPP doit également être élevée pour créer une nouvelle
habitude chez les utilisateurs. En somme, une masse critique
de données (résultats de requêtes, imagerie diagnostic, prescriptions, etc.) et de patients doit être assurée afin de maximiser
les chances d'adoption du DPP de la part des médecins.
Enseignement 11 : La participation des usagers à
la personnalisation de l'application informatique demeure
une mesure importante permettant de diminuer le risque
humain normalement associé à ce type de projet. Cette participation doit toutefois être menée de façon contextualisée
puisque chaque spécialité médicale et chaque service clinique
a ses exigences particulières en matière de personnalisation
du DPP. L'objectif de réaliser une interface uniforme, sans
prise en compte des particularités locales, augmente ainsi
le risque de résistance vis-à-vis le DPP.
Enseignement 12:Un des avantages reconnus d'un DPP,
du point de vue des médecins, réside en la capacité de faire
des recherches rapides permettant de trouver l'information
clinique désirée ; un avantage que peu très difficilement offrir
le dossier papier traditionnel. Dans cette perspective, il semble
judicieux de réfléchir au contenu de l'entrepôt de données
cliniques dès les tous débuts d'un projet. Cette stratégie permet
de diminuer le risque humain en offrant aux médecins une valeur
ajoutée recherchée. Cet aspect rejoint l'analyse du risque
légal abordé plus loin dans ce texte.
17
4.2.3 Analyse du risque organisationnel
L'analyse du risque humain porte sur les relations
individuelles de chaque utilisateur avec la technologie.
La gestion de ce risque représente, comme nous l'avons vu,
un facteur névralgique au déploiement réussi d'un DPP
mais les relations individuelles demeurent lacunaires
si elles n'englobent pas un autre type de risque, le risque
organisationnel. Ce risque permet d'élargir la notion
des relations utilisateur – technologie en prenant
en considération le fait que le travail professionnel
en milieu clinique est fondamentalement un travail
collectif. L'analyse de risque organisationnel permet
de prendre en compte le fait que les cliniciens, incluant
les médecins, sont dépendants les uns des autres dans
la gestion de l'information clinique concernant les patients.
À ce niveau, le DPP, tout comme le dossier papier,
doit être conçu en fonction d'un mode collectif d'organisation. Ce mode comporte des exigences au plan
de la gestion individuelle et collective des données
cliniques ainsi que de leur partage entre des équipes et
des organisations différentes.
Cette adaptation du travail collectif au DPP doit
également prendre en compte le caractère parcellaire
du DPP. Le DPP, tant qu'il ne contiendra pas toutes
les informations cliniques nécessaires à l'organisation
des soins, demeure complémentaire au dossier papier.
Dans ce contexte, le DPP et le dossier traditionnel
papier doivent être conçu comme un et un seul système
d'information. Ce système doit recueillir et présenter
l'ensemble de l'information clinique nécessaire à tous
les membres de l'équipe de soins, incluant le médecin
traitant, les médecins consultants, les infirmières et
autres professionnels. La minimisation du risque
organisationnel implique la conception d'un dispositif
informationnel où les deux systèmes d'information
(format papier et format électronique) cœxistent et sont
complémentaires.
La gestion du risque organisationnel se situe
au niveau de cette triple interdépendance : les besoins
en information clinique, le dossier papier et le dossier
électronique. L'articulation entre les deux systèmes
d'information, papier et électronique, doit être planifiée
et offrir au personnel soignant un environnement informationnel et communicationnel adapté à leurs besoins
d'informations et à l'organisation du travail clinique.
À cet égard, la phase de pilotage représentait
un risque particulièrement élevé. Comme il ne s'agissait
pas d'un réel déploiement du DPP et, compte tenu
de la briéveté et du faible nombre de médecins concernés
par la phase de pilotage, les efforts d'analyse du contexte
organisationnel des unités de soins impliqués, les efforts
de recherche de complémentarité avec le dossier médical
papier et les efforts d'adaptation des processus de gestion
de l'information à l'arrivée du DPP furent minimaux.
La phase de pilotage n'a donc pas offert une harmonisation
efficace entre les nouvelles pratiques exigées par le DPP
et celles associées au système papier en place. Le principal
du fardeau d'adaptation au DPP fut donc à la merci
des efforts individuels des médecins volontaires. Il n'est
donc pas étonnant de constater que l'analyse du risque
organisationnel du projet vitrine a surtout mis en lumière
des facteurs qui ont eu un effet démobilisant sur l'utilisation du DPP. Mais il n'en demeure pas moins que
ces facteurs sont importants. La littérature spécialisée
insiste sur leur importance qui, malheureusement,
entraîne des effets néfastes sur plusieurs projets d'implantation de systèmes d'information, notamment dans
le domaine de la santé. Ajoutons que cet aspect était
d'autant plus névralgique pour le projet vitrine que
les attentes exprimées par les médecins à l'égard
de la compatibilité entre le DPP et les processus organisationnels étaient très élevées (6,2 sur une échelle de 7–voir
tableau 4). Dans la suite de l'analyse du risque organisationnel, nous insistons sur le facteur principal qui fut
à l'origine des principales difficultés rencontrées. Il s'agit
d'un phénomène fréquent où l'on porte trop d'attention
à l'innovation prise isolément sans prendre en compte
le contexte plus large.
4.2.3.1 Double source informationnelle
Le DPP était un entrepôt de données devant
principalement contenir les résultats de laboratoires
et d'imagerie médicale. Par conception, le DPP
représentait donc une solution partielle de dossier qui
ne pouvait en aucune façon se substituer complètement
au dossier médical papier. Cette situation implique que
les utilisateurs devaient recourir à deux systèmes
différents, le système papier et le système électronique,
pour obtenir l'information complète nécessaire à leurs
activités cliniques. Dans un tel cas, l'harmonisation entre
les deux systèmes représente un risque important. Une
harmonisation réussie, celle où les deux systèmes apparaissent comme un seul système, favorise l'utilisation
du système informatisé alors que, dans le cas contraire,
une faible intégration augmente le risque d'une faible
utilisation du DPP ; car l'utilisateur supporte lui-même
alors le fardeau de l'intégration informationnelle entre
les deux systèmes.
Le risque est d'autant plus élevé que, compte
tenu de la nature parcellaire du DPP, la tentation
demeure grande chez l'utilisateur de se fier à un seul
système. En cette matière, le système conventionnel
papier bénéficiait de plusieurs avantages sur le DPP.
Premièrement sa richesse informationnelle était
supérieure. Le dossier papier contenait l'historique
complet des résultats de laboratoire alors que la période
historique du DPP était très courte et, de surcroît,
18
potentiellement fragmentaire selon le moment où
le consentement du patient était donné. Du point de vue
des médecins, les informations fournies par le DPP
risquaient fort d'être tronquées et incomplètes. Deuxièmement, lors de la phase de pilotage, les médecins
étaient les seuls professionnels visés par l'utilisation
du DPP alors que les autres cliniciens maintenaient
l'usage usuel du système papier traditionnel. Dans
ce contexte, il était beaucoup plus simple et rapide pour
les médecins de maintenir leurs habitudes surtout
en situation de fortes activités cliniques; ce qui fut le cas
notamment au service de l'urgence de l'Hôpital Ste-Justine
où oeuvraient la majorité des médecins participants.
Enseignement 13:Tout comme le risque humain, le risque
organisationnel représente un risque majeur lors du déploiement
d'un DPP. Tout comme d'autres technologies émergentes
telles le PACS et la dictée numérique centralisée, le DPP
entraîne inévitablement des ramifications et des ajustements
importants au niveau des processus administratifs et cliniques
lors de son implantation sur le terrain. De tels changements
doivent donc être planifiés soigneusement. La réussite d'un tel
exercice de réingénierie requiert habituellement la collaboration
de trois types de professionnels au sein de l'équipe de projet :
un ou plusieurs représentant des médecins visés par le
changement ; un ou plusieurs représentants du fournisseur
d'application (volet TI) ; et un ou plusieurs spécialistes
en développement / changement organisationnel. La complémentarité des expertises est nécessaire à l'atteinte d'une
transformation organisationnelle réussie lors du déploiement
du DPP.
Enseignement 14 : Le DPP doit pouvoir s'intégrer
harmonieusement aux processus usuels de gestion et
de circulation de l'information clinique. En fait, les équipes
de projet devraient modifier leurs perceptions et leurs façons
de faire de manière à délaisser une vision unilatéraliste
de déploiement d'applications informatiques pour élargir
leur vision vers le déploiement de systèmes d'information
hybrides combinant à la fois l'électronique et le papier.
4.2.3.2 Un DPP : un système interorganisationnel
ou intraorganisationnel?
Le projet vitrine demandait aux médecins d'utiliser
un système électronique, le DPP, alors que l'utilisation
de tels systèmes n'était pas pratique courante dans
deux des hôpitaux participants. Seul l'hôpital St-Eustache
possédait au début du projet vitrine un Dossier Patient
Électronique. De plus, l'opportunité de pouvoir utiliser
un DPP était limitée dans la mesure où le nombre
d'échanges de patients entre les établissements participants était faible. Le recours au DPP était donc a priori
un événement plutôt inconstant en comparaison de
l'usage du dossier papier qui, lui, concerne systématiquement tous les patients. Afin de remédier à cette
situation qui représentait un risque élevé de faible
utilisation du DPP, il a été décidé en cours de projet
de repositionner le DPP afin de le présenter comme
étant également un dossier médical interne. Ce changement
de cap visait à rehausser la valeur du DPP aux yeux
des médecins participants à la phase de pilotage.
Les médecins de l'Hôpital Ste-Justine ont ainsi eu accès
à tous les résultats cliniques produits pour tous
les patients de l'hôpital car la question de l'obtention
d'un consentement pour le transfert de données entre
établissements ne se posait pas dans ce cas.
Ce virage n'a pas toutefois offert les bénéfices
espérés. Deux éléments ont joué en sa défaveur.
Le repositionnement du système est venu tard dans
le projet et n'a pas remplacé le concept de partage
de données entre des établissements différents. De plus,
cette nouvelle vision n'a pas entraîné les ajustements
requis à la conception du DPP. Un bon exemple de ce
manque est le problème de l'absence d'une fonctionnalité
de mise à jour continue des données qui a été constaté
par les médecins de l'urgence pendant la phase de pilotage.
Une vision initiale mieux adaptée au contexte aurait pu
diminuer le risque en la matière.
Enseignement 15 : La vision de l'équipe de projet
constitue un facteur clé de succès lors du déploiement d'un DPP.
Cette vision consiste à 1) identifier les objectifs poursuivis
en matière d'accès à l'information, de redondance d'examens
de laboratoire, d'adoption de normes cliniques, etc.; 2) anticiper
les défis et / ou embûches techniques, humains et organisationnels qui surviendront tout au long du projet ; 3) identifier
les stratégies à mettre en place afin de surmonter ces difficultés ;
et 4) identifier les acteurs clés à impliquer aux moments
opportuns afin de réaliser les stratégies de gestion du changement
technologique. Bref, c'est la vision qui détermine en grande
partie les décisions et choix ultérieurs, notamment au plan
technique, humain et organisationnel.
Enseignement 16:L'harmonisation du DPP aux modes
opérationnels en usage est un élément important de gestion
du changement. Cette préoccupation, mise en lumière tôt dans
le projet, peut diminuer le risque d'échec en permettant
une plus grande personnalisation de la solution et une meilleure
harmonisation du DPP avec les systèmes conventionnels.
Un choix précoce du ou des sites de déploiement, des usagers
cibles et des clientèles visées permet d'ancrer la réalisation
du projet et le déploiement du DPP dans une réalité bien
concrète et ainsi faciliter le développement d'une vision
essentielle à la réussite du projet (voir enseignement 15).
4.2.4 Analyse du risque managérial
Tel que discuté dans la première section de ce
rapport, le DPP constitue une innovation technologique
d'envergure. Il touche le cœur de la pratique clinique et
19
entraîne, comme nous l'avons vu, des risques majeurs
au plan technologique, humain et organisationnel. Le DPP
concerne l'organisation et la qualité des soins, des domaines
où la responsabilité et le pouvoir des professionnels
sont grands. Aussi, le DPP implique une standardisation
des pratiques de gestion de l'information entre des organisations différentes, autonomes et indépendantes. Par
conséquent, le risque associé à la qualité de la gestion
de tels projets représente un élément névralgique
du succès attendu. Notre analyse du risque managérial
nous a permis d'identifier plusieurs éléments qui ont
eu un effet sur le niveau de ce risque.
4.2.4.1 Taille et qualité de l'équipe de gestion
de projet
Le projet vitrine de DPP a été victime d'un net
décalage entre l'ampleur et la complexité du projet et
l'amplitude de l'investissement managérial consenti
par les hôpitaux participants. L'équipe, nommée
responsable de la gestion du projet, était compétente et
très motivée, mais sa taille était beaucoup trop réduite
pour mener à terme un tel projet d'autant qu'il n'y avait
aucune personne d'attitrée à temps plein au projet.
De surcroît, le principal des efforts de l'équipe de gestion
de projet est venu du personnel de l'Hôpital Ste-Justine.
Les deux autres hôpitaux avaient des équipes encore
plus petites et encore moins disponibles. Seule la firme
informatique IBM avait du personnel en nombre suffisant
et à temps plein ; ce qui était justifié pour un projet
d'une telle complexité. Pendant ce temps, tous les membres
de la petite équipe de gestion du projet, mobilisée par
les trois hôpitaux participants, ont assumé la responsabilité
du projet vitrine tout en assumant simultanément
d'autres responsabilités importantes.
Cette situation a accentué le risque managérial
associé au projet. Le nombre réduit des ressources managériales des trois hôpitaux consacrées au projet vitrine
a entraîné une situation où la majeure partie des efforts
de ces ressources a été mobilisée par la gestion
des ententes contractuelles avec la firme IBM et les
fournisseurs des interfaces techniques. Ces efforts
étaient essentiels mais ont entraîné une prépondérance
trop forte des aspects techniques au dépend d'une gestion
qui se devait d'être attentive aux risques humains et
organisationnels.
Il faut ajouter que ce problème a été avivé par
une carence budgétaire au niveau du financement accordé
au projet vitrine. Le budget accordé était maigre considérant l'ampleur et l'envergure du projet vitrine.
Aucune réserve financière n'avait été prévue pour faire
face aux aléas normaux d'un projet d'expérimentation
d'une innovation technologique majeure. Le principal
du financement a été accaparé par l'achat d'équipement
informatique et la rémunération de l'expertise conseil
en informatique. La part résiduelle offerte aux hôpitaux
n'a pas permis de déployer une équipe de gestion à
la hauteur des défis.
4.2.4.2 Volatilité des acteurs clés
Le projet vitrine a vécu un fort roulement de personnel. Un nombre appréciable d'acteurs clés ont quitté
le projet en cours de route tant au niveau des hôpitaux
participants que du Ministère de la santé et des services
sociaux. Il faut bien sûr s'attendre à un certain nombre
de départs sur de tels projets de longue durée mais,
dans le cas présent, le projet vitrine a joué de malchance
compte tenu du taux particulièrement élevé observé
qui a sérieusement rehaussé le niveau du risque managérial.
Ce phénomène accentue le problème précédent de la faible
taille de l'équipe de gestion de gestion. Cette observation
milite en faveur de la mise en place d'équipes de gestion
de projet de plus grande taille. Les départs seraient alors
moins perturbateurs diminuant d'autant le risque associé.
4.2.4.3 Influence externe et escalade
de la complexité du projet
Le projet de DPP bénéficiait du statut de projet
vitrine ; ce qui lui confère une envergure nationale et donc
une visibilité élevée. Cette situation a entraîné une hausse
du risque managérial de deux manières. D'abord, le projet
a été d'emblé vu par plusieurs comme devant établir
des standards uniformes pour l'ensemble du système
de santé québécois. Cette vision a impliqué un recours
à des critères conséquents pour plusieurs des décisions
stratégiques du projet de DPP. Ainsi, des aspects
importants et complexes, comme le développement des
interfaces techniques, la question de la confidentialité
des données cliniques ainsi que de la gestion du consentement sont devenus des enjeux qui ont dépassé
le cadre d'un projet expérimental. Le caractère expérimental
du projet a ainsi laissé place à une série de choix
ministériels devant établir des standards pour l'ensemble
du système de santé. Inutile de dire que ce contexte
a complexifié le processus décisionnel et allongé le délai
de prise de décision augmentant d'autant le risque
managérial associé à la gestion du projet vitrine.
Les décisions prises n'étaient plus des solutions locales
au projet vitrine, sujettes à l'expérimentation de manière
à tirer ultérieurement des enseignements sur des solutions
nationales efficaces. Les solutions adoptées par le projet
vitrine se devaient d'emblée d'être des solutions nationales
devant satisfaire les besoins de tous et, conséquemment,
rencontrer une série de critères également nationaux.
Ainsi, l'accentuation des enjeux associés au projet
vitrine ont entraîné une intervention importante d'acteurs
20
externes. Une influence externe forte s'est donc exercée
sur le déroulement du projet. Le Ministère de la santé
et des services sociaux et la Commission de l'accès à
l'information ont ainsi eu une influence importante sur
la prise de décisions stratégiques du projet. Somme
toute, la notion de projet vitrine a été comprise et
appliquée par plusieurs intervenants comme un cas
exemplaire devant servir à établir des normes provinciales
et des systèmes informatisés provinciaux (ex., la gestion
du consentement du patient, les interfaces techniques)
plutôt que d'être une expérimentation utile pour tirer
des leçons provinciales pouvant guider l'établissement
de normes et de systèmes standardisés.
Cette situation a également entraîné une attention
particulière à la gestion de l'image publique au niveau
de l'ensemble du projet et chez chacune des organisations
impliquées. Ce contexte a eu tendance à favoriser
une gestion de projet conservatrice ; ce qui n'est pas un
environnement le plus fertile pour susciter l'innovation
et la transformation des façons de faire.
En somme, alors que l'on observe habituellement
une désescalade des objectifs pendant le déroulement
dans de tels projets complexes en technologie de l'information, le projet vitrine de DPP a subi pour sa part
une pression exactement contraire. Malgré les grandes
difficultés inhérentes à ce projet, nous avons assisté
à une escalade des objectifs visés. Inutile d'insister
pour conclure que le niveau de risque managérial a subi
une hausse exponentielle.
Enseignement 17 : Les projets de déploiement de DPP
au sein de réseaux de soins intégrés sont des projets ayant
une portée stratégique. Il faut ainsi consentir un investissement
conséquent dans la qualité et la taille de l'équipe de gestion
de projet qui doit mener à terme de tels projets. En raison
de la complexité et de l'ampleur de tels projets, la présence
d'un noyau d'acteurs clés dédiés à temps plein à la planification,
la gestion et la réalisation du projet est essentielle. Ce noyau
d'acteurs doit représenter des expertises complémentaires
pertinentes qui sont le volet clinique, le volet technologique
et le volet développement / changement organisationnel (voir
enseignement 13).
Enseignement 18 : Il existe une tension forte entre
le caractère expérimental d'un projet et le désir d'établir
des normes provinciales. Compte tenu de la complexité de ce type
de projet, l'expérimentation et l'évaluation apparaissent
essentielles. Il serait toutefois souhaitable de laisser une plus
grande marge de manœuvre au noyau d'acteurs clés (voir
enseignement 17) dans le cadre de projets expérimentaux,
et ce, afin de favoriser l'innovation. Une telle stratégie n'entre
aucunement en conflit avec l'objectif de tirer des leçons donnant
lieu à l'élaboration de normes et de standards nationaux.
4.2.5 Analyse du risque stratégique
L'analyse des risques technologique, humain et
organisationnel se situe au niveau de la production
des soins et relève du niveau opérationnel. Les organisations et les acteurs impliqués dans ce type de projet
entretiennent également des visions stratégiques qui sont
liées à leurs intérêts propres. Le déploiement d'un DPP
représente un type de projet qui requiert la collaboration
de plusieurs organisations différentes dans un contexte
où l'ampleur des changements organisationnels est majeure
et où les besoins en ressources humaines et financières
sont considérables. Dans un tel contexte, le niveau de
participation et d'adhésion de chacun à l'objectif collectif
est influencé par la valeur prêtée au projet en vertu
de ses propres visées stratégiques. Cette situation
commande une gestion stratégique au sens où il faut
pouvoir intéresser tous les partenaires organisationnels
tout en les rassemblant autour d'objectifs communs.
4.2.5.1 Stratégies organisationnelles individuelles
et stratégie collective du réseau
Au départ, le projet vitrine mettait en réseau
des organisations aux missions divergentes : un CHU
pédiatrique, deux hôpitaux pour adultes dotés d'une
mission secondaire pour enfants et quatre cliniques
médicales. Le DPP représentait ainsi un projet ayant
des visées et des enjeux différents selon les organisations
impliquées. Plus particulièrement, le projet de DPP
représentait une valeur stratégique élevée pour le CHU
alors qu'il était beaucoup moins central aux intérêts
de deux autres hôpitaux chez qui la clientèle pédiatrique
est moins volumineuse. Les bénéfices espérés de part
et d'autres étaient donc différents et cela ne fut pas sans
influencer les efforts humains et financiers consentis
dans chacun des établissements participants.
Dans un tel contexte, une gestion stratégique
globale devient essentielle. L'équipe de projet doit
analyser la valeur stratégique du projet du point de vue
de chacun des partenaires et élaborer une série d'incitatifs qui sauront intéresser chacun des partenaires.
Ce n'est que dans la mesure où l'on parvient à intéresser
chacun des partenaires que le risque stratégique pourra
être contrôlé.
4.2.5.2 Stratégies commerciales
des partenaires privés
Tel que décrit dans la première section de ce rapport,
le DPP implanté dans le cadre du projet vitrine a pris
la forme d'un entrepôt de données qui intègre des données
produites par une série de systèmes patrimoniaux
soutenus par diverses firmes privées. Le transfert des
21
données cliniques entre ces différents systèmes et l'entrepôt
de données HNS a nécessité le développement de 18 interfaces techniques distinctes qui ont dû être développées par
des firmes plus ou moins en concurrence commerciale
à la fois entre elles et avec la firme fournissant
la solution HNS. Un tel contexte entraîne une situation
délicate où, à nouveau, une gestion stratégique du projet
en fonction des intérêts individuels des participants est
cruciale.
4.2.6 Le risque légal
4.2.5.3 L'après projet
4.2.6.1 Architecture technologique et droit
Le projet vitrine était un projet autonome au plan
des objectifs et du financement. Il bénéficiait donc d'un
budget autonome et protégé permettant sa réalisation.
Par contre, le devenir du DPP postérieurement au projet
vitrine est demeuré inconnu jusqu'à la toute fin. Cette
situation a eu un effet négatif sur la volonté de participation des cliniciens sollicités et des organisations
partenaires. Le risque associé à cette situation est d'autant
plus important que les efforts exigés pour la conduite
d'un projet d'une telle complexité sont importants.
Une architecture centralisée impliquant un serveur
unique accueillant l'entrepôt de données est une solution
avantageuse du point de vue technique (facilité entretien,
sécurité, coût financier). Par contre, cette architecture,
qui centralise les données cliniques provenant de plusieurs
établissements, pose problème selon le cadre légal
québécois actuel qui prescrit à chaque établissement
de santé d'être le seul responsable de la conservation
des données cliniques des patients qu'il traite. L'adoption
d'une architecture technologique centralisé a impliqué
un risque légal important qui a eu un impact important
sur le déroulement du projet. Deux conséquences principales se sont manifestées.
Enseignement 19:Les projets visant la mise en réseau
de plusieurs établissements de santé, sous-jacents à des projets
technologiques comme le DPP, requièrent une réflexion sur
la collaboration interorganisationnelle qui va bien au-delà
de la seule dimension technologique. La portée stratégique
du projet constitue un élément clé qui a des impacts majeurs
sur l'intérêt et la contribution de chacun des membres dans
la réalisation du projet. Il est donc essentiel que chaque partenaire
ait un intérêt stratégique élevé dans la poursuite du projet
technologique afin de stimuler non seulement sa participation
mais également son engagement et son implication.
Enseignement 20 : Des efforts devraient être investis
dès le début du projet afin d'étayer une analyse de la portée
stratégique du projet qui permettra ultimement de répondre
à des questions telles : Quels sont les intérêts stratégiques
prioritaires de chacun des partenaires? Quels incitatifs peuvent
être créés afin d'intéresser chacun des partenaires dont
on sollicite la participation? Comment doit-on positionner
un projet collectif de manière à ce qu'il représente une valeur
stratégique pour chacun des partenaires organisationnels?
Enseignement 21 : Compte tenu des efforts humains
et organisationnels exigés par le déploiement de technologies
de l'information complexes tel le DPP, il semble essentiel
de planifier en cours de réalisation ce qu'il adviendra de la technologie implantée (et les changements organisationnels associés)
une fois le projet expérimental terminé. Sans réassurance à
ce niveau, il semble difficile de mener des expérimentations
mobilisatrices pour l'ensemble des partenaires impliqués et
pour l'ensemble du réseau de la santé.
Les aspects déontologiques et légaux en matière
de protection de la vie privée et de gestion du consentement
des patients ont été un enjeu fondamental qui n'est pas
sans avoir des effets importants sur la conception et
le déploiement du DPP. Dans cette section, nous
analysons l'impact qu'a eu ce phénomène sur le niveau
de risque associé au projet vitrine.
4.2.6.2 Gestion du consentement et
accumulation de données cliniques
Les aspects légaux ont joué un rôle important
dans le déroulement du projet vitrine. Une décision, prise
au tout début du projet, selon une perspective légale,
a effectivement eu un impact direct sur l'intérêt des
cliniciens à utiliser le DPP lors de la phase de pilotage.
Il fut décidé que l'obtention du consentement du patient
était une condition essentielle pour effectuer le transfert
de données cliniques vers l'entrepôt de données HNS.
Cette décision, qui découlait d'une décision ministérielle
de développer une solution informatique provinciale
uniforme pour le système de gestion du consentement
du patient, a entraîné une série de conséquences
malheureuses.
Le choix et l'opérationnalisation de l'application
provinciale a subi un nombre important de retards
associés à l'importance des enjeux pour l'ensemble
du système de santé ; ce qui a eu pour effet de retarder
la sollicitation des patients participants au projet vitrine.
Par ailleurs, comme le consentement des patients était
exigé préalablement à l'accumulation des données,
l'historique des données disponibles dans HNS a été
réduit à quelques semaines. Si l'archivage électronique
des données avait débuté au début du projet, il aurait
alors été possible de rendre disponible aux cliniciens
un recul historique de près de trois ans. D'un point
22
de vue strictement technique une telle décision aurait
été possible puisque les systèmes patrimoniaux étaient
en place et traitaient électroniquement les données
au moment d'amorcer le projet expérimental. Il aurait
donc été possible d'accumuler les données tôt et
de se donner le temps de trouver ultérieurement une
solution acceptable d'un point de vue juridique.
L'intérêt des données rendues disponibles par
le DPP a ainsi été sérieusement miné du point de vue
des médecins. Parmi les principaux désavantages,
citons le fait que les médecins risquaient de disposer
d'un historique tronqué du dossier du patient qui
ne disposait des données produites avant l'obtention
du consentement. De même, le dossier pouvait être
tronqué ultérieurement dans la mesure où la durée
du consentement était limitée à une période de 12 mois.
Par la suite, il fallait reprendre les démarches pour
obtenir à nouveau un consentement préalable. Dans
un tel contexte, il n'est pas surprenant de constater que
les médecins ont mis en doute l'utilité d'un DPP présenté
comme un dossier médical interétablissement complet.
Le niveau du risque légal aurait pu être minimisé
en adoptant des mécanismes de consentement conformes
à ceux du dossier médical papier ; ce qui aurait permis
de respecter le cadre légal en place. Actuellement,
un patient qui voit un médecin peut donner son consentement à la consultation d'une copie de son dossier
médical conservé dans un autre établissement de santé.
Une copie du dossier papier est alors acheminée.
Le même mécanisme pourrait être appliqué au DPP.
Il s'agit d'accumuler dans l'entrepôt de données, en continu,
les données électroniques provenant des établissements
partenaires (sur des serveurs distribués dans les établissements ou sur un serveur central où la juridiction exclusive
de conservation des données demeure à l'établissement
fournissant les données). Par la suite, lorsqu'un patient
se présente dans n'importe quel établissement du réseau,
il s'agit de solliciter son consentement au moment
du traitement. Dès que le consentement du patient est
acquis, le médecin obtient alors instannément l'accès
à toutes les informations disponibles dans l'entrepôt
de données. Le DPP devient alors, en temps réel et
à distance, un dossier partagé réunissant toutes les
données disponibles qui les rend accessibles à l'équipe
de soins alors même que le patient est en traitement.
Enseignement 22 : Sans dénier l'importance du droit,
il est important d'évaluer l'effet sur les utilisateurs que peuvent
avoir les règles de fonctionnement issues du cadre juridique
qui sont utilisées pour opérer une technologie de l'information,
comme le DPP. Ces règles ont un impact direct sur le fonctionnement des équipes de soins et sur la qualité des données
cliniques tel que perçus par les professionnels de la santé.
Ces facteurs ont un effet direct sur la propension des médecins et
des cliniciens à adopter ou non un DPP.
5. Conclusion – Sommaire
synthèse
Ce rapport présente les résultats d'une recherche
évaluative dont l'objectif premier était de tirer un ensemble
d'enseignements liés aux enjeux technologiques, humains,
organisationnels, managériaux, stratégiques et légaux
entourant le déploiement d'un Dossier Patient Partageable
(DPP) au sein d'un réseau de soins intégrés. Le déploiement
d'un DPP représente une innovation complexe et il n'est
pas étonnant de constater que le déroulement du projet
fut semé d'embûches et d'aléas qui ont remis en question
la planification initiale. L'important à la fin de cette
expérimentation n'est pas de statuer ce qui a bien
fonctionné ou non. Le véritable intérêt est plutôt de
se pencher sur les enseignements que cette expérimentation
nous offre pour l'avenir. Les connaissances produites
doivent être utiles pour éclairer les décisions futures
d'un éventuel déploiement à plus large échelle.
De façon générale, il faut comprendre et retenir
que le succès d'un projet de DPP, tel que celui décrit
dans le présent rapport, réside dans la capacité de l'équipe
de projet à résoudre simultanément plusieurs équations.
Précisément, notre analyse révèle que le risque associé
à ce type de projet est multidimensionnel et que les diverses
composantes ou dimensions du risque sont, jusqu'à
un certain point, mutuellement dépendantes (voir
structure imbriquée à la figure 1). A leur tour, chacune
des dimensions du risque comprend une série d'enjeux
et de défis majeurs qui devront tous être anticipés
et éventuellement surmontés afin de maximiser
les chances de réussite.
Une telle gestion requiert une vision holistique
du projet et de ses enjeux. La participation d'acteurs
clés ayant des connaissances et expertises complémentaires
et qui sont dédiés à temps plein au projet prend alors
tout son sens. Le défi de l'équipe de projet consiste
à parvenir à maintenir le cap, en préservant le caractère
fondamental du DPP, tout en demeurant flexible et
imaginatif pour concilier de multiples logiques divergentes et fluctuantes selon les moments du projet.
Incluant la logique novatrice, issue du DPP qui forme le
cœur du projet, il faut parvenir à concilier d'autres
logiques essentielles comme les logiques humaine,
organisationnelle, stratégique et légale. Chacune
de Àces logiques présentent à la fois des opportunités
et des écueils qu'il faut savoir capturer ou surmonter.
De surcroît, cette gestion du changement doit
être exercée à l'endroit d'une innovation embryonnaire
et complexe. Le DPP présente un caractère très novateur
de développement d'une technologie de l'information
méconnue dans le domaine de la santé. Le DPP propose
un dossier patient développé sur la base d'un concept
23
récent en système d'information : l'entrepôt de données
(Data Warehouse). Cette solution offre plusieurs avantages
aux plans informationnel et communicationnel. Le principal
permet de mettre à profit le potentiel des technologies
issues de l'Internet afin de s'affranchir des barrières
spatiales usuelles présentes entre des services d'une même
organisation ou d'organisations différentes. Cette solution
surmonte l'incompatibilité existant entre des systèmes
informatiques différents. Elle permet la récupération
des données produites et stockées sur les systèmes
informatiques patrimoniaux existants et leur intégration
au sein d'une base de données unique, l'entrepôt
de données. Ainsi, grâce à des réseaux de télécommunications sécurisées, la communication rapide des données
cliniques entre des lieux de soins différents peut être
réalisée sans contraintes de distance. Le DPP peut donc
être utilisé comme un dossier centralisé et partagé donnant
accès aux dossiers des patients d'établissements différents.
En terminant ce rapport, il nous paraît important
d'en rappeler l'essentiel, à savoir les 22 enseignements
que l'analyse du projet vitrine a permis d'identifier.
Ceux-ci sont regroupés selon la nature des six risques
qui ont été évalués.
Risque technologique
Enseignement 1:Le déploiement d'un DPP représente
un risque technologique important compte tenu du caractère
à la fois novateur et complexe de cette technologie émergente.
Le risque technologique est présent à plusieurs niveaux :
le choix de l'application informatique elle-même, la compatibilité
de l'application avec les systèmes d'information patrimoniaux
en place, la fiabilité et la performance du réseau de télécommunications ainsi que le temps-réponse du DPP. De surcroît,
ces facteurs sont étroitement interreliées les uns aux autres
augmentant d'autant le niveau de risque.
Enseignement 2 : L'objectif de développer des réseaux
de soins intégrés exerce une certaine pression sur les établissements de santé en matière d'informatisation. Nous observons
toutefois qu'il semble difficile et périlleux de déployer un système
interorganisationnel d'échanges de données cliniques dans
un contexte où les établissements participants n'ont pas
ou très peu de systèmes informatisés de données cliniques en
place. Afin de maximiser les chances de réussite d'un projet
de DPP, les efforts d'informatisation devraient d'abord être
investis à l'interne pour ensuite être orientés vers la mise
en place du réseau intégré, de sorte à s'assurer que chaque
établissement puisse avoir atteint un niveau minimal
de sophistication technologique. Il semble judicieux à notre
avis de considérer en premier lieu l'intégration et le partage
des informations existant déjà sous forme numérique dans
les systèmes informatiques en place comme on l'a réalisé
dans le projet vitrine.
Enseignement 3 : La capacité à transférer un ensemble
disparate de données cliniques au sein d'un même entrepôt
de données demeure un enjeu technique central de tout projet
d'implantation de DPP. En effet, la compatibilité, à la fois
technique (ex. plateformes et environnements) et clinique
(ex. nomenclature, dictionnaire de données) entre le DPP et
l'ensemble des systèmes patrimoniaux en cause est souvent
source de difficultés et d'embûches techniques majeures mais
demeure néanmoins une condition essentielle de réussite.
Ainsi, une planification minutieuse des besoins en matière
d'interfaces (passerelles) semble nécessaire en début de projet
afin de produire un échéancier réaliste.
Risque humain
Enseignement 4 : L'adoption d'un DPP est principalement influencée par le niveau d'utilité perçue de cette
technologie. L'utilité du DPP doit être clairement démontrée
et communiquer aux médecins qui, suite à une certaine forme
d'appropriation de la technologie, pourront à leur tour jouer
un rôle clé de leader d'opinions auprès de leurs pairs.
Enseignement 5 : Le niveau de compatibilité entre
les caractéristiques de la technologie (fonctionnalités) et
les processus cliniques en place semble constituer un facteur
clé de succès aux yeux des médecins utilisateurs.
Enseignement 6 : Les médecins ayant la plus forte
intention d'adopter le DPP sont ceux qui, notamment, ont
développé et qui démontrent une attitude positive vis-à-vis
la technologie. Ces attitudes positives sont principalement
et largement influencées par le fait que les futurs utilisateurs
ont été exposés aux effets bénéfiques liés à l'usage du DPP
et qu'il leur est possible de communiquer ces mêmes bénéfices
à leurs pairs (voir enseignement 4).
Enseignement 7 : L'influence des chefs d'unités
cliniques, de la direction du centre hospitalier, des pairs et
des membres du comité directeur associé au projet DPP
ne s'avère pas être prédictive des intentions des médecins à
l'égard de l'adoption du DPP.
Enseignement 8 : Plus les médecins se sentent en
contrôle ou perçoivent maîtriser les rudiments et les fonctionnalités du DPP, plus ils ont la ferme intention d'adopter
l'outil dans le cadre de leur travail. Ce résultat met
en lumière deux facteurs clés de succès des projets technologiques en santé, soit : 1) facilité d'utilisation du DPP
et 2) qualité de la formation dispensée aux médecins.
Enseignement 9 : Le risque humain représente
un risque important lors de l'implantation d'un DPP.
Une telle application informatique est confrontée à de très
fortes exigences en termes d'utilité, de validité, de convivialité
et de performance technique (voir enseignements 1 et 4).
De surcroît, il ne faut pas perdre de vue que tous les systèmes
24
administratifs en place entourant le dossier papier traditionnel
sont conçus et opérés pour minimiser le fardeau clérical
du médecin. L'introduction d'une application informatique
que le médecin doit opérer lui-même et intégrer de façon efficace
à sa pratique médicale représente donc un défi de taille.
Enseignement 10:L'adoption du DPP par les médecins
est fonction de la variété et de la quantité de données cliniques
disponibles dans l'entrepôt de données. Les données cliniques
normalement retrouvées dans un DPE doivent être disponibles
dans le DPP afin de maximiser l'intérêt des médecins et autres
cliniciens. La proportion de patients dont les données figurent
dans le DPP doit également être élevée pour créer une nouvelle
habitude chez les utilisateurs. En somme, une masse critique
de données (résultats de requêtes, imagerie diagnostic,
prescriptions, etc.) et de patients doit être assurée afin
de maximiser les chances d'adoption du DPP de la part
des médecins.
Enseignement 11 : La participation des usagers à la
personnalisation de l'application informatique demeure une
mesure importante permettant de diminuer le risque humain
normalement associé à ce type de projet. Cette participation
doit toutefois être menée de façon contextualisée puisque
chaque spécialité médicale et chaque service clinique a
ses exigences particulières en matière de personnalisation
du DPP. L'objectif de réaliser une interface uniforme, sans
prise en compte des particularités locales, augmente ainsi
le risque de résistance vis-à-vis le DPP.
Enseignement 12:Un des avantages reconnus d'un DPP,
du point de vue des médecins, réside en la capacité de faire
des recherches rapides permettant de trouver l'information
clinique désirée ; un avantage que peu très difficilement offrir
le dossier papier traditionnel. Dans cette perspective, il semble
judicieux de réfléchir au contenu de l'entrepôt de données
cliniques dès les tous débuts d'un projet. Cette stratégie permet
de diminuer le risque humain en offrant aux médecins
une valeur ajoutée recherchée. Cet aspect rejoint l'analyse
du risque légal abordé plus loin dans ce texte.
Risque organisationnel
Enseignement 13 : Tout comme le risque humain,
le risque organisationnel représente un risque majeur lors
du déploiement d'un DPP. Tout comme d'autres technologies
émergentes telles le PACS et la dictée numérique centralisée,
le DPP entraîne inévitablement des ramifications et des ajustements importants au niveau des processus administratifs
et cliniques lors de son implantation sur le terrain. De tels
changements doivent donc être planifiés soigneusement.
La réussite d'un tel exercice de réingénierie requiert
habituellement la collaboration de trois types de professionnels
au sein de l'équipe de projet : un ou plusieurs représentant
des médecins visés par le changement ; un ou plusieurs
représentants du fournisseur d'application (volet TI) ; et
un ou plusieurs spécialistes en développement / changement
organisationnel. La complémentarité des expertises est nécessaire
à l'atteinte d'une transformation organisationnelle réussie
lors du déploiement du DPP.
Enseignement 14 : Le DPP doit pouvoir s'intégrer
harmonieusement aux processus usuels de gestion et de circulation
de l'information clinique. En fait, les équipes de projet devraient
modifier leurs perceptions et leurs façons de faire de manière
à délaisser une vision unilatéraliste de déploiement d'applications informatiques pour élargir leur vision vers le déploiement
de systèmes d'information hybrides combinant à la fois
l'électronique et le papier.
Enseignement 15:La vision de l'équipe de projet constitue
un facteur clé de succès lors du déploiement d'un DPP. Cette
vision consiste à 1) identifier les objectifs poursuivis en matière
d'accès à l'information, de redondance d'examens de laboratoire,
d'adoption de normes cliniques, etc.; 2) anticiper les défis et/ou
embûches techniques, humains et organisationnels qui
surviendront tout au long du projet; 3) identifier les stratégies
à mettre en place afin de surmonter ces difficultés; et 4) identifier
les acteurs clés à impliquer aux moments opportuns afin
de réaliser les stratégies de gestion du changement technologique. Bref, c'est la vision qui détermine en grande partie
les décisions et choix ultérieurs, notamment au plan technique,
humain et organisationnel.
Enseignement 16: L'harmonisation du DPP aux modes
opérationnels en usage est un élément important de gestion
du changement. Cette préoccupation, mise en lumière tôt
dans le projet, peut diminuer le risque d'échec en permettant
une plus grande personnalisation de la solution et une meilleure
harmonisation du DPP avec les systèmes conventionnels.
Un choix précoce du ou des sites de déploiement, des usagers
cibles et des clientèles visées permet d'ancrer la réalisation
du projet et le déploiement du DPP dans une réalité bien concrète
et ainsi faciliter le développement d'une vision essentielle à
la réussite du projet (voir enseignement 15).
Risque managérial
Enseignement 17 : Les projets de déploiement de DPP
au sein de réseaux de soins intégrés sont des projets ayant
une portée stratégique. Il faut ainsi consentir un investissement
conséquent dans la qualité et la taille de l'équipe de gestion
de projet qui doit mener à terme de tels projets. En raison
de la complexité et de l'ampleur de tels projets, la présence
d'un noyau d'acteurs clés dédiés à temps plein à la planification,
la gestion et la réalisation du projet est essentielle. Ce noyau
d'acteurs doit représenter des expertises complémentaires
pertinentes qui sont le volet clinique, le volet technologique
et le volet développement / changement organisationnel (voir
enseignement 13).
25
Enseignement 18 : Il existe une tension forte entre
le caractère expérimental d'un projet et le désir d'établir
des normes provinciales. Compte tenu de la complexité
de ce type de projet, l'expérimentation et l'évaluation apparaissent essentielles. Il serait toutefois souhaitable de laisser
une plus grande marge de manœuvre au noyau d'acteurs clés
(voir enseignement 17) dans le cadre de projets expérimentaux,
et ce, afin de favoriser l'innovation. Une telle stratégie n'entre
aucunement en conflit avec l'objectif de tirer des leçons donnant
lieu à l'élaboration de normes et de standards nationaux.
Risque stratégique
Enseignement 19 : Les projets visant la mise en réseau
de plusieurs établissements de santé, sous-jacents à des projets
technologiques comme le DPP, requièrent une réflexion
sur la collaboration interorganisationnelle qui va bien au-delà
de la seule dimension technologique. La portée stratégique
du projet constitue un élément clé qui a des impacts majeurs
sur l'intérêt et la contribution de chacun des membres dans
la réalisation du projet. Il est donc essentiel que chaque partenaire
ait un intérêt stratégique élevé dans la poursuite du projet
technologique afin de stimuler non seulement sa participation
mais également son engagement et son implication.
Enseignement 21 : Compte tenu des efforts humains
et organisationnels exigés par le déploiement de technologies
de l'information complexes tel le DPP, il semble essentiel
de planifier en cours de réalisation ce qu'il adviendra de
la technologie implantée (et les changements organisationnels
associés) une fois le projet expérimental terminé. Sans réassurance à ce niveau, il semble difficile de mener des expérimentations
mobilisatrices pour l'ensemble des partenaires impliqués et
pour l'ensemble du réseau de la santé.
Risque légal
Enseignement 22 : Sans dénier l'importance du droit,
il est important d'évaluer l'effet sur les utilisateurs que peuvent
avoir les règles de fonctionnement issues du cadre juridique
qui sont utilisées pour opérer une technologie de l'information,
comme le DPP. Ces règles ont un impact direct sur le fonctionnement des équipes de soins et sur la qualité des données
cliniques tel que perçus par les professionnels de la santé. Ces
facteurs ont un effet direct sur la propension des médecins et
des cliniciens à adopter ou non un DPP.
Enseignement 20 : Des efforts devraient être investis
dès le début du projet afin d'étayer une analyse de la portée
stratégique du projet qui permettra ultimement de répondre
à des questions telles : Quels sont les intérêts stratégiques
prioritaires de chacun des partenaires? Quels incitatifs peuvent
être créés afin d'intéresser chacun des partenaires dont on sollicite
la participation? Comment doit-on positionner un projet collectif
de manière à ce qu'il représente une valeur stratégique pour
chacun des partenaires organisationnels?
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Adresse de correspondance
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Secteur santé publique
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